LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE
DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES
QUÉBEC MONTRÉAL, le 16 octobre 1992
DISTRICT D'APPEL DEVANT LE COMMISSAIRE: Gilles ROBICHAUD
DE MONTRÉAL
RÉGION: LAURENTIDES AUDITION TENUE LE: 27 mai 1992
DOSSIER: 20613-64-9007
DOSSIER CSST: 0206 181 A: Montréal
MONSIEUR SERGE ÉTHIER
175, rue Comtesse
Lafontaine (Québec)
J7Y 4M6
PARTIE APPELANTE
et
ROLLAND INC.
1, avenue Rolland
Case postale 850
Saint-Jérôme (Québec)
J7Z 5V6
PARTIE INTÉRESSÉE
D É C I S I O N
Le 12 juillet 1990, monsieur Serge Éthier, le travailleur, en appelle à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) d'une décision rendue par un Bureau de révision le 3 juillet 1990.
Le Bureau de révision refuse la demande du travailleur parce que celui-ci n'a pas démontré avoir présenté sa réclamation dans le délai de six (6) mois prévue à l'article 270 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c.A-3.001) (la loi), et «qu'il n'a justifié aucun motif à son retard». Ce faisant, le Bureau de révision confirme la décision de la décision rendue le 26 mai 1989 qui refusait la réclamation du travailleur pour le même motif et, au surplus, parce qu'il n'y aurait pas de relation entre la lésion déclarée par le travailleur et l'événement du 6 février 1988.
L'employeur est Papier Rolland Inc.
OBJET DE L'APPEL
Le travailleur demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision du Bureau de révision, de déclarer que sa réclamation a été faite dans le délai prévu par la loi ou, à tout le moins, qu'il avait un motif raisonnable pour être relevé de son défaut, et enfin, de reconvoquer les parties pour une audition sur le bien fondé de son appel.
Les parties ont demandé à n'être entendues que sur cette question de délai.
Par ailleurs, les parties conviennent, qu'advenant que la Commission d'appel accueille le présent appel, elle pourra demeurer saisie de la question de fond et en disposer, sans pour autant qu'il y ait nécessité de retourner le tout au Bureau de révision. Cette façon de procéder est d'ailleurs celle que privilégie la Commission d'appel.
LES FAITS
Le 9 février 1988, un rapport d'enquête et d'analyse d'accident du Service de prévention de l'employeur fait état d'un accident survenu au travailleur, à sa jambe gauche. Suite à un faux pas, le pied du travailleur aurait glissé «dans l'espace pour les courroies». L'accident aurait été déclaré la journée même, c'était un vendredi. Le travailleur aurait rencontré le médecin de la compagnie (le docteur Léonard) le lundi suivant, soit le 9 février 1988.
Le 9 juin 1988, le docteur Bernard Tran-Van, orthopédiste, à la demande du docteur A. Hurtubise, médecin ayant charge du travailleur, rapporte que:
«Ce patient de 33 ans a un syndrome de chondromalacie bilatéralement, comme le montre l'examen clinique. Il n'y a rien au niveau méniscal, ni au niveau ligamentaire.»
Le 9 août 1988, le docteur André Hurtubise prescrit un arrêt de travail pour «chondromalacie au genou gauche».
Le 16 août 1988, l'employeur remplit un formulaire de déclaration pour les fins de l'assurance-salaire. Il n'est aucunement fait mention d'un accident du travail pour justifier la période d'invalidité du travailleur.
Ce même jour, le docteur Hurtubise diagnostique une chondromalacie au genou gauche plus importante qu'à droite, prescrit une infiltration au genou gauche et dirige le travailleur en physiothérapie.
Le 25 août 1988, le docteur Robert Lanthier, physiatre, prolonge l'incapacité du travailleur pour chondromalacie et remplit le formulaire de déclaration du médecin pour les fins d'assurance à nouveau. Encore une fois, il n'est question que de maladie et non d'accident du travail.
Le 21 septembre 1988, le docteur J.L. Ramirez-Belmonte, physiatre, remplit à son tour le formulaire du médecin pour les assurances, prolonge l'incapacité du travailleur pour maladie et ne mentionne rien relativement à un accident du travail.
Le 22 novembre 1988, nouvelle prolongation d'incapacité signée par le docteur Ramirez-Belmonte, avec les mêmes considérations qu'antérieurement.
Le 14 février 1989, le docteur S. Van Duyse prend charge du travailleur et diagnostique, entre autres:
«Continuest pain in left ankle and now left knee.»
Le 23 février 1989, suite à une arthrographie du genou gauche demandée par le docteur Van Duyse, le protocole radiologique indique ce qui suit:
«(...)
Il existe une déchirure longitudinale en anse de seau ou en languette pédiculée au niveau de la jonction de la partie antérieure et moyenne de la corne antérieure du ménisque interne...»
Le 10 mars 1989, le docteur Van Duyse remplit à son tour le formulaire de déclaration du médecin et, pour la première fois, apparaît la mention accident de travail, avec la date de l'arrêt de travail au 8 août 1988.
Le 14 mars 1989, le docteur Van Duyse remplit une attestation médicale pour la Commission, inscrit le 6 février 1988 comme date de l'événement initial. Il pose un diagnostic d'arthralgie au genou gauche et souligne le résultat de l'arthrographie, soit une déchirure au ménisque interne, s'interrogeant même sur la possibilité de séquelles permanentes.
Le 21 mars 1989, le travailleur fait sa réclamation à la Commission. Il décrit l'événement comme suit:
«Suite à mon accident du 06-02-88, j'ai toujours eut des problèmes à mon genou gauche. J'ai fait de la physio, n'ai pas passé d'examen. Avec de la physio, devait se passer, mais j'avais toujours mal. Suis allé vois un autre md (spécialiste) qui m'a fait passer un examen (résultat ci-joint) qui prouve mon problème. J'ai cessé de travailler le 08-08-88.» (sic)
Le 24 mars 1989, le travailleur rédige sa réclamation à la Commission et on y retrouve la même description que sur la demande de remboursement de l'employeur, avec un ajout cependant:
«....... J'ai travaillé du 06-02-88 au 08 - 08-88».
Par la même occasion, l'employeur conteste qu'il y ait relation entre la rupture méniscale et l'événement du 6 février 1988.
Le 26 mai 1989, la Commission refuse la réclamation du travailleur, d'une part parce que celui-ci a excédé le délai de six (6) mois prévu à la loi pour faire sa réclamation et, d'autre part, parce qu'il n'y a pas de relation entre l'événement du 6 février 1988 et sa chondromalacie.
Le 19 juin 1989, le travailleur demande la révision de cette décision. Plus tard, une lettre explicative relativement à son accident du travail apporte les précisions suivantes:
«Le 6 février 1988, à 9 h 30, j'ai eu un accident de travail à la jambe gauche (pour le rapport, voir le document 1). Comme la douleur était toujours présente, je suis allé voir le médecin de la compagnie Rolland, le 9 février 1988. Notez bien qu'entre les 2 jours, je n'ai pas travaillé, j'étais en congé.
Le médecin m'examina et son verdict était que la douleur allait disparaître avec le temps.
Mais, ce ne fût pas le cas. Après 1 mois 1/2, le 19 mai 1988, je suis allé voir mon médecin de famille, il m'examina et en conclu que j'avais le "chondromalacie" et me prescrit des exercices à faire, ce que je fis, et me fixa un rendez-vous avec le Docteur Tran-Van (orthopédiste) le 9 juin 1988.
Ce même docteur me prescrit des exercices spécifiques à faire et que s'il n'y avait pas d'amélioration, il lui faudra envisager une arthroscopie pour vérification de la face postérieure de ma rotule (doc. no 3).
Notez que ni le Docteur Hurtubise, ni le Docteur Ramirez n'ont jamais penser à me faire passer une arthroscopie.
Le 8 août 1988, j'arrêtai de travailler et je suis allé voir le Docteur Ramirez. J'ai fais de la physiothérapie du 2 septembre 1988 au 14 janvier 1989.
Le 14 janvier 1989, le Docteur Ramirez voulait me retourner au travail et me dit que j'apprendrais à travailler avec ma douleur.
Le 14 février 1989, je changeai de médecin et je suis allé voir le Docteur Van Duyse, qui a été le seul à me faire passer des tests approfondis. Il me fit passé une arthroscopie au genou gauche. Le résultat est que j'ai le ménisque déchiré (voir le document no 4).
Lorsque je revis le Docteur Van Duyse, il me confirma qu'il s'agissait d'un accident de travail.
Par la suite, je fis une demande pour accident de travail, à la CSST, le 21 mars 1989 (voir le document no 2). La Compagnie d'Assurance Industriel-Alliance me fît rencontrer leur spécialiste, le Docteur Marc Goulet (m.d. chirurgien-orthopédiste) qui confirma aussi un accident de travail, (voir le document no 5) et les assurances me coupa mon salaire à partir du 1 er juin 1989. J'ai été obliger de faire une demande au Bien-Etre Social.»
Le 3 juillet 1990, le Bureau de révision confirme la décision de la Commission relativement au délai et ne se prononce pas sur la question de la relation.
Le 12 juillet 1990, le travailleur en appelle à la Commission d'appel.
L'audience a lieu le 27 mai 1992.
Le premier témoin à être entendu est madame Céline Charron. Elle est responsable de la santé-sécurité chez l'employeur depuis janvier 1990.
Elle relate la procédure qu'il fallait suivre en 1988 relativement aux accidents. Essentiellement, c'est le travailleur qui devait rapporter à son supérieur l'événement. Le contremaître, quant à lui, devait rédiger le rapport d'accident et, par la suite, selon le cas, le travailleur était dirigé aux soins. Puis, on faisait l'analyse des faits et des recommandations de correction, au besoin.
Elle précise, par la suite, les différentes opérations et le rôle que joue l'employeur dans les différentes phases du processus. C'est l'employeur qui informe le travailleur lorsqu'il s'agit de remplir une déclaration d'accident. Selon les certificats médicaux, il peut s'agir d'une déclaration pour l'assurance-salaire ou encore pour accident de travail, tout dépend.
Dans le cas précis du travailleur, personne n'a parlé d'accident du travail avant le mois de mars 1989. L'employeur n'a donc jamais refusé de remplir le formulaire d'accident de travail pour le travailleur. Le 2 février, il n'y a pas eu de perte de temps et, à cette époque, l'employeur n'était pas tenu de remplir un formulaire d'accident du travail. L'arrêt, quant à lui, a débuté le 8 août 1988 et jusqu'au mois de mars 1989, personne n'a parlé d'accident du travail, mais on a toujours parlé de chondromalacie, c'est-à-dire de maladie personnelle. Ce n'est donc qu'en mars 1989, lorsque l'employeur a pris connaissance de la déclaration du médecin et qu'il s'agissait d'un accident du travail, que lui même a rempli son formulaire de demande de remboursement à la Commission.
Le travailleur est le deuxième témoin à être entendu.
Le travailleur reprend l'historique des événements. Essentiellement, c'est ce que l'on retrouve dans les explications écrites qu'il avait produites en préparation de son audition au Bureau de révision et que l'on retrouve dans les faits ci-haut mentionnés. Il précise à nouveau que, dès que la déchirure du ménisque a été confirmée, c'est également à ce moment qu'il lui a été confirmé que cette déchirure était reliée à l'accident de février 1988. Auparavant, en effet, tous les médecins parlaient de condition personnelle. Il n'a pas perdu de temps, il s'est immédiatement rendu chez l'employeur, apportant son rapport médical. L'employeur s'est empressé de noter sur son formulaire d'assurance-salaire, dès le 10 mars 1989, que le travailleur avait été victime d'un accident du travail.
Le travailleur termine en rappelant qu'il a été effectivement opéré pour la déchirure à son ménisque le 31 août 1989.
ARGUMENTATION
Le travailleur soumet qu'il n'est pas hors délai et que, de toute façon, s'il l'était il avait un motif raisonnable, et pour cette raison, la décision de la Commission, comme celle du Bureau de révision, devraient être infirmées par la Commission d'appel.
En effet, il a déclaré son accident le jour même du 6 février 1988 à son contremaître et un rapport d'accident à bel et bien été rempli le 9 février 1988, après avoir vu le médecin de l'employeur.
En vertu de l'article 270 de la loi, il appartenait à l'employeur de faire le reste et de compléter le formulaire d'accident du travail. Le délai est donc respecté et l'erreur de formulaire n'en est pas une qui, en vertu de la loi, peut entraîner la déchéance du droit d'un travailleur.
Si la Commission d'appel ne retient pas cette partie de son argumentation, le travailleur ajoute que, compte tenu de l'information médicale qu'il possédait jusqu'en février 1989, date de l'arthrographie que l'on a pratiqué à son genou gauche, le travailleur ne savait pas qu'il avait une déchirure à son ménisque. Depuis le début, les médecins lui disent qu'il s'agit de chondromalacie d'origine personnelle. Avec la confirmation, le 10 mars 1989, par le docteur Van Duyse qu'il a bel et bien une déchirure à son ménisque gauche, la relation est faite avec l'événement du mois de février 1988, et le travailleur se rend chez l'employeur pour remplir son formulaire d'accident du travail, le 29 mars 1989. À partir donc du moment où il a pris connaissance qu'il avait une déchirure, il a fait sa réclamation dans les jours qui ont suivi. Il n'est donc pas ici question de hors délai.
Enfin, si la Commission d'appel ne retient ni l'un ni l'autre de ces arguments, il n'en reste pas moins, qu'en vertu de l'article 352, le travailleur a démontré un motif raisonnable pour expliquer son retard, si retard il y a. En ce sens, la Commission d'appel peut infirmer la décision du Bureau de révision, de même que celle de la Commission qui a refusé de reconnaître le motif raisonnable.
Le travailleur soumet deux (2) décisions de la Commission d'appel à l'appui de son argumentation.
Quant à l'employeur, il argue d'abord que le 6 février 1988, il n'y a eu aucune perte de temps, ni incapacité de la part du travailleur. L'employeur n'avait donc pas à remplir aucun formulaire en vertu de l'article 271. Quant à l'article 270, pour une incapacité de plus de quatorze (14) jours, ce délai ne commence pas, contrairement à l'article 272 pour maladie professionnelle, à la date de la connaissance par le travailleur, mais bien au moment de l'invalidité. Le délai de six (6) mois devrait donc se compter à partir du 8 août 1988, date où le travailleur a cessé de travailler.
Quant aux motifs invoqués par le travailleur, d'ordre médical, ils ne peuvent tenir car ce n'est pas aux médecins à faire la relation entre un accident et une lésion, c'est à la Commission et au Bureau de révision. Le travailleur pouvait faire sa demande dès le moment où il a arrêté de travailler le 8 août 1988. Il ne l'a pas fait dans les six (6) mois prévus, il est donc hors le délai. En fait, le travailleur a fait du magasinage et il s'est trouvé, en janvier 1989, un nouveau médecin qui disait comme lui. Il a donc excédé le délai de six (6) mois prévu à l'article 270 et n'a aucun motif raisonnable pour être relevé de son défaut.
Au soutien de son argumentation, l'employeur dépose quatre (4) décisions de la Commission d'appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Suite à une décision d'un Bureau de révision rendue le 3 juillet 1990, le travailleur en a appelé à la Commission d'appel.
Le Bureau de révision avait maintenu la décision de la Commission à l'effet que le travailleur n'avait pas présenté sa réclamation dans le délai de six (6) mois prévu à l'article 270 de la loi et qu'il ne s'était justifié d'aucun motif à son retard.
La Commission d'appel doit donc déterminer, dans la présente cause, si le travailleur a fait ou non sa réclamation dans le délai prévu à la loi et si, le cas échéant, il avait un motif pour justifier son retard.
D'une part, il est bon de rappeler que l'article 270 s'inscrit dans un chapitre qui s'appelle «procédures de réclamation et avis» et que l'article 353 de la loi précise:
353. Aucune procédure faite en vertu de la présente loi ne doit être considérée nulle ou rejetée pour vice de forme ou irrégularité.
C'est à juste titre que la Commission d'appel a toujours été très prudente face à la déchéance d'un droit pour un bénéficiaire de la loi lorsqu'il s'agit de procédures où de formalités. Dans la présente cause, il est clair que l'événement initial invoqué par le travailleur, soit le 6 février 1988, a fait l'objet d'un rapport d'accident, accident qui a d'ailleurs été rapporté le jour même et consigné par écrit quelques jours plus tard, après que le travailleur ait vu le médecin de l'employeur.
L'article 265 qui, lui, est plus important que la question de formules ou de formulaires, a donc été respecté.
265. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle ou, s'il est décédé ou incapable d'agir, son représentant, doit en aviser son supérieur immédiat, ou à défaut un autre représentant de l'employeur, avant de quitter l'établissement lorsqu'il en est capable, ou sinon dès que possible.
1985, c. 6, a. 265.
Au surplus, le rapport d'accident identifie correctement le travailleur et décrit dans un langage ordinaire l'endroit et les circonstances entourant la survenance de l'événement, bien qu'il ne puisse être déterminé ici si cet événement a été la cause d'une lésion professionnelle puisque cette question est une question de fond qui reste encore à débattre.
Conformément à l'article 266, c'est à l'employeur de faciliter au travailleur et à son représentant la communication de cet avis et l'article 266 se termine par:
......... La Commission peut mettre à la disposition des employeurs et des travailleurs des formulaires à cette fin.
Il n'y a ici aucune obligation de formulaire.
Dès le départ, donc, l'événement du 2 février 1988 a été rapporté. Ce n'est, par ailleurs, que le 8 août 1988 que le travailleur s'est retrouvé en incapacité. Qu'il ait ou non pu croire que cette incapacité était due à son accident du travail, les rapports médicaux étaient à l'effet qu'il s'agissait d'une condition personnelle. C'est le diagnostic principal de chondromalacie, rendu par les docteur Tran-Van, Hurtubise, Lanthier, Ramirez-Belmonte, qui a pavé le chemin du travailleur vers l'assurance-salaire plutôt que vers la Commission. Bien sûr, comme le dit l'employeur, ce n'est pas aux médecins comme tel à déterminer la relation entre un événement et une lésion. Cependant, bien mal pris celui qui irait prétendre qu'il a été victime d'un accident de travail alors que tous ses médecins prétendraient qu'il s'agit d'une condition personnelle.
La loi n'oblige sûrement pas le travailleur à faire une réclamation que personne ne peut soutenir. Il faut rappeler ici que nulle part avant les mois de février et mars 1989 n'est-il question de déchirure méniscale au genou gauche du travailleur, nul part avant février 1989 et mars 1989 n'est-il question d'une lésion professionnelle et de l'association entre la déchirure au ménisque et l'événement accidentel qui s'est produit le 6 février 1988.
270. Le travailleur qui, en raison d'une lésion professionnelle, est incapable d'exercer son emploi pendant plus de 14 jours complets ou a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique ou, s'il décède de cette lésion, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la lésion ou du décès, selon le cas.
L'employeur assiste le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, dans la rédaction de sa réclamation et lui fournit les informations requises à cette fin.
Le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, remet à l'employeur copie de ce formulaire dûment rempli et signé".
La déchirure méniscale constitue, possiblement, une lésion professionnelle (ce qui restera à déterminer lors de l'audience au fond) et c'est dans les jours qui ont suivi le diagnostic de déchirure méniscale que le travailleur a fait sa réclamation à la Commission, bien en deçà du délai de six (6) mois prévu à la loi. Il n'est pas étonnant que l'employeur ait plaidé qu'il n'a jamais pensé à remplir de formulaire d'accident du travail puisque les informations dont il disposait étaient à l'effet que le travailleur souffrait d'une chondromalacie, c'est-à-dire d'une maladie personnelle. Ce même employeur s'est empressé de remplir son formulaire de demande de remboursement trois (3) jours après que le travailleur ait fait sa propre réclamation. Donc, avant l'arthrographie du 23 février 1989 et le diagnostic qui a suivi du docteur Van Duyse, le 10 mars 1989, le travailleur n'avait pas de déchirure méniscale mais une condition personnelle que personne ne semblait vouloir contester.
La Commission d'appel conclut donc que le travailleur n'a pas, dans les circonstances, dépassé les six (6) mois prévus par l'article 270 de la loi pour produire sa réclamation. Au surplus, si la Commission d'appel avait dû conclure que le travailleur n'avait pas respecté le délai de l'article 270, elle aurait considéré toutefois que le travailleur avait démontré un motif raisonnable pour expliquer son retard et aurait infirmé, de toute façon, la décision du Bureau de révision et de la Commission. En matière de déchéance de droit d'un bénéficiaire de la loi, la Commission d'appel, encore une fois, se fait très prudente et préfère interpréter la procédure de façon à favoriser le droit plutôt que de l'éteindre.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES
ACCUEILLE l'appel du travailleur, monsieur Serge Éthier, quant au délai pour présenter sa réclamation;
INFIRME la décision du Bureau de révision;
DÉCLARE que le travailleur a soumis sa réclamation dans le délai imparti par la loi;
CONVOQUE les parties pour une audition sur le bien fondé de l'appel à une date qui reste à déterminer.
______________________________________
Gilles ROBICHAUD
commissaire
REPRÉSENTATIONS DES PARTIES
Me Jean Mercure
1103, boul. St-Joseph
Montréal (Québec)
H2J 1L3
(Représentant du travailleur)
Les Consultants Rochon & Ass.
Madame Suzy Chouinard
55, rue Castonguay
Bureau 400
Saint-Jérôme (Québec)
J7Y 2H9
(Représentant de l'employeur)
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.