Décision

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Commissaire à la déontologie policière c. Gauthier

2015 QCCDP 45

 

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION ET DE NON-DIFFUSION

 

COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE

MONTRÉAL

DOSSIERS :

C-2014-4009-3  (14-0006-1, 14-0008-1, 14-0010-1, 14-0012-1,

                             14-0014-1, 14-0016-1, 14-0018-1, 14-0020-1,

                             14-0050-1)

C-2014-4010-3  (14-0050-2)

LE 22 JUILLET 2015

SOUS LA PRÉSIDENCE DE Me PIERRE GAGNÉ

le commissaire à la déontologie policière

c.

L’agent PIERRE-LUC GAUTHIER, matricule 5726

L’agent VINCENT MARCOTTE, matricule 6661

Membres du Service de police de la Ville de Montréal

DÉCISION

 

CITATIONS

C-2014-4009-3

[1]          Le 16 juillet 2014, le Commissaire à la déontologie policière (Commissaire) dépose au Comité de déontologie policière (Comité) la citation suivante :

«          Le Commissaire à la déontologie policière cite devant le Comité de déontologie policière l’agent Pierre-Luc Gauthier, matricule 5726, membre du Service de police de la Ville de Montréal :

Lequel, à Montréal, le ou vers le 2 janvier 2014, alors qu’il était dans l’exercice de ses fonctions, ne s’est pas comporté de manière à préserver la confiance et la considération que requiert ses fonctions à l’égard de monsieur F.P., commettant ainsi autant d’actes dérogatoires prévus à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec (Chapitre P-13.1, r. 1) :

1.    en posant des actes ou en tenant des propos injurieux fondés sur sa condition sociale;

2.    en lui manquant de respect ou de politesse;

3.    en négligeant de prendre les moyens nécessaires pour préserver sa santé en présence de conditions climatiques rigoureuses;

4.           Lequel, à Montréal, le ou vers le 2 janvier 2014, alors qu’il était dans l’exercice de ses fonctions, a abusé de son autorité à l’égard de monsieur F.P., en l’intimidant, commettant ainsi autant un acte dérogatoire prévu à l’article 6 du Code de déontologie des policiers du Québec (Chapitre P-13.1, r. 1) :

5.           Lequel, à Montréal, le ou vers le 2 janvier 2014, alors qu’il était dans l’exercice de ses fonctions, n’a pas respecté l’autorité de la loi à l’égard de monsieur F.P., en négligeant d’intervenir auprès de lui en vertu des dispositions de la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui (Chapitre P-38.001), commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec (Chapitre P-13.1, r. 1). » (sic)

C-2014-4010-3

[2]          Le même jour, le Commissaire dépose au Comité la citation suivante :

«          Le Commissaire à la déontologie policière cite devant le Comité de déontologie policière l’agent Vincent Marcotte, matricule 6661, membre du Service de police de la Ville de Montréal :

1.    Lequel, à Montréal, le ou vers le 2 janvier 2014, alors qu’il était dans l’exercice de ses fonctions, ne s’est pas comporté de manière à préserver la confiance et la considération que requiert ses fonctions à l’égard de monsieur F.P., en négligeant de prendre les moyens nécessaires pour préserver sa santé en présence de conditions climatiques rigoureuses, commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec (Chapitre P-13.1, r. 1);

2.    Lequel, à Montréal, le ou vers le 2 janvier 2014, alors qu’il était dans l’exercice de ses fonctions, n’a pas respecté l’autorité de la loi à l’égard de monsieur F.P., en négligeant d’intervenir auprès de lui en vertu des dispositions de la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui (Chapitre P-38.001) commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec (Chapitre P-13.1, r. 1);

3.    Lequel, à Montréal, le ou vers le 2 janvier 2014, alors qu’il était dans l’exercice de ses fonctions, n’a pas respecté l’autorité de la loi à l’égard de monsieur F.P., en n’intervenant pas face aux manquements déontologiques de l’agent Pierre-Luc Gauthier, matricule 5726, commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec (Chapitre P-13.1, r. 1). » (sic)

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION ET DE NON-DIFFUSION

[3]           Conformément à l’article 229 de la Loi sur la police[1] (Loi), le Comité ordonne que le nom de la personne visée par l’intervention ne fasse l’objet d’aucune publication ou diffusion et qu’aucune information permettant de l’identifier ne soit divulguée de quelque façon que ce soit.

[4]           De plus, le Comité a ordonné que les pièces C-13 et C-14 soient mises sous scellés et que la pièce C-22 soit caviardée afin de garder confidentielles des informations nominatives de proches de M. F.P.

FAITS

La version du Commissaire

[5]           Le 2 janvier 2014, vers 15 h, M. Adis Simidzija, étudiant à la maîtrise en sociologie, est témoin d’une intervention policière aux abords de la station de métro Jean-Talon à Montréal.

[6]           Il remarque un policier qui parle à une personne, soit M. F.P. Ce dernier semble être en situation d’itinérance.

[7]           Ce qui attire son attention, c’est que M. F.P. n’est pas habillé convenablement pour la période de l’année. Il est vêtu d’un bermuda et d’un t-shirt.

[8]           Pourtant, ce jour-là, il fait très froid puisque, selon les relevés des stations d’Environnement Canada, à 15 h, il fait - 24,9 oC avec un refroidissement éolien de -  37 oC à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau et - 25,7 oC avec un refroidissement éolien de - 40 oC à l’aéroport de Saint-Hubert.

[9]           M. Simidzija entend le policier, qui s’avère être l’agent Pierre-Luc Gauthier, dire à M. F.P. que ce n’est pas bien de demander de l’argent aux gens qui travaillent. Pendant ce temps, un autre policier, l’agent Vincent Marcotte, est assis dans la voiture de patrouille du côté passager.

[10]        Le policier continue en mentionnant à l’itinérant que, s’il persiste, il va l’attacher à un poteau pendant une heure pour lui faire comprendre.

[11]        M. Simidzija interpelle le policier pour lui demander s’il n’est pas possible de faire son intervention à l’intérieur. Au même moment, une dame s’arrête un peu en retrait de la scène.

[12]        L’agent Gauthier répond à M. Simidzija qu’il s’agit d’une intervention policière et il lui demande de circuler.

[13]        M. Simidzija recule, sort son téléphone cellulaire et filme la scène.

[14]        Pendant qu’il filme, M. Simidzija entend l’agent Gauthier répéter à M. F.P. qu’il attachera l’itinérant à un poteau s’il n’arrête pas de mendier.

[15]        M. Simidzija affirme que l’agent Marcotte, à bord de la voiture de patrouille, riait de la scène.

[16]        L’agent Marcotte lui demande d’arrêter de filmer, ce qu’il fait.

[17]       Le Commissaire a produit la vidéo[2] prise par M. Simidzija ainsi que deux photographies de l’agent Gauthier[3].

[18]        M. Simidzija demande aux policiers de lui donner leurs numéros matricules ce qu’ils refusent de faire, se bornant à lui pointer le numéro de leur voiture de patrouille.

[19]        Peu après, les agents Gauthier et Marcotte quittent les lieux.

[20]        La dame et M. F.P. rentrent dans l’édicule du métro suivis par M. Simidzija.

[21]        M. Simidzija lui donne quelques vêtements qu’il avait dans son sac.

[22]        La dame donne 5 $ à M. F.P. pendant que M. Simidzija contacte différents refuges susceptibles de lui apporter de l’aide, y compris l’Équipe mobile de référence et d’intervention en itinérance (EMRII) du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

[23]        Il trouve finalement un refuge, la Maison du Père, qui accepte de recevoir M. F.P. Il lui suffit de s’y rendre.

[24]        M. Simidzija descend au niveau du métro avec M. F.P. et il convient avec la préposée de la Société de transport de Montréal (STM) que celui-ci pourra emprunter le métro gratuitement pour se rendre au refuge.

[25]        M. Simidzija revient et fait promettre à M. F.P. de se rendre au refuge. Il retourne par la suite voir la préposée pour échanger avec elle et lorsqu’il revient celui-ci a disparu.

[26]        Depuis le 16 février 2005, M. F.P. fait l’objet d’un régime de protection prononcé par la Cour supérieure[4]. Le Curateur public du Québec a été nommé tuteur pour prendre soin de sa personne et administrer ses biens.

[27]        M. Mathieu Lapointe, du bureau du Curateur public, est le tuteur désigné au dossier de M. F.P. Il informe le Comité que c’est à la demande de M. F.P. que le Curateur a mis fin à son bail d’un logement.

[28]        M. Lapointe ajoute que, depuis le 31 décembre 2013, M. F.P. n’a plus de domicile fixe.

[29]        À la suite de la médiatisation de l’intervention dont a fait l’objet M. F.P., le 2 janvier 2014, celui-ci a été vu à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont puis a été transféré à l’hôpital Jean-Talon où il est toujours hospitalisé à la suite d’une ordonnance de traitement et d’hébergement de la Cour supérieure[5].

[30]        Mme Roxanne Pitre est inspectrice et elle témoigne que, le 2 janvier 2014, elle était au poste de quartier (PDQ) 21 et responsable de l’équipe EMRII du SPVM qui a été mise sur pied en 2008.

[31]        L’équipe EMRII agit sur l’ensemble du territoire de la Ville de Montréal et son mandat est d’améliorer la qualité de vie des itinérants en collaboration avec le Centre de santé et de services sociaux (CSSS) Jeanne-Mance. Il s’agit d’une équipe mixte formée d’un policier et d’un travailleur social.

[32]        Quoique l’équipe EMRII puisse agir sur l’ensemble du territoire de la Ville, son action se concentre principalement dans le secteur Centre-sud, soit les territoires des PDQ 20, 21, 22, 38 et de l’Unité métro.

[33]        L’équipe EMRII travaille du lundi au vendredi de jour, soit de 7 h à 15 h.

[34]        Mme Pitre mentionne également l’Équipe de soutien aux urgences psychosociales (ESUP) qui est composée de policiers du SPVM et d’intervenants sociaux du CSSS Jeanne-Mance qui patrouillent en équipe mixte et interviennent normalement sur appel auprès de personnes en situation de crise ou perturbées mentalement.

[35]        Le 2 janvier 2014, l’équipe EMRII travaillait.

[36]        Interrogée sur le rôle des patrouilleurs relativement à l’application de la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui[6] (Loi P-38), elle répond comme suit :

« En fait, les policiers… On reçoit régulièrement des avis juridiques et les conseillers juridiques de notre contentieux. Les policiers sont au fait de P-38 parce qu’ils transigent avec ça presque au quotidien dans certains quartiers de Montréal. Donc, les policiers sont bien au fait de leurs pouvoirs d’intervention parce que l’agent de la paix a le mandat d’utiliser la force nécessaire pour forcer une personne, s’il pense qu’il y a un danger pour elle-même ou pour autrui. Pour les policiers, P-38 c’est un jargon assez quotidien. »

[37]        Mme Pitre dépose ensuite la directive du SPVM lors d’interventions en santé mentale[7] qui vise notamment les situations où une personne nécessite des soins.

[38]        En raison de la vague de froid qui sévissait, Mme Pitre explique avoir pris l’initiative d’informer ses collègues, le 30 décembre 2013, de la mise en place d’une patrouille préventive qui accorderait une attention spéciale aux endroits fréquentés par les populations en situation de vulnérabilité[8] pour diriger ces personnes vers différentes ressources d’hébergements disponibles et pour effectuer toutes autres démarches appropriées selon les circonstances.

[39]        Enfin, Mme Pitre dépose une note de service de l’inspecteur Yves Pothier[9] du 1er janvier 2014 demandant aux commandants des PDQ et aux groupes d’intervention d’apporter une attention particulière aux personnes sans-abri pendant la vague de froid.

[40]        En janvier 2014, l’inspecteur Alain Gagnon était affecté au PDQ 38. Il s’occupait de la gestion du poste.

[41]        Le 2 janvier 2014, il était en vacances. Vers 22 h, il reçoit un appel du commandant Ian Lafrenière des relations médias du SPVM qui l’informe d’un événement qui va être médiatisé. Il s’agit d’une intervention d’un policier sous sa responsabilité.

[42]        Le commandant Lafrenière fait parvenir copie de la vidéo de l’intervention à l’inspecteur Gagnon et ce dernier lui confirme que l’intervention implique l’agent Gauthier du PDQ 38.

[43]        L’inspecteur Gagnon informe le commandant Lafrenière qu’il va rencontrer l’agent Gauthier le lendemain afin d’en savoir davantage sur le contexte de l’intervention.

[44]        Le soir du 2 janvier 2014, le directeur du SPVM, M. Marc Parent, le contacte afin de lui faire part de ses préoccupations à la suite du visionnement de la vidéo.

[45]        Toujours le soir du 2 janvier 2014, l’inspecteur Gagnon demande au PDQ 35 et à l’équipe ESUP d’essayer de localiser M. F.P. et de lui offrir de l’aide en cas de besoin.

[46]        Le 3 janvier 2014, l’agent Gauthier est démis de ses fonctions supérieures d’agent sénior.

[47]        À cet effet, l’inspecteur Gagnon témoigne :

« Suite à l’événement, parce qu’il faut comprendre une chose, il y avait les propos le soir au niveau du vidéo qui ont été mis dans un contexte le lendemain que j’avais pas le jeudi soir. Malgré le contexte qui était acceptable et très correct. Pour donner l’exemple, pour s’assurer du coaching, parce que un sénior en fait, il prêche par l’exemple. Puis, les propos qui avaient été dits la veille étaient plus ou moins, selon moi, acceptables. »

[48]        En décembre 2014, l’agent Gauthier n’avait pas retrouvé ses fonctions supérieures. Cependant, il a passé avec succès les examens pour devenir superviseur, poste qu’il occupe de façon sporadique.

[49]        Pour l’inspecteur Gagnon, l’agent Gauthier est un excellent policier.

[50]        M. Éric Lefebvre est agent de relations humaines au CSSS Jeanne-Mance. Il a une formation en criminologie et, depuis 2012, il fait partie de l’équipe ESUP. L’équipe est constituée de cinq personnes et travaille tous les jours de la semaine de 15 h 30 à minuit.

[51]        Durant la soirée du 2 janvier 2014, vers 22 h, il est impliqué dans le dossier de M. F.P.

[52]        Avec sa collègue, l’agente Karine Langlois, on leur demande de se présenter au PDQ 35.

[53]        Ils ont une brève rencontre avec M. F.P. qui y a été amené. Dans l’évaluation clinique[10] de M. Lefebvre, on peut lire :

« Le client tient des propos plus ou moins cohérents. Il répond parfois à côté des questions.

Il offre une collaboration minimale. Refuse de répondre à certaines questions.

Lui parlons des événements d’aujourd’hui avec le policier. Client dit ne pas avoir vu de policiers aujourd’hui. Il semble ne garder aucun souvenir des événements du jour. Il affirme ne pas avoir été expulsé du métro aujourd’hui.

Concernant le fait qu’il porte très peu de vêtements sur lui, client ne veut pas en parler. Il dit être en mesure de se débrouiller. Il refuse un manteau d’hiver que les policiers voulaient lui donner. Il refuse aussi de prendre un pantalon et des bottes. Il explique seulement que ses effets personnels sont au métro jean-talon.

Les policiers ont pourtant cherché ses effets dans le métro mais sans succès.

Client ne veut pas aller dans les refuges. Il ne veut pas dire où il va dormir ce soir. Se limite à répéter qu’il va se débrouiller.

Veut retourner dans la rue. Ne veut pas aller au CH. » (sic)

[54]        Après avoir déterminé que l’état de M. F.P. présentait un danger grave et imminent pour lui-même, ils décident d’effectuer un transport à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont.

[55]        Ils s’assurent auprès de l’urgentologue que M. F.P. sera gardé à l’hôpital pour la nuit.

[56]        L’agente Langlois faisait équipe avec M. Lefebvre le soir du 2 janvier 2014. Elle corrobore le témoignage de son coéquipier et précise que l’évaluation de M. F.P. s’est faite dès leur arrivée au PDQ 35, à 23 h 23.

[57]        Elle a rédigé un rapport sur leur intervention[11].

[58]        Elle ajoute qu’elle connaissait M. F.P. pour l’avoir déjà vu en 2012. Selon elle, M. F.P. est un client « entre deux chaises » depuis longtemps.

[59]        Le soir du 2 janvier 2014, étant donné la température ressentie de - 40 °C, l’intention de M. F.P. de rester à l’extérieur malgré l’absence de vêtements adéquats et l’absence de solution raisonnable, ils décident de conduire M. F.P. à l’hôpital.

La version policière

[60]       L’agent Gauthier est policier depuis 11 ans.

[61]       À 14 h 10, le 2 janvier 2014, l’agent Gauthier et son partenaire, l’agent Marcotte, prennent un appel pour se rendre à la station de métro Jean-Talon où un individu quête agressivement dans le passage menant au métro[12].

[62]       Ils sont sur place à 14 h 20. Peu après, ils repèrent M. F.P. sur le quai du métro, direction Côte-Vertu. Ce dernier est torse nu, un t-shirt sur l’épaule, et tend un verre de styromousse aux passants pour quêter. Les policiers constatent qu’il est très insistant et que le tout constitue une infraction au règlement applicable dans les stations de métro.

[63]       L’agent Marcotte lui demande de venir les voir un peu à l’écart et de remettre son chandail.

[64]       L’agent Gauthier informe M. F.P. qu’il est interdit de quêter et il lui demande de s’identifier.

[65]       L’agent Gauthier lui explique qu’il a le mandat de l’expulser du métro.

[66]       Il lui demande s’il a besoin de vêtements et s’il désire qu’ils aillent le conduire quelque part.

[67]       M. F.P. lui mentionne qu’il a un appartement non loin de là sur la rue Drolet, mais sans préciser l’adresse. Il a également des vêtements.

[68]       L’agent Gauthier décide de faire une évaluation rapide de M. F.P.

[69]       Il lui demande quelle journée ils sont, ce à quoi M. F.P. lui répond qu’hier c’était le Jour de l’An.

[70]       Il lui demande ensuite où ils sont. M. F.P. répond qu’ils sont au métro Jean-Talon.

[71]       Enfin, il lui demande le temps qu’il fait à l’extérieur. M. F.P. répond qu’il fait très froid.

[72]       Il poursuit en lui demandant s’il réalise que l’on ne peut aller à l’extérieur vêtu comme il l’est. M. F.P. lui répond qu’il comprend et que s’il avait à aller dehors, il partirait à courir pour retourner à son appartement non loin de là.

[73]       L’agent Gauthier croit déceler un problème de santé mentale, mais conclut, cependant, que M. F.P. ne constitue pas un danger grave et immédiat pour lui-même ou pour autrui.

[74]       Il prend la décision de ne pas lui donner de constat d’infraction, mais il décide de faire des vérifications au Centre de renseignements policiers du Québec (CRPQ). Il demande à M. F.P. de les suivre et celui-ci accepte.

[75]       Ils remontent donc au niveau de la rue et se rendent à l’extérieur de la station à la voiture de patrouille des agents.

[76]       L’agent Marcotte prend place à l’avant du côté passager et entre les données pour les vérifications au CRPQ. L’agent Gauthier ouvre la portière arrière, côté passager, mais M. F.P. refuse l’invitation.

[77]       Les vérifications de l’agent Marcotte démontrent que M. F.P. n’est pas recherché et qu’il n’est pas en bris de conditions.

[78]       Il décide de lui donner un avis verbal de ne plus importuner les passants et il lui permet de retourner dans la station de métro pour se réchauffer. Il lui indique qu’il devra, par la suite, retourner chez lui.

[79]       Dans la vidéo, on entend l’agent Gauthier dire à M. F.P., à une ou à deux reprises, que s’il continue, il va l’attacher à un poteau pendant une heure.

[80]       À l’audition devant le Comité, l’agent Gauthier témoigne :

« Je l’avise que je lui laissais la chance de retourner se réchauffer à l’intérieur. Par contre, je voulais qu’il se tienne tranquille, puis qu’il parle plus aux gens à l’intérieur. Je lui explique que les gens sont pas obligés de lui donner de l’argent, puis que son comportement, fallait qu’il cesse son comportement. Et, à ce moment-là, c’est les propos que j’ai tenus qu’on voit sur le vidéo. Je lui dis que, si il allait continuer, j’allais l’attacher une heure après un poteau. »

[81]       Interrogé par son procureur, l’agent Gauthier explique ses propos comme suit :

« M. F.P., en fait, à un moment donné dans le vidéo on voit très bien, je demande à M. F.P. de me regarder parce que tout le long de l’intervention, M. F.P. il dévie un peu le regard, comme si ça le dérangeait pas tout ce que je lui disais. C’est pour ça que cette fois-là, je lui ai dit “Regardez-moi dans les yeux, regarde-moi dans les yeux” parce que je voulais m’assurer qu’il comprenne que ça commençait à être un comportement qui devait cesser. Donc, les propos que j’ai tenus que je le menaçais de l’attacher après un poteau, pourquoi j’ai tenu ces propos-là, c’était vraiment dans le but ultime que son comportement cesse. Pour que les usagers du métro se sentent un peu plus en sécurité. Il y a beaucoup de gens qui ne prennent pas le métro de Montréal parce qu’ils n’ont pas le sentiment de sécurité à l’intérieur du métro. Si j’ai utilisé des propos assez sévères comme ceux-là, c’était vraiment dans le but que son comportement cesse. »

[82]       M. Simidzija s’approche et lui dit qu’il n’a pas le droit de menacer ainsi M. F.P. L’agent Gauthier lui répond qu’il est dans une intervention et il lui demande de reculer.

[83]       L’agent Gauthier affirme ne jamais avoir ordonné à M. Simidzija de cesser de le filmer. Il lui a simplement demandé de reculer.

[84]       Par la suite, il retourne voir M. F.P. pour lui dire d’entrer dans le métro pour se réchauffer et, par la suite, de retourner chez lui.

[85]       L’agent Marcotte est policier depuis sept ans.

[86]       Il répond avec son partenaire Gauthier à un appel afin de se rendre à la station de métro Jean-Talon.

[87]       Rendus sur place, ils se rendent au bureau de l’agent de sécurité qui leur demande d’expulser une personne qui quête de façon agressive.

[88]       Ils descendent jusqu’à la loge du changeur de la STM. Celui-ci les informe que l’individu est sur le quai en direction de la station Côte-Vertu.

[89]       De fait, ils aperçoivent M. F.P. qui quête de façon insistante.

[90]       Ils lui demandent de venir les rejoindre. L’agent Gauthier parle avec lui pendant que l’agent Marcotte vérifie les environs.

[91]       L’agent Gauthier propose de l’aide à M. F.P., mais celui-ci refuse.

[92]       L’agent Gauthier demande à M. F.P. de s’identifier et l’agent Marcotte note les informations. L’agent Gauthier décide d’aller enquêter sur M. F.P. à partir des informations reçues.

[93]       Ils se dirigent vers la voiture de patrouille où l’agent Marcotte prend place à l’avant du côté passager pendant que l’agent Gauthier ouvre la portière arrière du même côté à M. F.P., mais ce dernier refuse l’invitation.

[94]       L’agent Marcotte effectue les recherches au CRPQ et transmet les informations à l’agent Gauthier.

[95]       L’agent Gauthier continue de parler à M. F.P. en lui expliquant qu’ils ne veulent plus qu’il quête, qu’ils lui donnent une chance et qu’ils le laissent retourner dans la station de métro.

[96]       Relativement aux propos de l’agent Gauthier qui a dit à M. F.P. qu’il l’attacherait à un poteau, l’agent Marcotte témoigne :

« J’ai entendu, oui, tout à fait, j’ai entendu le propos. Puis, moi, bien, connaissant l’agent Gauthier, je vois qu’il utilise un terme que je sais vraiment que ce qu’il dit, il ne le fera pas. Je connais l’agent Gauthier, je vois qu’il utilise un stratagème pour essayer de faire comprendre à M. F.P. qu’on veut plus qu’il dérange les gens. On veut qu’il rentre dans le métro, qu’il fasse plus de vagues. Dans le sens qu’il quête plus, qu’il rentre au chaud, qu’il se repose. Puis, qu’après ça, il se dirige vers sa maison.

J’ai bien entendu les propos. Mais, moi, les propos n’étaient pas inadéquats, au contraire. Comme je vous ai dit, je connais bien l’agent Gauthier. Je sais vraiment qu’il ne mettra pas en œuvre les propos qu’il fait, aucunement. Je voyais ça comme un père qui chicane sa fille… »

[97]       L’agent Marcotte témoigne qu’il n’a pas ri lors de la discussion entre l’agent Gauthier et M. F.P. en ajoutant que rien ne portait à rire.

APPRÉCIATION DE LA PREUVE ET MOTIFS DE LA DÉCISION

C-2014-4009-3

Chef 1

[98]       Le Commissaire reproche à l’agent Gauthier de ne pas s’être comporté de manière à préserver la confiance et la considération que requièrent ses fonctions à l’égard de M. F.P. en tenant des propos injurieux fondés sur sa condition sociale.

[99]       Dans le présent dossier, les propos ne sont pas contestés. L’agent Gauthier a admis avoir menacé M. F.P. de l’attacher à un poteau.

[100]    La question qui se pose est de savoir si ces propos sont injurieux et fondés sur la condition sociale de M. F.P.

[101]    Avec égards, le Comité est d’avis que les propos tenus par l’agent Gauthier ne sont pas liés à la condition sociale de M. F.P.

[102]    De plus, les propos ne sont pas injurieux, en ce sens qu’ils ne constituent pas des termes de mépris proférés à l’encontre de quelqu’un.

[103]    Dans l’affaire Mercier[13], on peut lire :

« [42]   Au cours de son témoignage, Kamal rapporte que les paroles prononcées par l’agent Mercier à son endroit le sont au moment de l’arrivée des renforts alors qu’il dit “Arrête ce con” et plus tard lorsqu’il se trouve au sol immobilisé par les policiers : “Qui va péter la gueule à qui?”.

[43]      Le procureur du Commissaire a déposé devant le Comité la plainte de Kamal dans laquelle sont relatés des propos beaucoup plus graves. Le plaignant n’a pas été interrogé par les procureurs à leur sujet.

[44]      Par ailleurs, l’avocat du policier n’a pas soumis d’arguments qui permettent au Comité de douter que les paroles attribuées à l’agent Mercier par Kamal, dans son témoignage, aient été prononcées. Leur inconvenance atteint-il le caractère injurieux nécessaire pour justifier une conclusion de conduite dérogatoire?

[45]      Le Larousse et Le Petit Robert définissent l’injure comme une “parole qui blesse d’une manière grave et consciente” et les paroles injurieuses comme étant celles qui “blessent, mortifient, outragent ou offensent”. Traiter quelqu’un de con, c’est-à-dire d’imbécile ou d’idiot, c’est faire preuve d’impolitesse, de grossièreté, comme les dictionnaires la définissent, mais il manque le degré de gravité nécessaire pour constituer une injure.

[46]      Au premier paragraphe de l’article 5 du Code, les propos obscènes, blasphématoires et injurieux forment une même famille. Leur gravité est substantiellement supérieure à celle couvrant l’impolitesse.

[47]      Au 4e paragraphe de l’article 5, l’injure est associée à des thèmes précis. Le Code fait de l’injure une dérogation lorsqu’elle est fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’orientation sexuelle, la religion, les convictions politiques, la langue, l’âge, la condition sociale, l’état civil, la grossesse, l’origine ethnique ou nationale, le handicap d’une personne ou l’utilisation d’un moyen pour pallier cet handicap.

[48]      Le paragraphe 5 du l’article 5 du Code réprime le manque de respect et de politesse. C’est donc que le législateur a voulu distinguer l’injure de l’impolitesse. Mais l’agent Mercier n’est pas cité en vertu de ce paragraphe.

[49]      L’utilisation du mot con et de la phrase “Qui va péter la gueule à qui?”, bien que manquant de politesse, au sens du paragraphe 5 de l’article 5 du Code, ne rendent pas ces propos injurieux. » (sic) (Références omises)

[104]    Pour ces raisons, il ne sera pas fait droit à ce chef de la citation.

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Chef 2

[105]    Le Commissaire reproche à l’agent Gauthier de ne pas s’être comporté de manière à préserver la confiance et la considération que requièrent ses fonctions à l’égard de M. F.P. en lui manquant de respect ou de politesse.

[106]    Cette fois, les propos de l’agent Gauthier menaçant M. F.P. de l’attacher à un poteau par un froid polaire constituent, de l’avis du Comité, un manque de respect ou de politesse flagrant.

[107]    Rappelons que le supérieur de l’agent Gauthier, l’inspecteur Gagnon, a qualifié ces propos de plus ou moins acceptables. C’est le moins qu’on puisse dire.

[108]    Même le directeur Parent est venu aux nouvelles se disant préoccupé par de tels propos.

[109]    En défense, l’agent Gauthier a mentionné au Comité qu’il ne voulait pas donner suite à ses menaces à l’endroit de M. F.P., mais qu’il désirait que son comportement dérangeant cesse.

[110]    Le Comité est d’avis que ces propos prononcés à l’endroit d’une personne démunie sont choquants, et ce, peu importe la motivation réelle de l’agent Gauthier.

[111]    En plus d’être malhabiles, ces propos dénotent un manque de respect à l’égard de M. F.P.

[112]    Il sera donc fait droit à ce chef de la citation.

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Chef 3

[113]    Le Commissaire reproche à l’agent Gauthier de ne pas s’être comporté de manière à préserver la confiance et la considération que requièrent ses fonctions à l’égard de M. F.P. en négligeant de prendre les moyens nécessaires pour préserver sa santé en présence de conditions climatiques rigoureuses.

[114]    La preuve démontre que le 2 janvier 2014, en après-midi, la température est de - 25 oC[14].

[115]    Toutefois, la preuve démontre que M. F.P. est à l’intérieur de la station de métro Jean-Talon lorsqu’il est interpellé par les agents Gauthier et Marcotte.

[116]    M. F.P. étant vêtu d’un bermuda et d’un t-shirt, l’agent Gauthier lui demande s’il a besoin de vêtements et s’il peut le conduire quelque part. M. F.P. lui répond qu’il demeure près de la station et qu’il a des vêtements.

[117]    M. F.P. est ensuite conduit à l’extérieur de la station afin que les policiers fassent des vérifications au CRPQ.

[118]    L’agent Gauthier ouvre la portière arrière du côté passager du véhicule de patrouille pour y faire entrer M. F.P. pendant que les vérifications se font. M. F.P. refuse l’invitation.

[119]    Dans ces circonstances, le Comité est d’avis que l’agent Gauthier a pris les moyens nécessaires pour préserver la santé de M. F.P. en présence de conditions climatiques rigoureuses. Il ne sera donc pas fait droit à ce chef de la citation.

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Chef 4

[120]    Le Commissaire reproche à l’agent Gauthier d’avoir abusé de son autorité à l’égard de M. F.P. en l’intimidant.

[121]    Les propos de l’agent Gauthier à M. F.P. selon lesquels il l’attacherait à un poteau s’il ne cessait pas de quêter constituent-ils de l’intimidation? Le Comité n’a aucune hésitation à répondre affirmativement à cette question.

[122]    Rappelons que l’agent Gauthier qualifie lui-même ses propos de sévères.

[123]    Rappelons également que, sur la vidéo prise par M. Simidzija[15], on l’entend dire à l’agent Gauthier : « Vous savez que c’est des menaces que vous n’avez pas le droit de faire monsieur? »

[124]    Pour le Comité, les propos visaient à inspirer de la crainte et de la peur chez M. F.P. pour qu’il arrête de quêter dans le métro.

[125]    Dans le présent dossier, le Comité considère que les propos de l’agent Gauthier étaient nettement excessifs et inappropriés et constituent un abus d’autorité. Il sera donc fait droit à ce chef de la citation.

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Chef 5

[126]    Le Commissaire reproche enfin à l’agent Gauthier de ne pas avoir respecté l’autorité de la loi à l’égard de M. F.P. en négligeant d’intervenir auprès de lui en vertu des dispositions de la Loi P-38.

[127]    La Charte canadienne des droits et libertés[16] et le Code civil du Québec[17] (C.c.Q.) posent le principe de l’inviolabilité et du droit à l’intégrité de la personne.

[128]    À ce sujet, la Cour d’appel[18] rappelle les principes suivants :

« [16] La mise sous garde forcée, fut-elle simplement en établissement hospitalier, n’est en effet pas à prendre à la légère. La liberté de la personne est une des valeurs fondamentales, et même suprêmes, de notre ordre social et juridique, comme le rappellent d’ailleurs et la Charte des droits et libertés de la personne et le Code civil du Québec. Si le législateur permet parfois qu’il soit fait exception à ce principe de liberté, ce n’est jamais que pour des raisons sérieuses et graves, raisons qui doivent être connues et qui doivent par conséquent être exprimées d'une façon explicite, afin qu’elles puissent être contrôlées.

[17] De même, la nature du danger que l’on redoute doit-elle être précisée et explicitée. Il doit également s’agir d’un danger important ou d’un potentiel de danger élevé. Le danger ainsi appréhendé n’a peut-être pas à être imminent (comme ce serait le cas lors d’une garde préventive régie par l’article 7 de la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour eux-mêmes ou pour autrui), mais il doit certainement être sinon probable du moins clairement envisageable dans le présent ou dans un avenir relativement rapproché, ce qui justifie une mise sous garde immédiate. Le tribunal qui conclut à l’existence d’un tel danger doit s’en expliquer. » (Références omises)

[129]    L’article 8 de la Loi P-38 se lit comme suit :

« 8. Un agent de la paix peut, sans l’autorisation du tribunal, amener contre son gré une personne auprès d’un établissement visé à l’article 6 :

1° à la demande d’un intervenant d’un service d’aide en situation de crise qui estime que l’état mental de cette personne présente un danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui;

2° à la demande du titulaire de l’autorité parentale, du tuteur au mineur ou de l’une ou l’autre des personnes visées par l’article 15 du Code civil, lorsqu’aucun intervenant d’un service d’aide en situation de crise n’est disponible, en temps utile, pour évaluer la situation. Dans ce cas, l’agent doit avoir des motifs sérieux de croire que l’état mental de la personne concernée présente un danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui.

Sous réserve des dispositions de l’article 23 et des urgences médicales jugées prioritaires, l’établissement auprès duquel la personne est amenée doit la prendre en charge dès son arrivée et la faire examiner par un médecin, lequel peut la mettre sous garde préventive conformément à l’article 7.

Dans le présent article, on entend par “service d’aide en situation de crise” un service destiné à intervenir dans les situations de crise suivant les plans d’organisation de services en santé mentale prévus par les lois sur les services de santé et les services sociaux. »

[130]    On peut lire que le législateur n’y parle pas de maladie mentale, mais simplement d’état mental.

[131]    Dans l’affaire R. c. M.M.[19], la Cour du Québec fait une analyse des pouvoirs des policiers d’amener de force à l’hôpital une personne qu’ils croient, pour des motifs raisonnables, être dans le processus d’accomplir une tentative de suicide.

[132]    Le tribunal examine la portée de l’article 8 de la Loi P-38 et, à ce sujet, conclut en ces termes :

« [23] En l’absence d’une preuve permettant de conclure qu’aucun intervenant d’un service d’aide en situation de crise n’était disponible, en temps utile, j’estime qu’il est impossible de retenir l’applicabilité des dispositions de ce paragraphe. En conséquence, ici non plus la Poursuite n’a pas réussi à démontrer que cet article fournissait l’autorité nécessaire pour établir que le policier agissait à l’intérieur de ses fonctions. »

[133]    Enfin, il faut rappeler qu’il n’y a aucune présomption de dangerosité du seul fait qu’un diagnostic de maladie mentale a été posé[20].

[134]    Dans le présent dossier, la preuve démontre que l’agent Gauthier est intervenu à la station de métro Jean-Talon à la suite d’appels de citoyens[21] pour un quêteur agressif à l’intérieur de la station.

[135]    L’agent Gauthier témoigne que, sur les lieux, il a fait une analyse rapide de l’état de M. F.P. et que celui-ci était orienté dans le temps et dans l’espace. De plus, il comprenait qu’il faisait froid à l’extérieur.

[136]    L’agent Gauthier en a conclu que M. F.P. ne constituait pas un danger grave et immédiat pour lui-même ou pour autrui, même s’il a cru déceler un problème de santé mentale.

[137]    M. F.P. a été escorté par les agents Gauthier et Marcotte à l’extérieur de la station pour qu’ils effectuent les vérifications au CRPQ. M. F.P. a refusé l’offre de s’asseoir dans le véhicule de patrouille. Les vérifications n’ont duré que quelques minutes et M. F.P. est retourné à l’intérieur de la station.

[138]    Le Comité est lié par le libellé de la citation[22].

[139]    La citation reproche à l’agent Gauthier de ne pas être intervenu auprès de M. F.P. en vertu des dispositions de la Loi P-38.

[140]    Or, l’agent Gauthier ayant conclu que M. F.P. ne constituait pas un danger grave et immédiat pour lui-même, il ne pouvait pas intervenir en vertu de cette loi.

[141]    De plus, l’article 8 de la Loi P-38 stipule que l’agent de la paix peut agir à la demande d’un intervenant d’un service d’aide en situation de crise ou à la demande du titulaire de l’autorité parentale, du tuteur ou d’une des personnes visées à l’article 15 du C.c.Q., ce qui n’était pas le cas ici.

[142]    Il est donc impossible de reprocher à l’agent Gauthier de ne pas être intervenu en vertu de cet article.

[143]    Il est vrai que l’agent Gauthier aurait pu intervenir en vertu des devoirs et des pouvoirs qui lui sont reconnus par la common law et par l’article 48 de la Loi[23]. Cependant, tel n’est pas le reproche qui lui est fait par la citation.

[144]    Pour ces raisons, le Comité ne fera pas droit au présent chef de la citation.

C-2014-4010-3

Chef 1

[145]    Le Commissaire reproche à l’agent Marcotte de ne pas s’être comporté de manière à préserver la confiance et la considération que requièrent ses fonctions à l’égard de M. F.P. en négligeant de prendre les moyens nécessaires pour préserver sa santé en présence de conditions climatiques rigoureuses.

[146]    Pour les mêmes raisons que celles mentionnées sous le chef 3 de la citation C-2014-4009-3, le Comité est d’avis que le Commissaire ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve à l’égard de ce chef de la citation.

C-2014-4010-3

Chef 2

[147]    Le Commissaire reproche à l’agent Marcotte de ne pas avoir respecté l’autorité de la loi à l’égard de M. F.P. en négligeant d’intervenir auprès de lui en vertu des dispositions de la Loi P-38.

[148]    Pour les mêmes raisons que celles mentionnées sous le chef 5 de la citation C-2014-4009-3, le Comité est d’avis de ne pas faire droit à ce chef de la citation.

C-2014-4010-3

Chef 3

[149]    Le Commissaire reproche enfin à l’agent Marcotte de ne pas avoir respecté l’autorité de la loi à l’égard de M. F.P. en n’intervenant pas face aux manquements déontologiques de l’agent Gauthier.

[150]    L’agent Gauthier a menacé M. F.P. de l’attacher à un poteau. Le Comité a conclu que l’agent Gauthier avait ainsi manqué de respect et de politesse à son égard. Le Comité a également conclu que le tout constituait de l’intimidation à l’égard de M. F.P.

[151]    Pour sa part, l’agent Marcotte n’est pas intervenu auprès de l’agent Gauthier face à ces manquements déontologiques.

[152]    Au contraire, l’agent Marcotte témoigne que pour lui les propos de l’agent Gauthier n’étaient pas inadéquats. À l’évidence, il était d’accord avec les propos et décisions de l’agent Gauthier.

[153]    Pour ces raisons, le Comité est d’avis que l’agent Marcotte a dérogé à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec[24] en n’intervenant pas face aux manquements déontologiques de l’agent Marcotte.

[154]     POUR CES MOTIFS, après avoir entendu les parties, pris connaissance des pièces déposées et délibéré, le Comité DÉCIDE :

C-2014-4009-3

Chef 1

[155]     QUE l’agent PIERRE-LUC GAUTHIER, matricule 5726, membre du Service de police de la Ville de Montréal, le 2 janvier 2014, à Montréal, s’est comporté de manière à préserver la confiance et la considération que requièrent ses fonctions à l’égard de M. F.P. et n’a pas posé des actes ou tenu des propos injurieux fondés sur sa condition sociale et que, en conséquence, sa conduite ne constitue pas un acte dérogatoire à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec;

Chef 2

[156]     QUE l’agent PIERRE-LUC GAUTHIER, matricule 5726, membre du Service de police de la Ville de Montréal, le 2 janvier 2014, à Montréal, ne s’est pas comporté de manière à préserver la confiance et la considération que requièrent ses fonctions à l’égard de M. F.P. en lui manquant de respect ou de politesse et que, en conséquence, sa conduite constitue un acte dérogatoire à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec;

Chef 3

[157]     QUE l’agent PIERRE-LUC GAUTHIER, matricule 5726, membre du Service de police de la Ville de Montréal, le 2 janvier 2014, à Montréal, s’est comporté de manière à préserver la confiance et la considération que requièrent ses fonctions à l’égard de M. F.P. et que, en conséquence, sa conduite ne constitue pas un acte dérogatoire à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec;

Chef 4

[158]     QUE l’agent PIERRE-LUC GAUTHIER, matricule 5726, membre du Service de police de la Ville de Montréal, le 2 janvier 2014, à Montréal, a abusé de son autorité à l’égard de M. F.P. en l’intimidant et que, en conséquence, sa conduite constitue un acte dérogatoire à l’article 6 du Code de déontologie des policiers du Québec;

Chef 5

[159]     QUE l’agent PIERRE-LUC GAUTHIER, matricule 5726, membre du Service de police de la Ville de Montréal, le 2 janvier 2014, à Montréal, a respecté l’autorité de la loi à l’égard de M. F.P. et que, en conséquence, sa conduite ne constitue pas un acte dérogatoire à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec.

C-2014-4010-3

Chef 1

[160]     QUE l’agent VINCENT MARCOTTE, matricule 6661, membre du Service de police de la Ville de Montréal, le 2 janvier 2014, à Montréal, s’est comporté de manière à préserver la confiance et la considération que requièrent ses fonctions à l’égard de M. F.P. et que, en conséquence, sa conduite ne constitue pas un acte dérogatoire à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec;

Chef 2

[161]     QUE l’agent VINCENT MARCOTTE, matricule 6661, membre du Service de police de la Ville de Montréal, le 2 janvier 2014, à Montréal, a respecté l’autorité de la loi à l’égard de M. F.P. et que, en conséquence, sa conduite ne constitue pas un acte dérogatoire à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec;

Chef 3

[162]     QUE l’agent VINCENT MARCOTTE, matricule 6661, membre du Service de police de la Ville de Montréal, le 2 janvier 2014, à Montréal, n’a pas respecté l’autorité de la loi à l’égard de M. F.P. en n’intervenant pas face aux manquements déontologiques de l’agent Pierre-Luc Gauthier, matricule 5726, et que, en conséquence, sa conduite constitue un acte dérogatoire à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec.

 

Pierre Gagné, avocat

Me Christiane Mathieu

 

Procureure du Commissaire

 

Me Pierre E. Dupras

 

Procureur de la partie policière

 

Lieu des audiences :      Montréal

 

Dates des audiences :   27, 28, 30 avril et 1er mai 2015

 



[1]       RLRQ, c. P-13.1.

[2]       Pièce C-10.

[3]       Pièce C-11.

[4]       Pièce C-12.

[5]       Pièce C-14 (sous scellé).

[6]       RLRQ, c. P-38.001.

[7]       Pièce C-15.

[8]       Pièce C-16.

[9]       Pièce C-17.

[10]      Pièce C-20.

[11]      Pièce C-22.

[12]      Pièce C-2.

[13]      Commissaire c. Mercier, 2010 CanLII 12846 (QC CDP), confirmé par Mercier c. Simard, 2011 QCCQ 7513.

[14]      Pièce C-9.

[15]      Pièce C-10.

[16]      Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11, art. 7.

[17]      RLRQ, c. C-1991, art. 3, 10 et 27.

[18]      A. c. Centre hospitalier de St. Mary, 2007 QCCA 358.

[19]      2006 QCCQ 18239.

[20]      VD c. Hôpital A, 2013 CanLII 97523 (QC TAQ), voir également : G.G. c. CSSS Richelieu-Yamaska, 2009 QCCA 2359.

[21]      Pièce C-4.

[22]      Dechamplain c. Simard, 2009 QCCQ 5607, paragr. 49.

[23]      R.  c. MM., précitée note 19.

[24]      RLRQ, c. P-13.1, r. 1.

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