COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

RÉGION:

MONTÉRÉGIE

QUÉBEC, le 19 mars 1999

 

DOSSIER:

90735-62B-9708-R

DEVANT LA COMMISSAIRE :

CAROLE LESSARD

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

MARCEL BEAUMONT

 

 

Associations d'employeurs

 

 

LUCY MOUSSEAU

 

 

Associations syndicales

 

 

 

DOSSIER CSST:

112022322

AUDIENCE TENUE LE :

2 février 1999

 

DOSSIER BRP :

62443876

À :

St-Hyacinthe

 

 

 

 

 

DÉCISION RELATIVE A UNE REQUÊTE PRÉSENTÉE

EN VERTU DE L’ARTICLE 429.56 DE LA

LOI SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET LES

MALADIES PROFESSIONNELLES (L.R.Q., c.A-3.001)

 

 

 

 

 

MANON GODBOUT

292, de la Concorde

Saint-Hyacinthe (Québec)

J2S 4N5

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

ET

 

 

 

 

 

SPECIALITÉS MB 1987 INC. (LES)

Éric Murray

5450, av. Trudeau

Saint-Hyacinthe (Québec)

J2S 7Y8

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL - YAMASKA

Directeur régional

2710, rue Bachand, C.P. 430

Saint-Hyacinthe (Québec)

J2S 7B8

                                                         PARTIE INTERVENANTE


DÉCISION

 

[1.]             Le 13 juillet 1998, madame Manon Godbout (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision à l’encontre d’une décision rendue le 20 avril 1998 par la Commission des lésions professionnelles.

[2.]             Cette décision confirme la décision rendue par le Bureau de révision de la région de Yamaska le 19 août 1997 et déclare que madame Godbout n’a pas subi de lésion professionnelle le 29 novembre 1996.

[3.]             À l’audience tenue à St-Hyacinthe le 2 février 1999, l’employeur était présent et représenté par monsieur Éric Murray.  La travailleuse était également présente et représentée par monsieur Paulin Godbout.  Quant à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (C.S.S.T.), elle était représentée par Me Dominique Trudel.

MOYEN PRÉLIMINAIRE RELATIF AU DÉLAI POUR DÉPOSER LA REQUÊTE EN RÉVISION

[4.]             À l’audience tenue devant la présente Commission des lésions professionnelles, s’est soulevée d’emblée la question du délai pour déposer la requête en révision datée du 13 juillet 1998.  En effet, la décision qui fait l’objet de la requête en révision est datée du 20 avril 1998 alors que la Commission des lésions professionnelles accuse réception de la requête datée du 13 juillet 1998, en date du 24 juillet 1998.

[5.]             La représentante de la C.S.S.T. indique que le délai de 45 jours a nettement été outrepassé.  À l’appui, elle réfère aux nouveaux articles 359 et 429.57 entrés en vigueur le 1er avril 1998.

AVIS DES MEMBRES

[6.]             Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis qu’un délai de 60 jours doit être applicable, de façon transitoire, malgré l’entrée en vigueur du nouvel article 359, le 1er avril 1998.

[7.]             Il serait inéquitable, à leur avis, de computer un délai de 45 jours assimilable au délai d’appel et ce, pour les requêtes en révision déposées dans les semaines suivant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions le 1er avril 1998.

[8.]             Cependant, pour l’avenir, les parties doivent s’attendre à devoir déposer les requêtes en révision dans un délai de 45 jours de manière à se conformer à la jurisprudence établie, antérieurement, au sein de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel).

MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

[9.]             La décision dont on demande la révision ayant été rendue le 20 avril 1998, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le nouvel article 429.56, tel qu’adopté par la Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives (L.Q., 1997, c.27) (la loi), doit s’appliquer.  La Commission des lésions professionnelles s’est déjà exprimée dans ce sens dans le dossier Di Lullo et Barils D. et B. Inc[1].

[10.]         Bien que la décision de la Commission des lésions professionnelles soit datée du 20 avril 1998, cette dernière ne fut transmise aux parties qu’en date du 6 mai 1998 et ce, tel qu’il appert d’une lettre signée par une préposée de la Commission des lésions professionnelles, madame Monique Côté-Clareau, secrétaire des commissaires du Bureau de Montréal.  De plus, tel qu’il appert de l’estampille y apposée par la Direction régionale de la C.S.S.T. de Yamaska, la décision y a été reçue en date du 11 mai 1998.

[11.]         Quant à la requête en révision dont on atteste la réception à la Commission des lésions professionnelles en date du 24 juillet 1998, elle y est transmise bien avant, soit le 13 juillet 1998 et ce, tel qu’il appert de la date imprimée au télécopieur.

[12.]         La Commission des lésions professionnelles est ainsi convaincue que la travailleuse a logé sa requête dans un délai raisonnable.

[13.]         La jurisprudence applicable avant le 1er avril 1998 stipulait qu’une requête en révision selon l’article 406 devait être déposée à l’intérieur d’un délai raisonnable d’environ 60 jours assimilable au délai pour en appeler à la Commission d’appel d’une décision rendue par un Bureau de révision.  Toutefois, dans le présent dossier, la décision faisant l’objet de la requête en révision est datée du 20 avril 1998.  En conséquence, le nouvel article 429.56 est donc applicable tel que précisé plus avant dans cette décision.  Ainsi, la décision dont on demande la révision a été rendue peu de temps après l’entrée en vigueur des modifications à la loi, le 1er avril 1998 alors que les parties n’étaient pas nécessairement au fait des implications légales qui pouvaient en découler.

[14.]         Il serait donc inéquitable dans le présent dossier d’imposer à la requérante un délai de 45 jours assimilable au nouveau délai prévu à l’article 359 de la L.A.T.M.P. en vigueur depuis le 1er avril 1998.

[15.]         Sur cette question, la Commission des lésions professionnelles se réfère à une décision récente Marie Moschin et Communauté Urbaine de Montréal[2] qui concluait comme suit :

«Il est intéressant de noter qu’alors que l’ancien article 406 permettant à la Commission d’appel de réviser pour cause ces décisions ne prévoyait aucune règle quant au délai, le nouvel article 429.57 prévoit que le recours en révision doit être exercé dans un délai raisonnable.

 

On peut donc trouver dans la volonté du législateur de réduire les délais comme dans la jurisprudence de la Commission d’appel et de la Cour supérieure de très sérieux arguments militant pour l’avenir en faveur d’un délai raisonnable semblable à celui pour contester la décision devant la Commission des lésions professionnelles.

 

Cependant, dans le présent dossier, la décision dont on demande la révision a été rendue peu de temps après l’entrée en vigueur des modifications à la loi, alors que les parties avaient eu peu de temps pour se familiariser avec elle.

 

Par ailleurs, la travailleuse dit n’avoir reçu copie de la décision rendue qu’au cours du mois de mai, parce que son adresse était incomplète au dossier.  Elle soumet un document de la Commission des lésions professionnelles (Pièce T-1), démontrant qu’elle a demandé l’ajout du numéro de son appartement le 8 juin 1998.  Ce numéro, de fait, n’apparaît pas sur la décision, ni sur le procès-verbal de l’audience.  D’autre part, en supposant que la décision ait été postée le jour même de sa date, le 24 avril, la travailleuse n’aurait pu la recevoir au plus tôt que le 27 avril, un lundi.  Elle fait sa requête le 26 juin, soit à l’intérieur du délai de 60 jours jusqu’elle l’a reconnu comme raisonnable.» (sic.)

 

[16.]         La Commission des lésions professionnelles a également retenu cette approche dans une autre affaire[3] récente.

[17.]         Dans le présent dossier, donc, la décision du 20 avril 1998 n’a pu être reçue, certes, avant le 6 mai 1998 puisque la lettre de transmission accompagnant la décision porte cette date.  Par ailleurs, il y a lieu de computer un délai de transmission de cette décision comparable à celui pris pour la C.S.S.T. de la région de Yamaska, soit quatre à cinq jours après le 6 mai 1998.  En conséquence, la décision a été notifiée à la travailleuse au plus tard le ou vers le 11 mai 1998.

[18.]         Or, la copie de la requête reçue par le télécopieur en date du 13 juillet 1998 établit que la transmission à la Commission des lésions professionnelles s’est faite à l’intérieur du délai de 60 jours applicable de façon exceptionnelle au présent dossier.

[19.]         La requête en révision de la travailleuse a donc été produite dans un délai raisonnable, soit celui de 60 jours appliqué, en l’espèce, de façon transitoire.

OBJET DE LA REQUÊTE QUANT AU FOND

[20.]         La requête invoque essentiellement que l’audience tenue le 25 mars 1998 devant la Commission des lésions professionnelles l’a été en présence de l’employeur sans que la travailleuse n’ait au préalable été avisée, référant, à l’appui, à une lettre datée du 10 mars 1998, transmise par télécopieur à la Commission des lésions professionnelles le 18 mars 1998, qui l’avise de ce qui suit :

«Après communication avec Me Dominique Trudel le 16-03-98, nous en sommes venus à un accord pour qu’il y ait une décision dans le dossier de Mme Godbout le 25-03-98 et cela sans qu’il est de présentation des deux parties.

 

Bien à vous

 

                                         Paulin Godbout

                                         représentant de Manon Godbout»

 

LES FAITS RELATIFS AU FOND DE LA REQUÊTE EN RÉVISION

[21.]         Le représentant de la travailleuse relate qu’ils étaient absents lors de l’audience devant la Commission des lésions professionnelles au motif qu’une entente était intervenue entre lui-même et la représentante de la C.S.S.T. à l’effet qu’ils ne s’y présenteraient pas et qu’aucune argumentation n’y serait donc soumise, le tout aux fins que la Commission des lésions professionnelles décide sur dossier, le 25 mars 1998.  Référence est faite à la lettre datée du 10 mars 1998 dont le texte est ci-haut reproduit.

[22.]         La représentante de la C.S.S.T. précise qu’aucune entente n’est intervenue à cet effet, les propos tenus lors de l’échange téléphonique, étant plutôt à l’effet de confirmer à monsieur Godbout qu’elle ne serait pas présente à l’audition.  Aussi, invoque-t-elle le droit de l’employeur de s’y être présenté quand même, confirmant, par surcroît, le défaut de monsieur Godbout de l’avoir contacté.

[23.]         Monsieur Murray confirme ce que Me Trudel relate et voulant qu’il n’ait jamais été contacté par monsieur Godbout ni informé, d’une autre manière, de la teneur de la lettre du 10 mars 1998.  Celle-ci, en effet, n’atteste aucunement de l’envoi d’une copie conforme à l’employeur.

AVIS DES MEMBRES

[24.]         Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis qu’il n’y a, dans le présent dossier, aucun vice de procédure.  En effet, les parties ont toutes été dûment convoquées à une audience devant la Commission des lésions professionnelles, le 25 mars 1998, celles-ci ayant le libre choix de décider d’y assister ou non et ce, nonobstant le choix exercé individuellement par chacune d’entre elles.  Il n’y a donc pas matière à réviser.

MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LA REQUÊTE EN RÉVISION

[25.]         La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a matière à réviser la décision du 20 avril 1998 à la lueur de ce que prescrit l’article 429.56 de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001).

[26.]         Cet article se lit comme suit :

«429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:

  1  lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

  2  lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

  3  lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

  Dans le cas visé au paragraphe 3 , la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

________

1997, c. 27, a. 24.»

 

[27.]         Cette nouvelle disposition doit s’interpréter à la lueur de l’article 429.49 de la même loi qui édicte que la décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel.  Cet article se lit ainsi :

«429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

  Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

  La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

________

1997, c. 27, a. 24.»

 

[28.]         La Commission des lésions professionnelles considère que la travailleuse n’a pas démontré qu’elle est dans une situation visée par l’un ou l’autre des deux derniers paragraphes de l’article 429.56 de la loi.

[29.]         Elle a choisi de ne pas se présenter à l’enquête et audition du 25 mars 1998, ce choix ayant alors été librement exercé et ce, en fonction du vœu exprimé dans la lettre du 10 mars 1998, à savoir obtenir une décision sur dossier, sans nécessité de se présenter à l’audience pour effectuer des représentations.

[30.]         Bien que ce choix ait été exercé en considération de celui exprimé par la représentante de la C.S.S.T. et voulant que cette dernière n’entende pas se présenter le 25 mars 1998, il n’en demeure pas moins qu’il a été fait nonobstant le choix de l’employeur d’y assister ou non, ce dernier n’ayant nullement fait l’objet des échanges téléphoniques ou écrits entre monsieur Godbout et Me Trudel.

[31.]         L’entente à laquelle réfère monsieur Godbout et présumément intervenue entre les parties n’a nullement eu lieu, la lettre du 10 mars 1998 ne faisant qu’aviser la Commission des lésions professionnelles de l’absence de monsieur Godbout, la travailleuse et Me Trudel à l’audience devant se tenir le 25 mars 1998.

[32.]         La teneur de cette lettre n’a jamais été communiqué à l’employeur, que ce soit verbalement ou par écrit.

[33.]         La lettre n’indique pas à la Commission des lésions professionnelles qu’il faille que cette dernière avise monsieur Godbout, la travailleuse ou Me Trudel au cas où l’employeur se présenterait à l’audience pour y présenter une preuve et y faire ses représentations, le tout aux fins qu’ils puissent alors envisager la possibilité de s’y présenter.

[34.]         Il ne peut ainsi être reproché à la Commission des lésions professionnelles d’avoir permis la tenue de l’audience en présence seulement de l’une des parties, notamment l’employeur.

[35.]         Deux des parties (la travailleuse et la C.S.S.T.) ont consenti à ce que la Commission des lésions professionnelles procède sur dossier puisqu’elles n’entendaient pas, pour leur part, soumettre une preuve ou des représentations, consentant, par la même occasion, à la tenue d’une audience en leur absence dans l’éventualité où l’autre partie, l’employeur, se présenterait.

[36.]         Le représentant de la requérante soumet, en fait, que s’il avait su que l’employeur se présenterait le 25 mars 1998, il se serait également présenté aux fins de pouvoir assurer la défense pleine et entière de celle-ci.

[37.]         Or, le représentant a lui-même choisi le scénario de l’absence à l’audience en faisant fi de la possibilité que l’employeur puisse y être, puisqu’il a ignoré celui-ci dans le cadre de ses échanges avec Me Trudel et de la lettre expédiée à la Commission des lésions professionnelles.

[38.]         Que ce soit volontairement ou par simple oubli, il n’en demeure pas moins que le représentant de la requérante invoque un motif relevant de sa propre turpitude qui l’a conduit à cette prise de décision de ne pas se présenter.

[39.]         La preuve non contredite dans ce dossier révèle que la requérante a dûment été convoquée à l’enquête et audition tenue le 25 mars 1998 devant la Commission des lésions professionnelles.  La requérante était en mesure de s’y faire entendre ou de faire des représentations écrites; ainsi, faute d’avoir logé une demande de remise au motif qu’elle ne pouvait s’y présenter, la règle audi alteram partem a été respectée.

[40.]         Faute d’avoir démontré un vice de procédure commis par la Commission des lésions professionnelles, il n’y a donc pas lieu de conclure que la règle audi alteram partem n’a pas été respectée.  Il n’y a, par conséquent, aucun motif permettant de révoquer la décision rendue le 20 avril 1998.

[41.]         PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête en révision de la travailleuse, madame Manon Godbout.

 

 

 

 

 

CAROLE LESSARD

 

Commissaire

 

 

 

 

 

 

 

 

PAULIN GODBOUT

2350, Rang des Trentes

Saint-Jean-Baptiste (Québec)

J0L 2B0

 

 

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

PANNETON, LESSARD

Dominique Trudel

2710, rue Bachand, C.P. 430

Saint-Hyacinthe (Québec)

J2S 7B8

 

 

 

Représentant de la C.S.S.T.

 

 

 

 



[1] [1998] CLP 141

[2] CLP 89892-60-9707, 4 décembre 1998, Me Louise Thibault, commissaire

[3] Récupération Grand-Portage inc. & Pierre Lavoie & C.S.S.T

Bas St-Laurent, CLP(#86045-01A-9702), 5/02/99, Jean-Luc Rivard

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