Résidence Angelica inc. |
2013 QCCLP 2854 |
______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
[1] Le 7 septembre 2012, Résidence Angelica inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 21 août 2012, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision initialement rendue le 23 mai 2012, et déclare irrecevable la demande de révision de l’employeur produite le 6 juin 2012.
[3] Une audience devait avoir lieu le 13 février 2013, mais l’employeur y a renoncé et a demandé et obtenu l’autorisation de produire une argumentation écrite qui a été reçue le 11 février 2013. Le dossier a été mis en délibéré à la date prévue pour l’audience, soit le 13 février 2013.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] De façon préliminaire, l’employeur demande que la décision rendue le 21 août 2012 par la CSST soit infirmée et que sa demande de révision soit déclarée recevable. Sur le fond, il demande que les frais financiers pour les visites médicales reliées au diagnostic de contusion au coude gauche de madame Ghislaine Gibouleau, la travailleuse, à compter du 6 juin 2006 soient retirés de son dossier compte tenu de la date de consolidation de la lésion professionnelle, sans atteinte permanente et nécessité de soins. Il demande également que les frais liés à des visites médicales pour des diagnostics non reconnus comme étant en lien avec la lésion professionnelle soient retirés du dossier financier de l’employeur sans toutefois préciser à compter de quelle date.
LES FAITS
[5] La travailleuse a subi une lésion professionnelle le 22 décembre 2005, alors qu’en se retournant, elle se frappe le coude gauche sur le bord d’un comptoir.
[6] Le diagnostic de trauma au coude gauche est posé initialement.
[7] Le 5, le 9 et le 23 janvier 2006, le docteur Raymond Briard diagnostique une contusion du coude gauche.
[8] Le 27 janvier 2006, la CSST accepte la réclamation de la travailleuse pour un diagnostic de contusion au coude gauche.
[9] Ce diagnostic est également posé le 27 mars, le 17 avril, les 8 et 15 mai ainsi que le 12 juin 2006 par le docteur Briard.
[10] Au fil des mois, de nouveaux diagnostics sont posés : épicondylite, tendinite du coude droit, neuropraxie cubitale gauche, syndrome douloureux régional complexe de type II post-traumatique, tel qu’il appert d’un relevé des consultations produit par l’employeur :
13 février 2006 |
Épicondylite gauche |
6 mars 2006 |
Tendinite du coude gauche |
9 mai 2006 |
EMG Aux renseignements cliniques : tunnel carpien Diagnostic : Neuropathie cubitale gauche |
20 juillet 2006 |
Syndrome douloureux régional complexe de type II |
27 juillet 2006 |
Syndrome douloureux régional complexe de type II |
31 août 2006 |
Syndrome douloureux régional complexe de type II |
12 septembre 2006 |
Syndrome douloureux régional complexe au bras gauche |
25 septembre 2006 |
Neuropraxie cubitale gauche |
3 octobre 2006 |
Blocs stellaires |
24 octobre 2006 |
Blocs stellaires |
2 novembre 2006 |
Neuropraxie cubitale G |
2 novembre 2006 |
EMG |
13 novembre 2006 |
Épicondylite gauche |
23 novembre 2006 |
Syndrome douloureux complexe régional de type II |
4 décembre 2006 |
Neuropathie cubitale gauche |
18 décembre 2006 |
Neuropathie cubitale gauche |
9 mai 2007 |
Épicondylite gauche |
6 août 2007 |
Épicondylite coude gauche |
10 décembre 2007 |
Épicondylite coude gauche |
15 septembre 2011 |
Entorse cervicale |
[11] Le diagnostic d’épicondylite ne sera pas retenu par la CSST comme étant en relation avec la lésion professionnelle.
[12] Le 20 janvier 2009, la CSST refuse le diagnostic de syndrome douloureux régional complexe de type II. Une décision rendue dans les dossiers de la travailleuse[1] par la Commission des lésions professionnelles, le 30 mars 2012 confirme ce refus.
[13] Les diagnostics de neuropraxie ou neuropathie du nerf cubital gauche, de tendinite du coude gauche, d’entorse cervicale ne sont pas non plus reconnus comme étant en relation avec la lésion professionnelle reconnue, selon la décision du 30 mars 2012 de la Commission des lésions professionnelles.
[14] Or, plusieurs consultations médicales ont été faites exclusivement pour ces conditions non reconnues, tel qu’il appert d’un relevé des consultations déposé par l’employeur mentionné plus haut.
[15] Le 30 mars 2012, la Commission des lésions professionnelles rend la décision précitée, réglant plusieurs sujets de litiges. Les conclusions de cette décision sont les suivantes :
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 296204-63-0608
ACCUEILLE EN PARTIE la requête de la Résidence Angelica inc., l’employeur;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 5 juillet 2006, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la lésion professionnelle survenue le 22 décembre 2005 à madame Ghislaine Gibouleau, la travailleuse, est consolidée depuis le 6 juin 2006, avec suffisance de traitements à cette date.
Dossiers 311299-63-0703 et 311771-63-0703
ACCUEILLE EN PARTIE la requête de la Résidence Angelica inc., l’employeur;
REJETTE la requête de madame Ghislaine Gibouleau, la travailleuse;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 27 février 2007, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la lésion professionnelle du 22 décembre 2005, une contusion du coude gauche, est consolidée depuis le 6 juin 2006 avec suffisance de soins et traitements à cette date, et que la lésion n’a entraîné aucune atteinte permanente à l’intégrité physique, ni limitations fonctionnelles; [sic]
DÉCLARE que madame Ghislaine Gibouleau, la travailleuse, était capable, à compter du 6 juin 2006, d’exercer son emploi de réceptionniste téléphoniste.
Dossier 365086-63-0812
REJETTE la requête de madame Ghislaine Gibouleau, la travailleuse;
CONFIRME la décision rendue le 24 octobre 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la demande de révision formulée par la travailleuse le 22 octobre 2006 et transmise à la CSST le 22 octobre 2008, est irrecevable.
Dossier 370701-63-0902
ACCUEILLE la requête de la Résidence Angelica inc., l’employeur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 11 février 2009, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le diagnostic de neuropathie ou neuropraxie du nerf cubital gauche n’est pas en lien avec la lésion professionnelle du 22 décembre 2005.
Dossier 375981-63-0904
DÉCLARE SANS OBJET la requête de la Résidence Angelica inc., l’employeur;
DÉCLARE SANS EFFET la décision rendue le 9 avril 2009, à la suite d’une révision administrative.
Dossier 376091-63-0904
DÉCLARE SANS OBJET la requête de madame Ghislaine Gibouleau, la travailleuse;
DÉCLARE SANS EFFET la décision rendue le 9 avril 2009, à la suite d’une révision administrative.
[16] L’effet de cette décision permet de conclure que le seul diagnostic de contusion au coude gauche est considéré comme étant en lien avec l’événement du 22 décembre 2005. Cette lésion est consolidée depuis le 6 juin 2006, avec suffisance de traitements et de soins à cette date, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Il est de plus déclarer que la travailleuse est capable d’exercer l’emploi de réceptionniste téléphoniste depuis le 6 juin 2006.
[17] À la suite de cette décision rendue le 30 mars 2012 par la Commission des lésions professionnelles, l’employeur demande que les frais de visites médicales après la consolidation du 6 juin 2006 et les frais d’établissement de santé pour la même période soient retirés du dossier financier de l’employeur. Cette demande a été formulée le 17 mai 2012.
[18] Les relevés de la CSST indiquent que le coût des visites médicales postérieures au 6 juin 2006 est de 2 464,03 $. De plus, 21,91 $ de frais d’établissement de santé postérieurs au 6 juin 2006 sont également imputés au dossier de l’employeur.
[19] Également, des frais de visites médicales antérieures au 6 juin 2006 sont imputés au dossier de l’employeur alors que les seuls diagnostics posés ne sont pas reliés à l’événement, pour une valeur de 320,20 $.
[20] Le 23 mai 2012, la CSST refuse la demande de l’employeur. Le 6 juin 2012, l’employeur demande la révision administrative de cette décision.
[21] Le 21 août 2012, la révision administrative rend sa décision et déclare irrecevable la demande de révision produite par l’employeur, considérant que la décision de la CSST en serait une refusant de reconsidérer une autre décision en vertu des dispositions de l’article 365 de la loi.
[22] L’employeur conteste cette décision le 7 septembre 2012, d’où le présent litige.
L’ARGUMENTATION DE L’EMPLOYEUR
[23] Dans un premier temps, l’employeur, s’appuyant sur l’affaire Université McGill et Commission de la santé et de la sécurité du travail[2], rendue par une formation de trois juges, plaide que sa demande d’être désimputé des coûts des visites médicales n’est pas une demande de reconsidération visée par l’article 365 de la loi ou par le Règlement sur le financement[3], (le Règlement). Il s’agit d’une première demande qui s’appuie sur le premier alinéa de l’article 326 de la loi et qui est soumise au délai de prescription de trois ans prévu à l’article 2925 du Code civil du Québec et qu’elle est en conséquence recevable.
[24] Sur le fond et s’appuyant sur la décision rendue par la même formation de trois juges dans l’affaire Centre hospitalier de l’Université de Montréal-Pavillon Mailloux[4] et plusieurs décisions subséquentes, il estime que les frais de visites médicales postérieures au 6 juin 2006 pour un diagnostic de contusion au coude gauche doivent être retirés du dossier financier de l’employeur, puisque ces visites médicales n’étaient pas en raison d’un accident du travail compte tenu de la décision du 30 mars 2012 qui a consolidée la lésion au 6 juin 2006 avec suffisance des soins. Il demande également que les consultations médicales pour des diagnostics non reconnus comme étant en lien avec la lésion professionnelle soient retirées du dossier puisque ces diagnostics n’ont pas été retenus par la décision du 30 mars 2012.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[25] Les dispositions de la loi applicables à la solution du présent litige sont de l’avis du tribunal, les suivantes :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
« prestation » : une indemnité versée en argent, une assistance financière ou un service fourni en vertu de la présente loi;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
__________
1985, c. 6, a. 188.
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit :
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
__________
1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
__________
1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
354. Une décision de la Commission doit être écrite, motivée et notifiée aux intéressés dans les plus brefs délais.
__________
1985, c. 6, a. 354.
355. Il n'est pas nécessaire qu'une décision de la Commission soit signée, mais le nom de la personne qui l'a rendue doit y apparaître.
__________
1985, c. 6, a. 355.
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365 .
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2 ni du refus de la Commission de renoncer à un intérêt, une pénalité ou des frais ou d'annuler un intérêt, une pénalité ou des frais en vertu de l'article 323.1 .
Une personne ne peut demander la révision du taux provisoire fixé par la Commission en vertu de l'article 315.2 .
__________
1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14; 2006, c. 53, a. 26.
359. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358 peut la contester devant la Commission des lésions professionnelles dans les 45 jours de sa notification.
__________
1985, c. 6, a. 359; 1992, c. 11, a. 32; 1997, c. 27, a. 16.
365. La Commission peut reconsidérer sa décision dans les 90 jours, si celle-ci n'a pas fait l'objet d'une décision rendue en vertu de l'article 358.3, pour corriger toute erreur.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel, reconsidérer cette décision dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.
Avant de reconsidérer une décision, la Commission en informe les personnes à qui elle a notifié cette décision.
Le présent article ne s'applique pas à une décision rendue en vertu du chapitre IX.
[26] Les dispositions du Règlement sont les suivantes:
TITRE II
NOUVELLE DÉTERMINATION DE LA CLASSIFICATION ET DE L'IMPUTATION DU COÛT DES PRESTATIONS
224. La Commission peut, de sa propre initiative et pour corriger toute erreur, déterminer à nouveau la classification d'un employeur attribuée conformément au livre II, ou l'imputation du coût des prestations effectuée conformément à la section VI du chapitre IX de la Loi, dans les 6 mois de sa décision, si celle-ci n'a pas elle-même fait l'objet d'une décision en vertu de l'article 358.3 de cette Loi. Une telle détermination doit toutefois s'effectuer:
1° au regard de sa classification, au plus tard le 31 décembre de la cinquième année qui suit l'année de cotisation à laquelle elle se rapporte;
2° au regard de l'imputation du coût des prestations, au plus tard le 31 décembre de la cinquième année qui suit celle pendant laquelle l'accident est survenu ou la maladie est déclarée.
Décision 2010-11-18, a. 224.
225. La Commission peut également, de sa propre initiative ou à la demande de l'employeur, déterminer à nouveau cette classification ou cette imputation si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel.
Toute demande présentée par un employeur en vertu du premier alinéa doit parvenir à la Commission dans les 6 mois de la connaissance par ce dernier d'un tel fait essentiel, mais avant l'expiration des délais prévus aux paragraphes 1 et 2 de l'article 224.
Décision 2010-11-18, a. 225.
LA QUESTION PRÉLIMINAIRE
[27] Avant de disposer de la question du fond de ce dossier, il y a lieu de se prononcer sur la question de la recevabilité de la demande de révision de l’employeur de la décision rendue par la CSST le 23 mai 2012.
[28] La CSST a décidé que la demande de l’employeur transmise le 17 mai 2012 afin d’être désimputé des coûts des visites médicales à la suite de la décision de la Commission des lésions professionnelles du 30 mars 2012 est une demande de reconsidération de la décision de lui imputer les coûts de la lésion et cette demande obéit donc aux règles de la demande de reconsidération prévues à l’article 365 de la loi.
[29] Dans sa décision rendue en révision administrative, la CSST n’identifie pas cette décision d’imputation rendue par la CSST, dont l’employeur demande la reconsidération. Le seul indice est la référence au Relevé des prestations accordées et des sommes imputées ou au Sommaire des sommes portées à votre dossier.
[30] L’employeur soulève le fait que même si la CSST avait référé à la décision du 27 janvier 2006 avisant l’employeur que la CSST lui impute le coût des prestations dues en raison de l’accident du travail de la travailleuse, cela n’aurait pas pu être considéré comme une demande de reconsidération. La décision du 27 janvier 2006 est un avis général d’imputation. Il ne s’agit pas d’une décision spécifique visant l’imputation du coût des visites médicales effectuées après la consolidation du 6 juin 2006. Le tribunal est d’accord avec cette prétention.
[31] Le tribunal partage le point de vue de la majorité des juges dans l’affaire McGill précitée[5], sur le fait que l’article 365 de la loi ne s’applique pas aux décisions qui relèvent du chapitre IX de la loi, soit les décisions en matière de financement :
[98] Les recours formés à la suite de décisions rendues en application de ces chapitres de la loi relèvent donc de la division du financement et, en fait, dans les présents litiges, ils n’impliquent aucunement les travailleurs. Il n’existe donc aucun recours formé à l’encontre de décisions reconnaissant des droits à ces derniers.
[…]
[103] La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que, étant donné que les décisions sont rendues en vertu d’un chapitre qui relève du financement, le dispositif des décisions en litige traite d’imputation et les recours sont formés par les employeurs, la division compétente pour s’en saisir est celle du financement.
[…]
[135] L’objet des litiges est clair. Les employeurs réclament le retrait de certains coûts de leurs dossiers d’expérience. La base légale invoquée est l’article 326 de la loi, un article qui fait partie des chapitres relevant de la division du financement de la Commission des lésions professionnelles. Cependant, afin d’étayer leur argumentation, ils réfèrent à d’autres articles et ils en proposent des interprétations favorables à leurs thèses.
[…]
[141] Il ne faut donc pas confondre les objets du litige avec les arguments et les motifs invoqués pour en disposer.
[…]
[144] La Commission des lésions professionnelles est plutôt d’avis que les litiges relèvent de la division du financement et que les travailleurs n’ont, en fait, aucun intérêt réel dans ces affaires.
[32] La dernière phrase de l’article 365 qui prévoit que les dispositions de cet article ne s’appliquent pas à une décision rendue en vertu du chapitre IX qui porte sur le « financement » est clair et n’exige pas d’interprétation.
[33] Les articles 281 à 331 se trouvent dans ce chapitre IX. Or, la demande de l’employeur s’appuie sur l’article 326 de la loi, un article portant sur l’imputation, donc le financement.
[34] Si l’article 365 ne trouve pas application, on ne peut écarter pour autant cette notion de reconsidération de la décision de la CSST puisque les dispositions des articles 224 et 225 du Règlement pourraient trouver application, si le tribunal en vient à la conclusion qu’une première décision portant sur l’imputation a été rendue par la CSST en application du Règlement. La CSST pourrait considérer qu’il s’agit d’une demande de reconsidération de sa première décision d’imputation.
[35] Après une analyse de la jurisprudence sur cette question, les trois juges administratifs ayant rendu la décision Centre hospitalier de l’Université de Montréal - Pavillon Mailloux et CSST[6] ont écarté la prétention de la CSST au sujet d’une possible « reconsidération » :
[333] Ainsi, à la suite de l’analyse de la jurisprudence et des faits particuliers mis en preuve, la présente formation estime que ces relevés informatiques ne constituent pas des décisions au sens de la loi. Ces derniers ne rencontrent pas les exigences édictées aux articles 354 et 355 de la loi, ni celles imposées à la CSST en vertu de l’article 8 de la Loi sur la justice administrative48. Ils ne sont pas signés, ils ne sont pas motivés et ils ne permettent pas aux employeurs d’être adéquatement informés sur le contenu et sur la portée de la décision qui serait rendue.
[334] Ils sont émis sans réflexion ou analyse préalables, et les coûts des visites médicales qui y sont imputés ne sont que le reflet des factures remboursées automatiquement à la RAMQ sans que personne ne s’interroge sur le bien-fondé de celles-ci.
[335] L’avis général d’imputation, tout comme le relevé informatique mensuel, ne constituent donc pas des décisions au sens de la loi, à tout le moins sur la question du coût des visites médicales.
[336] La présente formation est donc d’avis qu’aucune décision spécifique visant l’imputation des coûts des visites médicales effectuées après la consolidation de la lésion professionnelle n’est rendue par la CSST avant que les employeurs formulent leurs demandes de retrait de ces coûts de leur dossier d’expérience.
[337] Les employeurs ne peuvent donc demander la révision ou en appeler d’une telle décision selon ce qui est prévu aux articles 358 et 359 de la loi. De plus, il ne peut y avoir une reconsidération de cette décision au sens de l’article 365 de la loi ou une nouvelle détermination de l’imputation au sens du règlement prévu à cette fin, puisque ces deux textes de loi exigent l’existence d’une décision préalable.
[338] La présente formation ajoute que l’article 365 de la loi ne peut s’appliquer aux présents litiges puisque cette disposition ne peut être invoquée en matière de financement. Cet article n’est donc d’aucun secours à la CSST et il ne peut servir de fondement au rejet des demandes des employeurs.
[Notes omises]
[36] Le tribunal souscrit aux motifs de ce jugement et considère que la demande de l’employeur ne peut être assimilée à une demande de reconsidération, de sorte que les critères et délais prévus à l’article 365 ou au Règlement sont inapplicables en l’instance. Face à un tel constat, doit-on conclure que la demande de l’employeur n’est soumise à aucun délai et peut être logée en tout temps.
[37] Dans l’affaire Centre hospitalier de l’Université de Montréal, précitée, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion que c’est le délai de trois ans prévu à l’article 2925 du Code civil du Québec qui s’applique :
[339] Il reste donc à s’interroger sur le délai de prescription prévu au Code civil du Québec.
[340] Le Code civil du Québec peut être utilisé à titre supplétif lorsque la loi particulière est muette sur un sujet donné.
[341] Il est donc opportun de statuer sur l’application du délai général de prescription qu’il édicte puisqu’aucun délai spécifique n’encadre l’action des employeurs en vertu du premier alinéa de l’article 326 de la loi et que la présente formation croit qu’un tel délai doit être imposé afin d’éviter les actions tardives. Le Code civil du Québec peut donc venir combler le vide laissé par le législateur.
[342] L’article 2925 de ce Code indique que l’action qui tend à faire valoir un droit personnel ou un droit réel immobilier et dont le délai de prescription n’est pas autrement fixé se prescrit par trois ans.
[343] Ici, les employeurs recherchent la reconnaissance d’un droit personnel, soit le retrait de coûts de leur dossier d’expérience et, en l’absence de délai prescrit dans la loi qui nous occupe, celui de trois ans décrit au Code civil peut être utilisé à titre supplétif.
[344] La Commission des lésions professionnelles en est d’ailleurs venue à cette conclusion dans l’affaire Polane Excavation49. Appelée à se prononcer sur le délai régissant la demande de retrait des coûts relatifs aux visites médicales formulée par l’employeur, la Commission des lésions professionnelles décide « que le délai général de prescription de trois ans établi par le droit commun en vertu de l’article 2925 du Code civil du Québec doit recevoir application ».
[345] Il y a cependant lieu de s’interroger sur le point de départ de ce délai. Dans l’affaire CARRA c. Turbide50, la Cour d’appel du Québec enseigne que, pour appliquer ce délai, une décision préalable n’est pas indispensable. La Cour précise que le point de départ de ce délai est le jour où le titulaire du droit possède toutes les données nécessaires pour agir.
[346] Ce point de départ est donc une question de faits. Il varie selon les informations reçues par l’employeur et selon le moment où il détient ou aurait dû détenir toutes les données lui permettant de déterminer si la CSST est, ou non, justifiée de lui imputer le coût d’une visite médicale alors que la lésion professionnelle est consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[347] La preuve démontre que l’employeur dispose parfois de ces informations en consultant les éléments se trouvant au système informatique de la CSST ou encore en analysant un ou plusieurs relevés informatiques transmis mensuellement par la CSST et en effectuant certaines vérifications au dossier du travailleur. Le délai de trois ans commence donc à courir lorsque l’employeur réussit ou aurait dû réussir à colliger ces informations.
[348] La recevabilité des demandes des employeurs sera donc évaluée à la lumière de ces principes, lorsque le refus porte spécifiquement sur une question de délai.
________________
49 Précitée, note 14. (S.T.M. et Bouchard et CSST 2011 QCCLP 2324 ; Polane Excavation, C.L.P. 285979-07-0604, le 8 septembre 2006, AZ-50391149 ; Bertrand et Manoir Saint-Sauveur et CSST, C.L.P. 202126-64-0303, 212769-64-0307 et 212925-64-0307, le 15 juin 2005, AZ-50319319 ; Hôpital Laval, C.L.P. 154509-32-0101-R, le 17 juillet 2002, AZ-02302261 .
50 Précitée, note 15. (Commission administrative des régimes de retraite et d’assurances (CARRA) c. Turbide 2010 QCCA 2367 .)
[38] Dans une décision rendue en révision judiciaire de cette décision[7], la Cour supérieure considère qu’il n’est pas déraisonnable d’appliquer au recours fondé sur le premier paragraphe de l’article 326, le délai de prescription de trois ans prévu à l’article 2925 du Code civil du Québec. Ce délai commence à courir lorsque l’employeur a en mains toutes les informations nécessaires. Ce raisonnement fait partie des issues possibles prévues par la loi, selon la Cour. Compte tenu de ce jugement et de la décision unanime de la formation de trois juges administratifs sur cette question, le tribunal se rallie à cette position quant au délai applicable.
[39] Le tribunal retient dans le présent dossier que l’employeur a été informé le 30 mars 2012 par la décision finale de la Commission des lésions professionnelles du fait que plusieurs diagnostics n’étaient pas retenus, que la date de consolidation de la lésion était le 6 juin 2006, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles, avec suffisance des soins en date du 6 juin 2006. Il pouvait donc, dès ce moment, prendre connaissance que certaines visites médicales n’étaient pas en lien avec la lésion professionnelle. Sa demande logée deux mois plus tard se situe à l’intérieur du délai de trois ans prévu par l’article 2925 du Code civil du Québec et aurait dû être considérée comme étant recevable par la CSST.
LES MOTIFS SUR LA QUESTION DE FOND
[40] Sur la question de fond, l’employeur demande que le coût des visites médicales de la travailleuse postérieures au 6 juin 2006 soit retiré de son dossier financier puisqu’elles ne sont pas en lien avec la lésion professionnelle de la travailleuse, tout comme les visites en lien avec des diagnostics non reconnus comme étant en lien avec la lésion professionnelle.
[41] La Commission des lésions professionnelles a rendu une décision le 30 mars 2012 déclarant que la lésion professionnelle de contusion au coude gauche de la travailleuse est consolidée le 6 juin 2006 sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle et avec suffisance de soins. La décision déclare également que la travailleuse est capable d’exercer son emploi à compter de cette même date du 6 juin 2006.
[42] L’employeur plaide qu’il serait injuste de lui imputer ces coûts engendrés postérieurement au 6 juin 2006, soit la date de guérison complète de la lésion, qui est une contusion du coude gauche, puisque cela aurait pour effet d’annuler tous les effets de la décision précitée de la Commission des lésions professionnelles rendue le 30 mars 2012.
[43] Le dossier fait état qu’après le 6 juin 2006, plusieurs consultations sont en lien avec les diagnostics de syndrome douloureux régional complexe, neuropractie du coude gauche, neuropathie cubitale et tendinite du coude gauche. Il appert du dossier que la travailleuse est en attente de blocs stellaires. Elle est également vue par le docteur Blanchette pour un diagnostic d’épicondylite coude gauche après juin 2006 et 2007. Toutes ces conditions seront écartées par la décision de la Commission des lésions professionnelles du 30 mars 2012. Seul le diagnostic de contusion au coude gauche sera retenu par la Commission des lésions professionnelles.
[44] Si le tribunal suit le raisonnement de l’affaire Centre hospitalier de l’Université de Montréal précitée, l’article 326 de la loi prévoit que le coût des prestations dues en raison d’une lésion professionnelle est imputé à l’employeur. Or, les visites médicales survenues après la consolidation d’une lésion alors qu’il n’y a pas d’atteinte permanente ni de limitations fonctionnelles et surtout, qu’il y a suffisance de soins ou traitements, ne peuvent être liées à la lésion professionnelle. L’employeur n’a donc pas à en supporter les coûts.
[45] En l’espèce, les coûts de visites médicales postérieures au 6 juin 2006 sont de 2 464,03 $. De plus, 21,91 $ de frais d’établissement de santé postérieurs au 6 juin 2006 sont imputés.
[46] Également, l’employeur démontre que des frais de visites médicales antérieures au 6 juin 2006 sont imputés à son dossier, mais pour des consultations liées à des diagnostics non reconnus comme étant en lien avec la lésion professionnelle, et ce, pour une valeur de 320,20 $.
[47] Pour ce qui est des visites médicales postérieures à la consolidation sans nécessité de soins additionnels, les principes applicables en l’espèce ont été exposés avec une grande clarté par la majorité dans la décision du banc de trois juges administratifs rendue le 5 avril 2012[8] :
[358] Le tribunal constate que la seule lésion professionnelle visée par l’article 326 de la loi est l’accident du travail et c’est donc uniquement dans le cadre d’une telle lésion professionnelle que cet article peut être invoqué par les employeurs afin de requérir le retrait de certains coûts de leur dossier d’expérience.
[359] De même, il ressort des articles de loi cités précédemment que les frais relatifs aux visites médicales effectuées à la suite et en raison d’une lésion professionnelle constituent des prestations au sens de l’article 2 de la loi. Cette conclusion fait l’objet d’un consensus dans la jurisprudence, peu importe le courant adopté.
[360] Dès lors, l’effet combiné des articles 2, 188, 189 et 326 de la loi permet assurément au tribunal de conclure que les coûts reliés aux services d’un professionnel de la santé font partie des risques assurés et qu’ils doivent être imputés au dossier d’expérience de l’employeur, mais seulement lorsqu’ils sont dus en raison d’un accident du travail.
[…]
[379] La guérison n’est certes pas décrite à la loi, comme l’est le concept de stabilisation, mais il ressort du sens usuel de ce terme qu’il y a disparition complète du problème de santé affligeant le travailleur.
[380] Dès lors, une lésion consolidée parce que guérie ne génère pas d’atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles et ne nécessite pas de soins ou de traitements additionnels.
[…]
[385] Or, la preuve prépondérante révèle que, lorsqu’une lésion professionnelle est consolidée sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, que ce soit en raison d’un rapport final émis par le médecin traitant ou que ce soit en raison de décisions rendues à ce sujet, la CSST retire du dossier d’expérience de l’employeur les coûts relatifs aux soins ou aux traitements générés au-delà de la date de la consolidation. Elle soustrait également de ce dossier les frais de déplacement encourus pour se rendre chez le médecin ou pour recevoir ces soins ou ces traitements, elle détermine que la capacité de travail est acquise à compter de la date de la consolidation d’une telle lésion et elle met fin au droit à l’indemnité de remplacement du revenu à cette date.
[386] Pourtant, elle refuse de soustraire les coûts relatifs aux visites médicales puisque rien ne prévoit la fin du droit à l’assistance médicale et que les décisions portant sur les soins ou les traitements ne visent pas les visites médicales.
[387] Le tribunal ne peut retenir une telle argumentation. Le droit à l’assistance médicale est, selon l’article 188 de la loi, intimement lié à la lésion professionnelle puisque cette assistance cible l’état de santé découlant de cette lésion et qu’elle doit être prodiguée uniquement en raison de celle-ci.
[388] Le rétablissement du travailleur par la guérison de sa lésion rend donc cette assistance inutile. De plus, lorsque qu’une lésion est consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, la CSST retire du dossier d’expérience de l’employeur les coûts relatifs aux soins ou aux traitements ainsi que les frais de déplacement générés pour recevoir ces soins ou ces traitements parce qu’elle considère que l’effet du rapport final émis ou des décisions rendues est de nier toute relation entre ces coûts et la lésion professionnelle. Le tribunal s’explique donc mal comment la visite médicale effectuée pour recevoir ces soins ou ces traitements peut demeurer reliée à cette lésion.
[…]
[425] Maintenant, le tribunal remarque que la consolidation sans nécessité de soins ou de traitements, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle peut être déterminée à la suite d’un rapport émis par le médecin traitant ou à la suite de décisions rendues au terme d’un processus d’évaluation médicale.
[426] Ces deux façons de faire commandent-elles des solutions différentes lorsque vient le temps de statuer sur les demandes de retrait de coûts faites par les employeurs ?
[427] Le tribunal considère que non, le raisonnement étant identique, sans égard à la façon dont la consolidation est acquise.
[…]
[430] Par ailleurs, lorsque la consolidation est décrétée à la suite d’un avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale et au terme de décisions rendues par la CSST ou par la Commission des lésions professionnelles, après audience ou en vertu d’une entente en conciliation entérinée par le tribunal, il arrive qu’il n’y ait pas coïncidence entre le moment où la lésion est consolidée, le moment où il est déterminé qu’il ne résulte aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle et le moment où des décisions sont rendues à cet égard. Il arrive aussi qu’une décision modifie rétroactivement la date de la consolidation et la situe à une date antérieure à celle retenue précédemment.
[431] Or, durant ces intervalles, des visites médicales sont effectuées et des soins sont prodigués. Qu’advient-il des coûts relatifs à ceux-ci ?
[432] La preuve démontre que la CSST retire du dossier d’expérience de l’employeur les coûts reliés aux soins ou aux traitements ou aux frais de déplacement générés après la consolidation de la lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, mais elle laisse au dossier d’expérience de l’employeur les coûts engendrés par les visites médicales.
[433] De l’avis du tribunal, ces coûts doivent également être soustraits du dossier d’expérience de l’employeur. Dans l’affaire Rampes Alumi-Fibres inc. , la Commission des lésions professionnelles explique bien pourquoi ces coûts doivent subir le même sort. Elle indique ce qui suit à ce sujet :
[39] Dans un système idéal, les décisions sur les concepts médicaux ou juridiques contenus à la Loi devraient être rendues le jour même de leur survenance. Un pareil système idéal ne peut pas, bien entendu, exister dans la réalité.
[40] Ainsi, une date de consolidation sera souvent définitivement déterminée avant que la question de l’atteinte permanente ou des limitations fonctionnelles ne soit fixée, comme en l’espèce. La CSST maintiendra entre-temps le versement de l’indemnité de remplacement du revenu et l’octroi de soins requis par le travailleur.
[41] Si plus tard la lésion est déclarée exempte d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles, on cessera alors l’indemnité et l’octroi des soins sans en exiger le remboursement du travailleur.
[42] Cependant, légalement, le constat postérieur de l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles rétroagit à la date de consolidation de sorte que l’on doit constater qu’après une consolidation sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles, aucune autre indemnité ne devrait être versée par la suite. Dans un système idéal où les décisions seraient rendues de façon instantanée, aucun argent ne serait déboursé après la date de consolidation. Dans notre système où les délais sont encourus notamment par l’exigence d’un rapport complémentaire et par les délais de renvoi au Bureau d’évaluation médicale, la solution à un problème vient souvent plusieurs mois plus tard. Ceci ne devrait pas avoir pour effet de pénaliser un employeur en imputant à son dossier des sommes qui n’auraient jamais dû être versées n’eut été les délais administratifs encourus en vertu de la Loi.
[43] Ainsi, si le membre du Bureau d’évaluation médicale avait vu le travailleur le jour même de la consolidation, aucune somme n’aurait été octroyée par la suite et le tribunal estime que l’employeur n’a pas à payer pour le versement de ces sommes, […]
[Nos soulignements]
[…]
[440] Le tribunal doit aussi s’interroger sur les coûts relatifs à la procédure d’évaluation médicale. En effet, même si la jurisprudence majoritaire accorde généralement le retrait des coûts relatifs aux visites médicales, elle laisse au dossier d’expérience de l’employeur ceux découlant de la procédure d’évaluation médicale au motif qu’ils résultent de démarches médico-administratives en lien avec la lésion professionnelle et qu’ils sont générés dans le but de statuer sur les conséquences médicales finales de cette lésion64.
[441] Toutefois, durant l’audience, les employeurs indiquent à la présente formation que ces coûts sont systématiquement retirés du dossier d’expérience de l’employeur et qu’ils sont imputés aux employeurs de toutes les unités, une information qui n’est ni confirmée, ni infirmée par la CSST.
[442] Le tribunal n’ayant reçu aucune preuve pertinente de la CSST à ce sujet, elle doit comprendre que ces frais ne sont généralement pas imputés aux employeurs individuellement et qu’ils ne devraient donc pas faire l’objet de litiges devant la Commission des lésions professionnelles.
[443] Cependant, dans l’éventualité où un litige portant, entre autres, sur l’imputation de tels frais est initié devant la Commission des lésions professionnelles, le tribunal n’aura d’autres choix que de maintenir l’imputation au dossier d’expérience de l’employeur compte tenu de la jurisprudence majoritaire, sinon unanime, développée sur cette question. Ainsi, si de tels coûts font partie de ceux dont l’employeur réclame le retrait de son dossier d’expérience, le tribunal estime qu’ils devront demeurer imputés à ce dossier puisque, sans ces déboursés, il est impossible de se prononcer de façon finale sur les conséquences médicales de la lésion professionnelle.
______________
64 Voir, à titre d’exemples, les affaires Hôpital Notre-Dame de la Merci inc., Coopérative Forestière Hautes-Laurentides et Mittal Canada Contrecoeur-ouest inc. précitées à l’annexe I aux numéros 26, 63 et 67.
[48] Le tribunal résume ainsi les principes applicables :
[…]
g) une lésion professionnelle guérie est celle qui entraîne un rétablissement complet du travailleur et, donc, une non-nécessité de soins ou de traitements et une absence d’atteinte permanente et de limitation fonctionnelle;
h) une lésion professionnelle guérie ne génère plus de conséquences médicales et n’est donc plus sujette à l’indemnisation, sauf si la preuve révèle des situations particulières permettant d’écarter un tel constat;
i) la consolidation d’une lésion professionnelle sans nécessité de traitements, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle entraîne la fin de l’imputation des coûts relatifs aux visites médicales au dossier d’expérience des employeurs, sans égard au fait que cette consolidation soit déterminée par le médecin qui a charge du travailleur ou qu’elle soit acquise au terme d’un processus d’évaluation médicale et de décisions rendues par la CSST ou par la Commission des lésions professionnelles;
j) le fardeau de la preuve qui incombe à l’employeur est donc de démontrer que les coûts des visites médicales dont il requiert le retrait de son dossier d’expérience émanent d’un accident du travail et sont générés après la date de la consolidation de la lésion professionnelle sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle;
k) les frais relatifs à la procédure d’évaluation médicale doivent toutefois, s’ils n’ont pas déjà été retirés du dossier d’expérience de l’employeur, demeurer imputés à ce dossier puisqu’ils sont toujours générés en raison de la lésion professionnelle et qu’ils sont essentiels à la détermination des conséquences médicales finales de cette lésion.
[49] Ces principes ont été repris par de nombreux juges administratifs au cours des derniers mois. Ces juges administratifs ont adhéré au courant majoritaire. Nous vous référons aux passages suivants[9] :
CSH L’Oasis St-Jean[10] :
[23] Dans la présente affaire, la consolidation de la lésion professionnelle de la travailleuse a été déterminée à la suite d’une décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 23 décembre 2010, laquelle déterminait que la lésion professionnelle de la travailleuse du 8 mai 2009 était consolidée le 11 novembre 2009, sans nécessité de soins ou de traitements après le 11 novembre 2009, sans atteinte permanente et sans limitation fonctionnelle.
[24] En application du principe établi dans la décision Centre hospitalier de l’Université de Montréal-Pavillon Mailloux[5]déjà citée aux présentes et à la suite de la décision finale de la Commission des lésions professionnelles dans la présente affaire, tel que cité dans le paragraphe précédent, le tribunal détermine que l’employeur aux présentes n’a pas à supporter le coût des prestations pour les frais d’assistance médicale engendrés à compter du 11 novembre 2009, date de la consolidation de la lésion professionnelle de la travailleuse, sans nécessité de traitements ou de soins additionnels, sans atteinte permanente et sans limitation fonctionnelle. »
[Notes omises]
· Saladexpress 1995 inc.[11] :
[33] En l’espèce, la lésion professionnelle du travailleur est consolidée le 30 septembre 2009, mais ce n’est que le 6 juillet 2010, par un rapport final émis par le docteur Ste-Marie, médecin du travailleur, que l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles en lien avec cette lésion est connue. Le présent tribunal conclut donc que les visites médicales postérieures à la consolidation de la lésion professionnelle du travailleur ne doivent pas être imputées au dossier financier de l’employeur, cette lésion n’ayant entraîné aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. »
· IBM Canada ltée[12] :
[19] Dans le présent cas, la preuve démontre que la CSST a imputé au dossier de l’employeur le coût de visites médicales effectuées après la date de consolidation de la lésion professionnelle, sans nécessité de traitements, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[20] Donc, en fonction des critères mentionnés dans la décision précitée, cela entraîne la fin de l’imputation des coûts relatifs aux visites médicales au dossier d’expérience de l’employeur, sans égard au fait que la date de consolidation ait été acquise au terme du processus d’évaluation médicale.
[21] Le tribunal conclut que l’employeur a démontré que les coûts relatifs à ces visites médicales ne peuvent être assimilés à des « prestations dues en raison d’un accident du travail » et qu’en conséquence, il n’a pas à les supporter. »
· CSSS Haute-Yamaska[13] :
[24] Dans le présent cas, la preuve démontre que la CSST a imputé au dossier de l’employeur le coût de deux visites médicales effectuées après la date de consolidation de la lésion professionnelle sans nécessité de traitements additionnels alors qu’il n’en résulte aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[25] En fonction des critères mentionnés dans la décision précitée, le tribunal conclut que l’employeur a démontré que les coûts relatifs à la première visite médicale, celle du 15 juin 2011 au cours de laquelle le Dr Deschamps maintenait la nécessité de poursuivre les traitements de physiothérapie entrepris, malgré l’avis du Bureau d’évaluation médicale à l’effet contraire, ne doivent pas lui être imputés. De l’avis du soussigné, il ne peut s’agir dans ce cas de « prestations dues en raison d’un accident du travail » et, en conséquence, il n’a pas à les supporter.
· CPE Mon Monde à Moi[14] :
[18] Dans cette décision de principe, la Commission des lésions professionnelles a statué que la consolidation d’une lésion professionnelle, sans nécessité de traitements, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, entraîne dès lors la fin de l’imputation des coûts au dossier d’expérience de l’employeur.
[19] Pour ce faire, l’employeur devait démontrer que les coûts dont il désirait le retrait de son dossier d’expérience étaient générés après la date de consolidation de la lésion professionnelle, sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[20] C’est précisément la preuve soumise par l'employeur dans le présent dossier et en tenant compte de la jurisprudence, tout particulièrement de celle exprimée dans la décision Centre hospitalier de l’Université de Montréal-Pavillon Mailloux[5], il y a lieu d’accueillir la requête de l’employeur pour soustraire les coûts générés à compter de la date de consolidation de la lésion professionnelle au motif qu’ils ne doivent pas être supportés par l’employeur.
[Notes omises]
· Hôpital Rivière-des-Prairies[15] :
[16] La Commission des lésions professionnelles adhère aux propos énoncés par la majorité des juges administratifs dans le banc de trois précité. Le présent tribunal est en effet d’avis que la consolidation d’une lésion professionnelle sans la nécessité de traitements et sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle entraîne la fin de l’imputation des coûts au dossier de l’employeur.
[17] En l’espèce, il appert que la lésion professionnelle a été consolidée par un rapport final en date du 6 septembre 2011, sans la présence d’une atteinte permanente ou de limitation fonctionnelle. La lésion professionnelle était par conséquent guérie et n’engendrait plus la nécessité de soins ou de traitements à compter du 6 septembre 2011. La visite médicale effectuée le 13 octobre 2011 n’est en conséquence pas en relation avec la lésion professionnelle du 23 août 2011.
· CSSS Haut-Richelieu/Rouville[16] :
[26] Dans le présent cas, la preuve démontre que la CSST a imputé au dossier de l’employeur le coût de plusieurs visites médicales effectuées après la date de consolidation de la lésion professionnelle, alors qu’il a été déterminé qu’aucun traitement additionnel n’était requis après cette date et que la travailleuse ne conservait de sa lésion aucune atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, ni limitations fonctionnelles.
[27] En fonction des critères mentionnés dans la décision précitée, le tribunal conclut que l’employeur a démontré que tous les coûts relatifs à des consultations et actes médicaux postérieurs au 17 février 2010, identifiés à la lettre de l’employeur du 27 septembre 2010, doivent être retirés de son dossier. De l’avis du soussigné, il ne peut s’agir de « prestations dues en raison d’un accident du travail » et, en conséquence, l’employeur n’a pas à supporter ces frais.
· Service terminaux Montréal Gateway[17] :
[36] Le présent tribunal n’adhère pas au courant minoritaire, car il estime que celui-ci restreint sans raison valable la portée de la décision finale qui a été rendue sur les conséquences de la lésion professionnelle visée et minimise les gains qui ont précédemment été obtenus par un employeur soit à la suite du processus d’évaluation médicale prévu aux articles 199 et suivants de la loi ou à la suite du processus de contestation prévu aux articles 358 et 359 de la loi.
[37] De fait, et contrairement à ce que laissent sous-entendre les tenants du courant minoritaire, le tribunal ne comprend pas pourquoi il devrait, dans de tels cas, présumer ou prendre pour acquis que toutes les visites médicales effectuées après la consolidation demeurent reliées à la lésion professionnelle alors que les rapports médicaux qui correspondent à ces visites et qui font état de l’avis du médecin qui a charge et des soins, traitements et autres recommandations qu’il suggère n’ont pas suffi à établir que la lésion professionnelle du travailleur était toujours active et nécessitait encore des soins et des traitements au-delà de la date de la consolidation antérieure proposée soit par le médecin de l’employeur, de la CSST ou du Bureau d’évaluation médicale.
[38] Bref, le tribunal ne voit pas pourquoi il devrait prioriser au stade de l’imputation l’avis du médecin qui a charge alors que celui-ci a dûment été écarté au stade de l’indemnisation. Cela ne fait guère de sens, à ses yeux.
[39] En l’absence de nouveaux éléments de preuve ou de circonstances très exceptionnelles, le tribunal estime au contraire que l’imputation doit impérativement reposer sur les éléments qui ont déjà été retenus et déterminés précédemment au stade de l’indemnisation, car c’est le seul moyen d’attribuer à l’employeur concerné les coûts « dus en raison » de l’accident du travail subi par son employé, et ce, tel que l’exige l’article 326 de la loi.
[40] En l’espèce, la preuve révèle que le travailleur a vu son médecin traitant à cinq reprises après la date de la consolidation de sa lésion professionnelle. Trois sont des visites de suivi ordinaire alors que les deux autres sont essentiellement requises en vue de la préparation et de la production du Rapport final ou du Rapport d’évaluation médicale, mentionnés aux articles 203 et 221 de la loi.
· Société des traversiers du Québec[18] :
[13] Dans le présent dossier, l’effet de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 21 juin 2011, afin d’entériner un accord intervenu entre les parties, fait en sorte que la lésion professionnelle du 27 avril 2010 est consolidée le 11 juin 2010, sans nécessité de soins ou traitements après cette date, la lésion étant consolidée sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[14] Il s’agit donc d’une consolidation-guérison faisant en sorte que les traitements, soins ou visites postérieurs à la date de consolidation ne doivent pas être imputés à l’employeur.
[15] Ce faisant, le soussigné se rallie à l’opinion majoritaire émise dans l’affaire Centre hospitalier de l’Université de Montréal, Pavillon Mailhoux et C.S.S.T.
[16] Le recensement de la jurisprudence révèle également qu’une forte majorité des juges administratifs se sont ralliés depuis à cette position majoritaire.
[17] Ceci étant dit, la position minoritaire contient des arguments intéressants et qui ne sont pas dénués de fondement.
[18] Aussi, dans le présent dossier, deux membres du Bureau d'évaluation médicale ont décidé que la lésion n’était pas consolidée au jour de leurs examens, mais à la suite d’un accord survenu ultérieurement, la Commission des lésions professionnelles a fait rétroagir cette date de consolidation à l’avis émis par le médecin désigné par l’employeur. On peut se questionner sur le fait que les rencontres médicales et soins de physiothérapie ont été avalisés par les médecins du travailleur et deux membres du Bureau d'évaluation médicale, mais que, par un accord intervenu entre les parties, on puisse désimputer tous les frais d’assistance médicale ainsi encourus.
[19] Toutefois, il s’agit là de l’effet de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles afin d’entériner cet accord et par souci de cohérence, le tribunal estime devoir se ranger derrière le courant qui est significativement majoritaire.
[50] Pour les mêmes motifs que ceux exprimés par le juge Clément dans cette précédente affaire, le tribunal estime devoir également se rallier à ce courant majoritaire, lorsque, comme en l’espèce, la consolidation de la lésion sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles est également sans nécessité de soins, et ce, par souci de cohérence tout en reconnaissant à l’opinion minoritaire comporte des éléments de réflexion sérieux.
[51] Le tribunal se rallie d’autant que la Cour supérieure a refusé de réviser cette décision dans l’affaire Centre hospitalier de l’Université de Montréal-Pavillon Mailloux[19], où elle s’exprime en ces termes :
[85] Le tribunal est d’avis qu’il n’est pas déraisonnable, au stade de l’imputation, de considérer que des visites médicales effectuées après la consolidation, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelle, ne soient pas en relation avec la lésion et par conséquent, que leur coût ne soit pas imputé au dossier d’un employeur, car c’est ce que prévoit le premier alinéa de l’article 326 de la LATMP.
[86] En les imputant au dossier de l’employeur sans analyse, la CSST crée une situation de faits et soutient que ces coûts sont nécessairement liés à la lésion professionnelle, sans que l’employeur puisse faire valoir un point de vue contraire, sous prétexte qu’il irait à l’encontre ,une décision déjà rendue en matière d’indemnisation,
[86] Rappelons qu’il n’y a pas de décision formelle rendue par la division de l’indemnisation de la CSST à cet effet qui pourrait faire l’objet d’une contestation par un employeur et au surplus, la Loi ne fait pas de distinction, car dans l’un et l’autre cas, le coût des visites médicales doit être relié à la lésion professionnelle, que ce soit en matière d’indemnisation ou d’imputation. [sic]
[52] Dans le présent dossier, si le tribunal veut donner effet à la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 30 mars 2012 dans le dossier de la travailleuse, il n’a d’autres choix que de faire droit à cette partie de la demande de l’employeur puisque le résultat net de cette décision implique que les consultations postérieures au 6 juin 2006 l’ont été, alors qu’il a été décidé par décision finale qu’il y avait suffisance de soins pour le seul diagnostic reconnu comme étant en relation avec la lésion professionnelle, soit le diagnostic de contusion au coude gauche.
[53] Les frais de visites médicales pour des consultations postérieures au 6 juin 2006, qu’ils concernent le diagnostic de contusion au coude gauche ou les autres conditions non reconnues comme étant en relation, doivent donc être retirés du dossier financier de l’employeur.
[54] L’employeur dépose en preuve un relevé indiquant qu’il y a eu des visites médicales antérieures au 6 juin 2006, mais qui concernaient des diagnostics qui n’ont pas été reconnus comme étant en relation avec la lésion professionnelle, soit pour une somme de 320,20 $. Le tribunal comprend que l’employeur en désire également le retrait de son dossier.
[55] Il est possible dans un dossier comme celui de la travailleuse que le médecin qui a charge ait pu, durant la période d’investigation de la condition de la travailleuse, émettre des opinions diagnostics qui ultimement ne sont pas retenues par une décision finale. Le fait de qualifier la lésion de la travailleuse tantôt de contusion au coude gauche, d’épicondylite ou de tendinite ou même de neuropathie cubitale en est une illustration.
[56] La médecine n’est pas une science exacte. L’identification d’une lésion nécessite parfois un certain temps et l’émission d’hypothèses diagnostics qui sont à valider. Souscrire à l’argument de l’employeur conduirait à des résultats aberrants. Devra-t-on retirer des dossiers d’employeurs tous les frais liés à des visites médicales parce qu’un médecin a posé, lors des premières visites d’un patient, un diagnostic d’entorse lombaire alors qu’un examen d’imagerie par résonance magnétique démontre six mois plus tard que nous sommes en présence d’une hernie discale? La situation serait pour le moins incongrue.
[57] À titre d’exemple, dans le présent dossier, le médecin qui a charge a demandé un électromyogramme dans le but de vérifier si la travailleuse présentait un syndrome de tunnel carpien ou une neuropathie cubitale. Cela fait partie des soins normalement prodigués à un patient. Il n’est pas irrationnel de poser un diagnostic de tendinite du coude gauche en présence d’une contusion au même site de lésion si la douleur persiste.
[58] La recherche du véritable diagnostic peut impliquer l’émission d’hypothèses à valider par des examens postérieurs. C’est souvent un processus d’essais et d’erreurs. Le tribunal considère que cela fait partie des soins prodigués en raison d’un accident du travail, même si ultimement, le résultat de l’examen ne confirme pas le diagnostic posé.
[59] Dans l’affaire Centre Hospitalier de l’Université de Montréal[20], les juges majoritaires s’exprimaient ainsi :
[360] Dès lors, l’effet combiné des articles 2, 188, 189 et 326 de la loi permet assurément au tribunal de conclure que les coûts reliés aux services d’un professionnel de la santé font partie des risques assurés et qu’ils doivent être imputés au dossier d’expérience de l’employeur, mais seulement lorsqu’ils sont dus en raison d’un accident du travail.
[60] Le tribunal considère que les visites médicales ayant pour but d’identifier le diagnostic de la lésion font partie des soins dus en raison d’un accident du travail et le tribunal ne voit pas pourquoi l’employeur devrait être désimputé du coût de ces visites.
[61] Ce ne sera qu’en présence d’une preuve claire que la consultation était pour une condition personnelle, sans lien avec la lésion professionnelle, que le tribunal pourra ordonner le retrait de ces frais dans la période précédant la consolidation de la lésion, sans nécessité de soins, preuve qu’il n’a pas dans ce dossier.
[62] Par ailleurs, le tribunal n’a pas d’hésitation à ordonner le retrait des frais des consultations médicales pour des diagnostics non reconnus pour la période postérieure à la date de consolidation de la lésion du 6 juin 2006.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie la requête de Résidence Angelica inc., l’employeur;
DÉCLARE recevable la demande de révision de l’employeur du 6 juin 2012;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue à la suite d’une révision administrative le 21 août 2012;
DÉCLARE que les frais pour des visites médicales reliées au diagnostic de contusion au coude gauche de madame Ghislaine Gibouleau, la travailleuse, à compter du 6 juin 2006, doivent être retirés du dossier financier de l’employeur;
DÉCLARE que les frais pour les visites médicales, à compter du 6 juin 2006, reliées aux diagnostics non reconnus comme étant en lien avec la lésion professionnelle, doivent être retirés du dossier financier de l’employeur.
|
|
|
Daniel Pelletier |
|
|
|
|
Me Isablle Auclair |
|
Monette Barakett |
|
Représentante de la partie requérante |
[1] 2012 QCCLP 2337 .
[2] 2011 QCCLP 4532 .
[3] Chapitre A-3.001, r. 7.
[4] Centre hospitalier de l’Université de Montréal - Pavillon Mailloux et CSST, 2012 QCCLP 2553 . Requête en révision judiciaire rejetée Commission de la santé et de la sécurité du travail et Commission des lésions professionnelles et Centre hospitalier de l’université de Montréal, C.S. 200-17-016380-123, 14 février 2013, j. Bouchard.
[5] Précitée, note 2 (Voir également les paragraphes 95 à 97).
[6] Précitée, note 4.
[7] Précitée, note 2.
[8] Précitée, note 4.
[9] Voir : Provigo Québec Division Montréal Détail, 2012 QCCLP 3402 ; Bell Canada, 2012 QCCLP 3090 ; Société terminaux Montréal Gateway, 2012 QCCLP 3063 ; Hôpital Ste-Justine, 2013 QCCLP 214 ; CSSS Nord de Lanaudière, 2013 QCCLP 207 .
[10] 2012 QCCLP 4194 .
[11] 2012 QCCLP 4655 .
[12] 2012 QCCLP 4950 .
[13] 2012 QCCLP 0573.
[14] 2012 QCCLP 5096 .
[15] 2012 QCCLP 5443 .
[16] 2012 QCCLP 5731 .
[17] 2012 QCCLP 6621 .
[18] 2012 QCCLP 7042 .
[19] Précitée, note 4.
[20] Précitée, note 4.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.