Jean-Louis c. Couche-Tard |
2015 QCCQ 1374 |
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COUR DU QUÉBEC |
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Division des petites créances |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
Montréal |
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« Chambre civile » |
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N : |
500-32-135722-124 |
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DATE : |
27 février 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MARTINE L. TREMBLAY, J.C.Q. |
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LEEROY EROLPH JEAN-LOUIS […] Montréal (Québec) […]
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Partie demanderesse |
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c.
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COUCHE-TARD 3875, rue Masson Montréal (Québec) H1X 1T2
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Partie défenderesse
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JUGEMENT
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[1] Insulté et offusqué par l’attitude et les propos du caissier du dépanneur de la défenderesse Couche-Tard Inc. («Couche-Tard»), M. Leeroy Erolph Jean-Louis, («M. Jean-Louis») lui réclame 4 500 $.
[2] Couche-Tard nie que le caissier ait commis une faute pouvant engager sa responsabilité civile en tant qu’employeur.
Questions en litige
1) Le caissier a-t-il commis une faute à l’endroit de M. Jean-Louis ?
2) Dans l’affirmative, quels sont les dommages subis par M. Jean-Louis ?
Les faits
[3] Le 19 septembre 2012, vers 23 h 05, M. Jean-Louis veut se procurer de la monnaie sur un billet de 20 $ afin d’avoir les 7 $ requis pour payer son passage sur un autobus à destination de Valleyfield le lendemain. Il se rend donc au dépanneur de Couche-Tard dont il est client depuis 25 ans.
[4] Voici la description des évènements selon M. Jean-Louis et la vidéo[1] d’1 mn 54 s captée par la caméra de surveillance du dépanneur.
[5] M. Jean-Louis arrive au comptoir et demande du change. Le caissier craint de ne pas avoir assez de monnaie et refuse. Devant la supplique de M. Jean-Louis, le caissier l’informe que s’il achète un produit, M. Jean-Louis pourra avoir de la monnaie.
[6] M. Jean-Louis choisit un article à 3,29 $. Puis, sur les conseils du client derrière lui, un voisin, il décide plutôt d’acheter un item à 1,83 $, ce qui oblige le caissier a annuler la transaction précédente avant de poinçonner le nouvel item et de rendre 18,17 $ à M. Jean-Louis.
[7] Survient alors ce que M. Jean-Louis décrit comme étant le fait fautif.
[8] Considérant ne pas avoir assez de monnaie, M. Jean-Louis insiste pour que le caissier remplace un billet par des pièces. Le caissier ne veut pas. Lorsque M. Jean-Louis lui dit qu’il a respecté l’exigence d’acheter un item pour avoir de la monnaie, le caissier concède. Il prend l’un des billets dans la main gauche de M. Jean-Louis, le met dans le tiroir-caisse où il prend des pièces qu’il laisse tomber dans la main droite de M. Jean-Louis. Ce dernier estime que le caissier n’a pas déposé les pièces, mais les lui a plutôt lancées. Il se recule du comptoir, en faisant des reproches au caissier sur la qualité de son service et son attitude, alors que celui-ci sert le client suivant.
[9] La déclaration pour valoir témoignage de l’autre caissière alors en service, décrit les dernières 17 secondes de cette rencontre entre M. Jean-Louis et le caissier comme suit :
« le client lui a redemandé plus de monnaie, car c’est de la monnaie qu’il avait besoin. L’employé s’est fâché en lui disant : « dude, ta rien compris… la nuit j’peux pas te faire de change ». Le client lui a répondu : « vous m’avez demandé d’acheté un article pour avoir de la monnaie : alors pourquoi je n’ai pas la monnaie que J’ai besoin. » L’employé lui a remis la monnaie de façon arrogante mais non violente. »
(Reproduction intégrale)
[10] Couche-Tard reconnaît que normalement, la caméra de surveillance capte non seulement l’image, mais également le son. Dans ce cas-ci, le micro n’était pas fonctionnel.
[11] Le 20 septembre 2012, M. Jean-Louis écrit une lettre de mise en demeure[2] qui est postée par courrier recommandé le 2 octobre 2012, réclamant 3 500 $ pour avoir été très mal reçu par le caissier et avoir été victime d’un "traitement malsain".
Analyse
1) Le caissier a-t-il commis une faute à l’endroit de M. Jean-Louis ?
[12] En tant qu’employeur du caissier, Couche-Tard est tenu de réparer le préjudice causé par la faute de ce dernier dans l’exécution de ses fonctions[3].
[13] La faute de l’employé, dont il est ici question, doit atteindre le degré de la faute civile tel que le conçoit l’article 1457 du Code civil du Québec (C.c.Q) qui se lit :
1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde.
1991, c. 64, a. 1457.
[14] Un individu commet donc une faute aux termes de l’article 1457 C.c.Q, lorsqu'il affiche un comportement social qui ne correspond pas au modèle que la société attend de lui[4].
[15] L’arrogance d’un employé dans ses propos à l’égard d’un client, comme son manque de courtoisie, sont peut-être des entorses de base en matière de service à la clientèle, mais elle ne signifie pas qu’il y a automatiquement faute civile de la part de l’employé.
[16] M. Jean-Louis a reconnu dès le début de son témoignage qu’il était particulièrement nerveux et émotif ce soir-là, alors qu’il devait se rendre à Valleyfield le lendemain en raison de procédures judiciaires reliées à la garde de son enfant. Il est 23 h 05. Le caissier craint de ne pas avoir suffisamment de monnaie. Les clients attendent. Le caissier est impatient et agacé par l’insistance de M. Jean-Louis. S’il ne dépose pas lentement et gentiment la monnaie dans la main de M. Jean-Louis, il ne la lui lance pas pour autant.
[17] Le Tribunal ne peut pas, dans les circonstances, conclure que le comportement social du caissier ne correspond pas au modèle que la société attend de lui.
2) Dans l’affirmative, quels sont les dommages subis par M. Jean-Louis ?
[18] Le Tribunal ayant conclu qu’il n’y a pas eu faute civile du caissier, il n’est pas nécessaire de répondre à cette question.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
REJETTE l’action de Leeroy Erolph Jean-Louis;
CONDAMNE Leeroy Erolph Jean-Louis à payer à Couche-Tard inc. les frais judiciaires de 169 $.
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__________________________________ Martine L. Tremblay, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
24 novembre 2014 |
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AVIS :
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