Décision

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ModÚle de décision CLP - avril 2013

Singh et Via Courrier

2014 QCCLP 3534

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

17 juin 2014

 

Région :

Montréal

 

Dossiers :

512015-71-1305      525377-71-1310

 

Dossier CSST :

140208596

 

Commissaire :

Marie-Anne Roiseux, juge administratif

 

Membres :

Claude St-Laurent, associations d’employeurs

 

Françoise Morin, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Harpan Singh

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Via Courrier

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 512015-71-1305

[1]           Le 21 mai 2013, monsieur Harpan Singh (le travailleur) dĂ©pose Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles une requĂȘte Ă  l’encontre d’une dĂ©cision rendue le 15 mai 2013 par la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail (la CSST) Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative.

[2]           Par cette dĂ©cision, la CSST dĂ©clare irrecevable la demande de rĂ©vision Ă  l'encontre d'une dĂ©cision du 9 avril 2013. Au moyen de ce recours, le travailleur cherchait Ă  obtenir un changement Ă  la situation familiale retenue pour le calcul de son indemnitĂ© de remplacement du revenu.

Dossier 525377-71-1310

[3]           Le 24 octobre 2013, le travailleur dĂ©pose Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles une requĂȘte par laquelle il conteste une dĂ©cision rendue le 18 octobre 2013 par la CSST Ă  la suite d'une rĂ©vision administrative.

[4]           Par cette dĂ©cision, la CSST confirme pour d'autres motifs, la dĂ©cision initiale du 18 septembre 2013 et dĂ©clare que la CSST est justifiĂ©e de refuser de reconsidĂ©rer la dĂ©cision du 8 novembre 2012 par laquelle le travailleur est informĂ© de la situation familiale prise en compte aux fins de calcul de son indemnitĂ© de remplacement du revenu.

[5]           À l'audience tenue Ă  MontrĂ©al le 29 janvier 2014, le travailleur est prĂ©sent et reprĂ©sentĂ©. Via Courrier (l’employeur) est absent. La Commission des lĂ©sions professionnelles ayant demandĂ© des documents supplĂ©mentaires, le dossier a Ă©tĂ© mis en dĂ©libĂ©rĂ© Ă  la rĂ©ception de ceux-ci, soit le 4 fĂ©vrier 2014.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

[6]           Le travailleur demande de revoir sa situation familiale pour tenir compte du fait qu’il a une personne majeure Ă  charge.

LES FAITS  

[7]           Le 20 septembre 2012, le travailleur est victime d’une lĂ©sion professionnelle dĂ©crite ainsi dans sa rĂ©clamation rĂ©digĂ©e le 2 novembre 2011 :

At 10 30am on September 28th 2012, i was driving on Henri Bourassa to bring deliveries to a company. On the opposite side of the street i saw a vehicule spinning (black honda) towards me on my front left side. It hit my vehicule on the front left side. I was trapped in my car for a while. Firefighters helped me to get out of my car.

 

 

[8]           Le travailleur subit plusieurs fractures qui entraĂźneront une hospitalisation de 20 jours ainsi qu’une longue pĂ©riode de rĂ©adaptation au Centre de rĂ©adaptation Lucie-Bruneau.

[9]           Le 5 novembre 2012, suite Ă  l’admissibilitĂ© de la rĂ©clamation du travailleur, la CSST Ă©tablit la base du revenu brut assurable Ă  20 647,44 $ et retient la situation familiale du travailleur comme Ă©tant cĂ©libataire, sans personne mineure ou majeure Ă  charge.

[10]        Selon ce que rĂ©vĂšle la lecture des notes administratives, c’est une travailleuse sociale de l'Institut de rĂ©adaptation oĂč est hospitalisĂ© le travailleur qui rĂ©dige la rĂ©clamation et communique avec la CSST pour l’informer de la condition ce dernier et du suivi mĂ©dical.

[11]        Le 8 novembre 2012, alors qu’il est encore en rĂ©adaptation, un premier chĂšque d’indemnitĂ© de remplacement du revenu est Ă©mis. Sur l’avis de paiement joint Ă  ce chĂšque, le travailleur est informĂ© de la base du revenu brut assurable ayant servi Ă  dĂ©terminer le montant de son indemnitĂ© et  la situation familiale retenue par la CSST, soit cĂ©libataire, sans personne mineure ou majeure Ă  charge.

[12]        Il y est aussi indiquĂ© ce qui suit :

[
]

 

Si vous pouvez dĂ©montrer que cette base ne correspond pas Ă  vos revenus et peut ĂȘtre modifiĂ©e en raison de revenus supplĂ©mentaires tels que prime, pourboire, heures supplĂ©mentaire, communiquez avec nous dans les plus

 

brefs délais. Vous trouverez au verso de la premiÚre page, les renseignements sur la demande de révision. [sic]

 

 

[13]        Selon la CSST, ce premier avis de paiement constitue en soi, la dĂ©cision Ă©crite de la CSST informant le travailleur de la base salariale et de la situation familiale retenues dans son dossier.

[14]        Le 19 novembre 2012, madame Carole Anctil, agente d'indemnisation, indique dans les notes Ă©volutives que l’épouse du travailleur rĂ©side en Inde et est Ă  sa charge. 

[15]        Le 3 dĂ©cembre 2012, le travailleur rencontre pour la premiĂšre fois une reprĂ©sentante de la CSST, soit madame Karine Couture, conseillĂšre en rĂ©adaptation. Lors de cette rencontre qui a lieu au Centre de rĂ©adaptation Lucie-Bruneau, le travailleur mentionne qu’il est mariĂ©, mais que son Ă©pouse est encore en Inde dans l’attente d'ĂȘtre admise comme rĂ©sidante au Canada.

[16]        Il ajoute que son Ă©pouse est Ă  sa charge et qu’il lui envoie de l'argent tous les mois. Madame Couture est d'avis que le fait que l’épouse ne rĂ©side pas chez le travailleur exclut la possibilitĂ© que celle-ci soit une personne Ă  charge.  

[17]        La Commission des lĂ©sions professionnelles constate aussi que madame Couture n’a pas informĂ© le travailleur qu’il pouvait contester l’avis de paiement et que le dĂ©lai se terminait dans les jours suivants. Elle lui a simplement suggĂ©rĂ© de transmettre cette information Ă  l'agent d'indemnisation.

[18]        Incidemment, il est dĂ©montrĂ© Ă  l’audience, que le travailleur verse  mensuellement une somme d’argent Ă  son Ă©pouse qui rĂ©side en Inde. Le travailleur a dĂ©clarĂ© Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles qu’il a obtenu rĂ©troactivement un remboursement d’impĂŽts pour personne Ă  charge

[19]        Le 4 dĂ©cembre 2012, le travailleur contacte madame Carole Anctil, agente d'indemnisation. Il est question de la base salariale, mais aucunement du statut du travailleur. Il en est de mĂȘme lors d'une autre conversation, le 6 dĂ©cembre suivant. Toutefois, on avise le travailleur qu’il y aura une rĂ©vision de sa base salariale, ce qui est fait le 12 dĂ©cembre suivant.

[20]        Le 18 dĂ©cembre 2012, par le biais d’un autre avis de paiement, la CSST reconsidĂšre la base salariale dans le dossier du travailleur pour l’établir Ă  27 967,78 $, mais ne modifie pas la situation familiale.

[21]        Il ressort du dossier que l'agent d'indemnisation considĂšre que le travailleur est « sans personne Ă  charge au QuĂ©bec, sa conjointe est en attente d’immigration Â».

[22]        Le 11 janvier 2013, le travailleur retourne Ă  son domicile. MalgrĂ© tout, le travailleur est encore lourdement affectĂ© par les blessures dĂ©coulant de son accident du travail. Notamment, il ne peut se dĂ©placer par le transport en commun.

[23]        Le 19 mars 2013, maĂźtre Sylvain Gingras communique avec la CSST Ă  la demande du travailleur. Voici la teneur de la lettre qu’il adresse Ă  la CSST :

Madame, Monsieur,

 

Nous avons été mandatés par monsieur Harpan Singh afin de le représenter dans le dossier mentionné en titre.

 

Par la prĂ©sente nous vous demandons de rendre une dĂ©cision Ă©crite et motivĂ©e sur le statut de la personne accidentĂ©e au moment de l‘accident.

 

En effet, ce dernier est marié et a donc une personne majeure à charge.

 

Par consĂ©quent, c’est sur ce statut qu’il devrait ĂȘtre Ă©valuĂ©.

 

 

[24]        Monsieur GĂ©linas dĂ©cide de tĂ©lĂ©phoner au travailleur et de lui demander de transmettre Ă  la CSST les rapports d'impĂŽts dĂ©montrant qu’il a une personne Ă  charge au sens de l'impĂŽt. Le travailleur tĂ©moigne qu’il a apportĂ© des documents Ă  la CSST indiquant que son Ă©pouse Ă©tait Ă  sa charge, mais la CSST a refusĂ© ces documents, l’avisant que le statut ne pouvait plus ĂȘtre changĂ©.

[25]        Le 8 avril 2013, monsieur GĂ©linas Ă©crit ce qui suit dans le dossier :

Titre: Décision concernant la situation familiale

 

 

- ASPECT LÉGAL :

L’avocat du T demande Ă  ce que la CSST rende une dĂ©cision Ă©crite et motivĂ©e concernant la situation familiale.

En effet, T et l’avocat revendique Ă  ce que les lRRs soient fixĂ©es selon une situation familiale de conjointe Ă  charge. puisque le T est mariĂ©.

 

La situation familiale qui est présentement retenue est: Célibataire, sans personne à charge.

____________________  

 

Il est Ă  noter que selon Revenu QuĂ©bec. la dĂ©finition de « Personne Ă  charge Â» est la suivante:

 

” Personne qui remplit les trois conditions suivantes:

- elle est née avant le 1er janvier 1995;

- elle est unie Ă  vous par le liens du sang, du mariage ou de adoption;

- en 2012. elle a habitĂ© ordinairement avec vous et vous avez subvenu Ă  ses besoins. â€

 

       SIC:[enligne}htfp://www.revenuquebec.ca/tr/definifion/autre_pers_charge..,guide.aspx, page consultée le 8 avril 2013.

 

Par conséquent. la CSST rend la décision suivante:

 

La CSST Ă©tant LiĂ©e par la situation familiale dĂ©clarĂ©e selon les lois sur l’impĂŽt,

ConsidĂ©rant que la conjointe du T ne remplit pas le troisiĂšme critĂšre de la dĂ©finition de ”personne Ă  charge” selon Revenu QuĂ©bec,

En effet, cette derniĂšre habite Ă  l’extĂ©rieur du Canada, soit en Inde. Elle n’habite donc pas avec le T.

Nous ne pouvons considérer sa conjointe comme étant à sa charge.

 

De plus. le T pouvait, dans un délai de 30 jours suivant la réception du premier relevé de paiement CSST, contester la décision indiquant la situation familiale.

Or. T nous demande une modification de sa situation familiale, plus de 3 mois aprĂšs l’émission du premier relevĂ© de paiement.

Considérant que le délai de reconsidération est expirée, nous ne pouvons, reconsidérer cette décision.

 

De plus. sur la RTR. complĂ©tĂ©e Le 2 novembre 2012, T dĂ©clare ĂȘtre ”avec conjoint ou conjointe non Ă  charge”.

C’est donc sur ce statut familiale que le T aurait initialement dĂ» ĂȘtre indemnisĂ©.

Si la CSST ajuste la situation familiale tel que déclaré sur la RTR, un surpayé sera créée.

 

Pour toutes ces raisons.

Nous refusons de modifier la situation familiale.

            _______________________________   

 

Bien que l’avocat demande Ă  ce que la CSST Ă©mette une “dĂ©cision Ă©crite et motivĂ©e”, il n’y a pas lieu de la faire, puisqu’un dĂ©cision Ă  cet effet a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© Ă©mise via le relevĂ© de paiement CSST.

Nous émettons, à la place, une lettre de Refus de Reconsidération - Tout erreur.

Lettre émise. [sic]

 

 

[26]        Le lendemain, monsieur GĂ©linas ajoute ce qui suit :

2013-04-09 08:53:56, Mathieu GĂ©linas - Agent d’indemnisation, NOTE GÉNÉRALE

 

 

Titre : Surpayé - Modalité

 

 

- CONTENU :

Suite Ă  la demande d’avocat, concernant le changement du statut familiale, nous avions        modifiĂ©, en date du 2 avril 2013. la situation familiale du T comme Ă©tant ”Avec conjointe Ă  charge”.

Ce changement a gĂ©nĂ©rĂ© des ajustements d’IRR, pour un total de 1446.90$. dont le virement Ă©tait prĂ©vue pour le 9 avril 2013.

 

AprĂšs analyse plus approfondie de la situation, nous avons finalement dĂ©cidĂ© de ne pas modifier la situation familiale, tel que demandĂ© par l’avocat.

Par consĂ©quent, nous avons remis la situation familiale comme Ă©tant “CĂ©libataire”. soit le mĂȘme qu’avant les changements.

Cela a généré un surpayé de 1446.90$.

Puisque le virement automatique n’a pas encore eu lieu, nous avons demandĂ© un arrĂȘt de paiement en date du 8 avril 2013.

En date d’aujourd’hui:

- Modalité du surpayé prise à 100%.

- Annulation du paiement.

- Réémission du virement demain pour effacer surpayé.

 

T a été informé de la situation le 8 avril 2013. [sic]

 

 

[27]        Le travailleur demande la rĂ©vision de cette dĂ©cision. Le 15 mai 2013, la CSST en rĂ©vision considĂšre la demande du travailleur comme une reconsidĂ©ration et conclut qu’elle est irrecevable pour les motifs suivants :

[
]

 

Par ailleurs, en l’absence d’un fait essentiel, la loi stipule qu’une personne ne peut demander la rĂ©vision du refus de la Commission de reconsidĂ©rer sa dĂ©cision pour corriger toute erreur.

 

Dans le prĂ©sent dossier, la Commission, en rĂ©vision, est d’avis que dans sa demande du 12 mars 2013, le reprĂ©sentant du travailleur ne soulĂšve aucun fait essentiel, mais rapporte plutĂŽt la prĂ©sence d’une erreur quant Ă  l’établissement de la situation familiale dans le dossier du travailleur. La Commission est donc justifiĂ©e de refuser de reconsidĂ©rer la situation familiale du travailleur, telle qu’établie le 5 novembre 2012, pour corriger toute erreur, puisqu’elle est en dehors des dĂ©lais pour le faire. En effet, c’est par le biais de l’avis de paiement Ă©mis le 8 novembre 2012 que le travailleur est informĂ© pour la premiĂšre fois de la situation familiale retenue par la Commission.

 

[28]        L’épouse du travailleur est admise au Canada comme rĂ©sidente permanente et arrive le 13 septembre 2013. À compter de cette date, elle rĂ©side avec son Ă©poux.

[29]        Le travailleur adresse vers le 17 septembre 2013, une demande de changement de statut. La CSST refuse, considĂ©rant encore une fois la demande du travailleur comme une demande de reconsidĂ©ration hors dĂ©lai.

[30]        La CSST en rĂ©vision refuse Ă©galement la demande du travailleur, mais pour des motifs diffĂ©rents. Elle considĂšre que l’arrivĂ©e au Canada de son Ă©pouse ne peut justifier une reconsidĂ©ration pour les motifs suivants :

[
]

 

Le 18 septembre 2013, la Commission rend sa dĂ©cision qui fait l’objet de la prĂ©sente demande de rĂ©vision.

 

Selon l’information obtenue de la reprĂ©sentante du travailleur, la conjointe du travailleur est arrivĂ©e au QuĂ©bec le 13 septembre 2013. Il s’agit du fait essentiel allĂ©guĂ© par le travailleur au soutien de sa demande de reconsidĂ©ration.

 

La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi) prĂ©voit que la Commission peut, de sa propre initiative ou Ă  la demande d’une partie, reconsidĂ©rer sa dĂ©cision dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.

 

Le travailleur ayant fait sa demande de reconsidĂ©ration Ă  la Commission le 16 septembre 2013, la Commission, en rĂ©vision, en conclut que la demande de reconsidĂ©ration a Ă©tĂ© produite Ă  l’intĂ©rieur du dĂ©lai de 90 jours prĂ©vu Ă  la loi. Le travailleur respecte donc ce dĂ©lai.

 

La Commission, en révision, doit maintenant déterminer si le fait allégué est un fait essentiel.

 

La Commission, en rĂ©vision, rappelle que pour qu’un fait soit considĂ©rĂ© essentiel, il doit ĂȘtre concret, indĂ©niable et certain; il doit ĂȘtre important et susceptible de modifier la dĂ©cision initiale. Il faut aussi rappeler que le fait essentiel doit exister au moment de rendre la dĂ©cision initiale, mais ĂȘtre inconnu Ă  ce moment.

 

La Commission, en rĂ©vision, est d’avis que le fait dĂ©crit ne rĂ©pond pas Ă  la dĂ©finition de fait essentiel. En effet, le fait allĂ©guĂ© n’existait pas au moment de rendre la dĂ©cision initiale. Le statut du travailleur est Ă©tabli en fonction de sa situation familiale dĂ©clarĂ©e, selon les lois sur l’impĂŽt, telle qu’elle existait lorsque s’est manifestĂ©e sa lĂ©sion professionnelle et il n’y a pas lieu de le modifier par la suite. Ainsi, le fait allĂ©guĂ© n’est pas susceptible de modifier la dĂ©cision initiale.

 

 

[31]        À la demande de la Commission des lĂ©sions professionnelles, le travailleur a dĂ©posĂ© ses rapports d'impĂŽts pour l'annĂ©e 2012. Il se dĂ©clare mariĂ© Ă  Sukhwinder Kaur, mais ne demande aucune dĂ©duction pour une personne Ă  charge. À l’audience, le travailleur affirme qu’il a reçu des remboursements rĂ©troactifs suite Ă  son changement de statut civil.   

L’AVIS DES MEMBRES

Dossiers 512015-71-1305 et 525377-71-1310

[32]        Les membres partagent le mĂȘme avis. Sur la question du dĂ©lai, ils estiment que la CSST n’a pas correctement informĂ© le travailleur qu’il devait contester l'avis de paiement s’il Ă©tait en dĂ©saccord avec le statut de cĂ©libataire sans personne Ă  charge retenu par la CSST. On ne saurait prĂ©tendre que la demande qu’il a adressĂ©e Ă  la CSST en date du 19 mars 2013 est une demande de reconsidĂ©ration. Enfin, le travailleur a agi avec diligence en rencontrant, dĂšs qu’il a pu, un avocat pour le reprĂ©senter et contester le statut reconnu par la CSST. Il devrait donc ĂȘtre relevĂ© de son dĂ©faut.

[33]        Sur le fond, les membres estiment que le travailleur devrait voir sa requĂȘte accueillie. Il a dĂ©montrĂ© qu’il Ă©tait mariĂ© et que sa conjointe Ă©tait Ă  sa charge en 2012 avant son arrivĂ©e au Canada, de mĂȘme qu’à la suite de son arrivĂ©e au Canada. L'absence de vie commune ne peut ĂȘtre retenue pour refuser le statut demandĂ© par le travailleur, celle-ci n’étant pas occasionnĂ©e par le choix des parties, mais Ă  cause des procĂ©dures lĂ©gales pour obtenir, pour l'Ă©pouse du travailleur, le statut de rĂ©sidente permanente au Canada.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[34]        La Commission des lĂ©sions professionnelles doit d'abord dĂ©cider de la recevabilitĂ© de la demande du travailleur. Le cas Ă©chĂ©ant, la Commission des lĂ©sions professionnelles devra dĂ©cider si le travailleur a droit au statut qu’il rĂ©clame, et Ă  partir de quelle date, soit depuis la date de l'Ă©vĂ©nement ou depuis que son Ă©pouse s’est Ă©tablie avec lui au Canada.

[35]        Il importe ici de souligner que la lettre du 12 avril 2013 transmise par le procureur du travailleur, a Ă©tĂ© perçue par la CSST comme une demande de reconsidĂ©ration. Avec respect, la Commission des lĂ©sions professionnelles est d’avis qu’il s’agit plutĂŽt d'une demande de rĂ©vision.

[36]        En effet, le reprĂ©sentant du travailleur n’indique aucunement qu’il demande la reconsidĂ©ration. Il demande une dĂ©cision Ă©crite et motivĂ©e spĂ©cifiant que le statut qui devrait ĂȘtre reconnu pour le travailleur est mariĂ© avec une personne Ă  charge, contestant par lĂ , le statut que la CSST avait indiquĂ© sur l'avis de paiement.

[37]        L’article 358 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) Ă©dicte que :

358.  Une personne qui se croit lĂ©sĂ©e par une dĂ©cision rendue par la Commission en vertu de la prĂ©sente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la rĂ©vision.

 

Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.

 

Une personne ne peut demander la rĂ©vision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prĂ©vue Ă  l'article 284.2 ni du refus de la Commission de renoncer Ă  un intĂ©rĂȘt, une pĂ©nalitĂ© ou des frais ou d'annuler un intĂ©rĂȘt, une pĂ©nalitĂ© ou des frais en vertu de l'article 323.1.

 

Une personne ne peut demander la rĂ©vision du taux provisoire fixĂ© par la Commission en vertu de l'article 315.2.

__________

1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14; 2006, c. 53, a. 26.

 

 

[38]        La Commission des lĂ©sions professionnelles reconnaĂźt gĂ©nĂ©ralement que l’avis de paiement peut constituer une dĂ©cision. Encore rĂ©cemment, le juge administratif Letreiz s’exprimait ainsi Ă  ce sujet[2] :

[24]      Dans le cas qui nous concerne, le travailleur demande la rĂ©vision de la base salariale qui a servi au calcul de son indemnitĂ© de remplacement du revenu, Ă  la suite de sa lĂ©sion professionnelle. Il conteste donc le premier avis de paiement Ă©mis par la CSST, soit celui du 6 juin 2011, puisque c’est Ă  ce moment que la CSST informe le travailleur du revenu annuel brut retenu pour le calcul de ladite indemnitĂ©.

 

[25]      On pourrait se demander avec raison si un tel avis de paiement constitue une dĂ©cision en bonne et due forme puisqu’il ne semble pas, Ă  premiĂšre vue, respecter les dispositions de l’article 354 de la loi, ainsi que les dispositions du chapitre I de la Loi sur la justice administrative1. Dans ces circonstances, le dĂ©lai de 30 jours prĂ©vu Ă  l’article 358 de la loi ne pourrait ĂȘtre opposable au travailleur. Certaines dĂ©cisions rendues par la Commission des lĂ©sions professionnelles vont d’ailleurs dans ce sens2.

 

[26]      Avec respect, le soussignĂ© ne peut adhĂ©rer Ă  cette interprĂ©tation des dispositions de la loi qui lui apparaĂźt trop restrictive. Le prĂ©sent tribunal prĂ©fĂšre se rallier au courant jurisprudentiel qui prĂ©voit qu’un avis de paiement constitue une dĂ©cision au sens de la loi qui peut ĂȘtre contestĂ©e conformĂ©ment aux dispositions de l’article 358 de la loi. Le fait que cet avis de paiement ne respecte pas les dispositions de l’article 354 de la loi ou celles que l’on retrouve dans la Loi sur la justice administrative  constitue plutĂŽt un motif qui pourra justifier un travailleur de ne pas avoir respectĂ© le dĂ©lai de contestation.

 

[27]      À cet Ă©gard, le soussignĂ© partage les propos que tenait la juge administrative Couture dans l’affaire Arbour et Nico Pizz lorsqu’elle affirme :

 

[30]      Le tribunal note que l’avis de paiement reçu par la travailleuse ne fait nullement mention des donnĂ©es mathĂ©matiques retenues par la CSST aux fins d’établir la base de salaire de la travailleuse. Il ne suffit pas pour la CSST de mentionner sur le talon du premier chĂšque Ă©mis Ă  la travailleuse, les mots suivants : « L’avis joint au chĂšque contient les dĂ©tails du paiement » pour que le tribunal puisse considĂ©rer qu’il s’agit d’une dĂ©cision valablement rendue sur la base de salaire retenue aux fins du calcul des indemnitĂ©s de remplacement du revenu. Cette conclusion est d’autant plus vraie qu’en l’espĂšce, le document joint au chĂšque ne comportait aucune information concernant les donnĂ©es utilisĂ©es par la CSST aux fins d’établir la base de salaire retenue par la CSST.

 

[31]      Dans les circonstances, il devient donc impossible pour le tribunal de conclure que la dĂ©cision rendue par la CSST respecte les prĂ©ceptes de la loi, Ă  savoir une dĂ©cision doit ĂȘtre Ă©crite, motivĂ©e et notifiĂ©e aux parties.

 

[32]      Le tribunal ne peut cependant conclure qu’il ne s’agit pas d’une dĂ©cision au sens de l’article 358 de la loi, puisque ainsi, la travailleuse ne pourrait faire valoir ses prĂ©tentions Ă  l’encontre de la base de salaire retenue par la CSST, aux fins du calcul de ses indemnitĂ©s de remplacement du revenu. Le tribunal retient qu’il s’agit d’une dĂ©cision. Comme elle ne rencontre pas les exigences de la loi, la travailleuse a des motifs raisonnables permettant au tribunal de la relever de son dĂ©faut de l’avoir contestĂ© dans le dĂ©lai. La soussignĂ©e partage ainsi la position adoptĂ©e1 par le tribunal dans certaines situations semblables au prĂ©sent cas. La procureure avait Ă©galement dĂ©posĂ© certaines dĂ©cisions2 du tribunal qui permettait de revoir la base de salaire, malgrĂ© que le dĂ©lai de contestation soit Ă©coulĂ© comme en l’espĂšce.

 

 

[Notes omises]

 

 

[39]        L’avis de paiement Ă©tant datĂ© du 8 novembre 2012, le travailleur devait contester celui-ci avant le 12 dĂ©cembre suivant si on ajoute le dĂ©lai postal de quelques jours pour recevoir le document. Sa demande, adressĂ©e le 12 mars 2013, est donc manifestement hors dĂ©lai.

[40]        L’article 358.2 de la loi prĂ©voit qu’un travailleur peut ĂȘtre relevĂ© de son dĂ©faut s’il demande un motif raisonnable :  

 358.2.  La Commission peut prolonger le dĂ©lai prĂ©vu Ă  l'article 358 ou relever une personne des consĂ©quences de son dĂ©faut de le respecter, s'il est dĂ©montrĂ© que la demande de rĂ©vision n'a pu ĂȘtre faite dans le dĂ©lai prescrit pour un motif raisonnable.

__________

1997, c. 27, a. 15.

 

 

[41]        Le lĂ©gislateur ne dĂ©finit pas l’expression « motif raisonnable Â». Toutefois, la Commission des lĂ©sions professionnelles et, avant elle, la Commission d'appel en matiĂšre de lĂ©sions professionnelles, ont dĂ©cidĂ© que la notion de motif raisonnable est « une notion large et permet de considĂ©rer un ensemble de facteurs susceptibles d’indiquer Ă  partir des faits, des dĂ©marches, des comportements, de la conjoncture des circonstances, etc. si une personne a un motif non farfelu, crĂ©dible et fait preuve de conscience, de mesure et de rĂ©flexion[3] Â».

[42]        Ainsi, la notion de motif raisonnable fait directement rĂ©fĂ©rence Ă  la notion de prudence et de diligence. L’interprĂ©tation d’un motif raisonnable ne saurait sanctionner, toutefois, la nĂ©gligence d’une partie.

[43]        La Commission des lĂ©sions professionnelles est d’avis que le travailleur doit ĂȘtre relevĂ© de son dĂ©faut pour les raisons suivantes.

[44]        D’abord, la soussignĂ©e souscrit au raisonnement du juge administratif Letreiz[4], Ă  l'effet que l’avis de paiement ne respecte pas les critĂšres de l'article 354 de la loi :

[34]      Dans le prĂ©sent dossier, la Commission des lĂ©sions professionnelles est d’avis que le seul fait que l’avis de paiement ne respecte pas les critĂšres de l’article 354 de la loi ainsi que les dispositions contenues Ă  la Loi sur la justice administrative constitue un motif raisonnable permettant de relever le travailleur des consĂ©quences de son dĂ©faut.

 

[35]      L’article 354 de la loi prĂ©voit :

 

354. Une dĂ©cision de la Commission doit ĂȘtre Ă©crite, motivĂ©e et notifiĂ©e aux intĂ©ressĂ©s dans les plus brefs dĂ©lais.

__________

1985, c. 6, a. 354.

 

[36]      De l’avis de la Commission des lĂ©sions professionnelles, un avis de paiement qui se contente d’affirmer que le montant de l’indemnitĂ© de remplacement du revenu a Ă©tĂ© Ă©tabli sur la base d’un revenu brut assurable de 35 136,35 $, ne constitue pas une dĂ©cision motivĂ©e. En effet, aucune information n’est donnĂ©e afin de comprendre d’oĂč vient ce revenu brut. Le tribunal souligne Ă©galement qu’un avis de paiement n’est pas notifiĂ© Ă  toutes les parties puisque l’employeur ne reçoit pas une copie dudit avis de paiement Ă©mis par la CSST.

 

[37]      Les articles 4, 6 et 8 de la Loi sur la justice administrative  stipulent quant à eux :

 

4. L'Administration gouvernementale prend les mesures appropriées pour s'assurer:

 

 1° que les procédures sont conduites dans le respect des normes législatives et administratives, ainsi que des autres rÚgles de droit applicables, suivant des rÚgles simples, souples et sans formalisme et avec respect, prudence et célérité, conformément aux normes d'éthique et de discipline qui régissent ses agents, et selon les exigences de la bonne foi;

 

 2° que l'administré a eu l'occasion de fournir les renseignements utiles à la prise de la décision et, le cas échéant, de compléter son dossier;

 

 3° que les décisions sont prises avec diligence, qu'elles sont communiquées à l'administré concerné en termes clairs et concis et que les renseignements pour communiquer avec elle lui sont fournis;

 

 4° que les directives Ă  l'endroit des agents chargĂ©s de prendre la dĂ©cision sont conformes aux principes et obligations prĂ©vus au prĂ©sent chapitre et qu'elles peuvent ĂȘtre consultĂ©es par l'administrĂ©.

__________

1996, c. 54, a. 4.

 

6. L'autoritĂ© administrative qui, en matiĂšre d'indemnitĂ© ou de prestation, s'apprĂȘte Ă  prendre une dĂ©cision dĂ©favorable Ă  l'administrĂ©, est tenue de s'assurer que celui-ci a eu l'information appropriĂ©e pour communiquer avec elle et que son dossier contient les renseignements utiles Ă  la prise de dĂ©cision. Si elle constate que tel n'est pas le cas ou que le dossier est incomplet, elle retarde sa dĂ©cision le temps nĂ©cessaire pour communiquer avec l'administrĂ© et lui donner l'occasion de fournir les renseignements ou les documents pertinents pour complĂ©ter son dossier.

 

Elle doit aussi, lorsqu'elle communique la décision, informer, le cas échéant, l'administré de son droit d'obtenir, dans le délai indiqué, que la décision soit révisée par l'autorité administrative.

__________

1996, c. 54, a. 6.

 

8. L'autorité administrative motive les décisions défavorables qu'elle prend et indique, le cas échéant, les recours autres que judiciaires prévus par la loi, ainsi que les délais de recours.

__________

1996, c. 54, a. 8.

 

 

[38]      Encore une fois, la Commission des lĂ©sions professionnelles ne peut que constater que la CSST n’a pas respectĂ© ces principes lorsqu’elle a rendu sa dĂ©cision dĂ©terminant le revenu annuel brut retenu pour le calcul du montant de l’indemnitĂ© de remplacement du revenu.

 

 

[45]        De plus, dans la prĂ©sente affaire, d’autres Ă©lĂ©ments permettent de relever le travailleur de son dĂ©faut.

[46]        Rappelons que ce n’est pas le travailleur qui a initiĂ© sa rĂ©clamation Ă  la CSST, mais bien la travailleuse sociale de l’établissement oĂč il Ă©tait hospitalisĂ©.

[47]        Il n’avait donc aucun contrĂŽle sur les informations transmises Ă  la CSST quant Ă  son statut et son revenu Ă  ce moment. D’ailleurs, la rĂ©clamation du travailleur n’est pas signĂ©e. C’est par l'avis de paiement que le travailleur prend connaissance du statut que lui reconnaĂźt la CSST.

[48]        DĂšs qu’il a l’occasion de rencontrer une personne de la CSST, en l'occurrence, madame Couture, le 3 dĂ©cembre 2012, il l’informe qu’il est mariĂ© et que sa conjointe est Ă  sa charge, contrairement Ă  ce qui est indiquĂ© sur l'avis de paiement.

[49]        En rĂ©ponse Ă  ce commentaire, madame Couture Ă©met l’opinion que la conjointe ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e Ă  charge puisqu’elle ne rĂ©side pas avec son mari et rĂ©fĂšre le travailleur Ă  l'agente d'indemnisation. D’aucune façon elle ne l'informe de son droit de contester l’avis de paiement et encore moins du dĂ©lai pour ce faire.

[50]        Ce manquement d’une reprĂ©sentante de la CSST d'informer adĂ©quatement le travailleur de son droit de contester constitue, Ă  lui seul, un motif raisonnable pour ĂȘtre relevĂ© du dĂ©faut.

[51]        La Commission des lĂ©sions professionnelles tient en compte aussi que le travailleur a Ă©tĂ© en institut pour sa rĂ©adaptation et que mĂȘme lorsqu’il retourne chez lui en janvier 2013, il est encore fortement limitĂ© pour se dĂ©placer. Dans ces circonstances, il est tout fait comprĂ©hensible que le travailleur ait dĂ» attendre jusqu’au 8 mars 2013 pour rencontrer un procureur pour faire valoir ses droits.

[52]        La soussignĂ©e est donc d'avis que la demande de rĂ©vision du travailleur dĂ©posĂ©e le 12 mars 2013 Ă  l'encontre de l’avis de paiement du 8 novembre 2012 est recevable. 

[53]        Avant de dĂ©cider si la requĂȘte du travailleur doit ĂȘtre accueillie, il semble nĂ©cessaire d’effectuer un survol des rĂšgles relatives aux indemnitĂ©s de remplacement du revenu ainsi que celles touchant la situation familiale du travailleur au moment de la survenue de la lĂ©sion professionnelle.  

[54]        Pour ce qui est des indemnitĂ©s de remplacement du revenu, ce droit est prĂ©vu Ă  l’article 44 de la loi :

44.  Le travailleur victime d'une lĂ©sion professionnelle a droit Ă  une indemnitĂ© de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lĂ©sion.

 

[
]

__________

1985, c. 6, a. 44.

 

 

[55]        Quant Ă  ce qui compose cette prestation, l’article 45 de la loi Ă©nonce :

45.  L'indemnitĂ© de remplacement du revenu est Ă©gale Ă  90 % du revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi.

__________

1985, c. 6, a. 45.

[56]        Pour identifier le revenu net devant servir Ă  calculer les indemnitĂ©s de remplacement du revenu du travailleur, la CSST doit appliquer l’article 63 de la loi :

63.  Le revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi est Ă©gal Ă  son revenu brut annuel d'emploi moins le montant des dĂ©ductions pondĂ©rĂ©es par tranches de revenus que la Commission dĂ©termine en fonction de la situation familiale du travailleur pour tenir compte de :

 

1° l'impĂŽt sur le revenu payable en vertu de la Loi sur les impĂŽts (chapitre I-3) et de la Loi de l'impĂŽt sur le revenu (Lois rĂ©visĂ©es du Canada (1985), chapitre 1, 5 e supplĂ©ment);

 

2° la cotisation ouvriĂšre payable en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi (Lois du Canada, 1996, chapitre 23); et

 

3° la cotisation payable par le travailleur en vertu de la Loi sur le rĂ©gime de rentes du QuĂ©bec (chapitre R-9);

 

4° la cotisation payable par le travailleur en vertu de la Loi sur l'assurance parentale (chapitre A-29.011).

 

La Commission publie chaque annĂ©e Ă  la Gazette officielle du QuĂ©bec la table des indemnitĂ©s de remplacement du revenu, qui prend effet le 1 er janvier de l'annĂ©e pour laquelle elle est faite.

 

Cette table indique des revenus bruts par tranches de 100 $, des situations familiales et les indemnitĂ©s de remplacement du revenu correspondantes.

 

Lorsque le revenu brut d'un travailleur se situe entre deux tranches de revenus, son indemnité de remplacement du revenu est déterminée en fonction de la tranche supérieure.

__________

1985, c. 6, a. 63; 1993, c. 15, a. 88; 1997, c. 85, a. 3; 2001, c. 9, a. 124.

 

 

[57]        Le calcul des indemnitĂ©s de remplacement du revenu doit ĂȘtre dĂ©terminĂ© Ă  la date de sa lĂ©sion professionnelle, en fonction de la situation familiale du travailleur Ă  cette date pour tenir compte des dĂ©ductions fiscales. La situation familiale d’un travailleur demeure acquise[5] tant que perdure la lĂ©sion professionnelle, malgrĂ© les changements dans sa situation familiale.

[58]        Dans la dĂ©cision Lafleur et Transport Shulman ltĂ©e[6], la juge administratif Anne Vaillancourt soulignait que l’article 63 de la loi prĂ©voit que le revenu net retenu est Ă©gal au revenu brut annuel moins le montant des dĂ©ductions pondĂ©rĂ©es par tranches de revenu que la CSST dĂ©termine en fonction de la situation familiale du travailleur. C’est au moment oĂč se manifeste la lĂ©sion professionnelle que cette situation doit ĂȘtre prise en compte. Selon les articles 64 et 117 de la loi qui concernent la revalorisation du revenu brut du travailleur, il faut retenir que tant que perdure la mĂȘme lĂ©sion professionnelle, la situation familiale demeure acquise[7] malgrĂ© les changements dans la situation familiale du travailleur.

[59]        Comme le soulignait la juge administrative Lucie Landriault[8], lorsque l'indemnisation a Ă©tĂ© faite Ă  partir d'une situation erronĂ©e, la CSST ne peut refuser de rectifier cette situation lorsqu'elle est mise au courant de la situation familiale rĂ©elle du travailleur, rĂ©troactivement Ă  la date de l'accident, mĂȘme si la demande de rectification est faite hors dĂ©lai.

[60]        Par ailleurs, la CSST indique que l’épouse du travailleur ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un conjoint Ă  charge puisqu’elle ne vit pas avec le travailleur au moment de l’évĂ©nement. Il importe ici de souligner que cette situation n’était pas voulue par le travailleur, mais imposĂ©e par les circonstances.

[61]         Lorsqu’on lit les renseignements donnĂ©s par l’Agence de revenu du Canada, la dĂ©finition d’époux Ă  charge n’est nullement liĂ©e Ă  l'exigence de la cohabitation :

Dans la partie « Renseignements Ă  votre sujet », cochez la case qui correspond Ă  votre Ă©tat civil le 31 dĂ©cembre 2013. Si vous aviez un Ă©poux, cochez « MariĂ©(e) » ou si vous aviez un conjoint de fait, cochez « conjoint(e) de fait ». Dans un cas comme dans l'autre, cette personne demeure votre Ă©poux ou conjoint de fait mĂȘme si vous viviez sĂ©parĂ©ment pour des raisons autres que la rupture de votre union.

 

Ligne 303 - Montant pour époux ou conjoint de fait

Vous pouvez demander ce montant si, Ă  un moment de l'annĂ©e, vous avez subvenu aux besoins de votre Ă©poux ou conjoint de fait et que son revenu net est moins Ă©levĂ© que 11 038 $.

 

[Notre soulignement]

 

 

[62]        De mĂȘme, Revenu QuĂ©bec retient que le conjoint, autre que le conjoint de fait, est une «  personne avec qui vous Ă©tiez uni par les liens du mariage ou avec qui vous Ă©tiez uni civilement Â». On considĂšre aussi que le fait de vivre sĂ©parĂ©ment ne change rien Ă  ce statut, sauf si cette situation dĂ©coule de la rupture du couple. Il est aussi indiquĂ© dans le Guide de la dĂ©claration de revenus ce qui suit :

Si la personne pour laquelle vous inscrivez un montant pour personne à charge n'a pas résidé au Canada, vous devez fournir tout document attestant qu'elle était à votre charge et que vous avez subvenu à ses besoins (par exemple, une preuve de vos paiements).

 

 

[63]        Ainsi, la Commission des lĂ©sions professionnelles constate que la situation familiale du travailleur Ă©tait celle d'une personne mariĂ©e avec un conjoint Ă  charge et la CSST doit modifier le calcul des indemnitĂ©s de remplacement du revenu pour tenir compte de cette situation.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requĂȘte de monsieur Harpan Singh, le travailleur;

INFIRME les dĂ©cisions rendues les 15 mai et 18 octobre 2013 par la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit Ă  ce que soit revu le montant des indemnitĂ©s de remplacement du revenu auquel il a droit en raison de sa lĂ©sion professionnelle du 20 septembre 2012, sur la base des rĂšgles applicables et en fonction d’une situation familiale correspondante Ă  celle d’une personne avec conjoint Ă  charge;

RETOURNE le dossier Ă  la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail pour qu’elle modifie le calcul des indemnitĂ©s de remplacement du revenu en tenant compte de cette situation.

 

 

__________________________________

 

Marie-Anne Roiseux

 

 

 

 

Me Sylvain Gingras

Gingras avocats

Représentant de la partie requérante

 

 



[1]           RLRQ, c. A-3.001.

[2]           Dubois et Industries de cĂąbles d’acier ltĂ©e (Les), 2013 QCCLP 2437.

[3]           [1990] C.A.L.P. 916.

[4]           Précitée, note 2.

[5]           Richard & fils spécialisés Cavalier inc. [2007] C.L.P. 121 (formation de trois juges administratifs).

[6]           [1998] C.L.P. 837, rĂ©vision rejetĂ©e, C.L.P. 93131-72-9711, 23 juin 1999, D. LĂ©vesque.

[7]           Précitée, note 6; Richard & fils spécialisés Cavalier inc., précitée, note 5.

[8]           Jiwan et C & D Aérospatiale inc., C.L.P. 367959-71-0901, 4 novembre 2009, L. Landriault.

 

AVIS :
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