Singh et Via Courrier |
2014 QCCLP 3534 |
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Dossier 512015-71-1305
[1] Le 21 mai 2013, monsieur Harpan Singh (le travailleur) dĂ©pose Ă la Commission des lĂ©sions professionnelles une requĂȘte Ă lâencontre dâune dĂ©cision rendue le 15 mai 2013 par la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail (la CSST) Ă la suite dâune rĂ©vision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST déclare irrecevable la demande de révision à l'encontre d'une décision du 9 avril 2013. Au moyen de ce recours, le travailleur cherchait à obtenir un changement à la situation familiale retenue pour le calcul de son indemnité de remplacement du revenu.
Dossier 525377-71-1310
[3] Le 24 octobre 2013, le travailleur dĂ©pose Ă la Commission des lĂ©sions professionnelles une requĂȘte par laquelle il conteste une dĂ©cision rendue le 18 octobre 2013 par la CSST Ă la suite d'une rĂ©vision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme pour d'autres motifs, la décision initiale du 18 septembre 2013 et déclare que la CSST est justifiée de refuser de reconsidérer la décision du 8 novembre 2012 par laquelle le travailleur est informé de la situation familiale prise en compte aux fins de calcul de son indemnité de remplacement du revenu.
[5] Ă l'audience tenue Ă MontrĂ©al le 29 janvier 2014, le travailleur est prĂ©sent et reprĂ©sentĂ©. Via Courrier (lâemployeur) est absent. La Commission des lĂ©sions professionnelles ayant demandĂ© des documents supplĂ©mentaires, le dossier a Ă©tĂ© mis en dĂ©libĂ©rĂ© Ă la rĂ©ception de ceux-ci, soit le 4 fĂ©vrier 2014.
LâOBJET DES CONTESTATIONS
[6] Le travailleur demande de revoir sa situation familiale pour tenir compte du fait quâil a une personne majeure Ă charge.
LES FAITS Â
[7] Le 20 septembre 2012, le travailleur est victime dâune lĂ©sion professionnelle dĂ©crite ainsi dans sa rĂ©clamation rĂ©digĂ©e le 2 novembre 2011 :
At 10 30am on September 28th 2012, i was driving on Henri Bourassa to bring deliveries to a company. On the opposite side of the street i saw a vehicule spinning (black honda) towards me on my front left side. It hit my vehicule on the front left side. I was trapped in my car for a while. Firefighters helped me to get out of my car.
[8] Le travailleur subit plusieurs fractures qui entraĂźneront une hospitalisation de 20 jours ainsi quâune longue pĂ©riode de rĂ©adaptation au Centre de rĂ©adaptation Lucie-Bruneau.
[9] Le 5 novembre 2012, suite Ă lâadmissibilitĂ© de la rĂ©clamation du travailleur, la CSST Ă©tablit la base du revenu brut assurable Ă 20 647,44 $ et retient la situation familiale du travailleur comme Ă©tant cĂ©libataire, sans personne mineure ou majeure Ă charge.
[10] Selon ce que rĂ©vĂšle la lecture des notes administratives, câest une travailleuse sociale de l'Institut de rĂ©adaptation oĂč est hospitalisĂ© le travailleur qui rĂ©dige la rĂ©clamation et communique avec la CSST pour lâinformer de la condition ce dernier et du suivi mĂ©dical.
[11] Le 8 novembre 2012, alors quâil est encore en rĂ©adaptation, un premier chĂšque dâindemnitĂ© de remplacement du revenu est Ă©mis. Sur lâavis de paiement joint Ă ce chĂšque, le travailleur est informĂ© de la base du revenu brut assurable ayant servi Ă dĂ©terminer le montant de son indemnitĂ© et  la situation familiale retenue par la CSST, soit cĂ©libataire, sans personne mineure ou majeure Ă charge.
[12] Il y est aussi indiqué ce qui suit :
[âŠ]
Si vous pouvez dĂ©montrer que cette base ne correspond pas Ă vos revenus et peut ĂȘtre modifiĂ©e en raison de revenus supplĂ©mentaires tels que prime, pourboire, heures supplĂ©mentaire, communiquez avec nous dans les plus
brefs délais. Vous trouverez au verso de la premiÚre page, les renseignements sur la demande de révision. [sic]
[13] Selon la CSST, ce premier avis de paiement constitue en soi, la décision écrite de la CSST informant le travailleur de la base salariale et de la situation familiale retenues dans son dossier.
[14] Le 19 novembre 2012, madame Carole Anctil, agente d'indemnisation, indique dans les notes Ă©volutives que lâĂ©pouse du travailleur rĂ©side en Inde et est Ă sa charge.Â
[15] Le 3 dĂ©cembre 2012, le travailleur rencontre pour la premiĂšre fois une reprĂ©sentante de la CSST, soit madame Karine Couture, conseillĂšre en rĂ©adaptation. Lors de cette rencontre qui a lieu au Centre de rĂ©adaptation Lucie-Bruneau, le travailleur mentionne quâil est mariĂ©, mais que son Ă©pouse est encore en Inde dans lâattente d'ĂȘtre admise comme rĂ©sidante au Canada.
[16] Il ajoute que son Ă©pouse est Ă sa charge et quâil lui envoie de l'argent tous les mois. Madame Couture est d'avis que le fait que lâĂ©pouse ne rĂ©side pas chez le travailleur exclut la possibilitĂ© que celle-ci soit une personne Ă charge. Â
[17] La Commission des lĂ©sions professionnelles constate aussi que madame Couture nâa pas informĂ© le travailleur quâil pouvait contester lâavis de paiement et que le dĂ©lai se terminait dans les jours suivants. Elle lui a simplement suggĂ©rĂ© de transmettre cette information Ă l'agent d'indemnisation.
[18] Incidemment, il est dĂ©montrĂ© Ă lâaudience, que le travailleur verse mensuellement une somme dâargent Ă son Ă©pouse qui rĂ©side en Inde. Le travailleur a dĂ©clarĂ© Ă la Commission des lĂ©sions professionnelles quâil a obtenu rĂ©troactivement un remboursement dâimpĂŽts pour personne Ă charge
[19] Le 4 dĂ©cembre 2012, le travailleur contacte madame Carole Anctil, agente d'indemnisation. Il est question de la base salariale, mais aucunement du statut du travailleur. Il en est de mĂȘme lors d'une autre conversation, le 6 dĂ©cembre suivant. Toutefois, on avise le travailleur quâil y aura une rĂ©vision de sa base salariale, ce qui est fait le 12 dĂ©cembre suivant.
[20] Le 18 dĂ©cembre 2012, par le biais dâun autre avis de paiement, la CSST reconsidĂšre la base salariale dans le dossier du travailleur pour lâĂ©tablir Ă 27 967,78 $, mais ne modifie pas la situation familiale.
[21] Il ressort du dossier que l'agent d'indemnisation considĂšre que le travailleur est « sans personne Ă charge au QuĂ©bec, sa conjointe est en attente dâimmigration ».
[22] Le 11 janvier 2013, le travailleur retourne à son domicile. Malgré tout, le travailleur est encore lourdement affecté par les blessures découlant de son accident du travail. Notamment, il ne peut se déplacer par le transport en commun.
[23] Le 19 mars 2013, maĂźtre Sylvain Gingras communique avec la CSST Ă la demande du travailleur. Voici la teneur de la lettre quâil adresse Ă la CSST :
Madame, Monsieur,
Nous avons été mandatés par monsieur Harpan Singh afin de le représenter dans le dossier mentionné en titre.
Par la prĂ©sente nous vous demandons de rendre une dĂ©cision Ă©crite et motivĂ©e sur le statut de la personne accidentĂ©e au moment de lâaccident.
En effet, ce dernier est marié et a donc une personne majeure à charge.
Par consĂ©quent, câest sur ce statut quâil devrait ĂȘtre Ă©valuĂ©.
[24] Monsieur GĂ©linas dĂ©cide de tĂ©lĂ©phoner au travailleur et de lui demander de transmettre Ă la CSST les rapports d'impĂŽts dĂ©montrant quâil a une personne Ă charge au sens de l'impĂŽt. Le travailleur tĂ©moigne quâil a apportĂ© des documents Ă la CSST indiquant que son Ă©pouse Ă©tait Ă sa charge, mais la CSST a refusĂ© ces documents, lâavisant que le statut ne pouvait plus ĂȘtre changĂ©.
[25] Le 8 avril 2013, monsieur Gélinas écrit ce qui suit dans le dossier :
Titre: Décision concernant la situation familiale
- ASPECT LĂGAL :
Lâavocat du T demande Ă ce que la CSST rende une dĂ©cision Ă©crite et motivĂ©e concernant la situation familiale.
En effet, T et lâavocat revendique Ă ce que les lRRs soient fixĂ©es selon une situation familiale de conjointe Ă charge. puisque le T est mariĂ©.
La situation familiale qui est présentement retenue est: Célibataire, sans personne à charge.
____________________Â Â
Il est à noter que selon Revenu Québec. la définition de « Personne à charge » est la suivante:
â Personne qui remplit les trois conditions suivantes:
- elle est née avant le 1er janvier 1995;
- elle est unie Ă vous par le liens du sang, du mariage ou de adoption;
- en 2012. elle a habitĂ© ordinairement avec vous et vous avez subvenu Ă ses besoins. â
      SIC:[enligne}htfp://www.revenuquebec.ca/tr/definifion/autre_pers_charge..,guide.aspx, page consultée le 8 avril 2013.
Par conséquent. la CSST rend la décision suivante:
La CSST Ă©tant LiĂ©e par la situation familiale dĂ©clarĂ©e selon les lois sur lâimpĂŽt,
ConsidĂ©rant que la conjointe du T ne remplit pas le troisiĂšme critĂšre de la dĂ©finition de âpersonne Ă chargeâ selon Revenu QuĂ©bec,
En effet, cette derniĂšre habite Ă lâextĂ©rieur du Canada, soit en Inde. Elle nâhabite donc pas avec le T.
Nous ne pouvons considérer sa conjointe comme étant à sa charge.
De plus. le T pouvait, dans un délai de 30 jours suivant la réception du premier relevé de paiement CSST, contester la décision indiquant la situation familiale.
Or. T nous demande une modification de sa situation familiale, plus de 3 mois aprĂšs lâĂ©mission du premier relevĂ© de paiement.
Considérant que le délai de reconsidération est expirée, nous ne pouvons, reconsidérer cette décision.
De plus. sur la RTR. complĂ©tĂ©e Le 2 novembre 2012, T dĂ©clare ĂȘtre âavec conjoint ou conjointe non Ă chargeâ.
Câest donc sur ce statut familiale que le T aurait initialement dĂ» ĂȘtre indemnisĂ©.
Si la CSST ajuste la situation familiale tel que déclaré sur la RTR, un surpayé sera créée.
Pour toutes ces raisons.
Nous refusons de modifier la situation familiale.
           _______________________________  Â
Bien que lâavocat demande Ă ce que la CSST Ă©mette une âdĂ©cision Ă©crite et motivĂ©eâ, il nây a pas lieu de la faire, puisquâun dĂ©cision Ă cet effet a dĂ©jĂ Ă©tĂ© Ă©mise via le relevĂ© de paiement CSST.
Nous émettons, à la place, une lettre de Refus de Reconsidération - Tout erreur.
Lettre émise. [sic]
[26] Le lendemain, monsieur Gélinas ajoute ce qui suit :
2013-04-09 08:53:56, Mathieu GĂ©linas - Agent dâindemnisation, NOTE GĂNĂRALE
Titre : Surpayé - Modalité
- CONTENU :
Suite Ă la demande dâavocat, concernant le changement du statut familiale, nous avions        modifiĂ©, en date du 2 avril 2013. la situation familiale du T comme Ă©tant âAvec conjointe Ă chargeâ.
Ce changement a gĂ©nĂ©rĂ© des ajustements dâIRR, pour un total de 1446.90$. dont le virement Ă©tait prĂ©vue pour le 9 avril 2013.
AprĂšs analyse plus approfondie de la situation, nous avons finalement dĂ©cidĂ© de ne pas modifier la situation familiale, tel que demandĂ© par lâavocat.
Par consĂ©quent, nous avons remis la situation familiale comme Ă©tant âCĂ©libataireâ. soit le mĂȘme quâavant les changements.
Cela a généré un surpayé de 1446.90$.
Puisque le virement automatique nâa pas encore eu lieu, nous avons demandĂ© un arrĂȘt de paiement en date du 8 avril 2013.
En date dâaujourdâhui:
- Modalité du surpayé prise à 100%.
- Annulation du paiement.
- Réémission du virement demain pour effacer surpayé.
T a été informé de la situation le 8 avril 2013. [sic]
[27] Le travailleur demande la rĂ©vision de cette dĂ©cision. Le 15 mai 2013, la CSST en rĂ©vision considĂšre la demande du travailleur comme une reconsidĂ©ration et conclut quâelle est irrecevable pour les motifs suivants :
[âŠ]
Par ailleurs, en lâabsence dâun fait essentiel, la loi stipule quâune personne ne peut demander la rĂ©vision du refus de la Commission de reconsidĂ©rer sa dĂ©cision pour corriger toute erreur.
Dans le prĂ©sent dossier, la Commission, en rĂ©vision, est dâavis que dans sa demande du 12 mars 2013, le reprĂ©sentant du travailleur ne soulĂšve aucun fait essentiel, mais rapporte plutĂŽt la prĂ©sence dâune erreur quant Ă lâĂ©tablissement de la situation familiale dans le dossier du travailleur. La Commission est donc justifiĂ©e de refuser de reconsidĂ©rer la situation familiale du travailleur, telle quâĂ©tablie le 5 novembre 2012, pour corriger toute erreur, puisquâelle est en dehors des dĂ©lais pour le faire. En effet, câest par le biais de lâavis de paiement Ă©mis le 8 novembre 2012 que le travailleur est informĂ© pour la premiĂšre fois de la situation familiale retenue par la Commission.
[28] LâĂ©pouse du travailleur est admise au Canada comme rĂ©sidente permanente et arrive le 13 septembre 2013. Ă compter de cette date, elle rĂ©side avec son Ă©poux.
[29] Le travailleur adresse vers le 17 septembre 2013, une demande de changement de statut. La CSST refuse, considérant encore une fois la demande du travailleur comme une demande de reconsidération hors délai.
[30] La CSST en rĂ©vision refuse Ă©galement la demande du travailleur, mais pour des motifs diffĂ©rents. Elle considĂšre que lâarrivĂ©e au Canada de son Ă©pouse ne peut justifier une reconsidĂ©ration pour les motifs suivants :
[âŠ]
Le 18 septembre 2013, la Commission rend sa dĂ©cision qui fait lâobjet de la prĂ©sente demande de rĂ©vision.
Selon lâinformation obtenue de la reprĂ©sentante du travailleur, la conjointe du travailleur est arrivĂ©e au QuĂ©bec le 13 septembre 2013. Il sâagit du fait essentiel allĂ©guĂ© par le travailleur au soutien de sa demande de reconsidĂ©ration.
La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi) prĂ©voit que la Commission peut, de sa propre initiative ou Ă la demande dâune partie, reconsidĂ©rer sa dĂ©cision dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.
Le travailleur ayant fait sa demande de reconsidĂ©ration Ă la Commission le 16 septembre 2013, la Commission, en rĂ©vision, en conclut que la demande de reconsidĂ©ration a Ă©tĂ© produite Ă lâintĂ©rieur du dĂ©lai de 90 jours prĂ©vu Ă la loi. Le travailleur respecte donc ce dĂ©lai.
La Commission, en révision, doit maintenant déterminer si le fait allégué est un fait essentiel.
La Commission, en rĂ©vision, rappelle que pour quâun fait soit considĂ©rĂ© essentiel, il doit ĂȘtre concret, indĂ©niable et certain; il doit ĂȘtre important et susceptible de modifier la dĂ©cision initiale. Il faut aussi rappeler que le fait essentiel doit exister au moment de rendre la dĂ©cision initiale, mais ĂȘtre inconnu Ă ce moment.
La Commission, en rĂ©vision, est dâavis que le fait dĂ©crit ne rĂ©pond pas Ă la dĂ©finition de fait essentiel. En effet, le fait allĂ©guĂ© nâexistait pas au moment de rendre la dĂ©cision initiale. Le statut du travailleur est Ă©tabli en fonction de sa situation familiale dĂ©clarĂ©e, selon les lois sur lâimpĂŽt, telle quâelle existait lorsque sâest manifestĂ©e sa lĂ©sion professionnelle et il nây a pas lieu de le modifier par la suite. Ainsi, le fait allĂ©guĂ© nâest pas susceptible de modifier la dĂ©cision initiale.
[31] Ă la demande de la Commission des lĂ©sions professionnelles, le travailleur a dĂ©posĂ© ses rapports d'impĂŽts pour l'annĂ©e 2012. Il se dĂ©clare mariĂ© Ă Sukhwinder Kaur, mais ne demande aucune dĂ©duction pour une personne Ă charge. Ă lâaudience, le travailleur affirme quâil a reçu des remboursements rĂ©troactifs suite Ă son changement de statut civil.  Â
LâAVIS DES MEMBRES
Dossiers 512015-71-1305 et 525377-71-1310
[32] Les membres partagent le mĂȘme avis. Sur la question du dĂ©lai, ils estiment que la CSST nâa pas correctement informĂ© le travailleur quâil devait contester l'avis de paiement sâil Ă©tait en dĂ©saccord avec le statut de cĂ©libataire sans personne Ă charge retenu par la CSST. On ne saurait prĂ©tendre que la demande quâil a adressĂ©e Ă la CSST en date du 19 mars 2013 est une demande de reconsidĂ©ration. Enfin, le travailleur a agi avec diligence en rencontrant, dĂšs quâil a pu, un avocat pour le reprĂ©senter et contester le statut reconnu par la CSST. Il devrait donc ĂȘtre relevĂ© de son dĂ©faut.
[33] Sur le fond, les membres estiment que le travailleur devrait voir sa requĂȘte accueillie. Il a dĂ©montrĂ© quâil Ă©tait mariĂ© et que sa conjointe Ă©tait Ă sa charge en 2012 avant son arrivĂ©e au Canada, de mĂȘme quâĂ la suite de son arrivĂ©e au Canada. L'absence de vie commune ne peut ĂȘtre retenue pour refuser le statut demandĂ© par le travailleur, celle-ci nâĂ©tant pas occasionnĂ©e par le choix des parties, mais Ă cause des procĂ©dures lĂ©gales pour obtenir, pour l'Ă©pouse du travailleur, le statut de rĂ©sidente permanente au Canada.
LES MOTIFS DE LA DĂCISION
[34] La Commission des lĂ©sions professionnelles doit d'abord dĂ©cider de la recevabilitĂ© de la demande du travailleur. Le cas Ă©chĂ©ant, la Commission des lĂ©sions professionnelles devra dĂ©cider si le travailleur a droit au statut quâil rĂ©clame, et Ă partir de quelle date, soit depuis la date de l'Ă©vĂ©nement ou depuis que son Ă©pouse sâest Ă©tablie avec lui au Canada.
[35] Il importe ici de souligner que la lettre du 12 avril 2013 transmise par le procureur du travailleur, a Ă©tĂ© perçue par la CSST comme une demande de reconsidĂ©ration. Avec respect, la Commission des lĂ©sions professionnelles est dâavis quâil sâagit plutĂŽt d'une demande de rĂ©vision.
[36] En effet, le reprĂ©sentant du travailleur nâindique aucunement quâil demande la reconsidĂ©ration. Il demande une dĂ©cision Ă©crite et motivĂ©e spĂ©cifiant que le statut qui devrait ĂȘtre reconnu pour le travailleur est mariĂ© avec une personne Ă charge, contestant par lĂ , le statut que la CSST avait indiquĂ© sur l'avis de paiement.
[37] Lâarticle 358 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) Ă©dicte que :
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.
Une personne ne peut demander la rĂ©vision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prĂ©vue Ă l'article 284.2 ni du refus de la Commission de renoncer Ă un intĂ©rĂȘt, une pĂ©nalitĂ© ou des frais ou d'annuler un intĂ©rĂȘt, une pĂ©nalitĂ© ou des frais en vertu de l'article 323.1.
Une personne ne peut demander la révision du taux provisoire fixé par la Commission en vertu de l'article 315.2.
__________
1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14; 2006, c. 53, a. 26.
[38] La Commission des lĂ©sions professionnelles reconnaĂźt gĂ©nĂ©ralement que lâavis de paiement peut constituer une dĂ©cision. Encore rĂ©cemment, le juge administratif Letreiz sâexprimait ainsi Ă ce sujet[2] :
[24]     Dans le cas qui nous concerne, le travailleur demande la rĂ©vision de la base salariale qui a servi au calcul de son indemnitĂ© de remplacement du revenu, Ă la suite de sa lĂ©sion professionnelle. Il conteste donc le premier avis de paiement Ă©mis par la CSST, soit celui du 6 juin 2011, puisque câest Ă ce moment que la CSST informe le travailleur du revenu annuel brut retenu pour le calcul de ladite indemnitĂ©.
[25]     On pourrait se demander avec raison si un tel avis de paiement constitue une dĂ©cision en bonne et due forme puisquâil ne semble pas, Ă premiĂšre vue, respecter les dispositions de lâarticle 354 de la loi, ainsi que les dispositions du chapitre I de la Loi sur la justice administrative1. Dans ces circonstances, le dĂ©lai de 30 jours prĂ©vu Ă lâarticle 358 de la loi ne pourrait ĂȘtre opposable au travailleur. Certaines dĂ©cisions rendues par la Commission des lĂ©sions professionnelles vont dâailleurs dans ce sens2.
[26]     Avec respect, le soussignĂ© ne peut adhĂ©rer Ă cette interprĂ©tation des dispositions de la loi qui lui apparaĂźt trop restrictive. Le prĂ©sent tribunal prĂ©fĂšre se rallier au courant jurisprudentiel qui prĂ©voit quâun avis de paiement constitue une dĂ©cision au sens de la loi qui peut ĂȘtre contestĂ©e conformĂ©ment aux dispositions de lâarticle 358 de la loi. Le fait que cet avis de paiement ne respecte pas les dispositions de lâarticle 354 de la loi ou celles que lâon retrouve dans la Loi sur la justice administrative constitue plutĂŽt un motif qui pourra justifier un travailleur de ne pas avoir respectĂ© le dĂ©lai de contestation.
[27]     à cet Ă©gard, le soussignĂ© partage les propos que tenait la juge administrative Couture dans lâaffaire Arbour et Nico Pizz lorsquâelle affirme :
[30]     Le tribunal note que lâavis de paiement reçu par la travailleuse ne fait nullement mention des donnĂ©es mathĂ©matiques retenues par la CSST aux fins dâĂ©tablir la base de salaire de la travailleuse. Il ne suffit pas pour la CSST de mentionner sur le talon du premier chĂšque Ă©mis Ă la travailleuse, les mots suivants : « Lâavis joint au chĂšque contient les dĂ©tails du paiement » pour que le tribunal puisse considĂ©rer quâil sâagit dâune dĂ©cision valablement rendue sur la base de salaire retenue aux fins du calcul des indemnitĂ©s de remplacement du revenu. Cette conclusion est dâautant plus vraie quâen lâespĂšce, le document joint au chĂšque ne comportait aucune information concernant les donnĂ©es utilisĂ©es par la CSST aux fins dâĂ©tablir la base de salaire retenue par la CSST.
[31]     Dans les circonstances, il devient donc impossible pour le tribunal de conclure que la dĂ©cision rendue par la CSST respecte les prĂ©ceptes de la loi, Ă savoir une dĂ©cision doit ĂȘtre Ă©crite, motivĂ©e et notifiĂ©e aux parties.
[32]     Le tribunal ne peut cependant conclure quâil ne sâagit pas dâune dĂ©cision au sens de lâarticle 358 de la loi, puisque ainsi, la travailleuse ne pourrait faire valoir ses prĂ©tentions Ă lâencontre de la base de salaire retenue par la CSST, aux fins du calcul de ses indemnitĂ©s de remplacement du revenu. Le tribunal retient quâil sâagit dâune dĂ©cision. Comme elle ne rencontre pas les exigences de la loi, la travailleuse a des motifs raisonnables permettant au tribunal de la relever de son dĂ©faut de lâavoir contestĂ© dans le dĂ©lai. La soussignĂ©e partage ainsi la position adoptĂ©e1 par le tribunal dans certaines situations semblables au prĂ©sent cas. La procureure avait Ă©galement dĂ©posĂ© certaines dĂ©cisions2 du tribunal qui permettait de revoir la base de salaire, malgrĂ© que le dĂ©lai de contestation soit Ă©coulĂ© comme en lâespĂšce.
[Notes omises]
[39] Lâavis de paiement Ă©tant datĂ© du 8 novembre 2012, le travailleur devait contester celui-ci avant le 12 dĂ©cembre suivant si on ajoute le dĂ©lai postal de quelques jours pour recevoir le document. Sa demande, adressĂ©e le 12 mars 2013, est donc manifestement hors dĂ©lai.
[40] Lâarticle 358.2 de la loi prĂ©voit quâun travailleur peut ĂȘtre relevĂ© de son dĂ©faut sâil demande un motif raisonnable : Â
 358.2. La Commission peut prolonger le dĂ©lai prĂ©vu Ă l'article 358 ou relever une personne des consĂ©quences de son dĂ©faut de le respecter, s'il est dĂ©montrĂ© que la demande de rĂ©vision n'a pu ĂȘtre faite dans le dĂ©lai prescrit pour un motif raisonnable.
__________
1997, c. 27, a. 15.
[41] Le lĂ©gislateur ne dĂ©finit pas lâexpression « motif raisonnable ». Toutefois, la Commission des lĂ©sions professionnelles et, avant elle, la Commission d'appel en matiĂšre de lĂ©sions professionnelles, ont dĂ©cidĂ© que la notion de motif raisonnable est « une notion large et permet de considĂ©rer un ensemble de facteurs susceptibles dâindiquer Ă partir des faits, des dĂ©marches, des comportements, de la conjoncture des circonstances, etc. si une personne a un motif non farfelu, crĂ©dible et fait preuve de conscience, de mesure et de rĂ©flexion[3] ».
[42] Ainsi, la notion de motif raisonnable fait directement rĂ©fĂ©rence Ă la notion de prudence et de diligence. LâinterprĂ©tation dâun motif raisonnable ne saurait sanctionner, toutefois, la nĂ©gligence dâune partie.
[43] La Commission des lĂ©sions professionnelles est dâavis que le travailleur doit ĂȘtre relevĂ© de son dĂ©faut pour les raisons suivantes.
[44] Dâabord, la soussignĂ©e souscrit au raisonnement du juge administratif Letreiz[4], Ă l'effet que lâavis de paiement ne respecte pas les critĂšres de l'article 354 de la loi :
[34]     Dans le prĂ©sent dossier, la Commission des lĂ©sions professionnelles est dâavis que le seul fait que lâavis de paiement ne respecte pas les critĂšres de lâarticle 354 de la loi ainsi que les dispositions contenues Ă la Loi sur la justice administrative constitue un motif raisonnable permettant de relever le travailleur des consĂ©quences de son dĂ©faut.
[35]     Lâarticle 354 de la loi prĂ©voit :
354. Une dĂ©cision de la Commission doit ĂȘtre Ă©crite, motivĂ©e et notifiĂ©e aux intĂ©ressĂ©s dans les plus brefs dĂ©lais.
__________
1985, c. 6, a. 354.
[36]     De lâavis de la Commission des lĂ©sions professionnelles, un avis de paiement qui se contente dâaffirmer que le montant de lâindemnitĂ© de remplacement du revenu a Ă©tĂ© Ă©tabli sur la base dâun revenu brut assurable de 35 136,35 $, ne constitue pas une dĂ©cision motivĂ©e. En effet, aucune information nâest donnĂ©e afin de comprendre dâoĂč vient ce revenu brut. Le tribunal souligne Ă©galement quâun avis de paiement nâest pas notifiĂ© Ă toutes les parties puisque lâemployeur ne reçoit pas une copie dudit avis de paiement Ă©mis par la CSST.
[37]Â Â Â Â Â Les articles
4. L'Administration gouvernementale prend les mesures appropriées pour s'assurer:
 1° que les procédures sont conduites dans le respect des normes législatives et administratives, ainsi que des autres rÚgles de droit applicables, suivant des rÚgles simples, souples et sans formalisme et avec respect, prudence et célérité, conformément aux normes d'éthique et de discipline qui régissent ses agents, et selon les exigences de la bonne foi;
 2° que l'administré a eu l'occasion de fournir les renseignements utiles à la prise de la décision et, le cas échéant, de compléter son dossier;
 3° que les décisions sont prises avec diligence, qu'elles sont communiquées à l'administré concerné en termes clairs et concis et que les renseignements pour communiquer avec elle lui sont fournis;
 4° que les directives Ă l'endroit des agents chargĂ©s de prendre la dĂ©cision sont conformes aux principes et obligations prĂ©vus au prĂ©sent chapitre et qu'elles peuvent ĂȘtre consultĂ©es par l'administrĂ©.
__________
1996, c. 54, a. 4.
6. L'autoritĂ© administrative qui, en matiĂšre d'indemnitĂ© ou de prestation, s'apprĂȘte Ă prendre une dĂ©cision dĂ©favorable Ă l'administrĂ©, est tenue de s'assurer que celui-ci a eu l'information appropriĂ©e pour communiquer avec elle et que son dossier contient les renseignements utiles Ă la prise de dĂ©cision. Si elle constate que tel n'est pas le cas ou que le dossier est incomplet, elle retarde sa dĂ©cision le temps nĂ©cessaire pour communiquer avec l'administrĂ© et lui donner l'occasion de fournir les renseignements ou les documents pertinents pour complĂ©ter son dossier.
Elle doit aussi, lorsqu'elle communique la décision, informer, le cas échéant, l'administré de son droit d'obtenir, dans le délai indiqué, que la décision soit révisée par l'autorité administrative.
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1996, c. 54, a. 6.
8. L'autorité administrative motive les décisions défavorables qu'elle prend et indique, le cas échéant, les recours autres que judiciaires prévus par la loi, ainsi que les délais de recours.
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1996, c. 54, a. 8.
[38]     Encore une fois, la Commission des lĂ©sions professionnelles ne peut que constater que la CSST nâa pas respectĂ© ces principes lorsquâelle a rendu sa dĂ©cision dĂ©terminant le revenu annuel brut retenu pour le calcul du montant de lâindemnitĂ© de remplacement du revenu.
[45] De plus, dans la prĂ©sente affaire, dâautres Ă©lĂ©ments permettent de relever le travailleur de son dĂ©faut.
[46] Rappelons que ce nâest pas le travailleur qui a initiĂ© sa rĂ©clamation Ă la CSST, mais bien la travailleuse sociale de lâĂ©tablissement oĂč il Ă©tait hospitalisĂ©.
[47] Il nâavait donc aucun contrĂŽle sur les informations transmises Ă la CSST quant Ă son statut et son revenu Ă ce moment. Dâailleurs, la rĂ©clamation du travailleur nâest pas signĂ©e. Câest par l'avis de paiement que le travailleur prend connaissance du statut que lui reconnaĂźt la CSST.
[48] DĂšs quâil a lâoccasion de rencontrer une personne de la CSST, en l'occurrence, madame Couture, le 3 dĂ©cembre 2012, il lâinforme quâil est mariĂ© et que sa conjointe est Ă sa charge, contrairement Ă ce qui est indiquĂ© sur l'avis de paiement.
[49] En rĂ©ponse Ă ce commentaire, madame Couture Ă©met lâopinion que la conjointe ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e Ă charge puisquâelle ne rĂ©side pas avec son mari et rĂ©fĂšre le travailleur Ă l'agente d'indemnisation. Dâaucune façon elle ne l'informe de son droit de contester lâavis de paiement et encore moins du dĂ©lai pour ce faire.
[50] Ce manquement dâune reprĂ©sentante de la CSST d'informer adĂ©quatement le travailleur de son droit de contester constitue, Ă lui seul, un motif raisonnable pour ĂȘtre relevĂ© du dĂ©faut.
[51] La Commission des lĂ©sions professionnelles tient en compte aussi que le travailleur a Ă©tĂ© en institut pour sa rĂ©adaptation et que mĂȘme lorsquâil retourne chez lui en janvier 2013, il est encore fortement limitĂ© pour se dĂ©placer. Dans ces circonstances, il est tout fait comprĂ©hensible que le travailleur ait dĂ» attendre jusquâau 8 mars 2013 pour rencontrer un procureur pour faire valoir ses droits.
[52] La soussignĂ©e est donc d'avis que la demande de rĂ©vision du travailleur dĂ©posĂ©e le 12 mars 2013 Ă l'encontre de lâavis de paiement du 8 novembre 2012 est recevable.Â
[53] Avant de dĂ©cider si la requĂȘte du travailleur doit ĂȘtre accueillie, il semble nĂ©cessaire dâeffectuer un survol des rĂšgles relatives aux indemnitĂ©s de remplacement du revenu ainsi que celles touchant la situation familiale du travailleur au moment de la survenue de la lĂ©sion professionnelle. Â
[54] Pour ce qui est des indemnitĂ©s de remplacement du revenu, ce droit est prĂ©vu Ă lâarticle 44 de la loi :
44. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.
[âŠ]
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1985, c. 6, a. 44.
[55] Quant Ă ce qui compose cette prestation, lâarticle 45 de la loi Ă©nonce :
45. L'indemnité de remplacement du revenu est égale à 90 % du revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi.
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1985, c. 6, a. 45.
[56] Pour identifier le revenu net devant servir Ă calculer les indemnitĂ©s de remplacement du revenu du travailleur, la CSST doit appliquer lâarticle 63 de la loi :
63. Le revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi est égal à son revenu brut annuel d'emploi moins le montant des déductions pondérées par tranches de revenus que la Commission détermine en fonction de la situation familiale du travailleur pour tenir compte de :
1° l'impÎt sur le revenu payable en vertu de la Loi sur les impÎts (chapitre I-3) et de la Loi de l'impÎt sur le revenu (Lois révisées du Canada (1985), chapitre 1, 5 e supplément);
2° la cotisation ouvriÚre payable en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi (Lois du Canada, 1996, chapitre 23); et
3° la cotisation payable par le travailleur en vertu de la Loi sur le régime de rentes du Québec (chapitre R-9);
4° la cotisation payable par le travailleur en vertu de la Loi sur l'assurance parentale (chapitre A-29.011).
La Commission publie chaque année à la Gazette officielle du Québec la table des indemnités de remplacement du revenu, qui prend effet le 1 er janvier de l'année pour laquelle elle est faite.
Cette table indique des revenus bruts par tranches de 100 $, des situations familiales et les indemnités de remplacement du revenu correspondantes.
Lorsque le revenu brut d'un travailleur se situe entre deux tranches de revenus, son indemnité de remplacement du revenu est déterminée en fonction de la tranche supérieure.
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1985, c. 6, a. 63; 1993, c. 15, a. 88; 1997, c. 85, a. 3; 2001, c. 9, a. 124.
[57] Le calcul des indemnitĂ©s de remplacement du revenu doit ĂȘtre dĂ©terminĂ© Ă la date de sa lĂ©sion professionnelle, en fonction de la situation familiale du travailleur Ă cette date pour tenir compte des dĂ©ductions fiscales. La situation familiale dâun travailleur demeure acquise[5] tant que perdure la lĂ©sion professionnelle, malgrĂ© les changements dans sa situation familiale.
[58] Dans la dĂ©cision Lafleur et Transport Shulman ltĂ©e[6], la juge administratif Anne Vaillancourt soulignait que lâarticle 63 de la loi prĂ©voit que le revenu net retenu est Ă©gal au revenu brut annuel moins le montant des dĂ©ductions pondĂ©rĂ©es par tranches de revenu que la CSST dĂ©termine en fonction de la situation familiale du travailleur. Câest au moment oĂč se manifeste la lĂ©sion professionnelle que cette situation doit ĂȘtre prise en compte. Selon les articles 64 et 117 de la loi qui concernent la revalorisation du revenu brut du travailleur, il faut retenir que tant que perdure la mĂȘme lĂ©sion professionnelle, la situation familiale demeure acquise[7] malgrĂ© les changements dans la situation familiale du travailleur.
[59] Comme le soulignait la juge administrative Lucie Landriault[8], lorsque l'indemnisation a Ă©tĂ© faite Ă partir d'une situation erronĂ©e, la CSST ne peut refuser de rectifier cette situation lorsqu'elle est mise au courant de la situation familiale rĂ©elle du travailleur, rĂ©troactivement Ă la date de l'accident, mĂȘme si la demande de rectification est faite hors dĂ©lai.
[60] Par ailleurs, la CSST indique que lâĂ©pouse du travailleur ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un conjoint Ă charge puisquâelle ne vit pas avec le travailleur au moment de lâĂ©vĂ©nement. Il importe ici de souligner que cette situation nâĂ©tait pas voulue par le travailleur, mais imposĂ©e par les circonstances.
[61]  Lorsquâon lit les renseignements donnĂ©s par lâAgence de revenu du Canada, la dĂ©finition dâĂ©poux Ă charge nâest nullement liĂ©e Ă l'exigence de la cohabitation :
Dans la partie « Renseignements Ă votre sujet », cochez la case qui correspond Ă votre Ă©tat civil le 31 dĂ©cembre 2013. Si vous aviez un Ă©poux, cochez « MariĂ©(e) » ou si vous aviez un conjoint de fait, cochez « conjoint(e) de fait ». Dans un cas comme dans l'autre, cette personne demeure votre Ă©poux ou conjoint de fait mĂȘme si vous viviez sĂ©parĂ©ment pour des raisons autres que la rupture de votre union.
Ligne 303 - Montant pour époux ou conjoint de fait
Vous pouvez demander ce montant si, à un moment de l'année, vous avez subvenu aux besoins de votre époux ou conjoint de fait et que son revenu net est moins élevé que 11 038 $.
[Notre soulignement]
[62] De mĂȘme, Revenu QuĂ©bec retient que le conjoint, autre que le conjoint de fait, est une « personne avec qui vous Ă©tiez uni par les liens du mariage ou avec qui vous Ă©tiez uni civilement ». On considĂšre aussi que le fait de vivre sĂ©parĂ©ment ne change rien Ă ce statut, sauf si cette situation dĂ©coule de la rupture du couple. Il est aussi indiquĂ© dans le Guide de la dĂ©claration de revenus ce qui suit :
Si la personne pour laquelle vous inscrivez un montant pour personne à charge n'a pas résidé au Canada, vous devez fournir tout document attestant qu'elle était à votre charge et que vous avez subvenu à ses besoins (par exemple, une preuve de vos paiements).
[63] Ainsi, la Commission des lésions professionnelles constate que la situation familiale du travailleur était celle d'une personne mariée avec un conjoint à charge et la CSST doit modifier le calcul des indemnités de remplacement du revenu pour tenir compte de cette situation.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LĂSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requĂȘte de monsieur Harpan Singh, le travailleur;
INFIRME les dĂ©cisions rendues les 15 mai et 18 octobre 2013 par la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail Ă la suite dâune rĂ©vision administrative;
DĂCLARE que le travailleur a droit Ă ce que soit revu le montant des indemnitĂ©s de remplacement du revenu auquel il a droit en raison de sa lĂ©sion professionnelle du 20 septembre 2012, sur la base des rĂšgles applicables et en fonction dâune situation familiale correspondante Ă celle dâune personne avec conjoint Ă charge;
RETOURNE le dossier Ă la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail pour quâelle modifie le calcul des indemnitĂ©s de remplacement du revenu en tenant compte de cette situation.
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Marie-Anne Roiseux |
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Me Sylvain Gingras |
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Gingras avocats |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] Â Â Â Â Â Â Â Â Â RLRQ, c. A-3.001.
[2]          Dubois et Industries de cĂąbles dâacier ltĂ©e (Les),
[3] Â Â Â Â Â Â Â Â Â [1990] C.A.L.P. 916.
[4]          Précitée, note 2.
[5] Â Â Â Â Â Â Â Â Â Richard &
fils spécialisés Cavalier inc.
[6] Â Â Â Â Â Â Â Â Â
[7]          Précitée, note 6; Richard & fils spécialisés Cavalier inc., précitée, note 5.
[8]          Jiwan et C & D Aérospatiale inc., C.L.P.
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