Décision

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Modèle de rectification CLP - mars 2011

Ashby et CHUS — Hôtel-Dieu

2014 QCCLP 999

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Sherbrooke

17 février 2014

 

Région :

Estrie

 

Dossier :

489841-05-1212

 

Dossier CSST :

097755169

 

Commissaire :

François Ranger, juge administratif

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Marie-Claude Ashby

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

C.H.U.S. - Hôtel-Dieu

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

RECTIFICATION D’UNE DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           La Commission des lésions professionnelles a rendu le 13 février 2014, une décision dans le présent dossier;

[2]           Cette décision contient une erreur d’écriture qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 429.55 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001;


 

[3]           À la page 24, nous lisons :

Me Marie-José Dandenault

Vigneault Thibodeau Bergeron

Représentante de la partie intervenante

 

[4]           Alors que nous aurions dû lire :

Madame Audrey Lessard, stagiaire

Vigneault Thibodeau Bergeron

Représentante de la partie intervenante

 

 

 

 

__________________________________

 

François Ranger

 

 

 

 

Dominique Le Sage

S.A.T.A

Représentant de la partie requérante

 

 

Madame Audrey Lessard, stagiaire

Vigneault Thibodeau Bergeron

Représentante de la partie intervenante


Ashby et CHUS — Hôtel-Dieu

2014 QCCLP 999

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Sherbrooke

13 février 2014

 

Région :

Estrie

 

Dossier :

489841-05-1212

 

Dossier CSST :

097755169

 

Commissaire :

François Ranger, juge administratif

 

Membres :

Jacques Leduc, associations d’employeurs

 

Daniel Robin, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Marie-Claude Ashby

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

C.H.U.S. - Hôtel-Dieu

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]   Le 10 décembre 2012, madame Marie-Claude Ashby (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue le 30 octobre 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par celle-ci, la CSST confirme sa décision initiale du 23 août 2012 en déclarant « que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des coûts reliés aux adaptations du domicile tels que l’achat et l’installation d’un ascenseur ainsi que les autres adaptations pour l’utilisation d’un fauteuil roulant à l’intérieur du domicile ».

[3]           Le 9 décembre 2013, l’audience se tient à Sherbrooke. La travailleuse est représentée par monsieur Dominique Le Sage et la CSST par madame Audrey Lessard. Quant au C.H.U.S. - Hôtel-Dieu (l’employeur), sa représentante a fait savoir qu’elle n’assisterait pas à l’audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           La travailleuse demande de déclarer que la CSST doit rembourser le coût d’acquisition et d’installation d’un ascenseur à son domicile ainsi que la construction d’une rampe pour faciliter le déplacement de son fauteuil roulant.

[5]           De façon subsidiaire, si sa principale demande est jugée disproportionnée, la travailleuse invite la Commission des lésions professionnelles à retourner le dossier à la CSST pour qu’un remboursement puisse être fait en fonction de la solution la plus appropriée qu’aura permis d’identifier une nouvelle évaluation de toute l’affaire.

LA PREUVE

[6]           Le 7 septembre 1987, alors qu’elle est âgée de 25 ans et occupe un poste d’infirmière auxiliaire pour l’employeur, la travailleuse subit une lésion professionnelle en essayant d’ouvrir une fenêtre.

[7]           Au cours des années suivantes, elle est victime de plusieurs récidives, rechutes ou aggravations au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et sa condition nécessite des chirurgies, dont une fusion instrumentée de la région lombosacrée en 1991.

[8]           Le 16 mars 2007, la travailleuse subit une nouvelle récidive, rechute ou aggravation. Dans un rapport d’évaluation médical (REM) signé 17 juin 2010, le docteur Blanchard résume les éléments importants de cette lésion professionnelle en écrivant :

En 2007, on a diagnostiqué une instabilité et sténose au niveau sus-jacent à sa fusion. Elle a donc été opérée en septembre 2007 avec une décompression plus extension de la fusion de L4 jusqu’au sacrum. Finalement, à cause de douleurs focales au site de l’instrumentation sacrée, elle a été réopérée une dernière fois en 2009 pour l’exérèse du matériel qui avait été installé en 2007, la fusion ayant été accomplie dans l’intérim.

 

 

[9]           Pendant la longue période de consolidation de cette lésion professionnelle, la travailleuse est aussi prise en charge par une équipe multidisciplinaire du Centre de réadaptation de l’Estrie. Les rapports des professionnels de l’établissement sont au dossier.

[10]        Également, le 8 juin 2008, le docteur Blanchard recommande de mettre à la disposition de la travailleuse un fauteuil roulant. À partir de l’hiver 2007, celle-ci raconte qu’elle avait commencé à utiliser ce type équipement en Floride, endroit où elle séjourne avec son conjoint durant la saison hivernale.  

[11]        À l’été 2009, pour déterminer s’il est approprié de fournir le fauteuil roulant prescrit par le docteur Blanchard, la CSST demande à madame Chevalier, ergothérapeute, d’évaluer la situation.

[12]        Dans son rapport du 1er octobre 2009, madame Chevalier précise les attentes de la travailleuse en écrivant :

Attentes de l’usagère: Mme Ashby souhaite obtenir un fauteuil roulant à propulsion manuelle pour être en mesure de participer à des activités familiales et sociales qui impliquent une tolérance à la marche supérieure à ce qu’elle présente, et ce, autant lorsqu’elle habite sa maison située à Saint-Denis-de-Brompton (de mars à décembre: de 5 à 10 fois) que lorsqu’elle séjourne eu Floride (de décembre à mars: 5 fois par semaine). Elle souhaite utiliser l’équipement lorsqu’elle magasine, attend son tour dans une file d’attente, assiste à des spectacles, mange dans un restaurant où les chaises ne sont pas suffisamment confortables pour elle, etc.

 

 

[13]        Questionnée à ce sujet, la travailleuse dit que les exemples d’utilisation donnés dans cet extrait concernent la situation vécue en Floride et non au Québec. À son domicile, puisque son conjoint a ses propres activités, elle ajoute ne pouvoir toujours compter sur lui pour transporter et pousser le fauteuil roulant.

[14]        Les attentes énoncées, madame Chevalier dresse ensuite l’historique médical, décrit le tableau actuel et fait remarquer :

Lors de notre visite (06/07/2009), madame se déplace à l’intérieur de son domicile sans auxiliaire à la marche. Une boiterie impliquant le membre inférieur gauche est observable et la mise en charge est accrue sur le membre inférieur droit. Madame se sert d’une canne tenue dans la main droite lorsqu’elle marche à l’extérieur ainsi que des bâtons de marche lorsqu’elle descend ou remonte des pentes (chez elle, pour accéder au lac). Elle est autonome pour transférer à une chaise. Elle monte et descend l’escalier menant au sous-sol de sa maison, d’un pas alterné, avec appui à la main courante.

 

 

[15]        En prenant en compte les facteurs environnementaux qu’elle résume, l’ergothérapeute conclut que la travailleuse « bénéficierait de l’usage d’un fauteuil roulant manuel afin de respecter ses limitations fonctionnelles et de lui permettre de continuer à remplir ses rôles sociaux et familiaux ». Madame Chevalier précise :

En effet, parce qu’elle doit éviter de maintenir la position assise plus de 30 minutes et la position debout plus de 15 minutes et qu’elle doit éviter de marcher pendant plus de 15 minutes, Mme Ashby est limitée dans l’accomplissement de ses activités d’ordre social et familial, et ce, autant lorsqu’elle vit au Québec (de mars à décembre) que lorsqu’elle séjourne en Floride (de décembre à mars). D’ailleurs, en Floride, elle utilise déjà un fauteuil de transport, mais ce fauteuil n’est pas très confortable et, selon nous, ne répond pas adéquatement à ses besoins.

 

 

[16]        Sur la base des constats de l’ergothérapeute, la CSST accepte d’assumer le coût d’achat d’un fauteuil roulant.

[17]        À partir du moment où l’équipement est mis à sa disposition, la travailleuse affirme utiliser le fauteuil roulant de façon régulière pour s’assoir, puisqu’elle le dit très confortable. De façon ponctuelle, surtout si elle est fatiguée, elle déclare également s’en servir à l’intérieur de la maison pour se déplacer au niveau où se trouvent les principales pièces de la résidence. En cas de fatigue, elle avance que ses membres inférieurs lui font mal et qu’elle est sujette à des spasmes et des dérobades de l’un de ses genoux. Incidemment, elle fait aussi remarquer que le fauteuil roulant peut servir comme aide à la marche et à transporter des objets.

[18]        Le 4 mai 2010, le docteur Blanchard déclare la lésion professionnelle du 16 mars 2007 consolidée avec de nouvelles séquelles fonctionnelles.

[19]        Le 17 juin 2010, le docteur Blanchard signe le REM. Dans ce document, le neurochirurgien indique que la dernière chirurgie a permis de réduire les douleurs associées au phénomène d’instabilité. Par contre, suite à une complication, il fait remarquer que la travailleuse présente une « atteinte radiculaire du côté gauche qui l’a laissée avec une faiblesse au niveau du quadriceps et une région d’hypoesthésie et de dysesthésie au niveau de la cuisse et du genou à gauche ». À cause d’une arachnoïdite, le docteur Blanchard note également qu’il persiste des douleurs au dos et aux jambes. Sur le plan subjectif, il rapporte que la travailleuse :

[…] dit pouvoir marcher environ 5 à 10 minutes, la plupart du temps en utilisant une canne. Lorsqu’elle doit descendre des escaliers ou descendre un terrain en pente, elle utilise des bâtons de marche, car une faiblesse au niveau du quadriceps droit rend la marche instable dans ces conditions.

 

Elle dit tolérer la position debout environ 10 minutes, période après laquelle elle doit s’asseoir ou s’étendre. Elle tolère la position assise pour environ 30 minutes après laquelle elle doit encore une fois bouger ou se lever quand les douleurs au niveau du dos et des jambes augmentent.

 

 

[20]        Le docteur Blanchard ajoute qu’elle souffre de symptômes urinaires pour lesquels elle est suivie en urologie. Incidemment, pour cette composante de la lésion professionnelle, un déficit anatomo-physiologique additionnel sera alloué et il sera spécifié que cette déficience n’entraîne pas de limitation fonctionnelle.

[21]        Au terme de son examen physique et de la revue du dossier, le docteur Blanchard recommande d’importantes limitations fonctionnelles. Il écrit :

Madame Ashby présentait déjà des limitations fonctionnelles qui avaient été appliquées en 1993 et n’avaient pas été changées depuis. On statuait à ce moment que la patiente devait travailler en alternant entre la position assise et debout; ne pas lever des charges de plus de 20 livres; éviter les mouvements répétitifs de flexion antérieure du tronc et de rotation du tronc; éviter les marches prolongées.

 

Suite à la détérioration clinique chez madame Ashby ainsi que la non-tolérance aux activités physiques et la restriction importante au niveau de sa mobilité, je crois qu’il y a lieu d’appliquer dans son dossier les restrictions suivantes:

 

Classe 4: restrictions très sévères:

 

Le caractère continu de la douleur et son effet sur le comportement et sur la capacité de concentration sont incompatibles avec un travail régulier.

 

On peut toutefois envisager une activité dont l’individu peut contrôler lui-même le rythme et l’horaire.

 

Éviter les activités qui impliquent de:

-    soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive et fréquente des charges de plus de 5 kg;

-    marcher longtemps;

-    garder la même posture (debout, assise) plus de 30 à 60 minutes;

-    travailler dans une position instable (ex. : échafaudages, échelles, escaliers);

-    effectuer des mouvements répétitifs des membres inférieurs

-    (ex. : actionner des pédales)

-    effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire même de faible amplitude;

-    monter fréquemment plusieurs escaliers;

-    marcher en terrain accidenté ou glissant.

 

Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent

de:

 

-    travailler en position accroupie;

-    ramper, grimper;

-    subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (ex: provoquées par du matériel roulant sans suspension).

 

[22]        Quant au déficit anatomo-physiologique, le neurochirurgien accorde un taux additionnel de 12 %, ce qui porte l’atteinte permanente à l’intégrité physique de la travailleuse à plus de 50 %.

[23]        Compte tenu des limitations fonctionnelles identifiées par le docteur Blanchard, la travailleuse devient incapable de réintégrer son emploi[2] et d’exercer un quelconque travail à temps plein. Dans ce contexte, la CSST reconnaît son droit de recevoir, suivant les modalités prévues à la loi, une indemnité de remplacement du revenu jusqu’à l’âge de 68 ans.

[24]        En 2011, disant qu’elle a peine à accéder à la piscine extérieure de sa résidence et au lac qui borde la propriété en raison de son état et des caractéristiques des lieux (pièce T-2), la travailleuse raconte que son conjoint et elle font le choix de déménager. À proximité de l’endroit où ils habitent, elle dit que le couple décide de construire une maison plus vaste où elle pourra profiter de tous les équipements et commodités du domicile.

[25]        Au cours de l’été 2011, pour la réalisation de ce projet, le conjoint de la travailleuse obtient plus particulièrement des propositions de fournisseurs afin de doter la future maison d’un ascenseur.

[26]        Le 15 septembre 2011, le conjoint de la travailleuse signe un contrat pour l’achat et l’installation d’un ascenseur au coût de 60 700,38 $. En guise de dépôt, un premier paiement de 18 210,11 $ est également effectué à cette date. Par ailleurs, le contrat ne prévoit pas la construction du puits dans lequel doit circuler l’équipement. Une facture versée au dossier et datée du 26 juillet 2012, montre qu’il s’agit de travaux atteignant 27 500 $. Tout compte fait, le coût pour l’achat et l’installation de l’ascenseur qui nous intéresse s’élève à plus de 88 000 $. 

[27]        En novembre 2011, le couple libère la maison qu’il occupait depuis 2002. À l’audience, la travailleuse souligne qu’elle a été vendue au prix de 1,4 million de dollars. Dans le rapport de 2009 de l’ergothérapeute, il est indiqué que cette propriété est une « maison unifamiliale qui compte deux étages (sous-sol et rez-de-chaussée) » avec garage attenant. Des photos de celle-ci sont d’ailleurs déposées à l’audience (pièce T - 2).

[28]        Le 26 avril 2012, de retour de son séjour annuel en Floride, la travailleuse communique avec la CSST pour obtenir une assistance financière. À cette époque, la nouvelle maison du couple est en construction. Dans ses notes, la conseillère en réadaptation de la CSST écrit :

 

Mme Ashby nous indique vouloir savoir si la CSST pour [sic] lui rembourser ses frais d’adaptation de domicile. Lors de la dernière audition à la CLP, Mme Ashby nous avait indiqué avoir vendu sa résidence et que sa nouvelle résidence qui serait construite par son conjoint lui conviendrait mieux. Une maison sur un seul niveau.

 

Pour cette nouvelle résidence qui est en construction actuellement, ils ont décidé de prévoir une détérioration de son état dans le futur en installant une [sic] ascenseur qui lui permet aussi de se rendre au niveau du lac. Il lui est indiqué que la CSST évalue par l’entremise d’une ergothérapeute ses besoins actuels mais ne peut adapter sa résidence pour des besoins futurs. De plus, il est nécessaire d’obtenir une évaluation et une autorisation préalable pour tout adaptation qui pourrait être remboursable par la CSST. Elle nous indique qu’ils ont prévue des passages et portes plus larges, si elle devait avoir à utiliser un fauteuil roulant à l’intérieur. Questionnée à savoir ses attentes concernant la CSST, Mme nous indique qu’elle aimerait que la CSST lui rembourse une partie de ses frais pour l’installation de l’ascenseur. Il lui est indiqué que cela ne sera pas possible puisqu’il est question ici de besoins futurs et que nous évaluons seulement les besoins actuels. Elle nous indique qu’elle aimerait tout de même avoir les services d’une ergothérapeute pour évaluer ses autres besoins, par exemple utilisation de la salle de bain.

 

Il est donc convenu que nous mandaterons une ergothérapeute pour procéder à l’évaluation des besoins d’adaptation de son domicile et ce en fonction de ses capacités résiduelles actuelles.

 

 

[29]        Au sujet de cet extrait, la travailleuse déclare qu’il est faux qu’elle ait invité la CSST à simplement contribuer au coût de l’ascenseur. Lors de cet échange, elle affirme avoir demandé le remboursement complet de l’équipement. De même, lorsqu’il a été question de son déménagement quelques mois plus tôt, elle précise qu’elle n’a jamais mentionné que la prochaine maison allait être sur « un seul niveau ». Enfin, vu l’usage qu’elle dit faire du fauteuil roulant, la travailleuse avance que l’ascenseur n’est pas installé dans le but « de prévoir une détérioration de son état dans le futur ».

[30]        En ce qui regarde la mention voulant qu’elle souhaite « avoir les services d’une ergothérapeute pour évaluer ses autres besoins, par exemple utilisation de la salle de bain », la travailleuse affirme également n’avoir jamais rien demandé de tel. Après que la conseillère l’ait avisée que la CSST n’allait pas payer pour l’ascenseur, elle raconte, qui lui a été annoncé, qu’une ergothérapeute irait la voir pour évaluer ses besoins en regard de la salle de bain. Incidemment, la travailleuse ajoute qu’elle espérait que la CSST revoit sa position sur l’ascenseur après cette visite.

[31]        Le 8 mai 2012, pour le compte de la CSST, une ergothérapeute rencontre la travailleuse. Incidemment, la conseillère en réadaptation de la CSST assiste à une partie de cette évaluation.

[32]        À l’audience, la travailleuse décrit l’intervention de l’ergothérapeute, madame Chevalier. En tout, elle estime que l’évaluation dure environ 90 minutes.

[33]        Pour commencer, la travailleuse explique qu’elles visitent la maison, dont la construction n’est pas terminée. Elle dit que les divisions sont construites et que des panneaux de gypse couvrent les murs. Cependant, elle signale que le recouvrement des planchers n’est pas terminé et que l’ascenseur n’est pas fonctionnel. Pendant l’examen des lieux, la travailleuse précise que l’ergothérapeute s’attarde particulièrement à sa salle de bains.

[34]        Ensuite, après le départ de la conseillère en réadaptation, l’ergothérapeute et la travailleuse se rendent au chalet qu’occupe le couple pendant la durée des travaux de construction. À ce moment, la travailleuse ne se rappelle pas si l’ergothérapeute l’interroge sur sa médication, l’usage qu’elle fait du fauteuil roulant et la fréquence à laquelle elle compte se servir des équipements de la maison, dont la piscine et le SPA qui seront aménagés à l’intérieur de la résidence. Par contre, elle se souvient qu’elles parlent de ses symptômes, dont des phénomènes de faiblesses et de dérobades qu’elle dit présenter.

[35]        Le 14 mai 2012, l’ergothérapeute dépose son rapport. Comme elle l’a fait en 2009 pour évaluer le besoin d’un fauteuil roulant, madame Chevalier décrit particulièrement les attentes de la travailleuse, dresse l’historique, fait un portrait de la situation actuelle et rapporte :

2.7. Bilan fonctionnel (informations obtenues par entrevue et observations): Mme Ashby est droitière. Lors de ma visite, la travailleuse se déplace à l’intérieur et à l’extérieur de son domicile en construction sans auxiliaire à la marche. Une boiterie impliquant le membre inférieur gauche est observable et la mise en charge est accrue sur le membre inférieur droit. Toutefois, lorsque je le lui demande, madame est en mesure de faire une mise en charge équitable sur ses deux jambes. Madame monte et descend les escaliers menant aux différents étages de sa maison (49 contremarches en tout), un pas à la fois, avec un appui. Elle affirme être en mesure d’utiliser le pas alterné, en montant et en descendant les marches, lorsqu’il y a deux mains courantes de part et d’autre des escaliers, ce qui était le cas lorsque je l’avais rencontré en 2009. Madame pourrait décider de faire installer une seconde main courante si elle souhaite accroître son efficacité lorsqu’elle monte et descend les escaliers de sa nouvelle demeure. Par ailleurs, madame indique qu’elle se sert d’une canne tenue dans la main droite lorsqu’elle marche à l’extérieur ainsi que des bâtons de marche lorsqu’elle descend ou remonte des pentes. Elle est autonome pour transférer à une chaise, à un fauteuil,... Pour ramasser un objet au sol, elle prend un appui extérieur et s’abaisse en fléchissant les genoux et en conservant son dos droit.

 

Madame parle d’une tolérante debout stationnaire de 5 minutes et d’une tolérance à la marche de 15 à 20 minutes. Après quoi, elle dit devoir prendre une pause de 5 à 10 minutes (s’asseoir ou se coucher) avant de pouvoir de nouveau se tenir debout ou marcher. Elle affirme que si elle persévère, la douleur devient alors insupportable, elle ressent une faiblesse au niveau des membres inférieurs et son genou gauche peut flancher. Lors de l’évaluation, madame maintient la position debout pour des périodes d’environ 5 minutes, entrecoupées de pauses en position assise. En 2009, madame affirmait que la position debout stationnaire (plus de 5 minutes) ainsi que la marche (plus de 15 minutes) augmentaient sa symptomatologie.

 

 

[36]        Par la suite, l’ergothérapeute communique les caractéristiques de la maison qui sera occupée par le couple à la fin des travaux. Incidemment, cette partie du rapport concorde avec la preuve, dont une série de plusieurs photos (pièce T-3). Madame Chevalier écrit :

 3.2. Description du domicile: Sise en bordure du Lac Brompton, la nouvelle demeure unifamiliale compte trois étages. Mme Ashby affirme qu’il a fallu creuser 33 pieds de profondeurs [sic] pour la fondation de la maison. Les plafonds à chacun des étages sont particulièrement hauts (12, 15 pieds, …). Deux garages (superposés) sont attenants à la maison. Madame prévoit garer son véhicule à l’intérieur de celui qui jouxte le rez-de-chaussée. Dans ce garage, un escalier de deux contremarches permet l’accès au rez-de-chaussée où seront aménagées toutes les pièces de vie essentielles aux activités quotidiennes:

Ø  Buanderie;

Ø  Aire ouverte comprenant le salon, la cuisine et la salle à manger;

Ø  Espace réservé pour les maîtres où l’on retrouve une chambre à coucher, un grand walk-in et une salle de bain: douche (3X5 pieds), toilette, baignoire, vanité avec deux lavabos;

Ø  Salle d’eau.

 

Un escalier en « L » comprenant deux volées d’escaliers de 9 et de 13 contremarches donne accès au deuxième étage, où l’on retrouve un grand boudoir équipé d’un foyer et, pour les invités, trois chambres à coucher et une salle de bain complète. Le second garage est accessible par cet étage.

 

Un autre escalier droit, entrecoupé d’un palier, donne accès au troisième étage de la maison. Cet escalier est constitué de deux volées de 14 et de 13 contremarches. Sur le palier mitoyen, on peut avoir accès à une pièce où se trouvent divers équipements dont le système de chauffage (chauffage biénergie). Au troisième étage, on retrouve une piscine intérieure, un emplacement où sera installé le spa, une salle de bain et d’autres pièces dont l’usage est encore indéterminé.

 

À l’extérieur, un muret de pierres a été aménagé entre la maison et le lac. Un escalier est prévu de même qu’une pente douce pour se rendre au bord du lac à partir de la maison.

 

 

[37]        En considérant ses observations, son bilan fonctionnel et les limitations fonctionnelles identifiées dans le REM du 17 juin 2010 du docteur Blanchard, l’ergothérapeute conclut principalement que la condition de la travailleuse ne justifie pas de doter la maison d’un ascenseur. Madame Chevalier écrit :

4.2. Utilisation du fauteuil roulant à propulsion manuelle: Un fauteuil roulant à propulsion manuelle a été octroyé à Mme Ashby par la C.S.S.T. en 2009. Cette mesure visait sa participation à des activités familiales et sociales qui impliquent une tolérance à la marche supérieure à ce que madame présentait, et ce, « autant lorsqu’elle habite sa maison située à Saint-Denis-de-Brompton (de mars à décembre : de 5 à 10 fois) que lorsqu’elle séjourne en Floride (de décembre à mars: 5 fois par semaine) » (Rapport en ergothérapie, 2009). Madame souhaitait utiliser cet équipement lorsqu’elle magasine, attend son tour dans une file d’attente, assiste à des spectacles, mange dans un restaurant où les chaises ne sont pas suffisamment confortables pour elle, etc. C’est d’ailleurs l’utilisation que madame affirme faire de son fauteuil roulant présentement.

[…]

 

Dans le but de maintenir ses capacités physiques, je recommande que Mme Ashby emprunte et soit encouragée à utiliser les escaliers pour se rendre d’un étage à l’autre dans sa nouvelle demeure, notamment, pour avoir accès à sa piscine et au lac, car madame est en mesure de descendre et de remonter ces escaliers (49 contremarches), sans risque. Par conséquent, je recommande l’activité et ne recommande pas d’ascenseur pour relier les différents étages de la maison de Mme Ashby.

 

 

[38]        Pour la salle de toilette, l’ergothérapeute recommande particulièrement d’installer des barres murales et de mettre à la disposition de la travailleuse quelques accessoires, dont un tapis antidérapant et un banc de bain.

[39]        À cette époque, la CSST invite la travailleuse à documenter sa demande en fournissant copie des déboursés encourus pour l’ascenseur. Le 14 juin 2012, à l’occasion d’un rappel, la conseillère en réadaptation écrit :

Elle m’indique ne pas être en mesure pour le moment de me faire suivre les factures pour l’achat de son ascenseur et les coûts d’installation, car elle n’a pas reçu toutes les factures. Elle entrevoit nous faire suivre sa demande écrite d’ici la fin juin 2012. Il lui est demandé de nous préciser sur sa demande officielle le montant qu’elle demande comme remboursement ayant déjà indiqué qu’elle ne voulait pas que la CSST rembourse la totalité des coûts mais puisse en défrayer une partie. Elle nous indique que c’est à la CSST de lui faire une offre.

 

 

[40]        Le 23 août 2012, la CSST dispose de la demande de la travailleuse :

En réponse à votre demande, nous vous informons que nous sommes venus à la conclusion que les frais d’achat et d’installation d’un ascenseur ainsi que toutes les autres adaptations, dans le cadre de l’utilisation d’un fauteuil roulant à l’intérieur du domicile, ne sont pas nécessaires en lien avec votre capacité résiduelle actuelle.

 

Les aides techniques suivantes sont autorisées :

 

-   deux barres murales antidérapantes de 24 pouces, au coût approximatif de        15.65$/l’unité

- une barre murale antidérapante de 32 pouces, au coût approximatif de     18.50$/l’unité

-   des tapis antidérapants dans la douche et à sa sortie, au coût approximatif de    16.50$/l’unité

-   un banc de bain rembourré avec dossier (de type 08-8308 chez Oxybec), au       coût approximatif de 105.25$

-   ainsi que les frais d’installation des barres murales

 

 

[41]        Insatisfaite, la travailleuse conteste cette décision.

[42]        Le 30 octobre 2012, après une révision administrative, la CSST confirme sa décision initiale du 23 août précédent en déclarant « que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des coûts reliés aux adaptations du domicile telles que l’achat et l’installation d’un ascenseur ainsi que les autres adaptations pour l’utilisation d’un fauteuil roulant à l’intérieur du domicile ».

[43]        Il s’ensuit le dépôt de la requête qui nous occupe.

[44]        À l’audience, la travailleuse avance que la CSST ne comprend pas l’usage qu’elle fait de son fauteuil roulant et des commodités de la maison.

[45]        Parce qu’il est confortable, la travailleuse affirme utiliser régulièrement son fauteuil roulant. Par exemple, elle dit s’en servir durant ses repas, lorsqu’elle va sur les différentes terrasses de la propriété et quand elle regarde la télévision dans la salle de cinéma-maison aménagée à l’étage où se trouvent les chambres à coucher des invités. Elle estime passer 70 % du temps dans son lit et dans son fauteuil roulant. Tout comme son chien, elle fait valoir que le fauteuil roulant « la suit partout dans la maison ». Au surplus, elle fait remarquer que l’objet peut être employé pour transporter divers objets dans la maison.

[46]        De plus, insistant sur son état de santé et se disant sujette à des risques de chutes à cause des séquelles qu’elle conserve, la travailleuse soutient avoir besoin du fauteuil roulant pour se déplacer dans la maison. Parce qu’elle déclare être incapable d’emprunter les escaliers en toute sécurité, elle dit que l’ascenseur lui permet de se rendre à l’étage où se trouve le cinéma maison et à celui où sont aménagés la piscine et le SPA. En outre, sans l’ascenseur, elle allègue qu’elle ne pourrait pas se rendre au bord du lac sans risque de tomber.

[47]        Estimant cette activité vitale pour elle, la travailleuse affirme également se baigner quelques fois par jour dans la piscine de la maison et profiter du SPA dans la même mesure. Incidemment, dans le rapport de 2012 de l’ergothérapeute, il est indiqué qu’elle comptait utiliser la piscine une fois par jour.

[48]        De même, parce que profiter des aménagements extérieurs lui est bénéfique, elle soutient avoir besoin de l’ascenseur pour accéder à ces lieux en fauteuil roulant.

[49]        Par ailleurs, souffrant d’une pathologie cervicale qui ne concerne pas la CSST, la travailleuse dit avoir subi une chirurgie à l’automne 2013. Elle raconte que cette atteinte lui causait des douleurs au cou et divers symptômes aux membres supérieurs, dont des engourdissements, une perte de dextérité et de la faiblesse. Depuis l’intervention, elle rapporte mieux se porter et poursuivre sa convalescence.  

[50]        Finalement, jusqu’à présent, la travailleuse déplore que la CSST n’ait rien fait pour faciliter le transport du fauteuil roulant dans son véhicule. De même, pour le déplacer du garage à l’intérieur de la maison, elle dit que la CSST n’a toujours pas autorisé l’aménagement d’une rampe en lieu et place des deux marches qui séparent le garage de la maison.

[51]        Pour parfaire sa preuve, la travailleuse dépose l’expertise du 5 août 2013 du docteur Roy. Dans ce document, l’orthopédiste précise produire ce rapport dans le « but d’évaluer si madame Ashby a des justifications médicales pour avoir un ascenseur à domicile ». Il dresse un historique, collige les plaintes de la travailleuse et décrit son examen physique. À cette dernière étape, il observe principalement de l’ankylose au rachis, un phénomène d’hypoesthésie intéressant la racine L5 droite ainsi qu’une atrophie de 1,5 cm au mollet droit. Il précise que les mouvements des genoux sont normaux et que la force musculaire « des membres inférieurs est évaluée à 5/5 de façon symétrique ». Au terme de son examen et de sa revue du dossier, le docteur Roy retient qu’un fauteuil roulant « n’est pas un luxe » pour la travailleuse. Après avoir décrit les principales caractéristiques de la maison où elle habite depuis la fin 2012, l’orthopédiste explique :

Madame Ashby nous explique qu’elle doit se déplacer régulièrement sur les trois étages dans le cadre de l’accomplissement de ses activités habituelles, ce qu’elle ne pourrait faire sans utiliser l’ascenseur qu’ils ont fait installer.

 

Nous jugeons également qu’il y a justification d’avoir un ascenseur pour plusieurs raisons qui sont les suivantes:

 

Madame Ashby, lorsqu’elle descend les marches en se tenant avec l’appui-main, doit avoir soit un appui-main du côté opposé pour la garantir contre des chutes ou bien tenir une canne. II va de soi que si elle descend ou monte les escaliers avec un objet dans ses mains, par exemple de la nourriture, un verre, des vêtements, de la literie ou autres objets, madame Ashby ne peut garantir sa chute compte tenu qu’elle a un membre supérieur occupé et qu’elle risque de tomber. Ce risque est autant plus présent si les déplacements sont effectués de façon fréquente durant la journée compte tenu de la faiblesse aux membres inférieurs et des dérobades. Il faut également savoir que madame Ashby utilise un bain thérapeutique (spa) et sa piscine pour atténuer ses douleurs, et ce, quelques fois durant la journée, car ce sont des équipements qui la soulagent le plus parmi tous les appareils qu’elle a utilisés auparavant […]

 

D’autre part, si madame Ashby veut se déplacer de façon significative en dehors de la maison sur son terrain, comme pour se rendre au quai avec sa chaise roulante par exemple, elle doit descendre sa chaise roulante et il va de soi que l’ascenseur est le mécanisme le plus simple pour descendre cet objet. À cet égard, le rapport de l’ergothérapeute de 2009 mentionne clairement que le poids du fauteuil roulant est de 35 à 45 livres alors que madame a une restriction de charge de 5 kilogrammes. Il serait donc tout à fait inapproprié de demander à madame Ashby de monter ou descendre les 49 marches d’escalier de son domicile en transportant son fauteuil roulant!

 

Par ailleurs, si madame Ashby reçoit de la visite et doit déplacer des objets, que ce soit de la nourriture ou autres, elle va avoir une facilité d’autonomie grâce à l’ascenseur pour effectuer ces gestes sans mettre des risques sur sa santé en tombant dans les escaliers.

 

Bref, du point de vue médical, il est justifié, à mon avis, pour madame Ashby d’avoir un ascenseur en raison de ses contraintes physiques liées à sa lésion professionnelle afin d’avoir accès de façon autonome aux biens et diverses commodités de son domicile et ainsi prévenir les rechutes-récidives-aggravations de sa condition.

 

 

[52]        Le docteur Roy continue son exposé en critiquant les conclusions de l’ergothérapeute. Entre autres, il avance qu’il est inapproprié pour la travailleuse de circuler dans les escaliers à la fréquence que commandent ses besoins. Il ajoute :

Au surplus, je me permets d’ajouter que ma compréhension de la restriction émise par le docteur Blanchard à l’effet d’éviter de monter ou descendre fréquemment plusieurs escaliers concerne davantage l’exigence physique requise pour monter ou descendre une ou plusieurs marches ainsi qu’il soit question d’un seul escalier de 50 marches ou de 5 escaliers de 10 marches, les exigences sont, à mon avis, les mêmes. Je suis donc d’avis que madame Ashby, dans le respect de ses limitations fonctionnelles, devrait restreindre l’utilisation des escaliers de son domicile à seulement quelques marches à la fois de façon occasionnelle et uniquement lorsqu’elle peut se garantir de toute chute éventuelle avec ses deux mains.

 

 

[53]        L’orthopédiste avance également que l’ergothérapeute a tort de soutenir que la condition de la travailleuse ne commande pas qu’elle emploie régulièrement en fauteuil roulant. Il expose :

Il est totalement inacceptable que madame Chevalier ait des propos de ce genre. Certes, il est clair que l’on favorise autant que possible l’exercice pour qu’il y ait un certain maintien dans l’activité musculaire d’un individu et pour ne pas favoriser l’atrophie. Cependant, madame Ashby utilise son fauteuil roulant à l’intérieur comme à l’extérieur pour lui permettre d’avoir une certaine activité sociale et lui permettre de respecter ses limitations fonctionnelles. Madame Ashby nous explique qu’elle utilise son fauteuil roulant à son domicile lorsqu’elle désire poursuivre ses activités sociales ou familiales et se déplacer à l’intérieur du domicile lorsque sa capacité maximale est atteinte. Elle peut ainsi se mettre debout et marcher derrière son fauteuil roulant ou simplement s’asseoir et, le cas échéant, se laisser pousser par son conjoint […].

 

 

[54]        En conclusion, le docteur Roy soutient que l’utilisation du fauteuil roulant est justifiée.

[55]        Par ailleurs, dans un rapport complémentaire signé le 29 août 2013, madame Chevalier maintient que la travailleuse « est une personne ambulante qui a les capacités pour se déplacer de façon automne et sécuritaire dans les escaliers ». En outre, dans le cas d’une personne devant se déplacer de façon continue dans un fauteuil roulant, l’ergothérapeute souligne qu’elle recommande l’installation de plateformes élévatrices destinées aux personnes handicapées et non l’acquisition d’un ascenseur. Enfin, elle rappelle dans quel contexte elle a recommandé en 2009 de fournir un fauteuil roulant à la travailleuse, rapporte ne pas avoir vu celle-ci utiliser une aide quelconque à la marche et ne pas avoir noté de phénomène de dérobade au niveau des genoux.

[56]        Finalement, pour compléter la preuve, la Commission des lésions professionnelles a soumis aux parties des extraits du site Wikipédia portant sur l’ergothérapie et l’orthopédie. En ce qui regarde la première profession, il est expliqué :

L’ergothérapie est une profession de santé évaluant et traitant les personnes afin de préserver et développer leur indépendance et leur autonomie dans leur environnement quotidien et social. Dans la plupart des cas, les ergothérapeutes travaillent en collaboration avec des masseurs-kinésithérapeutes, des orthophonistes, des physiothérapeutes, des psychomotriciens, des médecins, des infirmiers, des psychologues et des travailleurs sociaux.

 

[…]

 

L’ergothérapie se caractérise par l’éducation, la rééducation, la réadaptation ou encore la réhabilitation, par l’activité (Ergon en grec). C’est par le biais d’activités de la vie quotidienne (soins personnels, travail et loisirs) et d’autres exercices globaux et analytiques que l’ergothérapeute organise une thérapie visant à améliorer des capacités d’agir et des compétences, cela individuellement ou en groupe.

 

S’intéressant à l’adulte, à la personne âgée ou à l’enfant, notamment en secteur de psychiatrie, neurologie, rhumatologie ou en rééducation fonctionnelle, les ergothérapeutes exercent le plus souvent à titre salarié en institution (hôpitaux, centres de réadaptation, etc.). Ils peuvent aussi travailler en libéral.

 

Cette profession se caractérise en outre par des confections d’orthèses, des conseils dans les aides techniques et dans l’aménagement du domicile de personnes en situation de handicap […]

 

 

[57]        Quant à l’orthopédie, Wikipédia enseigne particulièrement :

L’orthopédie est une spécialité chirurgicale pratiquée par un chirurgien orthopédiste. Elle concerne le traitement de toutes les affections de l’appareil locomoteur (os, articulations, muscles, tendons et nerfs). Elle comprend le traitement chirurgical des affections des membres supérieurs (épaule, coude et main), des membres inférieurs (hanche, genou et pied) et du rachis.

 

 

[58]        À l’audience, les procureurs des parties ne remettent pas en cause l’exactitude de l’information fournie par Wikipédia.

 


L’AVIS DES MEMBRES

[59]        Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs considèrent que la travailleuse n’était pas justifiée de munir sa résidence d’un ascenseur sans avoir au préalable obtenu l’autorisation de la CSST.

[60]        De même, ils estiment que son état de santé ne justifie pas qu’elle se serve d’un fauteuil roulant sur une base régulière et que son domicile soit équipé d’un ascenseur. D’ailleurs, ils croient qu’elle a dénaturé la vérité et exagéré l’usage qu’elle fait du fauteuil roulant.

[61]        Enfin, ils font observer que c’est en toute connaissance de cause qu’elle a choisi de déménager en 2011 pour s’installer dans la vaste maison occupée depuis 2012.

[62]        Pour ces motifs, ils sont d’avis que la CSST a eu raison de rejeter la demande principale et jugent qu’il n’y a pas lieu de lui retourner le dossier pour qu’il soit procédé à une nouvelle évaluation.

[63]        Par ailleurs, considérant que la travailleuse utilise un fauteuil roulant lors de certaines sorties, ils pensent que la CSST doit assumer le coût d’installation d’une plateforme pour faciliter le déplacement du fauteuil roulant du garage à l’intérieur de la maison.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[64]        Il s’agit principalement de décider si la CSST doit rembourser le coût d’achat et d’installation de l’ascenseur dont est muni le domicile de la travailleuse.

[65]        D’emblée, compte tenu de l’atteinte permanente qu’elle présente à la suite de ses lésions professionnelles, il va de soit que la travailleuse a droit à la réadaptation et plus particulièrement aux mesures de réadaptation sociale dont elle a besoin dans les limites prévues par la loi. Sur ce point, la Commission des lésions professionnelles rappelle que la loi prévoit :

145.  Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 145.

 

151.  La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

[66]        En regard des mesures de réadaptation sociale, la loi élabore des règles en matière d’adaptation de domicile. Celles qui nous intéressent se lisent :

152.  Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :

 

1° […]

 

2° la mise en œuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;

 

3° […]

 

4° […]

 

5° […]

__________

1985, c. 6, a. 152.

 

 

153.  L'adaptation du domicile d'un travailleur peut être faite si :

 

1° le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique;

 

2° cette adaptation est nécessaire et constitue la solution appropriée pour permettre au travailleur d'entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d'avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de son domicile; et

 

3° le travailleur s'engage à y demeurer au moins trois ans.

 

Lorsque le travailleur est locataire, il doit fournir à la Commission copie d'un bail d'une durée minimale de trois ans.

__________

1985, c. 6, a. 153.

 

 

156.  La Commission ne peut assumer le coût des travaux d'adaptation du domicile ou du véhicule principal du travailleur visé dans l'article 153 ou 155 que si celui-ci lui fournit au moins deux estimations détaillées des travaux à exécuter, faites par des entrepreneurs spécialisés et dont la teneur est conforme à ce qu'elle exige, et lui remet copies des autorisations et permis requis pour l'exécution de ces travaux.

__________

1985, c. 6, a. 156.

 

 

[67]        En l’espèce, contrairement à ce qui est exigé à l’article 156, la travailleuse n’a pas fourni à la CSST « au moins deux estimations détaillées des travaux à exécuter » ainsi que « copies des autorisations et permis requis pour l'exécution » des travaux relatifs à l’ascenseur.

[68]        Le 26 avril 2012, lorsqu’elle a communiqué avec l’organisme pour la première fois à ce sujet, la travailleuse a mis la CSST devant un fait accompli. L’été précédent, son conjoint avait obtenu des propositions afin de doter la future maison d’un ascenseur puis, le 15 septembre 2011, signé un contrat pour l’achat et l’installation de cet équipement au coût de 60 700,38 $. Au surplus, quant aux travaux réalisés pour la construction du puits dans lequel circule l’ascenseur, au coût de 27 500 $, ils ne semblent pas avoir fait l’objet d’au moins deux estimations détaillées.

[69]        En agissant de la sorte, la travailleuse a privé la CSST de toute possibilité d’examiner l’affaire de façon à retenir la solution appropriée la plus économique, comme le prévoit l’article 181 :   

181.  Le coût de la réadaptation est assumé par la Commission.

 

Dans la mise en œuvre d'un plan individualisé de réadaptation, la Commission assume le coût de la solution appropriée la plus économique parmi celles qui permettent d'atteindre l'objectif recherché.

__________

1985, c. 6, a. 181.

 

 

[70]        De plus, dans la mesure où c’est la loi qui prévoit les conditions pertinentes par opposition à une simple politique administrative, il incombait à la travailleuse de respecter les règles.

[71]        Puisqu’il n’y avait aucune urgence de précipiter les choses lorsque le nécessaire fut fait pour doter la nouvelle maison d’un ascenseur, la travailleuse n’a aucune excuse[3]. Elle avait tout le loisir de se conformer aux exigences de l’article 156.

[72]        Dans ce contexte, le simple défaut de respecter les conditions prévues à cette disposition commande le rejet de la demande principale.

[73]         Par ailleurs, pour justifier l’adaptation d’un domicile, il doit être particulièrement démontré, en vertu de l’article 153, que cette mesure « est nécessaire et constitue la solution appropriée pour permettre au travailleur d'entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d'avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de son domicile ».

[74]        S’il ne fait pas de doute que la travailleuse présente une atteinte permanente grave à son intégrité physique, il n’est par contre nullement établi qu’il est nécessaire de doter son domicile d’un ascenseur pour lui permettre d’en jouir.

[75]        Parce qu’elles traduisent la manifestation fonctionnelle de l’atteinte permanente à l’organisme de la travailleuse[4], c’est par rapport aux limitations fonctionnelles reconnues à la suite de la dernière lésion professionnelle, soit celle identifiée par le docteur Blanchard dans le REM du 17 juin 2010, que l’affaire doit s’apprécier. Cette façon de faire a notamment été adoptée dans l’affaire Guillemette[5] :

[133] Il ressort de l’interprétation de ces articles et plus particulièrement de l’article 153 de la loi que l’analyse doit se faire essentiellement comme l’a précisé la CSST en fonction de la capacité résiduelle que le travailleur conserve à la suite de la lésion professionnelle du 29 janvier 2003, ce qui inclut la capacité résiduelle qu’il conserve après la rechute, récidive ou aggravation du 16 avril 2004 qui a suivie. Dans ce sens, les conclusions médicales du docteur Vachon quant aux limitations fonctionnelles retenues en marge de la lésion reconnue doivent servir de guide pour évaluer dans quelle mesure la condition résiduelle du travailleur l’empêche d’accéder aux biens et commodités de son domicile d’une manière autonome.

 

 

[76]        À l’audience, notamment pour discréditer le rapport de madame Chevalier, la travailleuse a fait grand cas des conclusions des professionnels du Centre de réadaptation de l’Estrie. Or, en plus de précéder la date de consolidation de la lésion professionnelle du 16 mars 2007, les observations de ces professionnels ne lient pas les parties et la Commission des lésions professionnelles. Ce sont les conclusions du médecin qui a charge qui possèdent cette particularité en vertu de la loi :

224.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

[77]        Bref, pour identifier si la mesure d’adaptation du domicile revendiquée est « nécessaire et constitue la solution appropriée » en l’espèce, il faut prendre en compte les limitations fonctionnelles établies par le docteur Blanchard :


Classe 4: restrictions très sévères:

 

Le caractère continu de la douleur et son effet sur le comportement et sur la capacité de concentration sont incompatibles avec un travail régulier.

 

On peut toutefois envisager une activité dont l’individu peut contrôler lui-même le rythme et l’horaire.

 

Éviter les activités qui impliquent de:

-    soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive et fréquente des charges de plus de 5 kg;

-    marcher longtemps;

-    garder la même posture (debout, assise) plus de 30 à 60 minutes;

-    travailler dans une position instable (ex. : échafaudages, échelles, escaliers);

-    effectuer des mouvements répétitifs des membres inférieurs

-    (ex. : actionner des pédales)

-    effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire même de faible amplitude;

-    monter fréquemment plusieurs escaliers;

-    marcher en terrain accidenté ou glissant.

 

Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent

de:

 

-    travailler en position accroupie;

-    ramper, grimper;

-    subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (ex: provoquées par du matériel roulant sans suspension).

 

 

[78]        De toute cette nomenclature, seulement quelques items demandent à être examinés pour la question qui nous intéresse, soit :

Éviter les activités qui impliquent de:

-   […]

-   marcher longtemps;

-   garder la même posture (debout, assise) plus de 30 à 60 minutes;

-   […]

-   […]

-   […]

-   […]

-   monter fréquemment plusieurs escaliers;

-   marcher en terrain accidenté ou glissant.

 

 

[79]        Au domicile, il est manifeste que la travailleuse n’a pas à « marcher longtemps » et à « garder la même posture » pour des périodes de plus de 30 à 60 minutes. Chez elle, elle a tout le loisir d’éviter ce genre de situations.

[80]        De même, sur des terrains accidentés ou glissants, la Commission des lésions professionnelles ne voit pas comment l’utilisation d’un fauteuil roulant peut constituer un moyen approprié. En fait, il y a lieu de penser qu’un tel équipement accroît le risque d’accident.

[81]        Reste la limitation relative à l’action d’éviter de « monter fréquemment plusieurs escaliers ».

[82]        Sur l’interprétation à donner au terme « éviter », la jurisprudence est divisée. La décision rendue dans l’affaire Berreondo Gamez et Immeubles Carré du commerce inc.[6] dresse ce constat :

[39]      Bien qu'il soit généralement admis que le terme « éviter » signifie selon le sens usuel « s’abstenir » ou « ne pas faire » ou « se garder de », il existe une divergence dans la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles portant sur l’interprétation du terme « éviter ».

 

[40]      Un premier courant de jurisprudence interprète le terme « éviter » comme signifiant « ne pas faire »2. Selon l’autre courant de jurisprudence3, le terme « éviter » ne signifie pas une interdiction et signifie plutôt que le geste qui doit être évité peut être posé à l’occasion.

 

2    Otis et Industries Davie inc., C.L.P. 140431-03B-0006, 23 novembre 2000, C. Lavigne; Lefebvre et Les Contrôles L.E.M. inc.,C.L.P. 150493-63-0011, 16 août 2001, R.-M. Pelletier; Roy et Le Groupe Canam Manac inc., C.L.P. 151700-03B-0012, 24 octobre 2001, R. Savard; Charette et GEC Alsthom T & D inc., C.L.P. 149426-62, 26 février 2002, É. Ouellet; Valle et Christina Amérique inc., C.L.P 200768-71-0303, 17 février 2005, L. Landriault; Chassé et Oriac Tranport inc. (F), C.L.P. 226198-62B-0402, 14 septembre 2009, M.-D. Lampron; Gaudet et Structure Lanaudière inc., C.L.P. 231135-63-0403, 4 avril 2005, F. Dion-Drapeau; Sansoucy et Signalisation J.P. 2000 inc., C.L.P. 234341-62B-0405, 30 mai 2005, M. D. Lampron; Chénier et Wal-Mart Canada inc., C.L.P. 284607-07-0603, 3 juillet 2008, M. Langlois; Chênevert et Frabrique JML enr., C.L.P. 336388-63-0712, 27 novembre 2008, L. Morissete; Blais et Pneus Métro inc.., C.L.P. 389566-01C-0909, 11 février 2010, Y. Cavanagh.

3    Guité et Simmons Canada inc., C.L.P. 165521-72-0107, 01-10-01, Y. Lemire; Beaudoin et Agence de sécurité St-Jérôme (fermé), C.L.P. 186939-64-0206, 7 juillet 2006, J.-F. Martel; Morasse et Produits Chemcraft inc., C.L.P. 336832-04B-0801, 8 août 2008, L. Collin; Fortin et Lambert Somec inc., C.L.P. 322088-63-0707, 11 septembre 2008, I. Piché; Y… L… et Compagnie A, C.L.P. 328847-05-0709, 12 janvier 2009, M.-C. Gagnon; Latulippe et Winners Merchants inc., C.L.P. 369285-62-0902, 17 mai 2010, D. Lévesque; Paquin et Normand St-Onge inc., C.L.P. 396637-04-0912, 25 juin 2010, J. A. Tremblay; Proulx et Isolation Clermont enr., C.L.P. 405982-02-1003, 24 septembre 2010, J. Grégoire.

 

 

[83]        Sur cette polémique, le soussigné souscrit à l’idée voulant que le terme « éviter » signifie de ne pas accomplir dans la mesure du possible l'activité visée par la limitation fonctionnelle. En somme, l’action peut être réalisée à l’occasion.

[84]        De toute façon, ce n’est que « fréquemment » que la travailleuse doit éviter de monter plusieurs escaliers, c'est-à-dire d’une manière fréquente, ce que Le nouveau Petit Robert[7] définit comme quelque chose qui « se produit souvent, se répète à intervalle plus ou moins rapproché ».

[85]        Vu le sens de la limitation fonctionnelle pertinente, la Commission des lésions professionnelles considère que le docteur Roy dénature celle-ci lorsqu’il écrit :

Au surplus, je me permets d’ajouter que ma compréhension de la restriction émise par le docteur Blanchard à l’effet d’éviter de monter ou descendre fréquemment plusieurs escaliers concerne davantage l’exigence physique requise pour monter ou descendre une ou plusieurs marches ainsi qu’il soit question d’un seul escalier de 50 marches ou de 5 escaliers de 10 marches, les exigences sont, à mon avis, les mêmes. Je suis donc d’avis que madame Ashby, dans le respect de ses limitations fonctionnelles, devrait restreindre l’utilisation des escaliers de son domicile à seulement quelques marches à la fois de façon occasionnelle et uniquement lorsqu’elle peut se garantir de toute chute éventuelle avec ses deux mains.

 

[notre soulignement]

 

 

[86]        En outre, l’orthopédiste modifie indûment la limitation en ajoutant que la circulation dans un escalier n’est possible que lorsque la travailleuse peut se garantir de toute chute éventuelle avec ses deux mains. Au surplus, tel que le démontre les observations de madame Chevalier, la travailleuse est en mesure de circuler dans un escalier un pas à la fois avec appui ou en utilisant le pas alterné lorsqu’il y a deux mains courantes (rapport du 14 mai 2012).

[87]        Par conséquent, il n’y avait nulle nécessité d’installer un ascenseur dans la résidence de la travailleuse pour lui permettre d’utiliser la piscine, le SPA, le cinéma-maison, les différentes terrasses, etc. L’utilisation des différentes commodités et équipements de la maison ne commande pas de « monter fréquemment plusieurs escaliers ». Certes, dans son cas, un ascenseur peut s’avérer commode, mais le critère à retenir en est un de nécessité.

[88]        Du reste, la Commission des lésions professionnelles ajoute qu’elle ne croit pas les allégations de la travailleuse sur l’usage qu’elle fait du fauteuil roulant et sur le bilan qu’elle dresse de sa condition générale.

[89]        Au cours de son témoignage, elle a cherché à faire croire que le fauteuil roulant fourni en 2009 avait été obtenu pour répondre à des besoins courants alors qu’elle l’a demandé pour des activités précises. N’ayant pas un intérêt direct dans l’affaire, pourquoi l’ergothérapeute aurait ainsi dénaturé ses attentes dans le rapport du 1er octobre 2009 :

Attentes de l’usagère: Mme Ashby souhaite obtenir un fauteuil roulant à propulsion manuelle pour être en mesure de participer à des activités familiales et sociales qui impliquent une tolérance à la marche supérieure à ce qu’elle présente, et ce, autant lorsqu’elle habite sa maison située à Saint-Denis-de-Brompton (de mars à décembre: de 5 à 10 fois) que lorsqu’elle séjourne eu Floride (de décembre à mars: 5 fois par semaine). Elle souhaite utiliser l’équipement lorsqu’elle magasine, attend son tour dans une file d’attente, assiste à des spectacles, mange dans un restaurant où les chaises ne sont pas suffisamment confortables pour elle, etc.

 

 

[90]        Sur plusieurs points, la travailleuse a également affirmé que les notes du 26 avril 2012 de la conseillère en réadaptation étaient erronées. Encore là, il est difficile d’imaginer pourquoi cette personne aurait faussé la réalité en écrivant particulièrement que l’ascenseur était installé afin de « prévoir une détérioration de son état dans le futur », « si elle devait avoir à utiliser un fauteuil roulant à l’intérieur » et que la démarche de la travailleuse avait pour but que la CSST « rembourse une partie de ses frais pour l’installation de l’ascenseur » et non la totalité. D’ailleurs, quand la travailleuse fut contactée en juin 2012 pour l’obtention des documents relatifs à l’ascenseur, la conseillère a noté :

 

Elle m’indique ne pas être en mesure pour le moment de me faire suivre les factures pour l’achat de son ascenseur et les coûts d’installation, car elle n’a pas reçu toutes les factures. Elle entrevoit nous faire suivre sa demande écrite d’ici la fin juin 2012. Il lui est demandé de nous préciser sur sa demande officielle le montant qu’elle demande comme remboursement ayant déjà indiqué qu’elle ne voulait pas que la CSST rembourse la totalité des coûts mais puisse en défrayer une partie. Elle nous indique que c’est à la CSST de lui faire une offre.

 

[notre soulignement]

 

 

[91]        Également, dans son rapport de 2012, l’ergothérapeute rappelle dans quel contexte le fauteuil roulant a été accordé en 2009 puis ajoute que la travailleuse continue en s’en servir de cette façon :

4.2. Utilisation du fauteuil roulant à propulsion manuelle: Un fauteuil roulant à propulsion manuelle a été octroyé à Mme Ashby par la C.S.S.T. en 2009. Cette mesure visait sa participation à des activités familiales et sociales qui impliquent une tolérance à la marche supérieure à ce que madame présentait, et ce, « autant lorsqu’elle habite sa maison située à Saint-Denis-de-Brompton (de mars à décembre : de 5 à 10 fois) que lorsqu’elle séjourne en Floride (de décembre à mars: 5 fois par semaine) » (Rapport en ergothérapie, 2009). Madame souhaitait utiliser cet équipement lorsqu’elle magasine, attend son tour dans une file d’attente, assiste à des spectacles, mange dans un restaurant où les chaises ne sont pas suffisamment confortables pour elle, etc. C’est d’ailleurs l’utilisation que madame affirme faire de son fauteuil roulant présentement.

 

[notre soulignement]

 

 

[92]        Quant au bilan que la travailleuse a fait de sa condition générale, la Commission des lésions professionnelles doute particulièrement de ses assertions au sujet des phénomènes de dérobades. Dans son REM, le docteur Blanchard identifie tout au plus une plainte voulant que la marche soit instable dans certaines situations à cause d’une faiblesse du quadriceps droit. Quant au docteur Roy, il a notamment rapporté que la force musculaire des membres inférieurs était « évaluée à 5/5 de façon symétrique ». Du reste, le portrait que fait la travailleuse sur l’utilisation du fauteuil roulant ne cadre pas du tout avec la nature de ses limitations fonctionnelles.

[93]        Ainsi, dans la mesure où les conclusions du docteur Roy sont basées sur une incompréhension des limitations fonctionnelles et en grande partie sur des allégations, son expertise ne justifie pas d’écarter les conclusions de madame Chevalier, qui après s’être rendue sur place et avoir pris connaissance du dossier, a jugé que la travailleuse est une personne ambulante, dont l’état ne nécessite pas qu’elle se déplace souvent en fauteuil roulant, et qui a les capacités de circuler de façon automne et sécuritaire dans les escaliers.

[94]        Il importe aussi de garder à l’esprit que madame Chevalier est ergothérapeute. En cette qualité, selon Wikipédia, elle évalue et traite « les personnes afin de préserver et développer leur indépendance et leur autonomie dans leur environnement quotidien et social » et est habilitée à faire des recommandations « dans l’aménagement du domicile de personnes en situation de handicap ». En raison de sa formation, madame Chevalier est probablement bien mieux placée qu’un orthopédiste pour fournir une opinion éclairée sur la situation qui nous occupe.

[95]        Considérant que la situation ne nécessite pas l’usage d’un fauteuil roulant pour d’autres fins que certaines activités familiales ou sociales et que les limitations fonctionnelles ne font pas obstacle à la jouissance de l’ensemble des équipements et commodités du domicile, il n’y a aucune utilité à retourner le dossier à la CSST.

[96]        Par ailleurs, dans la mesure où la CSST a elle-même reconnu que la travailleuse puisse avoir besoin d’un fauteuil roulant pour réaliser certaines sorties, il semble approprié qu’elle paie le coût d’aménagement d’une plateforme facilitant le déplacement de l’équipement du garage à l’intérieur de la maison. De cette façon, le fauteuil roulant pourra être rangé dans la maison.

[97]        Pour ce qui est des accessoires visant à faciliter le transport du fauteuil roulant sur les sites où il est utilisé, la Commission des lésions professionnelles rappelle que la décision en litige se limite à décider du coût des adaptations du domicile. Dès lors, cette question débordant de l’objet du litige, il n’est pas approprié d’en discuter.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête de la travailleuse, madame Marie-Claude Ashby;

MODIFIE la décision rendue le 30 octobre 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail n’a pas à assumer le coût d’acquisition et d’installation d’un ascenseur au domicile de la travailleuse;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail doit supporter le coût de construction d’une plateforme permettant le déplacement du fauteuil roulant du garage de la travailleuse à l’intérieur de la maison qu’elle habite.

 

 

 

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François Ranger

 

 

Dominique Le Sage

S.A.T.A.

Représentant de la partie requérante

 

Me Marie-José Dandenault

Vigneault Thibodeau Bergeron

Représentante de la partie intervenante

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Ashby et C.H.U.S. - Hôtel-Dieu, 2011 QCCLP 6006.

[3]           St-Jean et Services Mécaniques Taschereau, 2013 QCCLP 3527.

[4]           Trudel et Commission scolaire de L’Estuaire, C.L.P 224977-09-0401, 25 août 2004,          J.-F. Clément.

[5]           Guillemette et Granules Combustibles Énergex inc., C.L.P. 263897-05-0506, 12 mars 2007,

            M.-C. Gagnon.

[6]           2012 QCCLP 1525.

[7]           Le nouveau petit Robert : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française,nouv.      éd. millésime 2011, Paris, Le Robert, 2010.

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