Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Costco-Anjou (Entrepôt)

2015 QCCLP 3549

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Lévis

26 juin 2015

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

562756-71-1501

 

Dossier CSST :

141837567

 

Commissaire :

Ann Quigley, juge administratif

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Costco-Anjou (Entrepôt)

 

Partie requérante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 20 mai 2015, Costco-Anjou (Entrepôt) (l’employeur) dépose une requête en révision ou en révocation à l’encontre d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 15 mai 2015.

[2]           Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette la requête déposée par l’employeur, confirme la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 9 janvier 2015 à la suite d’une révision administrative et déclare que l’imputation du coût des prestations au dossier de l’employeur pour l’événement du 19 octobre 2013 doit demeurer inchangée.

[3]           Le travailleur est représenté à l’audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles siégeant à Montréal le 18 juin 2015. La cause est mise en délibéré au terme de cette audience.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]           L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer la décision rendue le 15 mai 2015 par le premier juge administratif en s’appuyant sur le deuxième paragraphe de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[5]           Plus spécifiquement, l’employeur soutient qu’il n’a pu, pour des raisons jugées suffisantes, être entendu le 26 février 2015. Par conséquent, la décision rendue par le premier juge administratif le 15 mai 2015 doit donc être révoquée. Il demande au tribunal d’entendre ce dossier en même temps que les autres dossiers impliquant les mêmes parties fixés devant la Commission des lésions professionnelles siégeant à Montréal le 8 septembre 2015, soit les dossiers 551303-71-1409, 566723-71-1503, 568650-71-1503 et 571560-71-1504.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]           La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de révoquer la décision rendue par le premier juge administratif le 15 mai 2015.

[7]            Avant de se prononcer spécifiquement à cette fin, le tribunal croit utile de se référer aux dispositions législatives applicables en l’espèce.

[8]   D’une part, l’article 429.49 de la loi prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel. Cet article se lit comme suit :

429.49.  Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu’une affaire est entendue par plus d’un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l’ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s’y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

[notre soulignement]

[9]   D’autre part, l’article 429.56 de la loi prévoit un recours en révision ou en révocation en ces termes :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu’elle a rendu :

 

1° lorsqu’est découvert un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu’une partie n’a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu’un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l’ordre ou l’ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l’a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

[10]        En vertu de cet article, trois motifs donnent ouverture à la révision ou à la révocation d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles.

[11]        En l’espèce, le travailleur soutient qu’il n’a pu être entendu pour des raisons jugées suffisantes et que, de ce fait, la décision doit être révoquée. Il s’appuie donc sur le deuxième paragraphe de l’article 429.56 de la loi qui prévoit ce motif.

[12]        Au soutien de sa demande de révocation, l’employeur produit des extraits du plumitif électronique de la Commission des lésions professionnelles relatif au dossier à l’étude de même qu’au dossier 551303 impliquant les mêmes parties.

[13]        Afin de permettre de contextualiser le cheminement du dossier, le procureur de l’employeur confirme que ce dernier avait bel et bien reçu un avis de convocation pour une audience devant se tenir devant la Commission des lésions professionnelles siégeant à Montréal le 26 février 2015 à l’égard des dossiers 551303 et 562756.

[14]        Cependant, le 11 février 2015, il est inscrit au plumitif électronique qu’un règlement est à venir dans le dossier 551303. Selon les prétentions du représentant de l’employeur, il avait alors été convenu avec la conciliatrice responsable du dossier que l’audience du 26 février 2015 serait annulée, tant à l’égard du dossier 551303 que du dossier 562756. Le représentant de l’employeur affirme que dans la mesure où il y avait règlement dans le dossier 551303, la contestation déposée par l’employeur dans le dossier 562756 n’avait plus sa raison d’être et n’aurait pas justifié la tenue d’une audience. C’est la raison pour laquelle l’employeur aurait demandé que ces deux dossiers soient retirés du rôle.

[15]        Bien que le tribunal ne dispose d’aucune confirmation écrite de cette demande, il constate du plumitif électronique qu’apparaît la mention suivante tant dans le dossier 551303 que dans celui à l’étude (562756):

Audience          Requête introductive

                       Non tenue

 

 

[16]        Paradoxalement, à la même date, soit le 26 février 2015 apparaît dans le plumitif électronique du dossier 562756 la mention « Délibéré sur dossier ».

[17]        Il appert également du dossier électronique de la Commission des lésions professionnelles que le 8 mai 2015, l’employeur reçoit un avis de convocation pour une audience le 8 septembre 2015 devant la Commission des lésions professionnelles siégeant à Montréal à l’égard des dossiers 551303, 562756 (dossier à l’étude), 566723, 568650 et 571560.

[18]        Le représentant de l’employeur plaide qu’à la réception de ce nouvel avis de convocation, il a eu la confirmation que les dossiers 551303 et 562756 n’avaient pas procédé le 26 février 2015 conformément aux instructions alors émises et qu’ils procèderaient éventuellement le 8 septembre 2015 dans la mesure où aucun règlement n’intervenait entretemps. Cette façon de faire correspondait à la philosophie de l’employeur selon laquelle il préférait regrouper l’ensemble des litiges en une seule et même occasion pour éviter des délais et des coûts à son client.

[19]        Le 15 mai 2015, la Commission des lésions professionnelles rend la décision qui fait l’objet de la présente requête en révocation.

[20]        Le représentant de l’employeur témoigne de sa « surprise » à la réception de cette décision, d’autant plus qu’une semaine auparavant, il avait reçu un nouvel avis de convocation pour le 8 septembre 2015.

[21]        Le représentant de l’employeur affirme qu’il aurait été présent à l’audience le 26 février 2015 s’il avait été informé de sa tenue et non du retrait du rôle comme il avait été convenu, selon ses prétentions, avec la conciliatrice. Il prétend avoir l’habitude de toujours plaider en personne pour ce type de dossier.

[22]        Il considère qu’en rendant une décision en son absence, la Commission des lésions professionnelles a privé l’employeur de son droit d’être entendu, ce qui constitue un motif de révocation au sens où l’entend l’article 429.56 de la loi.

[23]        Le deuxième paragraphe de l’article 429.56 de la loi vise à protéger une partie qui n’aurait pas eu l’occasion, pour des raisons jugées suffisantes, d’être entendue par le tribunal avant qu’une décision finale et sans appel ne soit rendue.

[24]        Lorsque la Commission des lésions professionnelles est saisie d’une requête en révocation qui s’appuie sur le deuxième paragraphe de l’article 429.56 de la loi, elle doit apprécier la preuve en vue de déterminer si les raisons jugées suffisantes ont été démontrées pour expliquer que la partie n’a pu se faire entendre.

[25]        Par « raisons jugées suffisantes », la Commission des lésions professionnelles a déterminé qu’il s’agit des raisons sérieuses et qu’il ne doit pas y avoir eu négligence de la part de la partie qui prétend n’avoir pu se faire entendre. L’objectif qui doit toujours guider l’analyse du tribunal est le respect des règles de justice naturelle. C’est d’ailleurs ce qu’a énoncé la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Imbeault et S.E.C.A.L.[2].

[26]        Dans l’affaire Les viandes Du Breton inc. et Dupont[3] la Commission des lésions professionnelles a rappelé que l’article 429.13 de la loi prévoit qu’avant de rendre une décision, la Commission des lésions professionnelles permet aux parties de se faire entendre. De plus, elle a rappelé que le droit d’être entendu à l’audience est un droit fondamental reconnu par la Charte des droits et libertés de la personne[4]. Dans cette affaire, le tribunal a également précisé que les raisons jugées suffisantes ne correspondent pas à une impossibilité d’exercer son droit d’être entendu puisque le libellé utilisé par le législateur est plus souple.

[27]        En l’espèce, l’employeur prétend qu’à la suite des pourparlers intervenus en conciliation, l’audience fixée le 26 février 2015 a été annulée à la demande des parties. C’est ce que semble d’ailleurs confirmer le plumitif électronique à l’égard du dossier 551303.

[28]        En ce qui a trait au dossier à l’étude, le plumitif est plus confus. Bien qu’il ne soit pas fait mention d’un règlement à venir, on peut cependant lire au plumitif que l’audience du 26 février 2015 n’a pas été tenue. Néanmoins, on peut également lire qu’il y a délibéré sur dossier. S’il n’était question que de ces éléments, le tribunal n’aurait pu faire droit à la demande de l’employeur.

[29]        Cependant, le dossier se complexifie avec l’envoi, pendant la période de délibéré sur dossier, d’un nouvel avis de convocation le 8 mai 2015 impliquant notamment le dossier (562756) à l’étude et convoquant les parties à une nouvelle audience regroupant cinq numéros de dossier le 8 septembre 2015.

[30]        Ce nouvel envoi a pu conforter l’employeur dans le fait que la cause avait bel et bien été remise et que le tout serait entendu en une seule et même occasion, comme il le désirait, le 8 septembre 2015.

[31]        Dans ce contexte, l’employeur ne pouvait s’attendre à recevoir une décision finale rendue par la Commission des lésions professionnelles le 15 mai 2015 à l’égard d’un dossier pour lequel il croyait, en toute bonne foi, que la cause avait été remise, croyance entretenue par le nouvel avis de convocation du 8 mai 2015.

[32]        Dans ce contexte, le tribunal conclut que l’employeur a démontré, à l’aide de la preuve documentaire contenue au dossier et des informations provenant du plumitif électronique du tribunal, qu’il avait des raisons jugées suffisantes pour ne pas être présent à l’audience fixée devant la Commission des lésions professionnelles le 26 février 2015.

[33]        Par ailleurs, le tribunal comprend que le premier juge administratif, n’étant pas informé des propos échangés entre la conciliatrice et le représentant de l’employeur, constatant son absence à l’audience et le fait qu’il n’avait produit aucune argumentation écrite au soutien de ses prétentions, a, dans ce contexte, rendu une décision en son absence. Il n’était vraisemblablement pas non plus avisé de l’émission d’un nouvel avis de convocation le 8 septembre 2015 comportant notamment le numéro de dossier dont on l’avait saisi.

[34]        Bien que le tribunal ne soit pas en mesure de déterminer les instructions précises émises à la suite des pourparlers en conciliation à l’égard des dossiers 551303 et 562756 qui étaient tous deux convoqués pour audience le 26 février 2015, il n’en demeure pas moins que les informations apparaissant au plumitif électronique du tribunal ont contribué à une certaine confusion qui a fait en sorte que l’employeur ne s’est pas présenté le 26 février 2015.

[35]        La preuve ainsi établie démontre, de manière prépondérante, que l’employeur avait des raisons jugées suffisantes pour s’absenter le 26 février 2015.

[36]        Le tribunal ne remet pas en cause la bonne foi de chacun des intervenants au dossier, mais constate qu’il y a eu une confusion suffisante pour priver l’employeur de son droit d’être entendu en raison de son absence à l’audience.

[37]        Dans ces circonstances, le tribunal conclut qu’il doit révoquer la décision rendue par le premier juge administratif le 15 mai 2015 et convoquer de nouveau l’employeur afin qu’il soit entendu à l’égard du dossier dont il est saisi.

[38]        À ce propos, le tribunal constate qu’une audience est déjà fixée devant la Commission des lésions professionnelles le 8 septembre 2015 et que dans l’avis de convocation émis le 8 mai 2015 apparaissait le numéro de dossier 562756. Dans ce contexte, la Commission des lésions professionnelles procèdera également dans ce dossier à cette date.

 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête déposée par Costco-Anjou (Entrepôt), l’employeur, le 20 mai 2015;

ORDONNE que le dossier portant le numéro 562756-71-1501 soit entendu le 8 septembre 2015 conformément à l’avis de convocation transmis aux parties le 8 mai 2015;

AVISE les parties qu’aucun autre avis de convocation ne leur sera transmis.

 

 

__________________________________

 

Ann Quigley

 

 

M. Paul Côté

SANTRAGEST INC.

Représentant de la partie requérante

 

 



[1]           RLRQ, c. A-3.001.

[2]           C.L.P. 84137-02-9611, 24 septembre 1999, M. Carignan, (99LP-136).Voir au même effet : Azko Nobel inc. et Gosselin 2011 QCCLP 6734.

[3]           C.L.P. 89720-01A-9707, 18 décembre 200. M. Carignan, (00LP-175).

[4]           RLRQ, c. C-12.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.