Décision

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Gabarit EDJ

Marinier c. Voyages à rabais inc.

2015 QCCQ 3293

 

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT  DE

LOCALITÉ DE

TERREBONNE

ST-JÉRÔME

 

 

« Chambre civile »

N° :

700-32-029298-146

 

DATE :

20 avril 2015

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE GEORGES MASSOL, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

Patrick Marinier

 

Demandeur

c.

 

Voyages à Rabais inc.

 

Défenderesse

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Monsieur Patrick Marinier réclame dédommagement à un grossiste, le tout suite à l’achat d’un forfait vacances, en application d’une protection appelée « Protection Soleil 100 % garanti ».

 

Les faits

[2]           En novembre 2013, le demandeur, qui n’en est pas à sa première expérience en matière de forfait vacances au soleil, se montre intéressé à l’achat d’un forfait pour le mois de janvier suivant, alors qu’il sera accompagné de son épouse et de ses deux enfants.

[3]           En effectuant ses recherches, il consulte le site Internet de la défenderesse voyagesarabais.com.

[4]           Avant même que le consommateur n’y ajoute certains détails requis par le commerçant, apparaissent les mentions suivantes sur la page d’accueil, en haut au centre, en caractères évidents :

                                             «   Protection Soleil 100% garanti

                                                √  Garantie Baisse de prix

                                                √  Garantie Annulation

                                                √  Toujours la meilleure offre »

[5]           Une fois la transaction complétée et que le consommateur ait fourni les informations relatives au lieu choisi, le nombre de personnes ainsi que la date du voyage, le système informatisé confirme si le voyage choisi est couvert par ladite Protection Soleil. Dans les faits, le demandeur a reçu, dans les minutes qui ont suivi sa réservation, une confirmation à l’effet que le voyage était bel et bien couvert par cette protection.

[6]           Le système indique alors que les détails sont disponibles suivant un hyperlien que peut utiliser le consommateur. En effectuant cette manœuvre, apparaît un texte de quatre pages. Tout en haut, on y voit les mentions suivantes :

 

« Protection Soleil 100% garanti !

S’il pleut, faites-vous rembourser* vos vacances ! »

 

[7]           Le détail de l’offre suit :

 

« Détails de l’offre :

Pour chaque destination, des périodes spécifiques de couverture ont été établies par nos experts.

Il est également possible d’obtenir cette protection en effectuant une réservation en agence ou par téléphone, il faut mentionner au moment d’effectuer votre réservation que vous désirez vous prévaloir de la Protection Soleil 100% garanti. Vous obtiendrez ainsi les mêmes conditions et tarifs que ceux affichés sur le site internet pour le produit sélectionné. Notez que le produit doit rencontrer les critères de la protection (comporter le logo dans le cadre du processus de réservation).

À chaque fois que vous retrouvez le logo de la Protection Soleil 100% garanti () dans le processus de la réservation cela indiquera que vous êtes couvert pour ce voyage. La protection s’applique sur les forfaits achetés sur le site web, en agence, par téléphone ou application mobile de VoyagesARabais.com et VARVacations.com.

Aussitôt après avoir complété votre réservation, vous recevrez un courriel vous confirmant votre protection unique et exclusive. De plus dans ce courriel vous aurez toutes les informations si vous deviez faire une réclamation. Conservez le précieusement. Un jour de pluie = 5h de pluie consécutives entre 8h00 et 18h00 recensé par le site www.weather.com selon votre destination. Est considéré comme pluie: T-Storm, Rain, Thunder, Shower, Drizzle.

 

Le remboursement sera effectué sous forme de crédit voyage , selon le pourcentage déterminé par le tableau calculé sur le montant du forfait acheté avant les taxes applicables, sur le prix de tous les passagers de la réservation. Notre système de gestion automatisé des remboursement effectue ses calculs selon les informations fournies sur le site www.weather.com recueillies quotidiennement et conservées dans une base de données pour fin de comparaison avec vos dates de voyage.

 

En aucun cas Voyages à Rabais ne pourra être tenu responsable pour des disparités ou (mauvais fonctionnement du site www.weather.com) entre les valeurs enregistrées et fournies par ce site et la température réelle ressentie à destination. Voyages à Rabais a automatisé l’enregistrement des valeurs afin de simplifier sa gestion des remboursements dans le cadre de sa protection gratuite offerte à ses clients. Voyages à Rabais est conscient que des disparités peuvent parfois survenir à l’avantage des clients et en d’autres temps à l’avantage de l’entreprise.

 

Un budget de cinq cent mille dollars (500 000 $) sera alloué à cette protection, une fois cette somme atteinte ou à tout autre moment Voyages à Rabais se réserve le droit à sa seule discrétion de modifier ou d’annuler sa protection ou même de restreindre sa protection à quiconque, en tout temps pour quelque raison que ce soit sans avis préalable ni obligation à votre égard. Les conditions qui entrent en vigueur au moment de votre réclamation détermineront votre admissibilité à la protection. Aucune modification à la protection n’aurait d’incidence sur un crédit qui vous aurait été remis.

 

Comment présenter une demande

La demande de crédit doit être faite au plus tard 3 jours suivant la date de retour (72 heures) en vous rendant à l’adresse suivante:http://voyagesarabais.com/protectionsoleil

 

 

 

Votre demande devra comporter votre numéro de réservation et l’adresse courriel qui a été utilisée au moment de faire la réservation de votre forfait.

Les destinations couvertes par cette promotion sont identifiées avec ce logo () dans le cadre du processus de réservation à l’étape de la recherche.

La Protection Soleil 100% garanti ne s’applique pas lors du passage d’un ouragan. Voir le site suivant pour connaître la saison:http://voyage.gc.ca/voyager/sante-securite/catastrophes-naturelles/saison-des-ouragans  »

 

[8]           S’en suit un tableau d’une page et demie, établissant le pourcentage auquel a droit le consommateur, le tout selon la durée de son séjour.

[9]           À la dernière page, apparaissent les mentions suivantes :

 

« Le crédit voyage émis

Le crédit voyage est émis au nom de tous les passagers adultes (18 ans) de la réservation.

Le crédit sera valable un an à partir de la date de retour du voyage initial.

Pour utiliser le crédit, il faut réserver et payer en entier un nouveau forfait et ce au moins 30 jours avant la date de départ.

Le montant du crédit sera partagé de façon individuelle sans considération si un passager a payé plus cher qu’un autre.

Le crédit est applicable pour une seule réservation. Si un ou des passagers ne fait pas partie de la nouvelle réservation, le ou leur montant(s) individuel(s) est perdu(s).

Le crédit est applicable sur une nouvelle réservation pour un forfait avec le même voyagiste. Vous pourrez utiliser votre crédit en effectuant une nouvelle réservation téléphonique seulement.

Un forfait comprend le vol aller/retour, l’hôtel en formule tout inclus et les transferts pour un minimum de 7 nuits.

* Recevez un remboursement d’au moins 50% du montant de votre forfait si au moins 50% de vos vacances sont incommodées par la pluie. Voir les détails pour le calcul du remboursement et la référence pour mesurer les précipitations. ** Un jour de pluie = 5h de pluie consécutives entre 8h00 et 18h00 recensé par le site www.weather.com selon votre destination. Est considéré comme pluie: T-Storm, Rain, Thunder, Shower, Drizzle. »

 

 

[10]        Le demandeur ajoute qu’il avait pris connaissance de cette publicité (Protection Soleil 100 % garanti) sur des panneaux le long des routes et qu’il l’avait également entendue à la radio.

[11]        Il ajoute que ce type de protection a été déterminant dans le choix qu’il a fait par rapport aux concurrents.

[12]        Il admet cependant avoir pris connaissance d’une des conditions de l’offre, après la souscription au forfait, à savoir la clause indiquant qu’une journée de pluie représentait cinq heures de pluie consécutives.

[13]        Le demandeur affirme que la semaine du 3 au 9 janvier 2014 a été rien de moins que catastrophique à l’endroit choisi pour y passer ses vacances.

[14]        Malgré les preuves soumises à la défenderesse à son retour, et qui seront détaillées ci-après, Voyages à Rabais inc. décide que monsieur Marinier n’est pas admissible à ladite protection.

[15]        Non seulement le demandeur en l’instance présente une preuve factuelle qui le rendrait admissible à la protection mais, de plus, il invoque le caractère faux de la publicité de la défenderesse.

 

Preuve recueillie à l’audience

[16]        Le demandeur explique que dès son arrivée à destination le 3 janvier vers 11h00, il a plu et ce, sans arrêt jusqu’au lendemain midi.

[17]        Le lendemain, le 4, il aurait plu toute la journée, sauf de 12h00 à 13h00 et de 16h00 à 20h00.

[18]        C’est en constatant que la semaine s’amorçait mal qu’il eut alors l’idée de télécharger l’application www.weather.com sur son téléphone intelligent, le soir venu.

[19]        Ce n’est donc qu’à compter du lendemain, soit le 5, qu’il a pu obtenir des informations précises de ce site, dont on retrouvait les coordonnées dans le détail de la Protection Soleil.

[20]        Le 5 janvier, le demandeur admet qu’il y a eu suffisamment de percées de soleil pour ne pas tenir compte de la protection offerte par le voyagiste. Par contre, pour les quatre jours suivants, il mentionne qu’il a plu sans interruption du matin jusqu’à la fin de l’après-midi ; ce témoignage est corroboré par les prévisions de www.weather.com dont il a tiré copie de son téléphone intelligent.

[21]        Pour supporter ces informations à l’effet qu’il s’agissait d’une semaine catastrophique au niveau de la température, monsieur Marinier fait témoigner deux personnes qui ne sont pas des amis intimes, mais qui lui ont été présentées suite au récit de sa mésaventure. Celles-ci n’ont pas séjourné au même hôtel que le demandeur et sa famille, mais dans les environs immédiats de la même ville, soit Riviera Maya, pour la même période.

[22]        Les deux témoins, dont la présence a été exclue pendant le témoignage de monsieur Marinier, affirment qu’il s’agissait du pire séjour de leur vie et qu’il y a eu, en tout, seulement une demi-journée de soleil, soit vers le mercredi. Leur témoignage corrobore tout à fait celui du demandeur.

[23]        De son côté, la défenderesse invoque diverses clauses de la protection pour démontrer que monsieur Marinier ne pouvait bénéficier de celle-ci.

[24]        La preuve révèle qu’après son retour, le demandeur dépose une réclamation à Voyages à Rabais inc. Celle-ci fait alors appel aux données disponibles sur le site Internet www.weather.com. Alors que celles fournies par le demandeur étaient sur une base horaire, celles employées par la défenderesse contiennent des heures variables, mais qui s’échelonnent, là aussi, sur une période de 24 heures.

[25]        Après l’analyse des données qu’elle a recueillies, Voyages à Rabais inc. refuse la réclamation, en indiquant les informations suivantes quant à la durée de la pluie pour chaque journée :

3 janvier    :    2 heures

4 janvier    :    2.81 heures

5 janvier    :    0 heures

6 janvier    :    3.2 heures

7 janvier    :    2.35 heures

8 janvier    :    2.03 heures

9 janvier    :    4.98 heures

[26]        Le refus est aussi basé sur le fait qu’il n’a pas plu chaque journée cinq heures consécutives, entre 8h00 et 18h00.

[27]        Mentionnons que le texte de la protection précise qu’en cas de disparité entre les valeurs enregistrées et fournies par le site www.weather.com, dont dispose le grossiste, et la température réelle, celles enregistrées prévaudront.

 

[28]        Le remboursement sera effectué sous forme de crédit de voyage, selon un pourcentage déterminé par un tableau joint.

[29]        Selon la politique alors en vigueur, une personne n’est admissible que si elle a été victime de quatre jours de pluie ou plus.

[30]        Autrement dit, quiconque connaît un épisode d’une journée pluvieuse, même si cette pluie intervient de 8h00 à 18h00 ne peut avoir droit à la protection que s’il elle perdure plus de cinq heures consécutives. Si cette situation se prolonge pendant quatre jours, le voyageur peut obtenir 50 % de remboursement sous forme de crédit de voyage, le tout excluant les taxes.

[31]         Le pourcentage augmente à 70 % (toujours dans la situation, comme en l’espèce, d’un forfait sept jours) en cas de pluie selon la définition employée par le voyagiste pendant cinq jours. Advenant une pluie prolongée à six jours, le pourcentage grimpe à 80 % et, enfin, à 100 % dans le cas où la pluie sévit pour l’entièreté du séjour. Évidemment, la protection vise uniquement les journées pluvieuses, et non celles où il y a simplement absence de soleil.

[32]        Notons également que la politique prévoit qu’un budget limité sera alloué à cette protection et qu’une fois cette somme atteinte, Voyages à Rabais inc. se réserve le droit, à sa seule discrétion, d’annuler la protection.

 

Questions en litige

1.            Le commerçant a-t-il contrevenu à son obligation de s’abstenir de faire des représentations fausses ou trompeuses à un consommateur ?

2.            Le cas échéant, le consommateur peut-il réclamer des montants, malgré la validité générale de la protection ?

3.            Le remède approprié.

 

Analyse et décision

1.            Le commerçant a-t-il contrevenu à son obligation de s’abstenir de faire des représentations fausses ou trompeuses à un consommateur ?

 

 

 

[33]        En 2012, la Cour suprême du Canada rendait l’arrêt-clé en matière de représentations fausses et trompeuses [1] ; dans cet arrêt, la Cour suprême reprend quelques données historiques qui ont mené à l’adoption des lois protégeant le consommateur [2].

[34]        Au Québec, deux lois se sont succédées, adoptées respectivement en 1971 et 1978. Cette dernière, sauf certaines modifications d’appoint, contient les mêmes principes de base que ceux ayant milité lors de son adoption.

[35]        Un des objectifs principaux de la loi, même à cette époque, était de régir non seulement le domaine de l’exécution du contrat (par exemple, les garanties) mais, surtout, d’intervenir dans la phase cruciale précontractuelle.

[36]        Dans une aire de surconsommation qui s’amorçait, le législateur a cru nécessaire d’intervenir pour régir cette étape précise pendant laquelle le consommateur doit faire un choix entre plusieurs produits dont on fait la promotion par toutes sortes de moyens. Tout allait déjà assez vite à cette époque avec la publicité de masse qui circulait via les publications, la radio et la télévision. Le phénomène ne s’est qu’accéléré avec la venue de l’Internet.

[37]        Il fut un temps où la publicité pouvait conditionner le choix d’un consommateur, mais il restait toujours une certaine période permettant au consommateur de soupeser son choix. Et bien souvent, il devait rencontrer une personne à qui il posait des questions.

[38]        Dorénavant, le commerce électronique accessible au consommateur fait que  les achats sont souvent effectués de façon virtuelle avec des hyperliens créés par le commerçant et avec lesquels le consommateur doit s’adapter. La décision finale intervient souvent qu’après quelques « clics ».

[39]        Bien sûr, le consommateur a encore le choix d’une méthode d’achat plus traditionnelle. Mais il est certain qu’on l’incite à employer la méthode moderne qui est plus vite et qui répond au besoin d’instantanéité, caractéristique de notre société.

[40]        Telle est la base du contrat sous étude.

[41]        La Loi sur la protection du consommateur de 1978 prévoit une série de mesures afin de rétablir un certain équilibre dans la force économique des parties cocontractantes.

 

 

[42]        Ainsi, les articles 8 et 9 de la loi prévoient une réformation du contrat lorsqu’il existe une disproportion entre les prestations respectives des parties, équivalant à de l’exploitation du consommateur, ou encore lorsque l’obligation du consommateur est excessive, abusive ou exorbitante.

[43]        De même, le consommateur bénéficie de certains recours en cas de non-respect des règles de formation du contrat (article 271).

[44]        Par ailleurs, lorsqu’il s’agit du non-respect à une obligation de fond prescrite par la loi, le consommateur bénéficie de droits beaucoup plus élaborés édictés à l’article 272 de la même loi.

[45]        De même, la loi élabore un certain nombre de pratiques de commerce prohibées, lesquelles constituent, ni plus ni moins, un code de conduite. Parmi ces règles, on retrouve les suivantes :

« 218. Pour déterminer si une représentation constitue une pratique interdite, il faut tenir compte de l'impression générale qu'elle donne et, s'il y a lieu, du sens littéral des termes qui y sont employés.

219. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, par quelque moyen que ce soit, faire une représentation fausse ou trompeuse à un consommateur. »

[46]        Ainsi, l’impression générale d’une représentation permettra de déterminer si une telle représentation constitue une pratique interdite.

[47]        La Cour suprême établit, dans un premier temps, que « l’impression générale » donnée par une représentation doit être analysée in abstracto [3], c’est-à-dire en faisant abstraction des attributs personnels du consommateur à l’origine de la procédure engagée contre le commerçant.

[48]        Selon la Cour, ce critère doit être appliqué dans la perspective d’un consommateur moyen, crédule et inexpérimenté, qui ne prête rien de plus qu’une attention ordinaire à ce qui saute aux yeux lors d’un premier contact complet avec une publicité, bref un « acheteur ordinaire pressé » [4].


 

[49]        La Cour suprême rejette ainsi la définition employée par la Cour d’appel, définissant le consommateur moyen comme « moyennement intelligent, moyennement sceptique et moyennement curieux » [5]. Cette définition, employée par la Cour d’appel, tenait peut-être au fait que le consommateur, dans cette affaire, avait été décrit comme un homme d’affaires averti œuvrant sur la scène locale et internationale [6].

[50]        Ainsi, appliqué à la présente affaire, le Tribunal ne doit pas tenir compte du fait que le demandeur, policier de carrière et personne visiblement articulée, a pu comprendre, de façon plus ou moins complète, certains détails de la protection.

[51]        La Cour suprême rappelle malgré tout que l’impression générale à laquelle réfère l’article 218 de la loi n’est pas celle qui se dégage d’une lecture précipitée ou partielle de la publicité [7]. Elle ajoute cependant :

« Une seule lecture d’ensemble devrait suffire pour apprécier l’impression générale donnée par une publicité écrite. Cette impression générale permettra alors de déterminer si une représentation faite par un commerçant constitue une pratique interdite. » [8]

[52]        Enfin, la Cour suprême nous invite à employer une grille d’analyse comportant deux étapes :

1.    Décrire d’abord l’impression générale que la représentation est susceptible de donner chez le consommateur crédule et inexpérimenté ;

2.    Déterminer ensuite si cette impression générale est conforme à la réalité.

[53]        Dans la mesure où la réponse à cette dernière question est négative, le commerçant aura commis une pratique interdite [9].

[54]        Appliquant l’analyse en deux étapes, tel que suggéré par la Cour suprême, il ne fait aucun doute que l’impression générale donnée à un consommateur crédule et inexpérimenté, lorsqu’il consulte le site Internet de la défenderesse et y voit en gros caractères « Protection Soleil 100 % garanti », est qu’il bénéficiera d’une garantie presque complète d’un temps ensoleillé pendant la durée de son séjour. Or, la deuxième étape fait déchanter puisqu’en réalité, la lecture des conditions fait voir qu’on est à mille lieues de l’impression générale.

[55]        La définition d’un consommateur, visée par le Titre II de la loi, telle que retenue par la Cour suprême, permet de conclure qu’une publicité trompeuse peut parfois facilement être détectée par un consommateur moyen, une personne raisonnable, mais que celle-ci peut tout de même induire en erreur la personne crédule et inexpérimentée [10].

[56]        Tenant compte de l’impression générale, le commerçant a-t-il fait une représentation fausse ou trompeuse au consommateur ?

[57]        Une des composantes du verbe « tromper » est le fait d’induire quelqu’un en erreur. Pour le mot « trompeur », on réfère à celui qui induit en erreur [11].

[58]        L’ensemble du système employé par la défenderesse martèle le consommateur, dès le départ, dès l’apparition de la première fenêtre, à l’effet que le voyagiste offre une « Protection Soleil 100 % garanti ». Attiré par ce logo prometteur, le consommateur parcourt les méandres du processus pour, peut-être, enfin, se faire dire qu’il est l’heureux élu et qu’il va bénéficier de la « Protection Soleil 100 % garanti ».

[59]        Après qu’il eut donné son autorisation (et son numéro de carte de crédit), on lui transmet une confirmation à l’effet qu’il est protégé par ladite protection. S’il est le moindrement curieux, le consommateur parcourra la suite et se rendra sur l’hyperlien concernant cette protection. Là encore, le titre est alléchant, écrit avec un caractère trois fois plus gros que le reste du texte :

« Protection Soleil 100% garanti ! »

[60]        Le texte qui suit, bien que n’étant pas très long et reproduit avec une typographie lisible, contient tellement de restrictions qu’il vient, ni plus ni moins, assurer l’impossibilité de se prévaloir de la protection telle qu’on la fait miroiter.

[61]        Non seulement la grosseur des caractères du document varie selon l’importance de l’information que le commerçant souhaite transmettre au consommateur, mais il est clair que le titre ne correspond pas au produit annoncé.

[62]        Une lecture attentive du document fait voir que ce n’est qu’à compter de quatre jours de pluie que la protection s’amorce, à raison d’un remboursement de 50 % sous forme de crédit. Et encore là, il faut qu’il ait plu cinq heures consécutives entre 8h00 et 18h00, le tout confirmé par les données qu’utilise le commerçant et qui ont priorité sur celles utilisées par le consommateur.

[63]        À titre d’exemple, les données recueillies par monsieur Marinier à compter du 4 janvier à l’aide de son service de géolocalisation, et démontrant clairement qu’il avait plu au moins quatre jours consécutifs, n’ont pas été retenues par le commerçant qui, lui, disposait de données du service www.weather.com suite à une captation à partir d’une borne dans la région de Riviera Maya, dont on ne pouvait situer avec exactitude l’emplacement.

[64]        Rappelons également que toute cette protection peut être annulée en tout temps si le commerçant a dépassé le budget qu’il avait alloué à cet égard. Il s’agit, encore une fois, d’une condition envers laquelle le consommateur n’a aucune emprise et qui vient restreindre à ce point la protection que celle-ci devient rapidement vide de contenu.

[65]        L’ensemble du document fait voir qu’il ne s’agit en rien d’une « Protection Soleil » ; tout au plus, s’agit-il d’une protection contre la pluie continue et ininterrompue. Qu’y a-t-il de garanti à 100 %, tel que le suggère le titre ? Même le remboursement n’est pas effectué à hauteur de 100 % de ce qui a été payé.

[66]        Bien sûr, la phrase inscrite en dessous du titre indique que « S’il pleut, faites-vous rembourser […] ». Là encore, comme exposé plus haut, les conditions sont si restreintes que cette protection devient inapplicable.

[67]        D’ailleurs, lors de l’audition tenue en avril 2015, la défenderesse a mis en preuve un document qu’elle a tiré du site Internet le 9 avril 2015 ; celui-ci fait voir des témoignages de quatre personnes ayant reçu un remboursement de la défenderesse en vertu de ladite protection, variant entre 200 $ et 1 000 $ :

« Mme Dubois a voyagé en Janvier 2014 et a reçu un remboursement de plus de 1000$
   M. Harvey a voyagé en Janvier 2014 et a reçu un remboursement de plus de 1000$
   M. Renaud a voyagé en Janvier 2014 et a reçu un remboursement entre 500$ et 1000$
   Mme Pinsonneault a voyagé en Janvier 2014 et a reçu un remboursement entre 200$ et 500$
»

[68]        Les indemnités que ces quatre personnes ont reçues ont été payées, selon la représentante venue témoigner, suite à une entente, bien que la défenderesse ne se sentait pas obligée de les payer conformément à la politique. Fait cocasse : ces quatre témoignages font voir que leur voyage s’est déroulé en janvier 2014, soit en même temps que celui du demandeur !  La preuve n’a pas révélé si d’autres remboursements avaient été effectués selon les critères applicables dans la publicité contestée.

[69]        Publiciser un bien ou un service afin d’attirer l’attention du consommateur est un phénomène reconnu, légitime et nécessaire. Il faut, cependant, que cette publicité ne contienne pas de promesses qui ne puissent se réaliser. Autrement, la publicité n’est pas intègre et loyale.

[70]         Dans la présente affaire, la publicité employée n’a comme unique fonction que d’harponner le consommateur. Son application, selon ce que laisse entrevoir l’impression générale, est presqu’impossible. Elle constitue même une atteinte au principe de la bonne foi qui doit gouverner la conduite des parties. Elle possède aussi tous les germes d’une obligation excessive, abusive ou exorbitante pour le consommateur.

[71]        Il ne fait aucun doute que compte tenu de l’impression générale que le site de vente de la défenderesse suggère, celle-ci s’est adonnée à des représentations fausses et trompeuses par rapport à un élément essentiel et déterminant dans le choix qu’un consommateur pouvait retenir afin de contracter avec elle.

 

2.            Le cas échéant, le consommateur peut-il réclamer des montants, malgré la validité générale de la protection ?

[72]        Vu la réponse à la question précédente, celle qui suit devient moins pertinente.

[73]        Qu’il s’agisse cependant d’ajouter que la clause, prévoyant que Voyages à Rabais inc. ne pourra être tenue responsable pour des disparités ou mauvais fonctionnement du site www.weather.com, en constitue une devant être qualifiée d’abusive au sens de l’article 1437 du Code civil du Québec :

« 1437. La clause abusive d'un contrat de consommation ou d'adhésion est nulle ou l'obligation qui en découle, réductible.

Est abusive toute clause qui désavantage le consommateur ou l'adhérent d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre de ce qu'exige la bonne foi ; est abusive, notamment, la clause si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu'elle dénature celui-ci. »

[74]        En effet, de telles clauses, garantissant un contrôle unilatéral ou plus avantageux pour le stipulant, ont été déclarées comme constituant des clauses abusives [12].

[75]        D’ailleurs, la preuve a révélé que les données obtenues par le demandeur à partir du 4 janvier étaient beaucoup plus fiables que celles détenues par la défenderesse après coup. Celles du demandeur étaient acheminées via son téléphone intelligent muni d’un capteur de géolocalisation, identifiant avec précision l’endroit où le demandeur se situait.  Les données recueillies par Voyages à Rabais inc. provenaient d’une borne dont on ne connaissait pas le lieu. Pourtant, monsieur Marinier n’a pu convaincre la défenderesse de la justesse des données qu‘il possédait, cette dernière invoquant la clause contenue à la politique stipulant que les données dont disposait Voyages à Rabais inc. avaient, en quelque sorte, priorité en cas de disparité.

[76]        De même, la stipulation, prévoyant que le commerçant peut mettre fin unilatéralement à la protection en cas de dépassement de la limite monétaire, rend le commerçant « maître » du contrat. La stipulation qui prévaut une telle domination doit, elle aussi, être considérée comme étant abusive [13].

 

3.         Le remède approprié

[77]        Depuis l’affaire Richard c. Time inc., on reconnaît que les pratiques de commerce, prévues aux articles 215 et suivants de la Loi sur la protection du consommateur, s’appliquent non seulement aux représentations précontractuelles, mais aussi à la phase contractuelle.

[78]        Dans le cas d’une pratique de commerce interdite, mais non complétée par un contrat, le consommateur ne pourra disposer de l’un des recours édictés à l’article 272 de la loi. Il reviendra au représentant public d’intenter des poursuites pénales en vertu de l’article 277 de la loi, à l’aide de la présomption édictée à l’article 253.

[79]        Dans le cas présent, les représentations faites par la défenderesse ont débuté dans la phase précontractuelle, mais se sont cristallisées avec le contrat passé entre les parties.

[80]        Les représentations font donc corps avec le contrat et la contravention du commerçant aux principes énoncés à l’article 219 de la loi pourra être invoquée par le consommateur comme constituant un manquement à une obligation du commerçant en vertu de l’article 272 de la même loi.

[81]        En l’espèce, le Tribunal, ayant déclaré l’opération contraire à la loi, n’est pas lié par le mode de remboursement prévu par la politique du commerçant.

[82]        Optant pour une des solutions prévues à l’article 272 de la loi, le Tribunal choisira plutôt la nullité du contrat et ordonnera le remboursement intégral de ce qu’en a coûté le forfait au demandeur, à raison de 80 % puisque telle est la limite de la demande. Le Tribunal accordera donc le remboursement jusqu’à concurrence de la somme de 3 812,41 $ plus 1 000 $ en dommages moraux, tels que réclamés et conformément au dernier paragraphe du même article, formant un total de 4 812,41 $.

 

 

[83]        L’attribution des dommages compensatoires est justifiée en l’espèce, compte tenu de la pratique de commerce enfreinte et du fait que le consommateur bénéficie d’une présomption absolue de préjudice découlant de l’illégalité commise par le commerçant [14].

 

 

 

Pour tous ces motifs, le Tribunal :

          Accueille la demande ;

Condamne la défenderesse à payer au demandeur la somme de quatre mille huit cent douze dollars et quarante et un sous (4 812,41 $) avec intérêts au taux légal ainsi que l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec depuis l'assignation ;

Avec dépens.

 

 

__________________________________

Georges Massol, j.c.q.

 

 

 

Date d’audience :

9 avril 2015

 



[1]     Richard c. Time inc., [2012] 1 R.C.S. 265

 

[2]     Idem, paragraphes 34 et suivants

[3]     Richard c. Time inc., précité, note 1, paragraphe 49

 

[4]     Idem, paragraphe 67

 

[5]     Idem, paragraphe 53

 

[6]     Idem, paragraphe 30

 

[7]     Idem, paragraphe 56

 

[8]     Idem

 

[9]     Idem, paragraphe 78

 

[10]    MASSE, Claude, Loi sur la protection du consommateur - analyse et commentaires, 1999, Éditions Yvon Blais, page 828

 

[11]    Le Petit Robert de la langue française, 2006

[12]    LLUELLES, Didier et Benoît MOORE, Droit des obligations, 2e édition, Éditions Thémis, 2012, paragraphe 1869

 

[13]    Idem

 

[14]    Richard c. Time inc., précité, note 1, paragraphe 128

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