Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

20 décembre 2006

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

284572-71-0603

 

Dossier CSST :

128793015

 

Commissaire :

Yolande Lemire, avocate

 

Membres :

Michel Gauthier, associations d’employeurs

 

Jacqueline Dath, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Jean-Léon Éthier, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Sears Canada inc.

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Chantal Fauchon

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 16 mars 2006, Sears Canada inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue le 2 mars 2006 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST en infirme une autre rendue initialement le 28 novembre 2005 pour statuer que, le 12 octobre 2005, madame Chantal Fauchon (la travailleuse) est présumée avoir subi une lésion professionnelle en vertu de l’article 29 de Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[3]                Une audience est tenue à Montréal le 25 octobre 2006. Une représentante de l’employeur et madame Fauchon sont présentes. Un délai est accordé à madame Fauchon jusqu’au 10 novembre 2006 pour lui permettre de produire différents documents médicaux demandés par la Commission des lésions professionnelles et permettre aux parties de commenter ces documents jusqu’au 1er décembre 2006.

[4]                Madame Fauchon ne produit aucun des documents demandés et, après avoir attendu quelques jours, l’employeur termine son argumentation le 18 décembre 2006. Le délibéré est ensuite tenu.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]                L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la lésion subie le 12 octobre 2005 par madame Fauchon n’est pas une lésion professionnelle.

L’AVIS DES MEMBRES

[6]                Le membre issu des associations d’employeurs accueillerait la requête de l’employeur parce que la preuve ne démontre pas de façon prépondérante que la lésion subie par madame Fauchon est causée par son travail.

[7]                Le membre issu des associations syndicales rejetterait la requête de l’employeur parce que la présence d’une condition personnelle n’empêche pas la reconnaissance d’une lésion professionnelle.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[8]                La loi définit une lésion professionnelle comme suit :

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[9]                La lésion subie est une tendinite et une ténosynovite du poignet droit. Madame Fauchon attribue ces lésions à des mouvements répétitifs posés à son travail.

[10]           Elle allègue donc que les lésions subies sont des maladies professionnelles.

[11]           La loi prévoit une présomption de maladie professionnelle lorsque :

29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

[12]           Les faits démontrent que madame Fauchon est à l’emploi de Sears Canada inc. depuis le mois de novembre 2001, d’abord comme préposée à la clientèle et, à compter du printemps 2004, comme adjointe administrative.

[13]           Elle travaille à temps partiel, du lundi au vendredi, 30 heures une semaine et 37,5 heures l’autre semaine. Elle a une pause d’une demi-heure pour son repas et deux pauses repos de 15 minutes par quart de travail.

[14]           Madame Fauchon déclare à l’audience que ses douleurs apparaissent au printemps 2005; elle situe ces douleurs au tiers supérieur et moyen extérieur et postérieur du bras droit. Elle est droitière.

[15]           Elle affirme n’avoir jamais eu mal au bras droit auparavant et cette douleur ne disparaît jamais depuis.

[16]           Madame Fauchon souffre de la maladie de Crohn; elle subit une intervention pour péritonite en février 2005 et est en arrêt de travail jusqu’à la fin du mois de mai 2005. L’employeur souligne le fait que les douleurs de madame Fauchon seraient ainsi apparues pendant son arrêt de travail.

[17]           En cours d’audience, madame Fauchon affirme que ses douleurs au bras droit apparaissent graduellement avant l’arrêt de travail en février 2005. Elle explique aussi que, durant l’été 2004, elle a des douleurs aux jambes et aux bras. Elle est tellement souffrante qu’il lui arrive de ramper. Ces douleurs seraient attribuables à l’ostéoporose dont elle souffre à cause de la cortisone prise pour traiter la maladie de Crohn; elle contredit ainsi ne jamais avoir eu de douleurs au bras avant 2005.

[18]           Un peu plus tard au cours de son témoignage, elle situe le début de ses douleurs vers les mois de novembre ou décembre 2004.

[19]           Son patron sait qu’elle a mal au bras avant qu’elle n’arrête de travailler en février 2005. Cette déclaration n’est pas corroborée.

[20]           Lorsqu’elle revient au travail en mai 2005, la douleur au bras droit est toujours présente et augmente à nouveau au cours de l’été 2005.

[21]           Madame Fauchon affirme aussi que cette douleur au bras droit apparaît un an avant que le diagnostic de maladie de Crohn ne soit posé. Toutefois, elle s’absente souvent de son travail pour des raisons de maladie : pneumonie, intervention, etc., rendez-vous médicaux et parce qu’elle a un fils de huit ans qu’elle élève seule.

[22]           Ce qui fait que la douleur à son bras droit reste supportable.

[23]           Au début, la douleur n’est pas importante, mais elle augmente jusqu’à devenir atroce et la forcer à arrêter de travailler le 12 octobre 2005; elle n’arrive plus à soulever le bras, et même ses doigts sont affectés.

[24]           Son médecin demande un électromyogramme; il lui prescrit le port d’une orthèse après en avoir reçu les résultats. Madame Fauchon porte cette orthèse pendant deux ou trois mois, mais sans succès parce que la douleur augmente tout de même. Cette orthèse couvre le bras, du haut du coude au bout des doigts.

[25]           Deux électromyogrammes sont faits, en 2005 et en 2006, et auraient démontré qu’elle a « un nerf coincé ». La Commission des lésions professionnelles demande la production des résultats de ces examens, mais ne les reçoit pas.

[26]           Madame Fauchon affirme que son médecin lui prescrit des narcotiques; la douleur est tellement forte que sa productivité en est affectée, mais elle la supporte jusqu’à la limite de ses capacités.

[27]           Madame Fauchon réclame à la CSST le remboursement de ces médicaments, mais la CSST le refuse parce que certains narcotiques sont prescrits dès janvier 2005 et madame Fauchon admet que certains de ces médicaments lui ont été prescrits pour traiter la maladie de Crohn.

[28]           Le 12 octobre 2005, le docteur D. Schellenberg diagnostique une tendinite sévère au poignet droit, secondaire à une surutilisation et à des mouvements répétitifs au travail sur une condition personnelle connue de fibromyalgie. Un arrêt de travail de deux semaines est prescrit.

[29]           Madame Fauchon continue à porter son orthèse après l’arrêt de travail.

[30]           Le 26 octobre 2005, le docteur Schellenberg diagnostique une ténosynovite au poignet droit qu’il relie aux mouvements répétitifs posés par madame Fauchon dans l’exécution de son travail.

[31]           Le 23 novembre 2005, le docteur Schellenberg demande une consultation au docteur Murreson, neurologue.

[32]           Le dossier ne contient aucune autre information médicale, madame Fauchon n’ayant pas produit les notes au dossier de son médecin ni les résultats des deux électromyogrammes qu’elle aurait passés et que la Commission des lésions professionnelles lui demande de produire après l’audience.

[33]           Le 23 novembre 2005, le médecin de la CSST note au dossier, après avoir examiné des photos du poste de travail de madame Fauchon, que la relation entre le travail de madame Fauchon et les lésions subies n’existe pas, car il n’y a pas de charge, pas de position contraignante ni amplitude extrême pour les épaules et les bras, les accoudoirs sont ajustables, il y a des supports pour les poignets et une souris est à la disposition de madame Fauchon. Celle-ci précise toutefois qu’une souris lui est fournie  trois semaines seulement avant l’arrêt du 12 octobre 2005.

[34]           Madame Fauchon revient à son travail habituel en mars 2006. Dès les deux premiers jours, la douleur réaugmente. Madame Fauchon n’arrive plus à poinçonner à cause de la douleur aux doigts.

[35]           Elle cesse donc de travailler et débute une série de traitements de physiothérapie. Madame Fauchon affirme que la douleur disparaît grâce aux traitements de physiothérapie, de telle sorte qu’un retour graduel au travail est prévu le 6 juillet 2006.

[36]           Le 27 juin 2006, l’employeur transmet à madame Fauchon un avis de convocation à un examen médical pour le 26 juillet 2006 à 13 h 00.

[37]           Madame Fauchon ne se présente pas au travail le 6 juillet 2006 ni à l’examen du 27 juillet 2006. À l’audience, elle déclare avoir été victime d’un accident d’auto le 7 juillet 2006 et avoir dû subir une greffe à cause de brûlures subies. Elle est hospitalisée jusqu’au 28 juillet 2006.

[38]           Au jour de l’audience, madame Fauchon n’a plus mal au bras.

[39]           Aucun rapport final n’a été émis. Madame Fauchon ne voit plus le docteur Schellenberg parce qu’elle n’a plus confiance en lui.

[40]           À une question posée par l’assesseur, madame Fauchon précise que la douleur ressentie au début est située au milieu de la partie supérieure du bras sans autre douleur, sauf à l’épaule droite. Elle s’étonne du diagnostic retenu de tendinite au poignet droit parce que la douleur n’est pas située au poignet.

[41]           Avant de passer  à l’étude du poste de travail occupé par madame Fauchon, la Commission des lésions professionnelles fait les constatations suivantes.

[42]           Madame Fauchon se contredit souvent. L’apparition des douleurs n’est pas bien située dans le temps, avant, pendant ou après un arrêt de travail en février 2005, et il est difficile de préciser si ces douleurs sont causées par la fibromyalgie ou l’ostéoporose dont souffre madame Fauchon en 2004 ou par son travail comme elle le prétend.

[43]           Celle-ci allègue que le docteur Schellenberg lui prescrit le port d’une orthèse et des narcotiques. Aucune prescription n’apparaît toutefois au dossier et, selon le dossier, les narcotiques sont prescrits pour la maladie de Crohn.

[44]           Deux électromyogrammes auraient été faits et auraient démontré une pathologie, mais les résultats ne sont pas produits. La Commission des lésions professionnelles ne peut donc déterminer si cette lésion est reliée ou non à la lésion dont il est question au présent dossier.

[45]           Madame Fauchon ne se présente pas à un examen demandé par l’employeur. Elle allègue avoir été victime d’un accident d’automobile en juillet 2006 et avoir été hospitalisée deux semaines après cet accident, mais rien ne corrobore cette déclaration. L’employeur est privé de tout contrôle et de toute vérification sur la lésion de madame Fauchon.

[46]           Madame Fauchon décrit une douleur qui n’est pas située au poignet droit comme son médecin le fait; elle s’étonne même du diagnostic posé parce que sa douleur n’a jamais été située au poignet.

[47]           L’affirmation par son médecin que la lésion diagnostiquée est secondaire à des mouvements répétitifs au travail ne lie pas la Commission des lésions professionnelles parce que la description faite à ce médecin n’est pas connue de la Commission des lésions professionnelles.

[48]           De plus, le médecin de la CSST nie la relation entre le travail de madame Fauchon et la lésion subie parce qu’il n’y a pas de charge, pas de posture contraignante, ni amplitude significative des épaules et des poignets, et des supports et des accoudoirs sont fournis.

[49]           Madame Fauchon a le fardeau de prouver les éléments essentiels à l’acceptation de sa demande. Elle n’a pas démontré que la lésion subie est reliée à son travail, puisque apparue au cours d’un arrêt de travail ou à l’occasion d’autres maladies.

[50]           Compte tenu de cette conclusion, la Commission des lésions professionnelles estime que l’analyse du poste de travail occupé par madame Fauchon n’est pas nécessaire.

[51]           La Commission des lésions professionnelles conclut que la lésion subie par madame Fauchon n’est pas causée par son travail.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de Sears Canada inc. (St-Laurent 056), l’employeur;

INFIRME la décision rendue le 2 mars 2006 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la lésion subie le 12 octobre 2005 par madame Chantal Fauchon, la travailleuse, n’est pas une lésion professionnelle.

 

 

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Yolande Lemire

 

Commissaire

 

 



[1]          L.R.Q. c. A-3.001.

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