Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Harbec et Commission de la santé et de la sécurité du travail

2012 QCCLP 5232

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Jean-sur-Richelieu

25 juillet 2012

 

Région :

Richelieu-Salaberry

 

Dossier :

462426-62A-1202

 

Dossier CSST :

097960892

 

Commissaire :

Fernand Daigneault, juge administratif

 

Membres :

Jean-Benoît Marcotte, associations d’employeurs

 

Alain Lefebvre, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Yannick Harbec

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 15 février 2012, monsieur Yannick Harbec (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 1er février 2012 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 30 novembre 2011 et déclare qu’elle ne peut rembourser le coût d’achat de pantalons pour la période couvrant les années 1988 à 2006 produit en vertu de l’article 112 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) puisque le Code civil du Québec[2] autorise un remboursement que pour une période de trois ans antérieurement à la date de la demande.

[3]           Une audience se tient à Saint-Jean-sur-Richelieu le 5 juillet 2012. Le travailleur assiste à l’audience. La CSST est représentée par une avocate.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit au remboursement du coût d’achat de pantalons pour la période couvrant les années 1988 à 2006.

LES FAITS

[5]           Le travailleur est journalier. Le 14 août 1987, il subit une importante lésion professionnelle au moment où il reste coincé sous une chargeuse mécanique qui a basculé sur lui. En raison de cette lésion, le travailleur doit porter une orthèse au genou gauche à compter de 1988.

[6]           Le 20 juillet 1989, madame Danièle Villeneuve, agente de la CSST, indique ce qui suit à ses notes évolutives :

Appel chez B. pas là à 8:40

Pour les shorts spécial pas payable

Pour les diners payable

Devra être revu par un praticien car fin de cours le 18 août 89

 

[7]           Le 18 juin 2010, le travailleur fait une demande de remboursement du coût d’achat de pantalons brisés en raison de l’utilisation de son orthèse au genou gauche pour la période couvrant les années 2006 à 2010. La CSST accepte la demande du travailleur et rembourse ce dernier.

[8]           Le 30 août 2011, le travailleur fait une demande similaire pour les années 1988 à 2006.

[9]           Le 30 novembre 2011, la CSST refuse la demande du travailleur et déclare qu’elle ne peut rembourser le coût d’achat de pantalons pour la période couvrant les années 1988 à 2006 produit en vertu de l’article 112 de la loi puisque le Code civil du Québec autorise un remboursement que pour une période de trois ans antérieurement à la date de la demande. Le travailleur demande la révision de cette décision.

[10]        Le 1er février 2012, à la suite d’une révision administrative la CSST confirme sa décision du 30 novembre 2011. Le travailleur conteste cette décision devant la Commission des lésions professionnelles.

[11]        À l’audience, le travailleur déclare qu’il ne comprend pas pourquoi il n’y a pas aux notes évolutives de la CSST la question qu’il a posée à madame Villeneuve en 1989 qui a amené cette dernière à prendre la note du 20 juillet 1989.

[12]        Il soutient qu’il avait alors demandé d’être remboursé pour des pantalons endommagés en raison du port de son orthèse au genou gauche.

[13]        Le travailleur déclare aussi qu’il n’a pas fait de suivi de cette demande ou fait de nouvelles demandes jusqu’en 2010 pour ne pas se faire « écœurer ».

[14]        À l’audience, le travailleur a fait témoigner madame Villeneuve. Cette dernière déclare qu’elle ne se rappelle pas du travailleur puisque ça fait plusieurs années qu’elle a pris sa note en 1989. De plus, elle constate que son nom apparaît une seule fois dans le dossier du travailleur, ce qui lui laisse croire qu’elle a possiblement remplacé un collègue à ce moment en juillet 1989.

L’AVIS DES MEMBRES

[15]        Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous les deux d’avis que la requête du travailleur doit être rejetée.

[16]        Ils considèrent d’abord que la note évolutive de madame Villeneuve, le 20 juillet 1989, n’est pas une preuve suffisante que le travailleur a bien fait une demande de remboursement pour des pantalons endommagés en raison du port de son orthèse au genou gauche et qu’il a été induit en erreur par la CSST sur son droit au bénéfice de l’article 112 de la loi.

[17]        Les membres sont finalement d’avis que la prescription de trois ans prévue au Code civil du Québec s’applique dans le présent dossier, la demande du travailleur est donc irrecevable.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[18]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement du coût d’achat de pantalons pour la période couvrant les années 1988 à 2006 en vertu de l’article 112 de la loi.

[19]        L’article 112 de la loi prévoit ce qui suit :

112.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit, sur production de pièces justificatives, à une indemnité maximale de :

 

1° 300 $ pour le nettoyage, la réparation ou le remplacement des vêtements endommagés par suite d'un accident du travail;

 

2° 300 $ par année pour les dommages causés à ses vêtements par une prothèse ou une orthèse au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L - 0.2) dont le port est rendu nécessaire en raison d'une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 112; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.

 

 

[20]        La CSST prétend, jurisprudence à l’appui[3], que la prescription prévue à l’article 2925 du Code civil du Québec s’applique. Celui-ci indique que :

2925. L'action qui tend à faire valoir un droit personnel ou un droit réel mobilier et dont le délai de prescription n'est pas autrement fixé se prescrit par trois ans.

 

1991, c. 64, a. 2925.

 

[21]        La Commission des lésions professionnelles partage cet avis et considère qu’effectivement, à défaut d’avoir un délai précis dans la loi pour une telle réclamation, il faut trouver une autre solution raisonnable et le recours au Code civil du Québec est justifié.

[22]        En effet, il ne serait pas raisonnable de permettre qu’une telle réclamation soit faite après autant d’années, 23 ans dans le présent cas.

[23]        La Commission des lésions professionnelles ajoute qu’elle est d’avis que le travailleur n’a pas fait la preuve qu’en 1989 il a fait une demande de remboursement pour des pantalons endommagés en raison du port de son orthèse au genou gauche.

[24]        La note de madame Villeneuve réfère à des « shorts spécial » et non pas à une demande de remboursement pour des vêtements endommagés. De plus, la note indique que le travailleur n’a pas pu être joint ce jour-là. Il n’a donc pas pu être induit en erreur par madame Villeneuve. De son propre aveu, le travailleur n’a pas fait le suivi de sa demande ni fait d’autres demandes jusqu’en 2010.

[25]        En conséquence, la Commission des lésions professionnelles conclut que la réclamation du travailleur pour le remboursement du coût d’achat de pantalons pour la période couvrant les années 1988 à 2006 est irrecevable.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête déposée le 15 février 2012 par monsieur Yannick Harbec, le travailleur;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 1er février 2012 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût d’achat de pantalons pour la période couvrant les années 1988 à 2006.

 

 

__________________________________

 

Fernand Daigneault

 

 

 

 

Me Josée Picard

Vigneault Thibodeau Bergeron

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           L.R.Q., c. C-1991.

[3]           Charron c. Marché André Martel inc., C.S. Montréal, 540-05-007919-107, 18 juillet 2011, j. Emery.

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