Commission scolaire des Affluents |
2018 QCTAT 5776 |
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APERÇU
[1] La Commission scolaire des Affluents, l’employeur, emploie la travailleuse comme enseignante lorsqu’elle subit un accident du travail le 15 avril 2017, alors qu’elle accompagne un groupe d’élèves lors d’un voyage de ski à Whistler et qu’elle est percutée par un autre skieur.
[2] L’employeur demande à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, la Commission, un transfert de l’imputation en vertu de l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1], la Loi, puisqu’il prétend qu’il est injuste de lui faire supporter le coût des prestations de cet accident du travail attribuable à un tiers.
[3] La Commission rend une décision par laquelle elle reconnaît que l’accident est attribuable à un tiers, mais qu’il n’est pas injuste de faire supporter à l’employeur les coûts reliés à cette lésion professionnelle. Cette décision est confirmée par la révision administrative, d’où la contestation de l’employeur devant le Tribunal administratif du travail.
[4] L’employeur est absent à l’audience. Il dépose une argumentation écrite. Il ne remet pas en question les conclusions de la Commission, selon lesquelles l’accident est attribuable à un tiers. À cet égard et considérant la preuve au dossier, le Tribunal est également en accord avec ces conclusions.
[5] L’employeur prétend toutefois qu’il est injuste de lui faire supporter les coûts de cet accident. Au soutien de son argumentation écrite, il dépose une déclaration solennelle de la directrice de l’école, des décisions du Tribunal et une décision de la Commission concernant sa classification pour l’année 2017.
[6] Le Tribunal doit déterminer s’il est injuste, dans les circonstances du présent dossier, de faire supporter à l’employeur les coûts relatifs à cet accident. Pour les motifs qui suivent, il est d’avis que non.
ANALYSE
Est-il injuste de faire supporter à l’employeur le coût des prestations dues en raison de l’accident du travail survenu le 15 avril 2017?
[7] Le Tribunal considère que le risque de chute en ski est inhérent à l’ensemble des activités de l’employeur et que ce dernier demeure imputé du coût des prestations de la lésion professionnelle, subie par la travailleuse le 15 avril 2017.
[8] L’employeur prétend qu’il est injuste de lui faire supporter les coûts de cet accident, car la travailleuse s’est portée volontaire pour participer à ce voyage. Qui plus est, cette activité ne fait pas partie de son champ d’enseignement. Également, il soutient qu’au moment de l’événement, elle agissait à titre d’accompagnatrice et elle n’enseignait pas. Il souligne que l’accident n’est pas survenu à cause d’une maladresse de sa part ou encore de son manque d’expérience comme skieuse. Aussi, cette activité n’est pas nécessaire au fonctionnement des activités de l’employeur et elle n’est pas incluse à son unité de classification. Enfin, les probabilités que cet accident survienne sont presque inexistantes.
[9] Le deuxième alinéa de l’article 326 de la Loi prévoit notamment que la Commission peut, à la demande de l’employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail aux employeurs d’une, plusieurs ou de toutes les unités, lorsque l’imputation à son dossier financier aurait pour effet de lui faire supporter injustement le coût des prestations d’un accident attribuable à un tiers.
[10] Plus particulièrement sur la question de l’existence d’une injustice, il y a lieu de référer à des extraits de la décision rendue par une formation de trois juges administratifs dans l’affaire Québec (Ministère des Transports) et CSST[2] :
[339] Il ressort de ce qui précède qu’en application de l’article 326 de la loi, plusieurs facteurs peuvent être considérés en vue de déterminer si l’imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail attribuable à un tiers, soit :
- les risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur, les premiers s’appréciant en regard du risque assuré alors que les secondes doivent être considérées, entre autres, à la lumière de la description de l’unité de classification à laquelle il appartient ;
- les circonstances ayant joué un rôle déterminant dans la survenance du fait accidentel, en fonction de leur caractère extraordinaire, inusité, rare et/ou exceptionnel, comme par exemple les cas de guet-apens, de piège, d’acte criminel ou autre contravention à une règle législative, règlementaire ou de l’art;
- les probabilités qu’un semblable accident survienne, compte tenu du contexte particulier circonscrit par les tâches du travailleur et les conditions d’exercice de l’emploi.
[340] Selon l’espèce, un seul ou plusieurs d’entre eux seront applicables. Les faits particuliers à chaque cas détermineront la pertinence ainsi que l’importance relative de chacun.
[341] Aucune règle de droit ne doit être appliquée aveuglément. On ne saurait faire abstraction des faits propres au cas particulier sous étude. C’est au contraire en en tenant compte que le tribunal s’acquitte de sa mission qui consiste à faire la part des choses et à disposer correctement et équitablement du litige déterminé dont il est saisi[219].
[Référence omise]
[11] Dans le présent dossier, la travailleuse est enseignante à l’école secondaire des Trois Saisons et elle enseigne dans le champ Éthique et culture religieuse aux élèves de secondaire III et V.
[12] Dans la réclamation qu’elle produit à la Commission, la travailleuse explique que le 15 avril 2017 dans le cadre de son travail, elle a accompagné un groupe d’élèves lors d’un voyage de ski. Elle mentionne qu’en descendant une piste de ski, un skieur l’a violemment percutée, entraînant ainsi sa chute.
[13] De la déclaration solennelle produite par la directrice de l’école, le Tribunal retient qu’au moment de l’accident, la travailleuse accompagnait un groupe d’élèves de secondaire V. Les élèves ainsi que les enseignants choisis se sont rendus à Whistler en Colombie-Britannique du 12 au 19 avril 2017.
[14] Le Tribunal estime que, dans le présent dossier, il n’est pas injuste de faire supporter à l’employeur les coûts reliés à cet accident.
[15] L’appréciation du caractère injuste de l’imputation ne repose pas uniquement sur l’analyse des seuls risques habituellement reliés à la mission de l’employeur ni aux seules activités mentionnées à son unité de classification, mais il doit également inclure l’appréciation des risques moins courants, mais qui demeurent inhérents à l’ensemble de ses activités, et ce, comme le retient le Tribunal dans l’affaire Séminaire Saint-François[3].
[16] Dans le présent dossier, le Tribunal retient que l’employeur est une commission scolaire et que dans le cadre des différentes activités qu’elle offre aux élèves, le voyage de ski en fait partie.
[17] Le fait que les activités sportives, telles un voyage de ski, ne soit pas mentionné à l’unité de classification de l’employeur n’exclut pas qu’un tel risque puisse se retrouver dans l’ensemble des activités exercées par l’employeur.
[18] Même si ce voyage ne se produit qu’une fois par année et que la travailleuse n’avait pas l’obligation d’y participer, le Tribunal considère qu’il s’agit d’une activité récurrente et organisée par l’employeur faisant partie de l’ensemble des activités qu’il exerce. D’autant que ce voyage fait partie d’un programme régional nommé Action Sport.
[19] De plus, selon la preuve dont il dispose, le Tribunal retient que ce voyage ne pourrait probablement pas avoir lieu sans la participation des enseignants. En effet, il ressort de la déclaration solennelle de la directrice de l’école que tous les enseignants de l’école sont invités à y participer. Si le nombre d’intéressés est supérieur au nombre requis, la directrice choisit ceux qui y participeront.
[20] Le Tribunal considère également qu’il n’y a pas de preuve que la chute causée par l’autre skieur puisse constituer un guet-apens, un piège ou une contravention à un règlement. Le Tribunal estime que la chute fait partie des accidents inhérents à la pratique du ski, qu’une collision survienne entre deux skieurs. Il n’y a rien dans la preuve qui permet de conclure au caractère inhabituel ou inusité de cet accident.
[21] Quant à l’affirmation de l’employeur que l’accident n’est pas survenu à cause d’une maladresse de la part de la travailleuse ni par son manque d’expérience, elle n’est basée sur aucun élément de preuve au dossier. En fait, il y a peu de détails sur les circonstances de cet accident, si ce n’est que la travailleuse descendait une pente en ski et que soudainement un skieur l’a violemment percutée, ce qui a entraîné sa chute.
[22] Dans l’affaire Collège de Montréal[4] déposée par l’employeur, le Tribunal retient que l’accident, subit par un enseignant lors d’une sortie de ski avec des élèves du collège, se situe à la périphérie, sinon hors des risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur, puisque le travailleur n’enseigne pas lors de cet accident et qu’il n’est pas sur les lieux habituels de son travail. Ce n’est qu’exceptionnellement qu’il accompagne des élèves dans le cadre d’une activité sportive se tenant à l’extérieur de l’enceinte du collège.
[23] Cette vision est également reprise dans d’autres décisions déposées par l’employeur, notamment dans les affaires Commission scolaire des Patriotes[5] et Commission scolaire des Patriotes et Ski Bromont[6].
[24] La soussignée ne partage pas cette vision puisqu’elle estime que si un employeur offre des activités de sorties sportives pour les étudiants et demande même volontairement à des enseignants de les accompagner, l’employeur se doit d’assumer les risques qui en découlent.
[25] Dans les circonstances du présent dossier, le Tribunal juge que la travailleuse, accompagnant des élèves lors d’un voyage de ski et à qui l’on demande de savoir skier, est nécessairement appelée à faire du ski et elle peut malheureusement chuter. Ce voyage l’expose donc à la survenance d’un accident, comme ce fut le cas dans le présent dossier et ainsi, il n’est pas injuste que l’employeur soit imputé des coûts reliés à cet événement.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :
REJETTE la contestation déposée par la Commission scolaire des Affluents, l’employeur;
CONFIRME la décision rendue par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail le 8 mars 2018, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’imputation du coût des prestations de la lésion professionnelle, subie par la travailleuse le 15 avril 2017, demeure inchangée.
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Émilie Lessard |
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Madame Geneviève Magnan |
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Pour la partie demanderesse |
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[1] RLRQ, c. A-3.001.
[2] C.L.P.
[3] 2018 QCTAT 4053; voir également : Commission scolaire de la
Jonquière
[4] Collège de Montréal, C.L.P.
[5] C.L.P.
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