COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE
LÉSIONS PROFESSIONNELLES
QUÉBEC MONTRÉAL, le 31 octobre 1994
DISTRICT D'APPEL DEVANT LA COMMISSAIRE: Me Mireille Zigby
DE MONTRÉAL
RÉGION: YAMASKA AUDIENCE TENUE LE: 18 octobre 1994
DOSSIER:
49647-62B-9303
DOSSIER CSST: À: Montréal
0936 55645
DOSSIER BRP:
6113 7263
DENIS BERGERON
1003, rue Nadeau
Saint-Césaire (Québec)
J0L 1T0
PARTIE APPELANTE
et
COMMUNAUTÉ URBAINE DE MONTRÉAL
DIRECTION DES RESSOURCES HUMAINES
2, Complexe Desjardins, bur. 1923
Montréal (Québec)
H5B 1E6
PARTIE INTÉRESSÉE
D É C I S I O N
Le 17 mars 1993, monsieur Denis Bergeron (le travailleur) dépose une déclaration d'appel à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) à l'encontre d'une décision rendue, le 5 mars 1993, par le bureau de révision de la région de Yamaska (le bureau de révision).
Par cette décision unanime, le bureau de révision confirme la décision rendue, le 22 mai 1992, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) refusant de rembourser au travailleur les coûts de douze séances de biofeedback dispensés par une assistante médicale.
OBJET DE L'APPEL
Le travailleur demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision du bureau de révision et de déclarer que la Commission doit acquitter le coût des traitements de biofeedback qui ont été prescrits au travailleur par son médecin et dispensés sous son contrôle.
LES FAITS
Le travailleur subit une lésion professionnelle, le 25 janvier 1986, alors qu'il est au service de la Communauté urbaine de Montréal (l'employeur) à titre de policier.
La lésion est diagnostiquée par le docteur Jean Huot, psychiatre, comme «explosion d'un état de stress post-traumatique». Les traitements prescrits comprennent de la pharmacothérapie, de la psychothérapie et des séances de biorétroaction ou biofeedback.
Le biofeedback est un traitement de relaxation contrôlée par électrodes. Son objectif, selon la documentation fournie à l'audience, est d'abaisser le seuil de l'anxiété, de diminuer l'état d'alerte et d'enseigner des moyens de contrôle sur la tension.
Le travailleur a suivi douze séances de biofeedback entre le 19 février 1986 et le 7 mai 1986. Ces traitements étaient dispensés par une assistante médicale au bureau du docteur Huot. Durant cette période, le travailleur continuait de voir régulièrement le docteur Huot qui était tenu informé de l'évolution des traitements.
La note d'honoraires du docteur Huot pour les séances de biofeedback est expédiée à la Commission le 6 mai 1992.
Dans une lettre du 22
mai 1992, la Commission refuse d'acquitter le coût de ces traitements pour le
motif qu'ils n'ont pas été dispensés par un intervenant de la santé inscrit à
une corporation professionnelle régie par le Code des professions, conformément
à la politique adoptée par la Commission à cet égard et conséquemment, qu'ils
n'entrent pas dans la catégorie des «autres soins ou frais déterminés par la
Commission» prévus au paragraphe cinquième de l'article
Le travailleur demande la révision de cette décision et le 5 mars 1993, le bureau de révision rend la décision dont appel.
À l'audience, la représentante de l'employeur dépose la Politique de Réadaptation-indemnisation de la Commission en matière d'assistance médicale en ce qui concerne les «autres soins ou frais déterminés par la Commission». Cette politique est entrée en vigueur le 26 août 1991. Selon la représentante de l'employeur, cette politique était la même en 1986.
Le travailleur a déclaré qu'il n'avait pas acquitté le coût des traitements de biofeedback.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La Commission d'appel doit décider si le coût des séances de biofeedback qu'a reçus le travailleur entre le 19 février 1986 et le 7 mai 1986 doivent être acquittés par la Commission.
Les articles
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
189. L'assistance médicale comprend:
1E les services de professionnels de la santé;
2E les soins hospitaliers;
3E les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4E les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur la protection et la santé publique, prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance-maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission.
5E les autres soins ou frais déterminés par la Commission.
194. Le coût de l'assistance médicale est à la charge de la Commission.
Aucun montant ne peut être réclamé au travailleur pour une prestation d'assistance médicale à laquelle il a droit en vertu de la présente loi et aucune action à ce sujet n'est reçue par une cour de justice.
Il ressort de ces articles qu'un travailleur a droit à l'assistance médicale requise par son état et que le coût de cette assistance médicale est à la charge de la Commission.
L'article
La notion de
«professionnel de la santé» est définie à l'article
La Commission d'appel a
déjà décidé, dans l'affaire Bexel (1979) Inc. et Boudreault[3], que les soins de physiothérapie qui sont
donnés sous la surveillance et le contrôle d'un médecin, donc d'un
professionnel de la santé, font partie des services de ce professionnel de la
santé et sont inclus au paragraphe premier de l'article
En l'instance, la
situation n'est pas différente. La preuve révèle que les traitements de biofeedback
ont été prescrits par le docteur Huot à l'intérieur d'un plan global de
traitements, qu'ils ont été dispensés au bureau du médecin et que celui-ci a assuré
un suivi régulier du travailleur durant toute la période qu'a duré la
thérapie. Même si ces traitements ont été dispensés par une assistante
médicale et non par le psychiatre lui-même, il apparaît assez évident qu'ils
étaient donnés sous le contrôle et la surveillance de ce professionnel de la
santé et qu'ils doivent être considérés comme faisant partie de l'assistance
médicale dont il est question à l'article
Toute interprétation
contraire aurait pour conséquence de priver le travailleur de droits qui lui
sont par ailleurs reconnus. En effet, les articles
212. L'employeur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge de son travailleur victime d'une lésion professionnelle s'il obtient un rapport d'un médecin qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions du médecin qui en a charge quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants:
1E le diagnostic;
2E la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;
3E la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;
4E l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;
5E l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.
L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester, pour que celle-ci le soumette à l'arbitrage prévu par l'article 217.
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1E à 5E du premier alinéa de l'article 212.
Cependant, si un arbitre rend un avis en vertu de l'article 221 infirmant le diagnostic ou une autre conclusion de ce médecin, la Commission devient liée par cet avis et modifie sa décision en conséquence, s'il y a lieu.
En vertu de ces
articles, l'opinion du médecin ayant charge d'un travailleur, relativement aux
questions médicales énumérées à l'article
Comme la Commission d'appel le faisait remarquer à juste titre dans l'affaire C.S.S.T.-Côte-Nord et Côté et Scierie des Outardes Enr.[4], il est clair qu'une telle situation irait à l'encontre de l'objet de la loi tel que défini à son article 1:
1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion. la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour dommages corporels et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
La Commission d'appel
en vient donc à la conclusion que les séances de biofeedback dont a
bénéficié le travailleur entre le 19 février 1986 et le 7 mai 1986 constituent
des soins ou traitements visés par le premier paragraphe de l'article
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES:
ACCUEILLE l'appel du travailleur, monsieur Denis Bergeron;
INFIRME la décision rendue, le 5 mars 1993, par le bureau de révision de la région de Yamaska;
DÉCLARE que les séances de biofeedback dont a bénéficié le travailleur, entre le 19 février 1986 et le 7 mai 1986, sont à la charge de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.
Me Mireille Zigby,
commissaire
FRATERNITÉ DES POLICIERS(ÈRES)
DE LA C.U.M.
Me Yves Clermont
480, rue Gilford, 3e étage
Montréal (Québec)
H2J 1N3
Procureur de la partie appelante
C.U.M.
Me Marie-France Pinard
2, Complexe Desjardins, bur. 1923
Montréal (Québec)
H5B 1E6
Procureure de la partie intéressée
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.