Hamlet c. Khiari |
2014 QCRDL 44275 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Gatineau |
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No dossier : |
169017 22 20140812 G |
No demande : |
1556066 |
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Date : |
29 octobre 2014 |
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Régisseur : |
Pierre C. Gagnon, juge administratif |
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JOHANNE HAMLET MICHEL GAGNON |
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Locateurs - Partie demanderesse |
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c. |
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Sondes Khiari |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Les locateurs demandent la résiliation pour inexécution des obligations de la locataire.
[2] Dans leur mise en demeure du 29 juillet 2014, dans leur demande et à l’audience, les locateurs allèguent que la locataire a changé la destination des lieux loués en y exploitant un « gîte du passant ». Elle contreviendrait ainsi à diverses dispositions réglementaires et législatives.
[3] Selon les locateurs, la locataire est, depuis juillet 2011, membre d’un organisme nommé AIRBNB, qui agit comme intermédiaire pour la location de nuitées d’hébergement chez des particuliers. Cet organisme perçoit les loyers payables et assure le membre pour les dommages éventuels reliés à la location.
[4] La locataire avait une adresse internet fournissant les détails de l’appartement visé et du prix demandé (à compter de 70 $ par nuit). Un calendrier reproduit sur le site indiquait la disponibilité du logement. Par exemple, sur la photocopie fournie au tribunal, on constate que pour le mois de septembre 2014, l’appartement est disponible pendant 17 jours. Sont également reproduits les commentaires de 20 clients.
[5] Le site de la locataire s’intitulait d’abord « Bonjour, je m’appelle Sondes ». Puis, après la mise en demeure, le titre a été changé pour « Bonjour, je m’appelle Essou ». Mais le numéro du site était le même (745520) et les caractéristiques de la location étaient identiques.
[6] Selon la preuve, AIRBNB a obtempéré à une mise en demeure des locateurs, datée du 29 août 2014, en fermant le site de la locataire. Ceux-ci invoquaient dans leur missive le caractère illégal de l’exploitation visée. À l’audience, les locateurs soulèvent également le va-et-vient excessif dans l’immeuble de trois appartements et la pression sur les services afférents.
[7] La locataire a fait parvenir un avis de résiliation de son bail pour le 31 octobre 2014. Même s’ils reconnaissent avoir reçu cet avis, les locateurs demandent une décision judiciaire visant la résiliation du bail aux torts de la locataire.
[8] Cette dernière soutient que le site AIRBNB constitue un outil d’échanges entre voyageurs. Elle a pris connaissance de la ressource lors d’un séjour aux États-Unis et elle affirme avoir utilisé le site lors de ses déplacements. Il ne s’agit pas selon elle de l’exploitation d’un gîte du passant.
[9] La disposition pertinente à cette espèce est l’article 1856 C.c.Q. :
« 1856. Ni le locateur ni le locataire ne peuvent, au cours du bail, changer la forme ou la destination du bien loué.»
[10] Par ailleurs, l’article 1 du Règlement sur les établissements d’hébergement touristique[1] nous fournit une définition d’importance capitale pour l’analyse du présent dossier :
« Constitue un établissement d'hébergement touristique tout établissement exploité par une personne qui offre en location à des touristes, contre rémunération, au moins une unité d'hébergement pour une période n'excédant pas 31 jours. En sont exclues les unités d'hébergement offertes sur une base occasionnelle…»
[11] Les articles 6 et 38 de la Loi sur les établissements d’hébergement touristique[2] sont également pertinents :
6. Toute personne qui exploite un établissement d'hébergement touristique doit détenir une attestation de classification de cet établissement.
La demande d'attestation de classification doit être présentée au ministre dans les conditions prescrites par règlement du gouvernement.
38. Commet une infraction quiconque exploite un établissement d'hébergement touristique ou donne lieu de croire qu'il exploite un tel établissement sans être titulaire d'une attestation de classification décernée en vertu de la présente loi.
Quiconque commet une infraction visée au premier alinéa ou à l'article 32 est passible, pour chaque jour ou partie de jour que dure l'infraction, d'une amende de 750 $ à 2 250 $ et, en cas de récidive, d'une amende de 2 250 $ à 6 750 $.
[12] Dans la présente affaire, la preuve prépondérante démontre que :
· Le bail de la locataire est de nature résidentielle;
· On ne peut pas dire que la locataire offre son logement « sur une base occasionnelle » au sens de l’article 1 du Règlement : en effet, elle annonçait par exemple 17 jours de disponibilité pour le seul mois de septembre;
· La locataire n’a pas fait la preuve qu’elle détenait l’ « attestation de classification » prescrite par la Loi;
· Quant à l’organisme AIRBNB, on ne saurait le qualifier de simple intermédiaire entre les voyageurs, puisqu’il se charge de percevoir les loyers et qu’il fournit une assurance à ses adhérents;
[13] Dans le dossier Corporation d’habitation Jeanne-Mance c. Gaudreault, la Cour du Québec énonce des critères permettant d’analyser un contexte au regard de l’article 1856 C.c.Q. :
« En effet, le critère de permanence n'apparaît pas à l'article 1856 du Code civil, si le législateur avait voulu en faire une condition essentielle, il l'aurait indiqué tout simplement. Par ailleurs, la jurisprudence et la doctrine en la matière nous enseignent que l'activité constituant le changement de destination des lieux doit être évalué en fonction des circonstances de chaque cas en tenant compte notamment des critères suivants : la nature de l'activité en question, son caractère illicite, illégal ou criminel, son sérieux et son importance, son but de lucre, le préjudice causé au locateur et aux autres locataires, etc[3] »
[14] Quant au préjudice sérieux, le tribunal reproduit ici un extrait de la décision récente Lépine c. Lafleur[4] :
[15] Par ailleurs, dans la décision Lanteigne c. Dartiguenave[5], la Régie du logement a résilié le bail parce que le locataire exploitait un gîte du passant dans le logement.
[16] L’ensemble de la preuve convainc le tribunal que la locataire a illégalement changé la destination des lieux loués. Compte tenu de la preuve et de la jurisprudence pertinente, le tribunal conclut également que ces agissements occasionnent un préjudice sérieux aux locateurs.
[17] Le bail est donc résilié. Vu l’avis donné par la locataire, cette décision sera exécutoire, même s’il y a appel, à compter du 1er novembre 2014.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[18] RÉSILIE le bail;
[19] ORDONNE l’expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement; la présente décision est exécutoire à compter du 1er novembre 2014, même s’il y a appel;
[20] CONDAMNE la locataire au paiement des frais judiciaires de 79 $.
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Pierre C. Gagnon |
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Présence(s) : |
les locateurs la locataire |
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Date de l’audience : |
21 octobre 2014 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.