Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Hôpital Sainte-Justine

2013 QCCLP 214

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Jérôme

11 janvier 2013

 

Région :

Laurentides

 

Dossier :

477764-64-1207

 

Dossier CSST :

132991761

 

Commissaire :

Robert Daniel, juge administratif

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Hôpital Sainte-Justine

 

Partie requérante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 20 juillet 2012, Hôpital Sainte-Justine (l’employeur) dépose, à la Commission des lésions professionnelles, une requête à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 17 juillet 2012, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle initialement rendue le 3 mai 2012 et déclare qu'elle est justifiée de refuser de reconsidérer la décision du 11 avril 2008 concernant l'imputation des frais d'assistance médicale et de frais de déplacement concernant la lésion professionnelle subie par madame Marie-Pier Dallaire, le 18 mars 2008. 

[3]           Le 29 novembre 2012, Me Isabelle Auclair, procureure de l’employeur, adresse une lettre à la Commission des lésions professionnelles pour informer le tribunal que l'employeur ne sera pas représenté à l’audience prévue le 30 novembre 2012 et, par la même occasion, dépose une argumentation écrite.

[4]           Le 30 novembre 2012, le tribunal met l’affaire en délibéré.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]           L'employeur demande au tribunal de déclarer que tous les coûts de la lésion professionnelle survenue à la travailleuse ne doivent pas être imputés à son dossier au-delà du 15 juillet 2008, date de consolidation de la lésion professionnelle. 

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]           Le tribunal doit décider si les coûts, engendrés au-delà du 15 juillet 2008, doivent être imputés au dossier de l'employeur.

[7]           L'article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit ce qui suit :

326.  La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.

__________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

[8]           Cet article énonce ainsi le principe général selon lequel le coût des prestations reliées à la survenance d’une lésion professionnelle est imputable à l'employeur.

[9]           Aux fins du présent dossier, les faits suivants sont retenus :

Ø  La travailleuse, infirmière clinicienne, est victime d'un accident du travail, le 18 mars 2008, alors qu'en transportant un patient en convulsion, celui-ci tombe sur elle et qu'elle fait une chute.

Ø  Des diagnostics d'entorse cervicodorsolombaire et de contusion dorsolombaire sont initialement posés.

Ø  Entre les mois de juin et de juillet 2008, une amélioration oscillant entre 70 % et 80 % est notée au dossier.

Ø  Le 15 juillet 2008, le docteur R. Rioux examine la travailleuse à la demande de l'employeur.  Il conclut au diagnostic de contusion cervicodorsolombaire, lequel est consolidé à cette date, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.  Aucune autre forme de traitement n'est proposée.

Ø  Le 19 septembre 2008, le docteur K. Fournier, orthopédiste et membre du Bureau d'évaluation médicale, examine la travailleuse.  Il retient un diagnostic d'entorse cervicodorsolombaire consolidée le 19 septembre 2008, et ce, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, les soins étant jugés suffisants. 

Ø  La décision faisant suite à cet avis du membre du Bureau d'évaluation médicale est contestée par l'employeur et sera maintenue en révision administrative le 4 novembre 2008.

Ø  Le 20 novembre 2008, le docteur Catchlove, médecin traitant, diagnostique une entorse dorsolombaire et prescrit une résonnance magnétique.

Ø  Le 30 décembre 2008, un diagnostic de hernie discale est posé par le docteur Desjardins.

Ø  Le 9 janvier 2009, la travailleuse est de nouveau examinée par le docteur Rioux à la demande de l'employeur.  Ce médecin conclut à une dorsolombalgie alléguée, consolidée en date du 19 septembre 2008 sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle et avec suffisance des soins. 

Ø  Le 1er février 2009, la travailleuse dépose une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation.  Cette réclamation est refusée par la CSST le 20 février 2009.  La travailleuse conteste.

Ø  Le 22 avril 2009, le docteur P. Lacoste, physiatre et membre du Bureau d'évaluation médicale, examine la travailleuse et conclut aux diagnostics de dorsalgie et lombalgie consolidée le jour de son examen, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.  La travailleuse conteste la décision faisant suite à cet avis.

Ø  Le 21 mai 2009, la CSST en révision administrative maintient le refus de la récidive, rechute ou aggravation alléguée par la travailleuse et cette décision n'est pas portée en appel.

Ø  Le 23 mars 2011, la Commission des lésions professionnelles rend une décision entérinant un accord intervenu entre les parties[2].  Le tribunal déclare que la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 18 mars 2008 est consolidée en date du 15 juillet 2008 avec suffisance des soins et des traitements, et ce, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.  La travailleuse est déclarée apte à effectuer son emploi à compter du 15 juillet 2008.


Ø  Le 21 décembre 2011, l'employeur demande à la CSST de retirer de son dossier le coût des visites médicales effectuées après le 15 juillet 2008.

Ø  Le 3 mai 2012, la CSST rend la décision refusant de reconsidérer sa décision d'imputation du 11 avril 2008, décision maintenue en révision administrative et faisant l'objet du présent litige.

[10]        La procureure de l'employeur plaide que ce dernier n'a pas à assumer de coûts au-delà du 15 juillet 2008, date à laquelle la lésion professionnelle subie par la travailleuse est consolidée, et ce, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, la travailleuse étant alors capable d'exercer son emploi.

[11]        Toutefois, avant de traiter spécifiquement de cette question, le tribunal doit d'abord décider si la CSST était justifiée de refuser de reconsidérer sa décision initiale d'imputation rendue le 11 avril 2008.

[12]        C’est en date du 21 décembre 2011 que l'employeur formule à la CSST sa première demande de ne pas être imputé du coût des visites médicales après le 15 juillet 2008. 

[13]        Pour la procureure de l'employeur, la prétention de la CSST, voulant que l'employeur ait demandé une reconsidération, ne peut être retenue par le tribunal.  Elle est d'opinion que la décision d'imputation émise le 18 avril 2008 demeure un avis général et qu'il ne s'agit pas d'une décision spécifique visant l'imputation des coûts des visites médicales effectuées après la date de consolidation.

[14]        Le tribunal constate que la décision rendue le 18 avril 2008 ne fait qu'aviser l'employeur qu'il est imputé du coût des prestations dues en raison de l'accident du travail survenu à la travailleuse, sans plus.  Il n'y est même pas spécifié les modalités de contestation habituelles de cette décision.  Le tribunal n'y retrouve d'ailleurs aucune motivation.  

[15]        Le tribunal partage, comme l'y invite la procureure de l'employeur au dossier, l’opinion unanime retenue par un banc de trois juges administratifs dans l'affaire Centre Hospitalier de l’Université de Montréal - Pavillon Marcoux et CSST[3] lorsqu’il est mentionné :

[335]    L’avis général d’imputation, tout comme le relevé informatique mensuel, ne constituent donc pas des décisions au sens de la loi, à tout le moins sur la question du coût des visites médicales.

 

[336]    La présente formation est donc d’avis qu’aucune décision spécifique visant l’imputation des coûts des visites médicales effectuées après la consolidation de la lésion professionnelle n’est rendue par la CSST avant que les employeurs formulent leurs demandes de retrait de ces coûts de leur dossier d’expérience.

[337]    Les employeurs ne peuvent donc demander la révision ou en appeler d’une telle décision selon ce qui est prévu aux articles 358 et 359 de la loi. De plus, il ne peut y avoir une reconsidération de cette décision au sens de l’article 365 de la loi ou une nouvelle détermination de l’imputation au sens du règlement prévu à cette fin, puisque ces deux textes de loi exigent l’existence d’une décision préalable.

 

[338]    La présente formation ajoute que l’article 365 de la loi ne peut s’appliquer aux présents litiges puisque cette disposition ne peut être invoquée en matière de financement. Cet article n’est donc d’aucun secours à la CSST et il ne peut servir de fondement au rejet des demandes des employeurs.

 

[Nos soulignements]

[16]        Or, telle est la présente situation dans le présent dossier.  Sur cette question, le tribunal ne peut qu'infirmer la décision rendue par la CSST en la matière.  En effet, le tribunal constate que la demande de l'employeur du 21 décembre 2011 est la première portant spécifiquement sur l'imputation des frais de visites médicales après la consolidation et qu'aucune autre décision n'a été rendue en la matière.  Il ne peut donc s'agir d'une demande de reconsidération.

[17]        Par ailleurs, le tribunal a décidé dans l'affaire Centre Hospitalier de l’Université de Montréal - Pavillon Marcoux et CSST[4] que la prescription pour déposer une demande de la part de l'employeur est celle prévue à l'article 2925 du Code Civil du Québec, soit un délai de trois ans, mais que celui-ci n'avait pas à soulever d’office ce délai.  Or, force est de constater que dans le présent dossier, ce délai est respecté.

[18]        De même, contrairement aux conclusions retrouvées dans l’affaire Provigo Québec inc. (Div. Loblaws)[5], dans laquelle la demande de l'employeur était rejetée au motif que les frais pour lesquels l'employeur demandait d'être désimputé n'étaient pas démontrés, mais seulement allégués, le tribunal retrouve, dans le présent dossier, la justification voulue pour examiner la demande de l'employeur :

En l’espèce, ces coûts imputés sont de 1 690,85 $ pour les comptes de médecins et un 275,70 $ pour des frais d’établissement de santé.

 

Les relevés informatiques de la CSST pour le dossier 132991761 montrent bien que des coûts de 275,70 $ sont imputés pour des frais d’établissement de santé, en date du 14 novembre 2008.

 

Par ailleurs, de nombreux frais postérieurs au 18 juillet 2008 apparaissent à la liste des comptes de médecins au dossier, pour un total de 3 134,37 $. Il semble, en tenant compte du relevé d’imputation général, que les frais pour la période du 12 décembre 2008 au 19 février 2009, ne soient pas imputés à l’employeur. Entre le 6 août 2008 et le 28 novembre 2008, des frais de visites médicales de 553,67 $ sont imputés au dossier de l’employeur. Pour la période du 5 mars au 28 août 2009, ces frais sont de 1 137,18$.

 

Même en appliquant la décision de la CSST ayant accordé un partage de coûts en vertu de l’article 329 LATMP, de l’ordre de 30 % à l’employeur et 70 % à l’ensemble des unités, les sommes imputées postérieurement au 15 juillet 2008 représentent près de 600 $ imputés en trop au dossier de l’employeur.

[19]        Le tribunal entend ainsi examiner la demande de l'employeur.

[20]        Tel qu'énoncé dans la décision Centre Hospitalier de l’Université de Montréal - Pavillon Marcoux et CSST[6] :

[447]    En conclusion, le tribunal rappelle que :

 

a)         les employeurs ont un intérêt réel à demander le retrait de leur dossier d’expérience des coûts relatifs aux visites médicales effectuées après la date de la consolidation d’une lésion attribuable à un accident du travail sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, même si ces coûts considérés individuellement peuvent sembler minimes;

b)         le premier alinéa de l’article 326 de la loi constitue le fondement juridique d’une telle démarche;

 

c)         l’employeur doit agir dans le délai de trois ans prévu à l’article 2925 du Code civil du Québec;

 

d)         le point de départ de ce délai est la date où il prend ou il aurait dû prendre connaissance de l’imputation de coûts postérieurs à la date de la consolidation de la lésion professionnelle sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle;

 

e)         toutefois, conformément à ce qui est édicté à l’article 2878 du Code civil du Québec, le tribunal n’a pas à suppléer d’office le moyen résultant de la prescription et à soulever d’office un tel délai;

 

f)          l’article 2 de la loi énonce qu’une lésion professionnelle peut faire l’objet d’une guérison ou d’une stabilisation;

 

g)         une lésion professionnelle guérie est celle qui entraîne un rétablissement complet du travailleur et, donc, une non-nécessité de soins ou de traitements et une absence d’atteinte permanente et de limitation fonctionnelle;

 

h)         une lésion professionnelle guérie ne génère plus de conséquences médicales et n’est donc plus sujette à l’indemnisation, sauf si la preuve révèle des situations particulières permettant d’écarter un tel constat;

 

i)          la consolidation d’une lésion professionnelle sans nécessité de traitements, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle entraîne la fin de l’imputation des coûts relatifs aux visites médicales au dossier d’expérience des employeurs, sans égard au fait que cette consolidation soit déterminée par le médecin qui a charge du travailleur ou qu’elle soit acquise au terme d’un processus d’évaluation médicale et de décisions rendues par la CSST ou par la Commission des lésions professionnelles;

 

j)          le fardeau de la preuve qui incombe à l’employeur est donc de démontrer que les coûts des visites médicales dont il requiert le retrait de son dossier d’expérience émanent d’un accident du travail et sont générés après la date de la consolidation de la lésion professionnelle sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle;

 

k)         les frais relatifs à la procédure d’évaluation médicale doivent toutefois, s’ils n’ont pas déjà été retirés du dossier d’expérience de l’employeur, demeurer imputés à ce dossier puisqu’ils sont toujours générés en raison de la lésion professionnelle et qu’ils sont essentiels à la détermination des conséquences médicales finales de cette lésion.

[21]        Depuis, la CSST a déposé une requête en révision judiciaire et cette décision n’est pas suivie unanimement par les juges administratifs du tribunal.  En effet, un bref relevé des décisions rendues à la suite de cette décision démontre, à ce jour, que la majorité des juges administratifs[7] se rallient à cette position, d'autres juges (quatre) adhérant à la thèse soulevée par la dissidence figurant à cette décision[8]

[22]        Les motifs de cette dissidence sont exprimés ainsi dans cette décision :

[465]    Ainsi, même une fois la lésion consolidée, et même guérie au sens juridique du mot, la loi n’empêche pas un travailleur de consulter son médecin « en raison de sa lésion » puisque les articles 188 et 189 ne font aucune référence à la notion de consolidation, comme la loi le fait par exemple aux articles 46 et 47 quant à la capacité de travail et au versement de l’indemnité de remplacement du revenu :

[…]

[470]    Je considère que ce suivi post-consolidation est, lui aussi, dû en raison de l’accident dont le travailleur a été victime.

 

[471]    Donc, bien que les énoncés des conclusions g) et h) soient exacts dans le cas de lésions guéries, ils ne le sont pas nécessairement dans les cas de lésions stabilisées, celles qui forment l’autre catégorie de lésions consolidées.

 

[475]    Je ne crois pas que des conclusions essentiellement médicales doivent automatiquement emporter le sort d’une question essentiellement juridique.

 

[476]    Avec respect pour l’opinion contraire, je suis donc d’avis que l’on ne peut conclure à l’absence de relation entre des services de professionnels de la santé et un accident du travail pour la seule raison qu’une lésion professionnelle est consolidée sans déficit anatomo-physiologique ni limitation fonctionnelle. Cela explique ma dissidence avec les conclusions émises par le tribunal aux paragraphes i) et j).

 

[477]    À mon avis, il y a toujours lieu d’examiner si la visite médicale est bel et bien effectuée « en raison de la lésion » pour déterminer si son coût peut être imputé à l’employeur parce qu’il est alors dû « en raison de l’accident du travail ».

[23]        Et de conclure que :

[496]    La soussignée est plutôt d’avis que, dans les faits, lors d’une demande de retrait des coûts des visites médicales, le dossier démontre qu’il y a eu des visites médicales qui ont été faites auprès du médecin qui a charge ou auprès d’un consultant et que ces médecins ont complété un rapport médical. Avec respect, décider en de telles circonstances, que le travailleur n’a pas ainsi consulté son médecin en raison de son accident du travail équivaut à fonder sa décision sur certains faits seulement (la preuve de la consolidation sans déficit anatomo-physiologique ni limitation fonctionnelle établie par la Commission des lésions professionnelles) sans tenir compte du reste de la preuve (par exemple, que le travailleur a consulté son médecin parce que ce dernier était d’avis que la lésion n’était pas consolidée). Ce n’est pas parce que la Commission des lésions professionnelles subséquemment, avec l’ensemble de la preuve présentée y compris souvent des expertises médicales supplémentaires par les deux parties, conclut à une consolidation sans déficit anatomo-physiologique ni limitation fonctionnelle que l’on doive conclure que le travailleur n’a pas consulté « en raison de son accident du travail ». Ce raisonnement m’apparaît ne pas tenir compte de l’ensemble de la preuve présentée. De plus, il s’agit là d’un raisonnement basé sur une déduction et non sur des faits prouvés : on «infère» que le travailleur n’a pas consulté « en raison de sa lésion professionnelle » malgré que, tel que permis par la loi, il a consulté et le médecin a complété un rapport médical et que ceci figure au dossier.

 

[497]    Pour ces motifs, la soussignée ne peut se rallier à l’opinion voulant que, dans de telles conditions, ces visites médicales n’ont pas été effectuées en raison de l’accident du travail subi et que les frais qui en découlent ne constituent pas un risque assurable pour l’employeur concerné.

[24]        Or, le juge soussigné ne s'est pas encore prononcé sur ce sujet.  Toutefois, à la lecture des arguments présentés au soutien de chaque position dans cette affaire et après avoir réfléchi et soupesé ces motifs, le juge soussigné estime qu'il y a lieu de rallier, la position dite majoritaire, quoique, comme il est précisé dans l'affaire Société des traversiers du Québec[9] : 

[17]      Ceci étant dit, la position minoritaire contient des arguments intéressants et qui ne sont pas dénués de fondement.

[…]

[19]      Toutefois, il s’agit là de l’effet de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles afin d’entériner cet accord et par souci de cohérence, le tribunal estime devoir se ranger derrière le courant qui est significativement majoritaire.

[25]        Une lecture des motifs présentés dans les décisions postérieures au soutien particulier d'un courant ou de l'autre n'apporte aucun éclairage nouveau au plan juridique.  Bref, les décisions rendues s'appuient sur l'un ou l'autre courant en reprenant essentiellement les mêmes éléments présentés dans l'affaire Centre Hospitalier de l’Université de Montréal - Pavillon Marcoux et CSST[10].

[26]        De l'avis du soussigné, il y a lieu de favoriser le courant majoritaire et de rendre à la décision faisant suite à un avis rendu par un membre du Bureau d'évaluation médicale toute la portée juridique qu'elle comporte puisqu'il s'agit de la décision finale, que rend le tribunal, avec tous les effets et les conséquences juridiques qu'elle entraîne.

[27]        Le soussigné partage entièrement le développement proposé dans l'affaire Centre de la Petite Enfance Gaminville[11], citée par le banc de trois juges administratifs lorsqu’il est rapporté que :

[436]    Enfin, dans une décision récente , la Commission des lésions professionnelles fait une revue des deux courants jurisprudentiels ayant cours à la Commission des lésions professionnelles et des arguments qui sous-tendent l’un et l’autre. Elle retient le courant majoritaire et elle justifie ce choix, entre autres, par l’effet juridique des décisions statuant sur les conséquences médicales d’une lésion professionnelle. Elle indique ce qui suit à ce sujet :

 

[24]      La soussignée souscrit toujours à l’interprétation retenue par le premier courant non seulement parce qu’elle est majoritaire, mais également en raison des motifs qui soutiennent cette approche.

 

[25]      Dans un cas comme en l’espèce, conclure autrement aurait pour effet de nier une décision finale de la Commission des lésions professionnelles qui vient faire rétroagir la date de consolidation et qui consolide la lésion, sans nécessité de traitements, sans atteinte permanente et sans limitation fonctionnelle.

 

[26]      Il est vrai qu’il ne faut pas conclure par automatisme et qu’il y a peut-être certaines circonstances où les visites demeurent en relation avec la lésion professionnelle. Toutefois, en général dans de telles situations, l’effet de cette décision finale implique que les visites médicales postérieures à la date de consolidation ne sont pas des prestations dues en raison de l’accident du travail.

 

[27]      Certes, ces visites médicales étaient initialement reliées à la lésion professionnelle d’ailleurs, tout comme les traitements reçus alors. Dans le présent dossier, les visites postérieures au 24 avril 2009 sont pour la grande majorité des consultations auprès du Dr Pontbriand, médecin traitant de la travailleuse, pour le suivi de la lésion professionnelle, et ce, jusqu’à ce qu’il produise son rapport d’évaluation médicale le 11 février 2010.

 

[28]      Cependant, lorsqu’une décision finale a pour effet de faire rétroagir la date de consolidation, la fin des traitements, de capacité et de fin des indemnités, dans le cas évidemment d’une lésion consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, il est difficile de conclure que les frais d’assistance médicale relatifs aux visites médicales sont toujours dus en raison de la lésion professionnelle.

 

[29]      Prenons un exemple dans le présent dossier. Le 2 juin 2009, la travailleuse consulte le Dr Pontbriand en raison de son entorse au poignet droit. Celui-ci maintient la prescription d’ergothérapie et d’acupuncture. À la suite de la décision de la Commission des lésions professionnelles déclarant la lésion professionnelle consolidée au 24 avril 2009, sans nécessité de traitements supplémentaires, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, la CSST retire du dossier de l’employeur les coûts des traitements reçus par la travailleuse.

 

[30]      Pourquoi le coût de la visite médicale au cours de laquelle les traitements en question sont prescrits demeure-t-il un coût relié à la lésion professionnelle ?

 

[31]      Dans Industries Plastique Transco ltée, la Commission des lésions professionnelles fait une distinction basée sur l’article 212 de la loi au motif que les services des professionnels de la santé ne sont pas un élément prévu à cette disposition pouvant faire l’objet de la procédure d’évaluation médicale :

 

[54]  Il faut certes donner un effet juridique à une décision finale statuant sur la date de consolidation de la lésion et la nécessité ou durée des soins et traitements. Toutefois, le tribunal est d’avis qu’une telle décision a une portée limitée. Elle ne peut inclure les services de professionnels de la santé puisqu’il ne s’agit pas là d’un élément pouvant faire l’objet d’une procédure d’évaluation médicale, aux termes des articles 199 et suivants de la loi. Seuls les éléments prévus à l’article 212 de la loi peuvent faire l’objet de cette procédure. En d’autres termes, une conclusion prononcée sur un élément de l’article 212 de la loi ne peut avoir pour effet direct de mettre fin à des services de professionnels de la santé prévus au chapitre portant sur l’assistance médicale.

 

[32]      Avec respect, la soussignée ne peut souscrire à cet argument de texte. Il faut donner un sens à la décision finale qui déclare la lésion professionnelle consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle et qui détermine la capacité de reprendre le travail. Pour reprendre l’expression utilisée dans Logistec Arrimage inc., dans une telle situation, la lésion est bouclée et les coûts reliés à l’assistance médicale postérieurs à cette date ne sont plus en relation avec la lésion professionnelle. Par conséquent, ils doivent être retirés du dossier de l’employeur.

[Références omises]

 

[437]    Le tribunal est donc d’avis qu’il faut donner un sens aux décisions finales cristallisant les conséquences médicales d’une lésion professionnelle et fixer à la date de la consolidation, sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, la responsabilité incombant aux employeurs en ce qui concerne les coûts relatifs aux visites médicales, à moins d’une preuve prépondérante spécifique permettant d’écarter un tel constat.

 

[Nos soulignements]

[28]        Certes, comme il est exprimé dans l'affaire Provigo Distribution inc.[12] :

[29]      La soussignée estime pour sa part que ces visites au médecin traitant font partie intégrante du mécanisme de contestation puisque sans un avis de ce professionnel de la santé, il ne saurait y avoir amorce du mécanisme de contestation médicale. Il est clair en effet que l’article 212 de la loi, notamment, ne réfère pas seulement aux formulaires de Rapport final ou de Rapport d’évaluation médicale, mais bien à tout rapport ou attestation produit par le médecin qui a charge. Ainsi, dans un esprit logique, il y a lieu également de conclure que les frais de ces visites médicales se doivent de demeurer facturées à l’employeur.

 

[30]      Le tribunal considère que la visite médicale appartient à un processus évolutif permettant à un employeur ou à la CSST d’enclencher les contestations médicales. La question de savoir si le soin est ou non toujours requis appelle pour sa part une réponse strictement médicale. Il y a donc lieu en définitive de distinguer le véhicule ou le moyen versus le résultat.

[29]        Toutefois, le soussigné considère que l'analyse du motif de ces visites médicales a déjà été accomplie lorsque le tribunal ou les parties, lors d'un accord menant à une décision rendue par un tribunal, déterminent quelle est la date de consolidation de la lésion professionnelle à retenir en fonction de cette preuve médicale. 

[30]        En conséquence, en statuant sur cette date de consolidation, le tribunal a tenu compte des motifs invoqués pour les consultations médicales alors requises et a retenu la preuve médicale qui permet de déterminer avec force probante qu'elle est la date de consolidation.  Cette date déterminée fait ainsi l'objet d'une conclusion juridique à laquelle il y a lieu d'accorder toute la portée voulue.  Comme le soutient la juge administratif Demers dans l'affaire Société terminaux Montréal Gateway[13] :

[36]      Le présent tribunal n’adhère pas au courant minoritaire, car il estime que celui-ci  restreint sans raison valable la portée de la décision finale qui a été rendue sur les conséquences de la lésion professionnelle visée et minimise les gains qui ont précédemment été obtenus par un employeur soit à la suite du processus d’évaluation médicale prévu aux articles 199 et suivants de la loi ou à la suite du processus de contestation prévu aux articles 358 et 359 de la loi. 

 

[37]      De fait, et contrairement à ce que laissent sous-entendre les tenants du courant minoritaire, le tribunal ne comprend pas pourquoi il devrait, dans de tels cas, présumer ou prendre pour acquis que toutes les visites médicales effectuées après la consolidation demeurent reliées à la lésion professionnelle alors que les rapports médicaux qui correspondent à ces visites et qui font état de l’avis du médecin qui a charge et des soins, traitements et autres recommandations qu’il suggère n’ont pas suffi à établir que la lésion professionnelle du travailleur était toujours active et nécessitait encore des soins et des traitements au-delà de la date de la consolidation antérieure proposée soit par le médecin de l’employeur, de la CSST ou du Bureau d’évaluation médicale.

 

[38]      Bref, le tribunal ne voit pas pourquoi il devrait prioriser au stade de l’imputation  l’avis du médecin qui a charge alors que celui-ci a dûment été écarté au stade de l’indemnisation.  Cela ne fait guère de sens, à ses yeux.   

 

[Nos soulignements]

[31]        Le soussigné adhère ainsi à ce mode de pensée.

[32]        Dans le présent dossier, l'examen conduit par le docteur Rioux, à l'origine de la demande de transfert du dossier auprès du Bureau d'évaluation médicale, est effectué le 15 juillet 2008, ce qui correspondra à la date retenue comme étant celle de la consolidation de la lésion professionnelle, et ce, à la suite d'un accord entériné par le tribunal.

[33]        Le tribunal constate que le rapport infirmé est celui du 16 juillet 2008 et que le 27 août 2008, le médecin qui a charge rédigeait un Rapport complémentaire, donnant ainsi lieu à l'avis rendu par le membre du Bureau d'évaluation médicale du 19 septembre 2008.

[34]        En accord avec le principe retenu par la jurisprudence, ces deux visites médicales, de même que les frais entourant l'avis rendu par le membre du Bureau d'évaluation médicale, doivent être imputés au dossier de l'employeur puisque ces visites visaient à recueillir les informations médicales nécessaires aux fins d'établir les conséquences de la lésion professionnelle, dont la date de consolidation à la suite des examens conduits par les médecins. 

[35]        Par ailleurs, puisque la lésion professionnelle est consolidée le 15 juillet 2008, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, il y a alors lieu de retirer du dossier d'imputation de l'employeur les autres visites médicales antérieures à l'examen du membre du Bureau d'évaluation médicale, soit celles du 6 août 2008 et du 4 septembre 2008, de même que celles figurant au dossier et postérieures à la date de l'examen conduit par le membre du Bureau d'évaluation médicale, soit le 19 septembre 2008.

[36]        Il importe également de rappeler que, dans le présent dossier, certaines visites médicales postérieures à l'avis du membre du Bureau d'évaluation médicale l'ont été dans un but de documenter la présence d'une récidive, rechute ou aggravation, laquelle a également été refusée.

[37]        Enfin, considérant que la travailleuse est devenue capable d'exercer son emploi à compter du 15 juillet 2008, le coût de l'indemnité de remplacement du revenu versée à la travailleuse devrait également être retiré du dossier d'imputation de l'employeur. 


PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête déposée par Hôpital Sainte-Justine ;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 17 juillet 2012, à la suite d’une révision administrative ;

DÉCLARE que le coût de l'indemnité de remplacement du revenu versée à madame Marie-Pier Dallaire après le 15 juillet 2008 ne doit pas être imputé au dossier d'Hôpital Sainte-Justine ;

DÉCLARE que le coût des visites médicales postérieures au 15 juillet 2008 ne doit pas être imputé au dossier d’Hôpital Sainte-Justine, à l'exception des visites du 16 juillet 2008, du 27 août 2008 et des frais engendrés pour obtenir un avis rendu par un membre du Bureau d'évaluation médicale lors de son examen du 19 septembre 2008.

 

 

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Robert Daniel

 

 

 

Me Isabelle Auclair

Monette, Barakett & Associés

Représentante de la partie requérante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           Hôpital Ste-Justine et Dallaire, C.L.P. 363297-64-0811, 23 mars 2011, S. Moreau.

[3]           Centre Hospitalier de l’Université de Montréal - Pavillon Marcoux et CSST, 2012 QCCLP 2553 .

[4]           Précitée, note 3.

[5]           Provigo Québec inc. (Div. Loblaws), 2012 QCCLP 3806 .

[6]           Précitée, note 3.

[7]           Soit plus d'une vingtaine de décisions.

[8]           Association des employeurs maritimes inc. 2012 QCCLP 5070  ; Service d'entretien Distinction inc. 2012 QCCLP 5263  ; Provigo Distribution inc., 2012 QCCLP 3498  ; Provigo Québec inc. (Division Loblaws), 2012, QCCLP 3783 ;  CSSS Bordeaux-Cartier-St-Laurent, 2012 QCCLP 4495  ;  Ville de Montréal (Arrondissement Villeray/St-Michel/Parc-Extension), 2012 QCCLP 5518 .

[9]           Société des traversiers du Québec, 2012 QCCLP 7042 .

[10]         Précitée, note 3.

[11]         Centre de la Petite Enfance Gaminville, 2011 QCCLP 763 .

[12]         Précitée, note 8.

[13]         Société terminaux Montréal Gateway, 2012 QCCLP 6621 .

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