Décision

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Modèle de décision CLP - juillet 2015

Syndicat des pompiers du Québec, section locale Sainte-Thérèse et Ste-Thérèse (Ville de)

2016 QCTAT 2928

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL

Division des services essentiels

 

 

Région :

Montréal

 

Dossiers :

CM-2015-6391  CM-2016-2551

 

Dossier d’accréditation :

AM-1002-9325

 

Montréal

le 16 mai 2016

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE :

France Giroux

______________________________________________________________________

 

 

CM-2015-6391

CM-2016-2551

 

 

Syndicat des pompiers du Québec

Ville de Sainte-Thérèse

section locale Sainte-Thérèse

Partie demanderesse

Partie demanderesse

 

c.

c.

 

Ville de Sainte-Thérèse

Syndicat des pompiers du Québec

Partie défenderesse

section locale Sainte-Thérèse

 

Stéphane Chartrand

Alexandre David

Maxime Gravelle

Rock Dumoulin

 

Parties demanderesses

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 3 mars 2016, le Syndicat des pompiers du Québec, section locale
Sainte-Thérèse (le syndicat) dépose une demande d’intervention amendée en vertu des articles 111.16 à 111.18 du Code du travail[1] (le Code), afin que la Ville de Sainte-Thérèse (la Ville) cesse d’empêcher les pompiers d’exécuter les activités de prévention en raison du port du t-shirt syndical. Une première demande avait été déposée le 15 septembre 2015, mais le dossier a été mis sine die à la demande du syndicat.

[2]           Le litige survient à nouveau au printemps 2016, puisqu’il s’agit de la période de l’année où les activités de prévention reprennent.

[3]           Selon le syndicat, ces activités de prévention font partie de la prestation normale et habituelle de travail des pompiers. Il prétend que la décision de la Ville constitue un lock-out interdit par le Code, car elle a pour conséquence de priver les citoyens des services auxquels ils ont droit.

[4]           Le 25 avril 2016, la Ville dépose également une demande d’ordonnance en vertu des mêmes articles du Code alléguant que les membres du syndicat exercent un moyen de pression qui porte ou est susceptible de porter préjudice à un service auquel le public a droit.

[5]           La Ville fait valoir que le port du t-shirt syndical, qui s’ajoute cette fois au port du pantalon de camouflage, ne permet plus d’identifier de façon sécuritaire les pompiers qui sont en contact avec les citoyens. Elle demande au Tribunal d’ordonner aux pompiers de porter la chemise ou le polo fournit par le Service de sécurité incendie lorsqu’ils sont en contact avec les citoyens.

[6]           La Ville considère que le respect de cette exigence est essentiel pour des raisons de sécurité, car, lors des visites de prévention à domicile, le citoyen peut en refuser l’accès en l’absence d’identification du pompier. Il met ainsi en danger sa sécurité puisque ces visites visent à s’assurer du bon fonctionnement des avertisseurs de fumée.

[7]           Le syndicat soutient que le port du t-shirt syndical affichant un logo quant à leur revendication est le seul moyen de pression disponible pour exprimer le mécontentement des pompiers au gouvernement et aux élus municipaux et pour solliciter le soutien des citoyens. Ils exercent ainsi leur liberté d’expression garantie par l’article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne[2] (la Charte), et ce, dans un contexte où le droit de grève est prohibé.

[8]           Le 1er janvier 2016, la Loi instituant le Tribunal administratif du travail[3] est entrée en vigueur. Cette loi crée le Tribunal administratif du travail qui assume, entre autres, les compétences de la Commission des relations du travail (la Commission). En vertu de l’article 261 de cette loi, toute affaire pendante devant celle-ci est continuée devant la division compétente du Tribunal administratif du travail.

les faits

[9]           La Ville est une ville au sens de la Loi sur les cités et les villes[4] qui gère un Service de sécurité incendie pour une population d’environ 28 000 habitants.

[10]        Le Service de sécurité incendie a pour mission d’assurer la protection de la population en cas d’incendies ou autres sinistres et mise essentiellement sur trois moyens pour y parvenir : prévenir, intervenir et secourir.

[11]        Le syndicat est accrédité depuis 1998 et représente « tous les pompiers à temps partiel de la Ville de Sainte-Thérèse ».

[12]        En 2016, la Ville compte 39 pompiers, 1 préventionniste et 8 lieutenants qui sont couverts par l’unité de négociation.

[13]        Leur convention collective est expirée depuis le 30 juin 2015, mais les conditions de travail continuent de s’appliquer jusqu’à son renouvellement.

[14]        En décembre 2014, le Gouvernement du Québec adopte la Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal[5] (la Loi 15). Cette loi, tout comme le projet de Loi 3 qui l’a précédée, a donné lieu à l’exercice de divers moyens de pression dans l’ensemble du monde municipal, notamment par les pompiers de la Ville.

[15]        Selon le syndicat, il n’y a pas eu, en date du 1er mars 2016, de rencontre du comité du régime de retraite de la Ville, malgré le calendrier restrictif prévu à la Loi 15 et plusieurs demandes faites par le syndicat.

Les activités de prévention

[16]        Stéphane Dufour est chef de division, intervention et projets spéciaux. Il explique que les activités de prévention exécutées par les pompiers tiennent compte du niveau de risque associé au type de bâtiment. Ainsi, le schéma de couverture de risques en sécurité incendie utilisé par la Ville distingue les quatre catégories de risques suivantes :

1. Les bâtiments de deux étages et moins;

2. Ceux de plus de deux étages et moins de six logements;

3. Les bâtiments commerciaux;

4. Les bâtiments à risque comme les hôpitaux, CLSC, écoles, résidences pour personnes âgées ou utilisant des produits chimiques.

 

[17]        Dans les bâtiments de catégories 1 et 2, les pompiers effectuent des visites de prévention à domicile. Dans ceux de catégories 3 et 4, à risque plus élevé, ils procèdent à des exercices d’évacuation et colligent de l’information sur ces édifices afin de mettre à jour leur « plan d’attaque » advenant une intervention urgente.

Les visites de prévention à domicile

[18]        Les visites de prévention à domicile se déroulent de mai à octobre et, chaque année, un échantillonnage de résidences est visité par les pompiers. Ces visites permettent de vérifier la sécurité des lieux, le bon fonctionnement de l’avertisseur de fumée et que les issues ne sont pas obstruées.

[19]        Alexandre David est pompier et secrétaire du syndicat. Il explique que les six pompiers de l’équipe de garde se déplacent dans des rues déjà identifiées. Par groupe de deux, ils visitent les résidences des deux côtés de la rue pendant que les deux autres restent dans les camions de pompiers garés à proximité. En effet, si une intervention urgente est nécessaire, tous les équipements sont sur place, soit les camions pompe et d’élévation et les habits de combat.

[20]        À l’occasion des visites à domicile, les pompiers se présentent normalement vêtus de leur uniforme réglementaire, l’un des deux porte à la main un radio émetteur portatif leur permettant de rester en contact avec le camion qui les accompagne et chacun d’eux a son téléavertisseur. L’un d’eux a un « pad » en métal pour compléter le formulaire de Rapport de visite de prévention résidentielle sur lequel apparaît le logo du Service de sécurité incendie et celui de la Ville. Ce rapport est remis au citoyen ainsi qu’à leur
état-major.

[21]        L’autre pompier transporte des piles et des avertisseurs de fumée, pour ceux qui n’en ont pas, qui sont offerts et installés au besoin. Ils ont également des brochures qui sont remises aux citoyens concernant, par exemple, les risques associés au monoxyde de carbone, au gaz propane ou naturel.

[22]        Depuis le début de septembre 2014 et jusqu’au 12 septembre 2015, les pompiers ont effectué les visites de prévention à domicile sans porter l’uniforme réglementaire. Ils étaient vêtus d’un pantalon de camouflage et du t-shirt syndical rouge fourni par la Coalition pour la libre négociation (la Coalition). Ce t-shirt ne portait aucune inscription indiquant qu’ils étaient pompiers de la Ville.

[23]        Des objectifs sont fixés annuellement pour le nombre de visites de prévention, mais le niveau d’atteinte des objectifs s’évalue sur une période de cinq ans, puisque les pompiers doivent répondre avant tout aux interventions d’urgence.

Les évacuations d’écoles ou autres bâtiments

[24]        Les exercices d’évacuation sont planifiés à l’avance et gérés par la préventionniste qui se trouve sur les lieux et qui coordonne l’évacuation. Les pompiers sont affectés à des étages pour faciliter la sortie des gens et peuvent être accompagnés par du personnel de l’établissement, notamment dans les écoles. Ils portent avec eux un radio émetteur afin d’informer la préventionniste lorsque l’évacuation de leur étage est terminée. Ils se rassemblent à la fin de l’exercice. De plus, ils se déplacent sur les lieux avec leurs camions et leurs équipements, au cas où ils devraient intervenir d’urgence.

[25]        Enfin, les pompiers participent à des journées portes ouvertes à la caserne et sensibilisent les jeunes à l’importance de la prévention incendie.

Les moyens de pression exercés

[26]        Alexandre David affirme que les divers moyens de pression utilisés depuis le début du conflit n’ont pas affecté le service à la population. Ils ont cessé le lavage extérieur des véhicules, apposé des autocollants sur ceux-ci, porté le pantalon de camouflage et, de septembre 2014 à août 2015, vêtu le t-shirt rouge de la Coalition.

[27]        Alexandre David précise que, pour la période de mai à septembre 2015, la presque totalité des pompiers portait le t-shirt rouge pour toutes les activités de prévention auprès des citoyens.

[28]        À partir de septembre 2015, le syndicat introduit cependant un nouveau t-shirt syndical jaune fluo.

[29]        Ce t-shirt comporte sur le devant, à gauche, l’inscription « pompier Ville de Sainte-Thérèse » et au dos, deux inscriptions, l’une en haut « Loi 15 Sainte-Thérèse Toujours pleins… d’excuses » et l’autre en bas « Assez, c’est assez », avec, au milieu du dos, le visage d’un pompier en colère, pointant du doigt et portant un casque rouge.  

[30]        Alexandre David explique que les membres du syndicat ont convenu que les pompiers en période d’essai et la préventionniste continueraient toutefois de porter l’uniforme. Les premiers, puisqu’ils sont évalués et la seconde, car elle donne des constats et des amendes à des citoyens, situation qui peut occasionner des réactions de colère.

[31]        Richard Grenier est le directeur du Service de sécurité incendie depuis juillet 2007. Il explique que la Ville tolère le port du pantalon de camouflage et des shorts et même le t-shirt syndical rouge à la journée porte ouverte de la caserne en septembre 2014. Cela a d’ailleurs donné lieu à une certaine confusion, les citoyens s’adressant davantage aux étudiants pompiers en uniforme venus les aider plutôt qu’aux pompiers portant le t-shirt rouge. De plus, il ajoute qu’au début, le t-shirt rouge n’était pas porté par l’ensemble des pompiers, mais admet qu’il s’est peu à peu généralisé.

[32]        Toutefois, à partir de mai ou juin 2015, il affirme avoir reçu des plaintes des citoyens qui ont amené la Ville à revoir sa position. Par conséquent, il a fait plusieurs rappels, par courriel, pour exiger le port de l’uniforme.

[33]        Ainsi, le 14 juillet 2015, il écrit au président du syndicat; le 20 juillet 2015, à tous les lieutenants et leurs remplaçants; le 27 août 2015, à tout le personnel et à nouveau le 10 septembre 2015, avant la journée porte ouverte de la caserne. Dans chaque courriel, il exige que les pompiers portent la chemise ou le polo du Service pour les activités de prévention qui les mettent en contact avec les citoyens, et plus spécifiquement lors des visites à domicile.

[34]        Le port de l’uniforme, dit-il, est exigé selon la directive administrative (DA 09-004) qui prévoit notamment :

2.09 Le membre qui déroge à cette directive peut être retourné à son domicile afin de corriger la situation, et ce, sans rémunération.

[…]

2.11 Pour la période du 1 mai au 30 septembre où le membre peut être en contact avec le public, le port de la chemise à manches courtes ou du polo est requis.

[35]        La chemise à manches courtes réglementaire affiche sur les épaules l’effigie de la Ville, avec pour inscription « Sainte-Thérèse Sécurité Incendie » alors que sur le polo, il est situé sur le devant, à gauche.

[36]        Selon lui, le fait que les pompiers ne soient pas identifiés au moins avec le haut de la tenue réglementaire présente le risque que le citoyen refuse d’ouvrir sa porte lors des visites à domicile en raison d’absence d’identification.

le port du nouveau t-shirt et Les incidents de septembre 2015

L’incident du 12 septembre 2015

[37]        Le nouveau t-shirt jaune est porté la première fois le 12 septembre 2015 dans le cadre de la journée porte ouverte à la caserne. Une dizaine de pompiers se présentent et sont tout de suite rencontrés par Richard Grenier et Normand Lafleur, chef de division, prévention.

[38]        Ces derniers les informent que leur présence n’est plus requise, car ils persistent à porter le t-shirt jaune malgré le courriel du 10 septembre. Ils sont retournés chez eux sans rémunération. Trois pompiers en période d’essai restent sur place en uniforme.

[39]        Alexandre David affirme que le syndicat a donné le mot d’ordre de se présenter à la caserne si une intervention urgente le nécessitait, malgré, dit-il, l’ordre inverse donné par Richard Grenier.

[40]        À la suite d’un appel général fait aux pompiers pour remplacer l’équipe de garde suspendue, aucun remplaçant ne s’est manifesté, alors qu’en moyenne, il y a cinq pompiers qui répondent, selon Stéphane Dufour.

[41]        Ce même jour, deux interventions d’urgence ont lieu auxquelles ont participé des cadres de la Ville et le pompier en formation. Comme l’une d’elles implique de la fumée, un appel en renfort des pompiers de Blainville a été fait, mais ils ne se sont finalement pas rendus sur les lieux.

[42]        Selon les cartes d’appel déposées, le temps de réponse des cadres est comparable à celui des pompiers déjà appelés sur les mêmes lieux. Stéphane Dufour affirme que la décision de la Ville n’a eu aucun impact sur le service rendu à la population.

L’incident du 14 septembre 2015

[43]        Le t-shirt syndical est porté à nouveau par les pompiers le 14 septembre 2015 lors d’un exercice d’évacuation dans une école. Ils ont par la suite quitté les lieux pour effectuer leurs visites de prévention à domicile.

[44]        Richard Grenier les a rejoints sur la rue visitée et exigé qu’ils rentrent à la caserne où ils ont été retournés chez eux dans les mêmes conditions et pour la même raison. De 14 h 30 à 17 h, l’équipe de garde n’a pas été remplacée, sauf le pompier en période d’essai qui est resté.

[45]        À partir du 15 septembre 2015, la direction a refusé que les pompiers exécutent toutes activités de prévention en raison du port du t-shirt syndical. Les visites à domicile ont cessé, mais Richard Grenier affirme que les objectifs annuels étaient de toute façon atteints alors que pour Alexandre David et Carl Corriveau, pompier à la Ville, quelques adresses restaient encore à vérifier. Richard Grenier ajoute que les cadres et la préventionniste ont complété un ou deux exercices d’évacuation qui étaient programmés.

Les plaintes reCues

[46]        Richard Grenier affirme avoir été informé par Stéphane Dufour et Ghislain Fournier, qui n’a pas témoigné, que le Service de sécurité incendie avait reçu trois plaintes de citoyens institutionnels : une de l’Académie Sainte-Thérèse, une autre de la polyvalente de Sainte-Thérèse et une de l’entreprise Packard.

[47]        Richard Grenier a également été informé par les chefs de division que la secrétaire du Service a reçu des appels de citoyens. Il ne peut cependant pas dire exactement ce qui a été dit et ignore s’il s’agissait d’une demande d’information de leur part ou d’une plainte formelle. Il n’a jamais reçu de plainte écrite d’un citoyen.

[48]        Normand Lafleur est chef de division, prévention et opérations. Il affirme que la population de la Ville est assez âgée et doit être rassurée. Il ne sait pas si les plaintes reçues par téléphone étaient faites par des personnes âgées ou par des organismes qui les représentent. Il ne connaît pas les noms des employés du Service qui ont reçu des plaintes par téléphone ni ceux des citoyens qui les ont faites. Il ne connaît pas le nombre de plaintes reçues, mais affirme en avoir reçu au moins une. Celle-ci visait, selon lui, à confirmer si c’était des pompiers qui passaient sur la rue, car cela n’était pas clair. Cette information lui a été transmise par Ghislain Fournier qui n’a pas témoigné.

[49]        En mai 2015, Stéphane Dufour affirme avoir entendu, lors d’un exercice d’évacuation, la directrice adjointe de l’Académie Sainte-Thérèse dire « qu’elle n’acceptait pas vraiment que les pompiers ne portent pas l’uniforme pour une question de sécurité ». Il ne se souvient pas de son nom.

[50]        Questionné à savoir s’il s’agissait d’une plainte, Stéphane Dufour répond négativement. Il affirme lui avoir expliqué qu’il s’agissait d’un moyen de pression pour les pompiers et celle-ci lui a répondu que cela « n’était pas un bon modèle pour les jeunes et que les pompiers n’avaient pas l’air de prendre leur métier à cœur ». Elle n’a jamais dit que les pompiers ne faisaient pas du bon travail ni qu’ils n’étaient pas courtois lors de l’exercice.

[51]        Normand Lafleur affirme avoir reçu une plainte similaire, fin mai ou début juin 2015, de la part d’une employée-cadre à la direction générale de la polyvalente où il participait à un exercice d’évacuation.

[52]        Il ne connaît ni son nom ni son titre et celle-ci lui a dit que le t-shirt jaune créait un sentiment d’insécurité chez le personnel. Dans les écoles, dit-il, la politique prévoit que tous ceux qui y circulent sont étroitement surveillés et elle déplorait que leurs habits ne permettaient pas de les identifier.

[53]        Contre-interrogé, Normand Lafleur convient que les pompiers étaient accompagnés par le personnel de l’école sur les étages et qu’ils portaient leur radio émetteur portatif. De plus, selon lui, le personnel de l’école savait qu’ils étaient des pompiers. Enfin, il ajoute qu’en 2015, les professeurs portaient eux aussi des chandails comme moyen de pression.

[54]        Les cadres de la direction du Service de sécurité incendie qui ont témoigné affirment ne pas avoir donné d’instructions au personnel afin de rassurer les gens qui appelaient. Toutefois, c’est à ce moment que la décision a été prise, d’abord d’envoyer des courriels et ensuite, d’interrompre toutes les activités de prévention effectuées par les pompiers à partir du 15 septembre 2015.

Les risques à poursuivre les activités de prévention

[55]        Selon les cadres de la Ville qui ont témoigné, les pompiers ne sont plus identifiables avec la combinaison de deux moyens de pression, le pantalon de camouflage et le t-shirt syndical, sans effigie formelle de la Ville. De plus, la Ville ne fournit plus de carte d’identité avec photo et comme le port de celle-ci n’est pas obligatoire, certaines sont expirées, comme c’est le cas de celle d’Alexandre David qui expirait en 2006.

[56]        De plus, ajoutent-ils, si les camions de pompiers peuvent être stationnés en face des résidences, ils peuvent aussi être garés plus loin sur d’autres pâtés de maisons pour ne pas bloquer la circulation. Le 14 septembre 2015, lorsque Richard Grenier a rejoint les pompiers pour leur demander de retourner à la caserne, les camions de pompiers étaient garés sur la rue où s’effectuaient les visites à domicile.

[57]        Selon Alexandre David, les camions de pompiers sont soit à proximité, soit devant la résidence visitée, car les chauffeurs doivent les suivre au cas où une urgence survenait. Il affirme que jamais au cours de la saison de prévention 2015, alors qu’il portait le t-shirt syndical rouge, un citoyen lui a demandé de présenter sa carte d’identification. Tous les exercices d’évacuation d’école ont aussi été faits avec le t-shirt rouge depuis mai 2015, sans qu’aucun problème ne soit soulevé. Il n’a reçu aucune plainte de quiconque.

[58]        Carl Corriveau, pompier à la Ville, affirme aussi n’avoir jamais reçu de commentaire négatif quant au port du t-shirt. Il estime que les activités de prévention ont cessé près d’un mois avant la fin habituelle de la saison des activités de prévention, puisque, dit-il, le mois d’octobre est celui de la prévention des incendies.

Les statistiques sur les visites à domicile.

[59]        Normand Lafleur explique qu’en l’absence de chemise ou de polo permettant d’identifier les pompiers, le Service de sécurité incendie ne peut pas savoir combien de citoyens refusent tout simplement d’ouvrir leur porte, alors que la prévention aurait pu prévenir un incident. Richard Grenier ajoute qu’une seule porte non ouverte peut ainsi avoir des conséquences fatales, qu’une visite aurait pu éviter.

[60]        Normand Lafleur dépose le tableau des visites de prévention à domicile entre 2011 et 2015 qui indique notamment les données suivantes :

·         nombre de portes visitées par année;

·         nombre de portes où le citoyen ne répond pas, soit « absent »;

·         nombre de portes où le citoyen est présent;

·         nombre de portes où le citoyen refuse la visite après avoir ouvert la porte.

[61]        Pour l’année 2015, ces données ont été colligées alors que les pompiers portaient le t-shirt syndical rouge et le pantalon de camouflage pour effectuer leurs visites de prévention à domicile, ainsi que les autres équipements énumérés précédemment.

[62]        Les taux de refus sont les mêmes pour les années 2014 et 2015 et sont les suivants au fil des ans : 8 % en 2012, 5 % en 2013 et 6 % en 2014 et en 2015.

[63]        Quant au pourcentage de citoyens présents, du moins ceux qui ont ouvert leur porte, il reste sensiblement le même au fil des ans et comparable entre 2014 et 2015, soit 46 % en 2012, 47 % en 2013, 42 % en 2014 et 41 % en 2015.

[64]        Contre-interrogé, Alexandre David affirme que les pompiers ne connaissent pas les raisons amenant un citoyen à ne pas ouvrir sa porte, sauf s’il est absent. Quant à ceux qui refusent de les laisser entrer après avoir ouvert, il témoigne que les motifs invoqués sont liés aux soins à donner aux enfants, au souper ou à des activités familiales en cours. Le t-shirt rouge n’a jamais été un motif de refus et certains ont même exprimé leur soutien aux pompiers.

Les motifs

[65]        Dans notre affaire, deux questions sont en litige.

[66]        Est-ce que, comme le prétend la Ville, le port du t-shirt syndical par les pompiers, combiné au pantalon de camouflage, porte préjudice ou est susceptible de porter préjudice à un service auquel le public a droit, en l’occurrence l’exécution des activités de prévention?

[67]        Quant à la prétention du syndicat, est-ce que la décision de la Ville d’interrompre toutes activités de prévention exécutées par les pompiers à partir du 15 septembre 2015 constitue un lock-out illégal qui porte préjudice ou est susceptible de porter préjudice à un service auquel le public a droit?

Le cadre juridique

[68]        En matière de services essentiels, le Tribunal exerce sa compétence différemment selon qu’il s’agit de l’exercice légal ou illégal du droit de grève ou de moyens de pression. Lorsque la grève est légale, le Tribunal s’assure que des services essentiels suffisants sont fournis à la population pour éviter que la santé ou la sécurité du public ne soient mises en danger durant la grève.

[69]        Il en est autrement lorsqu’il s’agit d’un conflit qui survient en dehors de l’exercice légal du droit de grève ou, comme en l’espèce, lorsque le droit de grève est interdit, comme le prévoit l’article 105 du Code en ce qui concerne les pompiers.

[70]        Dans ce cas, le Tribunal doit s’assurer que le public reçoit le service auquel il a droit ou qu’il n’est pas susceptible d’en être privé.

[71]        Pour exercer ses pouvoirs de redressement qui sont établis aux articles 111.16, 111.17 et 111.18 du Code, le Tribunal doit déterminer s’il existe un conflit entre les parties, si ce conflit se traduit par des actions concertées et, finalement, si ces actions concertées portent préjudice ou sont vraisemblablement susceptibles de causer préjudice à un service auquel la population a droit.

[72]        Les dispositions pertinentes du Code se lisent comme suit :

105. Toute grève est interdite en toute circonstance aux policiers et pompiers à l'emploi d'une municipalité ou d'une régie intermunicipale.

[…]

111.16. Dans les services publics et les secteurs public et parapublic, le Tribunal peut, de sa propre initiative ou à la demande d'une personne intéressée, faire enquête sur un lock-out, une grève ou un ralentissement d'activités qui contrevient à une disposition de la loi ou au cours duquel les services essentiels prévus à une liste ou une entente ne sont pas rendus.

[…]

111.17. Si il estime que le conflit porte préjudice ou est vraisemblablement susceptible de porter préjudice à un service auquel le public a droit ou que les services essentiels prévus à une liste ou à une entente ne sont pas rendus lors d'une grève, le Tribunal peut, après avoir fourni aux parties l'occasion de présenter leurs observations, rendre une ordonnance pour assurer au public un service auquel il a droit, ou exiger le respect de la loi, de la convention collective, d'une entente ou d'une liste sur les services essentiels.

[…]

111.18. Le Tribunal peut, de la même manière, exercer les pouvoirs que lui confèrent les articles 111.16 et 111.17 si, à l'occasion d'un conflit, il estime qu'une action concertée autre qu'une grève ou un ralentissement d'activités porte préjudice ou est susceptible de porter préjudice à un service auquel le public a droit.

(soulignement ajouté)

 

[73]        Pour décider s’il y a préjudice ou si l’action concertée est susceptible de causer un préjudice à un service auquel le public a droit, le Tribunal doit apprécier les faits mis en preuve et utiliser le critère de la personne raisonnable.

[74]        Les parties ont admis l’existence d’un conflit qui découle de la négociation collective en cours et de la contestation de la Loi 15.

[75]        Les parties ont également admis l’action concertée quant au port du t-shirt jaune depuis le 15 septembre 2015.

Le respect des droits fondamentaux

[76]        Le syndicat plaide que le t-shirt syndical est porté dans le cadre d’un conflit de travail et que ce moyen de pression relève du droit à la liberté d’expression, d’autant plus que les pompiers sont dépourvus du droit de grève. Il soumet l’arrêt S.D.G.M.R., section locale 558 c. Pepsi-Cola Canada Beverages (West) Ltd.[6], dans lequel la Cour suprême réitère l’importance de la liberté d’expression en matière de relations du travail, et ce, après avoir interprété largement la notion de piquetage.

[77]        Il plaide également l’affaire Montréal (Communauté urbaine de) c. Fraternité des policiers et policières de la Communauté urbaine de Montréal inc.[7], dans laquelle la Cour d’appel concluait qu’en interdisant tout moyen de pression ou toute action concertée, les ordonnances du Conseil des services essentiels (le Conseil) constituaient une violation des libertés fondamentales. Le juge Proulx s’exprimait ainsi :

Un groupe de policiers, dans le cadre d'une négociation d'une convention collective, peut très bien faire connaître publiquement sa contestation de la position de l'employeur en recourant de façon paisible et pacifique (est-il nécessaire de le dire) à certains moyens de pression légaux ou à des actions qui, de leur nature, sont «concertées». Nous nous situons ici dans l'exercice des libertés d'opinion, d'expression et d'association qui sont garanties par les Chartes canadienne et québécoise.

Toutefois, dans la mesure où en l'espèce elles interdisent tout moyen de pression ou toute action concertée, les ordonnances du Conseil constituent une violation flagrante de libertés fondamentales. En pareil cas de violation de la Charte, le Conseil excède sa compétence et sa décision est nulle et sans effet; ou encore, on peut dire que ces ordonnances constituent une interprétation manifestement déraisonnable des pouvoirs que la loi accorde au Conseil. Dans un cas comme dans l'autre, le recours en révision judiciaire devenait le remède approprié.

(soulignement ajouté, référence omise)

La présence d’un lock-out

[78]        Le syndicat soutient qu’en empêchant les pompiers d’exercer leur prestation normale et habituelle de travail, c’est-à-dire les activités de prévention, la Ville a exercé un lock-out illégal, portant atteinte au service auquel le public a droit.

[79]        Le Code définit le lock-out à l’article 1, paragraphe h) :

«lock-out»: le refus par un employeur de fournir du travail à un groupe de salariés à son emploi en vue de les contraindre à accepter certaines conditions de travail ou de contraindre pareillement des salariés d'un autre employeur;

(soulignement ajouté)

APPLICATION DES PRINCIPES AUX FAITS

Le lock-out

[80]        Sommes-nous ou non en présence d’un lock-out illégal, comme le prétend le syndicat?

[81]        En l’espèce, la preuve ne permet pas de conclure que la décision de la Ville d’interrompre les activités de prévention faites par les pompiers en raison du port du
t-shirt syndical est motivée par une quelconque intention de les contraindre à accepter des conditions de travail, comme le prévoit le Code.[8]

[82]        Les motifs à l’origine de cette décision sont d’un autre ordre. En fait, la Ville estime que l’absence d’identification des pompiers, induit par le port combiné d’un pantalon de camouflage et d’un t-shirt syndical, porte ou est susceptible de porter préjudice au service de prévention offert aux citoyens, dans la mesure où ces derniers risquent de refuser leur intervention alors que celle-ci vise à rendre conforme et sécuritaire leur domicile.

[83]        Le Tribunal rejette donc la demande d’ordonnance du syndicat visant à déclarer que la Ville a exercé un lock-out illégal.

[84]        Afin de disposer de la demande d’intervention de la Ville, il reste à déterminer si le port du t-shirt syndical, combiné au pantalon de camouflage, porte ou non préjudice ou est susceptible ou non de le faire, à un service auquel le public a droit.

Le port du t-shirt syndical lors des activités de prévention

[85]        Le port du t-shirt syndical est un geste posé par les pompiers dans le cadre d’un conflit de travail ayant trait au renouvellement de leur convention collective et aux modifications apportées par la Loi 15 aux régimes de retraite à prestations déterminées du monde municipal. Ce geste vise à exprimer leur mécontentement et à faire valoir publiquement leur opposition.

[86]        La présente affaire a ceci d’inusité que la situation en litige est similaire à celle qui prévalait entre mai et septembre 2015, puisque les pompiers portaient déjà à cette époque à la fois un pantalon de camouflage et un t-shirt syndical. De plus, en 2015, le
t-shirt rouge, à l’inverse du jaune, n’affichait pas l’inscription qui apparaît maintenant sur le devant du t-shirt : « pompiers, Ville de Sainte-Thérèse ».

[87]        Or, pour l’année 2015, l’analyse des données disponibles ne démontre pas qu’un préjudice a été causé à un service auquel le public a droit.

[88]        En effet, le taux de refus des citoyens lors des visites à domicile de 2015 est identique à celui de 2014, soit 6 %, ce qui est par ailleurs similaire à ceux de 2012 et de 2013 fixés respectivement à 8 % et à 5 %.

[89]        La preuve révèle que l’exercice de ce moyen de pression n’a donc aucunement influé sur le taux de refus des citoyens.

[90]        Quant au pourcentage des citoyens qui ont été comptabilisés comme étant présents, c’est-à-dire ayant ouvert leur porte aux pompiers, il se situe à 41 % en 2015, soit un pourcentage similaire à celui obtenu en 2014 établi à 42 %. L’écart de 1 % entre les deux années est le même que celui observé entre les années 2012 et 2013 où le pourcentage de citoyens présents se situait respectivement à 46 % et 47 %.

[91]        Par conséquent, bien que ce moyen de pression soit exercé sur l’une des activités importantes de la mission du Service de sécurité incendie, la preuve démontre qu’il n’a eu aucun impact en 2015 sur le taux de refus ou le pourcentage des portes ouvertes.

[92]        De surcroit, les cadres confirment, par leur témoignage, que les objectifs de visites de prévention à domicile ont été atteints en 2015, de même que les exercices d’évacuation.

[93]        Quant aux plaintes reçues, la preuve n’est pas convaincante ni probante. Les plaintes sont non écrites, leurs auteurs restent non identifiés, elles ont souvent été rapportées et non transmises directement dans le cas des plaintes des citoyens et même leur contenu véritable n’a pas pu être mis en preuve.

[94]        Quant à celles provenant de citoyens institutionnels, il s’agit davantage d’opinion subjective émise par les cadres de deux écoles et non de critiques formulées dans le but de se plaindre du service rendu par les pompiers.

[95]        En effet, selon la preuve prépondérante, rien ne permet de douter que les personnes portant un t-shirt rouge, avec en leur possession un radio émetteur portatif, réparties sur les étages, accompagnées du personnel de l’école dans le cadre d’un exercice d’évacuation déjà planifié, n’étaient pas des pompiers et que l’absence de leur uniforme réglementaire affectait la sécurité du personnel.

[96]        Quant au commentaire voulant que ce moyen de pression n’était pas « un bon modèle offert aux jeunes », il s’agit d’une pure opinion, par ailleurs sans effet sur le service offert puisque la preuve indique que les exercices d’évacuation se sont toujours bien déroulés dans les deux écoles.

[97]        D’ailleurs, en ce qui a trait à l’image que projetterait les pompiers et son impact sur la confiance des citoyens envers le Service de sécurité incendie, il est utile de reprendre les propos de la Commission des relations du travail dans Ville de Châteauguay c. Fraternité des policiers de Châteauguay inc.[9] qui disposait de cet argument dans un contexte où les moyens de pression des policiers pouvaient affecter l’image du Service de police de la ville :

[103] Finalement, en ce qui concerne l’argument voulant que cette action concertée mine la confiance et la crédibilité que requiert la fonction policière et entache l’image du Service de police de la Ville, il n’appartient pas à la Commission de se saisir de cette question dans la mesure où le service à la population n’est pas affecté. Il reviendra éventuellement au Commissaire à la déontologie et à l’arbitre de griefs de régler ces questions.

(soulignement ajouté)

[98]        Par conséquent, la preuve ne démontre pas, à ce jour, un quelconque préjudice à la suite de l’action concertée impliquant le port du t-shirt rouge en ajout au pantalon de camouflage.

[99]        Reste à savoir si, pour l’année 2016, ce moyen de pression est susceptible de porter préjudice aux activités de prévention et si cela transparaît de l’analyse globale et de l’appréciation de la preuve.

[100]     La Commission des relations du travail dans Ville de Trois-Rivières c. Association des policiers-pompiers de la Ville de Trois-Rivières[10] établit le cadre d’analyse suivant pour apprécier la survenance possible d’un préjudice :

[32] « Susceptible de porter préjudice » signifie qu’il y a une probabilité suffisamment sérieuse que les communications soient perturbées, ce qui justifierait alors une intervention pour éviter le préjudice au service de sécurité publique, service auquel la population trifluvienne a droit.

 

[33] Pour que la Commission intervienne, il doit d’abord y avoir le constat d’une situation préjudiciable, c’est-à-dire qu’un lien entre l’action concertée et la non-prestation du service doit être établi. Ensuite, il faut qu’il soit raisonnable d’anticiper la survenance du préjudice, s’il n’y a pas intervention immédiate de la Commission ou engagement des personnes impliquées de faire ce qui est nécessaire ou s’abstenir de faire certaines actions pour assurer le maintien du service.

(soulignement ajouté)

[101]     Or, comme la preuve n’a démontré aucun effet de l’action concertée sur le déroulement des activités de prévention au cours de l’année 2015, il n’apparaît pas raisonnable d’en anticiper un pour l’année 2016. Il faut plus qu’une inquiétude pour que le Tribunal estime que l’action concertée est susceptible de porter préjudice au service auquel le public a droit, mais une probabilité suffisamment sérieuse que la preuve n’a pas établie en l’espèce.

[102]     Finalement, la Ville fait valoir que la présente situation se distingue de celle dans Ville de Châteauguay[11], où les policiers ajoutaient certes d’autres éléments, comme le chapeau de cowboy et l’étoile de shérif, mais portaient tout de même leur uniforme. Si cela dissipait tout doute sur leur identité, ce n’est pas le cas pour les pompiers qui ne portent plus l’uniforme.

[103]     Le Tribunal ne peut pas retenir cet argument. Les pompiers de la Ville disposent également d’éléments distinctifs, notamment un téléavertisseur, un radio émetteur portatif, un t-shirt sur lequel apparaît l’inscription « pompiers et Ville de Sainte-Thérèse » et deux camions de pompiers garés sur la rue visitée ou à proximité. De plus, ils ont avec eux des rapports de visite de prévention avec le logo de la Ville, des avertisseurs de fumée et des piles qu’ils peuvent laisser aux citoyens.

[104]     Ces éléments distinctifs ont été suffisants en 2015 et l’apparaissent toujours.

[105]     C’est d’ailleurs à la même conclusion qu’en arrivait le Conseil dans Ville de Montréal c. Association des pompiers de Montréal inc.[12] alors que le moyen de pression exercé il y a quelques années était similaire à celui mis de l’avant aujourd’hui par les pompiers. Le Conseil concluait que ce moyen de pression n’affectait pas les visites à domicile :

La preuve a démontré que les pompiers, à titre de moyens de pression, portent un « jeans » et un « t-shirt » à l’effigie de l’association des pompiers en lieu et place de leur uniforme à l’occasion de ces visites [de prévention à domicile]. Dans tous les cas, ils ont à la main un appareil du type « radio émetteur » leur permettant de rester en contact avec l’unité de véhicule incendie qui les accompagne lors de ces visites. La preuve a démontré clairement que, sauf dans un cas isolé, les visites de prévention à domicile n’ont pas été affectées par ce moyen de pression.

 

[106]     En conclusion, la preuve révèle que le port du t-shirt syndical par les pompiers, même combiné à celui du pantalon de camouflage, ne porte pas préjudice ou n’est pas susceptible de porter préjudice au service auquel le public a droit, en l’occurrence les activités de prévention. La demande d’ordonnance de la Ville est donc rejetée.à

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :

REJETTE                 la demande d’intervention du Syndicat des pompiers du Québec, section locale Sainte-Thérèse (CM-2015-6391);

REJETTE                 la demande d’intervention de la Ville de Sainte-Thérèse
(CM-2016-2551).

 

 

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France Giroux

 

 

 

Me Julien David Hobson

ROY BÉLANGER DUPRAS AVOCATS

Pour le Syndicat des pompiers du Québec section locale Sainte-Thérèse

 

Mes Jennifer Brodeur et Marilyn Emery

Pour la Ville de Sainte-Thérèse

 

Date de la dernière audience :      3 mai 2016

 

/jt



[1]           RLRQ, c. C-27.

[2]           RLRQ, c. C-12.

[3]           RLRQ, c. T-15.1.

[4]           RLRQ, c. C-19.

[5]           RLRQ, c. S-2.1.1.

[6]           2002 CSC 8.

[7]           [1995] R.J.Q. 2549 (C.A.), p. 21.

[8]           Ville de Châteauguay c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 1299,
AZ-50555738 (C.S.E.) p. 6.

[9]           2014 QCCRT 0693.

[10]          2013 QCCRT 0536.

[11]          Précitée, note 8.

[12]          [1997] AZ-97149304 (C.S.E.).

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