Bédard et Hôpital Général de Québec |
2007 QCCLP 3174 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Lévis |
30 mai 2007 |
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Région : |
Québec |
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Dossier CSST : |
118744473 |
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Commissaire : |
Me Geneviève Marquis |
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Membres : |
Normand Beaulieu, associations d’employeurs |
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Sydney Bilodeau, associations syndicales |
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Partie requérante |
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et |
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Hôpital Général de Québec |
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Partie intéressée |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 10 janvier 2006, monsieur Richard Bédard (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision d’une décision rendue par cette instance le 30 novembre 2005.
[2] Par cette décision la Commission des lésions professionnelles :
REJETTE la requête du travailleur déposée le 2 juin 2005;
CONFIRME pour d’autres motifs la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 30 mai 2005 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur ne peut bénéficier des
dispositions de l’article
[3] Bien que dûment convoqué par la Commission des lésions professionnelles, le travailleur n’est ni présent ni représenté à l’audience portant sur sa requête en révision qui a été remise à sa demande au 29 mai 2007. L’absence du travailleur à l’audience dont la tenue était prévue à Québec à la date précitée n’a aucunement été motivée auprès du tribunal. L’Hôpital Général de Québec (l’employeur) a pour sa part renoncé par écrit à l’audience, tout en soumettant une brève argumentation de son procureur. Dans les circonstances précitées, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision procède sur dossier.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] Par sa requête transmise à la Commission des lésions professionnelles le 10 janvier 2006, le travailleur soutient que la décision dont il demande la révision est entachée d’une erreur de droit.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Les membres issus des associations d’employeurs ainsi que des associations syndicales considèrent que la requête en révision devrait être rejetée. Le travailleur n’a établi aucune erreur manifeste et déterminante qui soit de nature à invalider la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 30 novembre 2005. Cette décision fort motivée est fondée sur les faits ainsi que sur le droit applicable y compris l’interprétation jurisprudentielle s’y rapportant. Il n’y a donc pas lieu pour le tribunal d’intervenir.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[6] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de réviser la décision qu’elle a rendue le 30 novembre 2005.
[7]
Le pouvoir de la Commission des lésions professionnelles de réviser ou
révoquer une décision qu’elle a rendue est prévu en ces termes à l’article
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
__________
1997, c. 27, a. 24.
[8]
L’article 429.56 constitue une dérogation à la règle énoncée à l’article
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
__________
1997, c. 27, a. 24.
[9]
La révision d’une décision de la Commission des lésions professionnelles
n’est possible que dans les situations énoncées expressément à l’article
[10]
Par sa requête en révision, le travailleur invoque une erreur de droit.
Il réfère ainsi au troisième paragraphe du premier alinéa de l’article
[11]
Bien que le travailleur ne précise pas la nature de l’erreur de droit
qu’il soulève à même la décision finale qu’a rendue la Commission des lésions
professionnelles le 30 novembre 2005, il appert que cette décision porte
essentiellement sur l’application de l’article
[7] Le tribunal doit déterminer si le travailleur a
droit à une modification de la base salariale servant à déterminer les montants
des indemnités de remplacement du revenu en fonction de l’article
76. Lorsqu'un travailleur est incapable, en raison d'une lésion professionnelle, d'exercer son emploi pendant plus de deux ans, la Commission détermine un revenu brut plus élevé que celui que prévoit la présente sous-section si ce travailleur lui démontre qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée sa lésion, n'eût été de circonstances particulières.
Ce nouveau revenu brut sert de base au calcul de l'indemnité de remplacement du revenu due au travailleur à compter du début de son incapacité.
__________
1985, c. 6, a. 76.
[8] Le travailleur demande de bénéficier de cette modification de la base salariale à compter d’une lésion professionnelle survenue le 28 septembre 2001 sous la forme d’une récidive, rechute ou aggravation reliée à la lésion survenue à l’origine le 2 mai 2000 ayant entraîné une épicondylite à son coude gauche.
[9] Le tribunal est d’avis après analyse que
l’ensemble des conditions prescrites par l’article
[10] Le tribunal rappelle que l’article
[11] Le travailleur doit rencontrer essentiellement deux conditions. D’abord, il doit démontrer d’une part qu’il est demeuré incapable d’exercer son emploi pendant plus de deux ans en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime. Par ailleurs, le travailleur droit démontrer qu’il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s’est manifestée la lésion, n’eut été de circonstances particulières. Le tribunal souligne ici l’utilisation du terme « circonstances particulières » puisque cette notion a des effets déterminants dans le présent dossier. Nous reviendrons plus loin sur le sens donné à cette expression par la jurisprudence du présent tribunal.
[12] Dans le présent dossier, rappelons que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 2 mai 2000 alors qu’il exerçait les fonctions de préposé aux bénéficiaires dans le cadre d’un poste permanent à temps partiel. Le travailleur a alors subi une épicondylite à son coude gauche. Le travailleur a bénéficié par la suite d’une période d’assignation temporaire.
[13] En regard de cette réclamation initiale, la CSST retient le revenu brut assurable de 26 408 $ aux fins du calcul des indemnités de remplacement du revenu du travailleur.
[14] Le 28 septembre 2001, le travailleur subit une récidive, rechute ou aggravation reliée à la lésion survenue à l’origine le 2 mai 2000. La CSST reconnaissait l’admissibilité de cette rechute par une décision du 23 octobre 2001.
[15] Sur le plan médical, le Dr du Tremblay, chirurgien orthopédiste, agissant pour le compte du travailleur écrivait ce qui suit pour justifier cette période de récidive de rechute ou aggravation à compter du 28 septembre 2001 :
«Monsieur Bédard s’est présenté ce jour, le 28 septembre 2001, pour une expertise et évaluation de séquelles d’une épicondylite qui a été opérée.
Cependant, cliniquement, monsieur Bédard présente un phénomène douloureux très important au niveau de l’épicondyle avec diminution de force et également phénomène douloureux au niveau de la masse des épicondyliens pouvant faire penser à un syndrome d’étranglement du nerf radial à ce niveau.
Devant l’état clinique et après discussion avec le patient, ce dernier désire une nouvelle tentative thérapeutique et nous sommes en accord avec le patient à savoir qu’une nouvelle exploration et un nouveau relâchement des épicondyliens doivent être effectués.
Nous considérons donc que le patient est non consolidé et qu’il sera revu une fois le traitement chirurgical définitif effectué.»
[16] En regard de cette nouvelle réclamation, le travailleur est indemnisé sur la base du revenu brut annuel de 27 068,20 $ (soit 26 408 $ avec revalorisation selon les critères prescrits par la loi).
[17] Le poste occupé par le travailleur au moment de la survenance de la lésion professionnelle initiale du 2 mai 2000, soit celui de préposé aux bénéficiaires dans un poste permanent à temps partiel comportait une prestation de travail de 32 h.50.
[18] Le travailleur prétend qu’en raison de circonstances particulières il a été empêché de bénéficier du salaire afférent à un poste plus rémunérateur pour lequel il avait fait l’objet d’une nomination chez son employeur. En effet, le travailleur a déposé un document attestant de sa nomination à un poste de préposé aux bénéficiaires à temps complet (jour, soir et nuit) sur l’équipe volante comportant 36 h.25 par semaine et ce, à compter du 25 mars 2001. Le travailleur a également déposé un document attestant qu’il était également nommé à compter du 23 février 2003 dans un poste de préposé aux bénéficiaires à temps complet régulier à raison de 36 h.25 par semaine. Le travailleur prétend qu’il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s’est manifestée sa lésion sous la forme d’une rechute le 28 septembre 2001, n’eut été des circonstances particulières de son dossier.
[19] Or, le tribunal constate que les circonstances particulières soulevées par le travailleur se résument en quelque sorte aux circonstances de la lésion elle-même. En effet, le travailleur a subi le 28 septembre 2001 une récidive, rechute ou aggravation reliée à sa lésion initiale du 2 mai 2000. Le travailleur est incapable d’exercer son emploi en raison de la lésion professionnelle elle-même. Le travailleur présente des séquelles de l’épicondylite initiale. Le médecin précise que le travailleur présente des phénomènes douloureux très importants au niveau de l’épicondyle avec diminution de force et avec phénomènes douloureux au niveau de la masse des épicondyliens pouvant faire penser à un syndrome d’étranglement du nerf radial à ce niveau. Une nouvelle exploration chirurgicale est d’ailleurs prévue par le Dr Pierre du Tremblay à l’occasion de cette évaluation.
[12]
Au paragraphe 20 de la décision attaquée, le premier commissaire réfère
à la jurisprudence ayant clairement énoncé que l’expression « circonstances
nouvelles » employée à l’article
[13]
Aux paragraphes 21 à 24 de la décision, le premier commissaire cite de
larges extraits émanant de la jurisprudence à laquelle il réfère à l’appui de
l’interprétation précitée de l’article
[14]
Le premier commissaire conclut, aux paragraphes 24 et 25 de la décision,
au rejet de la contestation du travailleur qui n’a pas démontré l’existence de
circonstances particulières dans le cadre de l’interprétation retenue de
l’article
[15]
Il n’y a pas d’erreur manifeste et déterminante à la face même de la
décision dont la révision est demandée. Cette décision très motivée est fondée
sur la preuve soumise au premier commissaire qui l’a appréciée à la lumière du
droit applicable, à savoir l’article
[16] La Cour d’appel du Québec s’est elle-même prononcée sur la notion de vice de fond, notamment dans l’affaire Bourassa[3] où elle réitère les principes suivants :
[21] La notion [de vice de fond] est suffisamment large pour permettre la révocation de toute décision entachée d'une erreur manifeste de droit ou de fait qui a un effet déterminant sur le litige. Ainsi, une décision qui ne rencontre pas les conditions de fond requises par la loi peut constituer un vice de fond.
[22] Sous prétexte d'un vice de fond, le recours en révision ne doit cependant pas être un appel sur la base des mêmes faits. Il ne saurait non plus être une invitation faite à un commissaire de substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle de la première formation ou encore une occasion pour une partie d'ajouter de nouveaux arguments4.
_______________
(4)
Yves Ouellette.
[17] La notion de vice de fond a également été analysée par la Cour d’appel dans l’affaire CSST c. Fontaine[4] où le juge Morissette rappelle le principe suivant lequel une décision attaquée pour motif de vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision. La Cour d’appel reprend à nouveau ce principe dans l’affaire Touloumi[5].
[18] La Cour d’appel invite la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision à faire preuve d’une très grande retenue. La notion de vice de fond ne doit pas être utilisée à la légère. La Cour d’appel insiste sur la primauté à accorder à la première décision rendue par la Commission des lésions professionnelles. Cette décision fait autorité et ce n’est qu'exceptionnellement qu’elle pourra être révisée.
[19]
Dans le présent cas, force est de constater que le travailleur n’a pas
démontré ni même identifié l’erreur de droit qu’il invoque au soutien de sa
requête en révision. Cette partie n’est certes pas satisfaite de
l’interprétation donnée par le premier commissaire à la notion de «
circonstances nouvelles » énoncée à l’article
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révision déposée par monsieur Richard Bédard (le travailleur) le 10 janvier 2006.
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Geneviève Marquis |
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Commissaire |
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Me François Pinel |
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BEAUVAIS, TRUCHON & ASSOCIÉS |
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Représentant de la partie intéressée |
[1] Franchellini
et Sousa,
[2] Produits Forestiers Donohue inc. et Villeneuve,
[3] Bourassa c. Commission
des lésions professionnelles,
[4]
[5] CSST c. Touloumi, C.A. 500-09-015132-046, 6 octobre 2005, jj. Robert, Morissette, Bich, 05LP-159.
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