Décision

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          COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE
          LÉSIONS PROFESSIONNELLES

     QUÉBEC    MONTRÉAL, le 26 juin 1992

     DISTRICT D'APPEL   DEVANT LE COMMISSAIRE :   Réal Brassard
     DE MONTRÉAL

     RÉGION:  MONTÉRÉGIE   AUDITION TENUE LE     :   25 février 1992
     DOSSIER: 13223-62-8906

     DOSSIER CSST: 9896 276A                     : Montréal

                    REQUETE EN RÉVISION POUR CAUSE

          M. JEAN-GUY BELLAVANCE
          464, rang St-Joseph
          Notre-Dame-de-Stanbridge (Québec)
          J0J 1M0

                                PARTIE REQUÉRANTE

          et

          GUILLET & ROBERT INC.
     

503, Route 133 St-Pierre-de-Veronne (Québec) J0J 1P0 PARTIE INTÉRESSÉE D É C I S I O N Il s'agit d'une requête en révision pour cause déposée le 30 octobre 1991 par monsieur Jean-Guy Bellavance (le requérant) en vertu de l'article 406 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001): 406. La Commission d'appel peut, pour cause, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu.

Dans la présente affaire, le requérant a déposé une telle requête demandant la révision de la décision rendue à son égard le 25 septembre 1991 par la Commission d'appel, par laquelle était rejeté son appel à l'encontre d'une décision rendue le 18 mai 1989 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission). Par sa décision, la Commission d'appel déclare que le requérant ne souffre pas d'une maladie professionnelle pulmonaire et qu'il n'a pas subi de lésion professionnelle au mois d'avril 1987.

L'article 406 doit s'interpréter en tenant compte de l'article 405 qui confère le caractère final et sans appel à une décision rendue par la Commission d'appel. Ce principe a constamment été la préoccupation exprimée dans les décisions rendues par la Commission d'appel, notamment dans les affaires suivantes: «Le législateur, tout en permettant le recours en révision «pour cause«, a néanmoins établi le caractère «final et sans appel» des décisions de la Commission d'appel.

(...) Sans chercher à faire une étude détaillée de la jurisprudence de la Commission des affaires sociales, la Commission d'appel estime qu'en l'instance, étant donné l'article 405 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, elle ne peut que souscrire au principe que la révision pour cause ne saurait constituer un appel déguisé.» Jacques et Société d'ingénierie Combustion, [1987] C.A.L.P. 554 , pp. 556 - 557 «L'article 406 ne précise pas quelles causes peuvent donner lieu à une révision.

Toutefois, la Commission d'appel a déclaré à plusieurs reprises qu'une erreur de droit ou de faits peut donner ouverture à une révision pour cause. Cependant, dans le but de respecter le caractère final et exécutoire de ses décisions, comme l'édicte l'article 405, et d'éviter que la procédure de révision pour cause ne constitue un appel déguisé, la Commission d'appel a précisé que, pour donner ouverture à une révision, l'erreur de droit ou de faits doit être manifeste, flagrante.» Société canadienne des postes et Picard, [1987] C.A.L.P. 356, p.

358 «Ainsi donc, en vertu du deuxième alinéa de l'article 405 de la loi, les décisions de la Commission d'appel sont finales et sans appel. Le législateur a voulu, par cet article de la loi, assurer la stabilité des décisions, assurer une sécurité juridique aux décisions rendues par la Commission d'appel. Par ailleurs, le législateur permet la révision pour cause en vertu de l'article 406. Il y a donc lieu d'interpréter ces deux articles de la loi de façon à concilier les deux objectifs qu'ils véhiculent.

Dans cette optique, le motif d'une révision pour cause ne peut être assimilé à un motif d'appel.» Brogan et General Motors du Canada, [1987] C.A.L.P. 626 , p. 628 Parce qu'une demande de révision pour cause ne doit pas être un appel déguisé, il a été établi par la jurisprudence de la Commission d'appel que la révision pour cause ne doit pas permettre une nouvelle appréciation des faits et du droit ou encore une révision à la lumière d'une jurisprudence postérieure à la décision attaquée: «C'est ainsi que la Commission d'appel n'accueillera pas une requête en révision pour cause si le motif de la requête est le simple désaccord du requérant avec la décision rendue, que ce désaccord soit fondé sur une interprétation en droit ou sur l'appréciation des faits que la Commission d'appel a faite dans sa décision.» Brogan et General Motors du Canada, [1987] C.A.L.P. 626 , p. 628 «Par ailleurs, de l'ensemble de la jurisprudence de la Commission d'appel et de celle de la Commission des affaires sociales, comme l'indique Mme la commissaire Cuddihy, il se dégage deux points essentiels. D'abord, à cause notamment du caractère exécutoire et final de leurs décisions, la révision ne saurait être un appel déguisé permettant une nouvelle appréciation des faits d'un point de vue différent. D'autre part, les erreurs de fait ou de droit invoquées doivent avoir un caractère déterminant et l'expression «erreur manifeste» a été utilisée. Ces constantes reposent sur une valeur qui sous-tend tout notre système de droit et c'est celle de la sécurité des situations juridiques crées par des actes, des jugements, etc. après un certain temps. On pensera aux prescriptions acquisitives ou extinctives, aux délais de déchéance, aux présomptions irréfragables, etc. Ce principe est fondamental et la Commission d'appel n'a pas l'intention de le remettre en cause.» Roy et C.U.M., [1990] C.A.L.P. 916 , p. 931 «La Commission d'appel rejette l'argument du requérant relativement à la décision de la Commission d'appel dans l'affaire Communauté urbaine de Montréal et Blouin [1987] C.A.L.P. 62 . En aucun temps, une décision postérieure à une décision ne peut justifier la révision de cette dernière, à plus forte raison lorsque le point de droit réglé par cette décision n'a pas été soumis à la Commission d'appel lors de l'audition de l'affaire, comme c'est le cas ici. Ceci irait à l'encontre du deuxième alinéa de l'article 405 de la loi indiquant qu'une décision de la Commission d'appel est finale et sans appel.» Brogan et General Motors du Canada, [1987] C.A.L.P. 626 , p. 629 Parce qu'une décision de la Commission d'appel a un caractère final et sans appel, il a été établi que pour que l'erreur de droit ou de faits puissent donner ouverture à la révision pour cause, il fallait que cette erreur de droit ou de faits soit manifeste ou flagrante (cf. les affaires ci-haut citées: Société canadienne des postes et Picard et Roy et C.U.M.).

Ainsi donc, avant même d'examiner s'il y a matière à révision, la Commission d'appel doit, en premier lieu, examiner les motifs à l'appui de la requête en révision pour voir si la requête ne constitue pas un appel déguisé d'une décision finale et sans appel.

En l'espèce, le requérant invoque trois motifs pour lesquels il demande la révision de la décision rendue le 25 septembre 1991 par la Commission d'appel.

Le premier motif concerne la non-application, en l'espèce, de la présomption de maladie professionnelle prévue à l'article 29 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Sur cette question, la décision de la Commission d'appel se lit comme suit: «Il y a lieu de se demander si la présomption édictée à l'article 29 de la loi reçoit application. L'article 29 se lit comme suit: 29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

La section V de l'annexe 1 de la loi intitulée «Maladies pulmonaires causées par des poussières organiques et inorganiques» donne une liste des maladies pulmonaires et des genres de travail qui peuvent les causer.

Il est en preuve que le travailleur a été traité pour une pneumonie en avril 1987. Rien dans la preuve ne permet de considérer que le travailleur a souffert d'une des maladies professionnelles énumérées à l'annexe 1 de la loi. Donc il ne peut invoquer la présomption de l'article 29 de la loi.» Ainsi donc même si dans son argumentation faite devant la Commission d'appel, le requérant n'avait pas abordé cette question devant le commissaire, celui-ci en dispose dans sa décision.

En l'instance, le requérant indique seulement que la décision de la Commission d'appel serait erronée parce qu'il avait été mis en preuve qu'il avait été exposé à des contaminants comme le plomb et le cuivre. L'exposition à des contaminants ne suffit pas pour prétendre à l'application de la présomption. Il faut en outre que le travailleur concerné démontre qu'il souffre d'une des maladies pulmonaires énumérées à l'annexe, ce qui n'a jamais été fait même lors de l'audience en révision pour cause.

Ainsi non seulement la décision de la Commission d'appel, sur cette question, ne comporte pas d'erreur manifeste ou flagrante, mais elle ne comporte aucune erreur. Il n'y a donc pas ouverture à la révision pour ce motif.

Le deuxième motif qu'invoque le requérant est le suivant: c'est erronément que la Commission d'appel a pris en considération les rapports d'expertises des pneumologues.

Sur cette question, la décision de la Commission d'appel se lit comme suit: «La décision telle que rendue indique que la Commission s'est sentie liée par l'avis rendu par le comité spécial des maladies professionnelles pulmonaires pour décider de l'existence d'une maladie pulmonaire professionnelle.

La Commission d'appel constate que cette question de l'existence d'une maladie pulmonaire professionnelle est considérée par la jurisprudence comme une question d'ordre juridique et que c'est là un domaine qui relève normalement du bureau de révision et non pas une question d'ordre médical qui relève du comité spécial des maladies professionnelles pulmonaires.

Par ailleurs, c'est le médecin traitant du travailleur qui a posé un diagnostic de «maladie pulmonaire obstructive et chronique secondaire à son travail dans un garage de réparation de tracteurs dans un endroit peu ventilé». Le comité spécial des maladies professionnelles pulmonaires a conclu que le travailleur ne présentait pas de maladie pulmonaire professionnelle mais avait plutôt une limitation cardio-circulatoire d'effort.

Les conclusions du comité spécial des maladies professionnelles pulmonaires étaient-elles juridiques ou médicales? La Commission d'appel ne croit pas utile de se lancer dans un tel débat surtout à la lumière de la jurisprudence qui lui permet de toute façon d'entendre et de disposer du fond de la question soulevée par le présent appel.

La Commission d'appel procède donc à examiner au fond tout le dossier comme si la décision de la Commission était irrégulière.» Le requérant soumet qu'après avoir constaté l'irrégularité de la procédure suivie par la Commission, la Commission d'appel ne pouvait plus se servir ou prendre en considération les rapports des pneumologues obtenus irrégulièrement, ce qu'elle a fait à la page 27 de la décision: «Alors que six pneumologues et le docteur Knight ont procédé à des tests précis pour conclure que le travailleur avait une dyspnée à l'effort qui avait son origine plutôt sur le plan cardio-vasculaire et non pas au niveau pulmonaire, le docteur Tougas donne son opinion personnelle sans la baser sur quoi que ce soit.

Le rapport des pneumologues mentionne qu'il ont pris en considération le milieu de travail où évoluait le travailleur et les divers agents auxquels il avait à faire face dans son travail (ex. détergent - fuel - diesel - amiante) avant d'arriver à la conclusion que la dyspnée d'effort chez le travailleur avait probablement une origine cardio-vasculaire.» La question que pose le requérant, en l'espèce, est la suivante: une instance de décision peut-elle prendre en considération un rapport obtenu illégalement? En l'espèce, il faut d'abord se demander si l'avis des pneumologues a été obtenu illégalement.

En l'espèce, le requérant a produit une réclamation pour maladie professionnelle pulmonaire.

En vertu de l'article 226 de la loi, une telle réclamation doit être référée, dans les 10 jours, à un comité des maladies professionnelles pulmonaires: 226. Lorsqu'un travailleur produit une réclamation à la Commission alléguant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire, la Commission le réfère, dans les 10 jours, à un comité des maladies pulmonaires.

Ce qu'il faut comprendre de la section II de la loi, contenant les dispositions particulières aux maladies pulmonaires professionnelles, c'est que, contrairement aux dispositions générales sur l'évaluation médicale, ces dispositions particulières ne permettent pas à la Commission de rendre une décision initiale sur la base de l'avis du médecin qui a charge ni même de rendre une décision avant que le comité des maladies professionnelles pulmonaires ne se soit prononcé.

En l'instance, le requérant soutient que l'avis des pneumologues quant à la relation a été obtenu irrégulièrement et qu'un tel avis ne peut servir d'assise à une décision de la Commission pour ce motif ni à une décision de la Commission d'appel.

Le requérant a soulevé deux motifs d'irrégularité: la Commission, dit-il, n'a pas respecté le délai de 10 jours imparti à l'article 226 supra et le comité des pneumologues n'aurait pas juridiction pour se prononcer sur la question de relation.

Le requérant soutient que la procédure suivie doit être déclarée irrégulière et annulée parce que le délai de 10 jours n'a pas été respecté.

La Commission d'appel considère que la procédure suivie, en l'espèce, est celle que devait suivre la Commission, puisqu'il s'agissait bien d'une réclamation pour maladie professionnelle pulmonaire. Cette procédure ne peut être annulée simplement parce que la Commission n'a pas respecté le délai de 10 jours imparti à l'article 226.

Il est inconcevable qu'une procédure visant à établir les droits d'un travailleur soit annulée par la faute d'un tiers (la Commission). Il suffirait alors, pour la Commission, de ne pas respecter le délai de l'article 226 pour annuler, à toute fin pratique, toute réclamation pour maladie pulmonaire professionnelle, car, ne l'oublions pas, la Commission ne rend qu'une décision dans le cas d'une maladie pulmonaire professionnelle et cette décision est rendue justement à la suite de l'avis du Comité des maladies professionnelles pulmonaires.

En annulant le processus d'évaluation médicale prévu aux articles 226 et suivants, on se retrouve avec une réclamation sans décision. Le requérant n'a donc aucun intérêt à faire annuler la procédure d'évaluation prévue aux articles 226 et suivants: il se retrouverait avec une réclamation sans décision. Et on ne pourrait pas non plus permettre de reprendre le processus d'évaluation médicale, puisque le délai de l'article 226 ne serait pas davantage respecté. Il serait inconcevable d'annuler le processus d'arbitrage sur la question du délai de l'article 226 pour, ensuite, permettre le même processus en faisant abstraction dudit délai.

La Commission d'appel considère que le délai de l'article 226 n'est pas un délai dont le non-respect entraîne la nullité de la procédure d'évaluation par le comité des maladies professionnelles pulmonaires.

Sur la question de la juridiction du comité des maladies professionnelles pulmonaires, non seulement l'avis des pneumologues sur la relation entre la maladie et le travail n'est pas irrégulier mais l'article 227 édicte justement que les pneumologues ont pour mandat de se prononcer sur cette question: 227. Le ministre forme au moins quatre comités des maladies professionnelles pulmonaires qui ont pour fonction de déterminer si un travailleur est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire.

Un comité des maladies professionnelles pulmonaires est composé de trois pneumologues, dont un président qui est professeur agrégé ou titulaire dans une université québécoise.

(Notre soulignement) On peut toujours se poser la question à savoir si l'avis des pneumologues sur la relation lie ou non la Commission, mais il est certain que les pneumologues non seulement peuvent donner leur avis mais ils ont le devoir de le faire.

Ainsi donc les motifs d'irrégularité invoqués, en l'instance, par le requérant ne sont pas fondés en droit et doivent être rejetés.

L'avis des pneumologues pouvait et devait être pris en considération par la Commission d'appel aux fins de rendre sa décision.

Le dernier motif à la révision, qu'invoque le requérant, est le suivant: la Commission d'appel aurait erré en faits en indiquant, dans sa décision, que le requérant a lui-même reconnu que le système de ventilation avait été amélioré. S'il est vrai, dit-il, qu'il a admis que des ventilateurs avaient été installés, il n'a jamais dit que le système avait été amélioré.

Outre le fait qu'il n'est pas erroné de conclure que l'ajout de ventilateurs améliore un système de ventilation, la décision de la Commission d'appel ne repose pas sur cet élément et même si elle avait conclu qu'aucune amélioration n'avait été apportée au système de ventilation, cela ne changerait rien à la ratio decidendi de la décision relativement à l'exposition aux contaminants qui se lit comme suit: «De la doctrine soumise par le travailleur, il est possible de retenir qu'il ne suffit pas d'alléguer une exposition à un ou des agents spécifiques sensibilisant mais qu'il faut démontrer une exposition suffisante pour être dommageable à la santé. Le travailleur demande à la Commission d'appel de faire le cheminement qui manque en appliquant une présomption de faits, ce que la Commission d'appel se refuse à faire en l'absence de faits convaincants et suffisants pour appuyer une présomption.» Le motif invoqué par le requérant n'est donc pas déterminant dans la décision attaquée. Dans l'affaire Roy et C.U.M., ci-haut citée, il a été établi qu'il faut démontrer que l'erreur de faits, si elle existe, doit avoir un caractère déterminant pour qu'elle constitue un motif justifiant la révision.

Ce dernier motif invoqué par le requérant doit donc être rejeté.

Puisqu'aucun motif invoqué par le requérant ne peut servir d'assise à une révision, en l'espèce, la requête du requérant doit être rejetée.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES REJETTE la requête de monsieur Jean-Guy Bellavance.

Réal Brassard Commissaire F.A.T.A.

(Me Louise Picard) 6839-A, rue Drolet Montréal (Québec) H2S 2T1 Représentante de la partie appelante

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