Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Champêtre et Huard

2012 QCCLP 6343

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Joliette

4 octobre 2012

 

Région :

Lanaudière

 

Dossiers :

457641-63-1112      458831-63-1201

 

Dossier CSST :

137717179

 

Commissaire :

Guylaine Moffet, juge administrative

 

Membres :

Francine Melanson, associations d’employeurs

 

Daniel Riportella, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Michel Lesage, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Le Champêtre

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Pierrette Huard

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 457641-63-1112

 

[1]           Le 16 décembre 2011, Le Champêtre (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 18 novembre 2011 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST déclare sans objet la demande de révision de l’employeur en ce qui concerne l’admissibilité de la lésion professionnelle subie par madame Pierrette Huard (la travailleuse).

[3]           Par la même décision, elle confirme la décision qu’elle a rendue le 3 octobre 2011 et déclare qu’elle est justifiée de poursuivre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se prononce sur la capacité de la travailleuse à exercer son emploi étant donné que sa lésion professionnelle est consolidée et que la travailleuse en conserve des limitations fonctionnelles.

[4]           Elle déclare également que la CSST doit cesser de payer les soins et les traitements après le 2 août 2011 et que la travailleuse n’a pas droit à une indemnité pour dommages corporels étant donné que le pourcentage d’atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique est de 0 %.

Dossier 458831-63-1201

[5]           L’employeur demande la révision d’une décision rendue le 22 décembre 2011 par la CSST à la suite d’une révision administrative.

[6]           Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a rendue le 24 octobre 2011 et déclare que la travailleuse est admissible à des mesures de réadaptation professionnelle en vue d’assurer son retour au travail.

[7]           Lors de l’audience tenue à Joliette le 8 août 2012, l’employeur est présent et représenté. La travailleuse y est également présente.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

Dossier 457641-63-1112

[8]           L’employeur soutient que la travailleuse ne conserve aucune limitation fonctionnelle en relation avec sa lésion professionnelle. Il demande au tribunal de le reconnaître et de retenir que la lésion professionnelle de la travailleuse était consolidée le 6 juillet 2011, soit à la date retenue par le docteur Goulet.

Dossier 458831-63-1201

[9]           L’employeur prétend que, puisque la travailleuse ne conserve pas de limitation fonctionnelle en relation avec sa lésion professionnelle, le tribunal doit reconnaître qu’elle n’a pas droit à la réadaptation professionnelle en vue de son retour au travail.

 

 

LA PREUVE

[10]        La travailleuse est préposée aux bénéficiaires. Le 21 janvier 2011, elle est victime d’un accident du travail lorsqu’en aidant une collègue à effectuer le transfert d’une patiente, cette dernière perd l’équilibre et entraîne la travailleuse qui perd également l’équilibre. En voulant se retenir, la travailleuse ressent une douleur au dos et au ventre.

[11]        On diagnostique une entorse dorsale et une contusion à la paroi abdominale. Par la suite, le médecin traitant, le docteur Serge Brouillet, diagnostique une lombalgie axiale.

[12]        Le 16 mars 2011, la CSST accepte la réclamation de la travailleuse.

[13]        À la suite d’un examen d’imagerie par résonance magnétique, effectué le 22 mars 2011, le docteur Pierre Lacaille-Bélanger, radiologiste, émet l’avis que la colonne lombaire de la travailleuse présente une discopathie dégénérative étagée avec de multiples petites protrusions discales, la plus proéminente étant au niveau foraminal L4-L5 gauche. Il y a déchirure de l’annulus L5-S1. Il ne constate aucune anomalie de la moelle dorsolombaire ou du conus.

[14]        Une radiographie simple effectuée le même jour démontre de l’arthrose facettaire L4-L5, L5-S1 modérée ainsi que des signes de spondylodiscarthrose étagée relativement sévère en dorsal moyen.

[15]        Le 6 juillet 2011, le docteur Marc Goulet, chirurgien orthopédiste, évalue la travailleuse à la demande de l’employeur. À son examen objectif, il constate que l’inclinaison latérale du côté gauche provoque des douleurs à la région lombaire droite. L’inclinaison latérale droite provoque des douleurs au niveau de l’espace interscapulaire, soit entre les omoplates. L’extension est de 30°. La flexion antérieure ne dépasse pas 60°, mais l’indice de Schober est de bonne qualité, étant strictement normal à 22/15. Il constate également que le palper réveille des douleurs surtout à la région dorsale, sans spasme musculaire. Il indique que les réflexes, quoique faibles, sont présents et symétriques.

[16]        Il pose le diagnostic d’entorse dorsolombaire résolue, greffée sur une discarthrose rachidienne. Il indique que la lésion est consolidée le jour même et ne retient aucune atteinte permanente, ni limitation fonctionnelle.   

[17]        Le 2 août 2011, le docteur Brouillet émet son rapport complémentaire. Il retient un diagnostic de lombalgie axiale et de déchirure de l’annulus fribrosus L5-S1. Il consolide la lésion le jour même, sans nécessité de traitement supplémentaire.

[18]        Il indique que la travailleuse ne conserve pas d’atteinte permanente à l’intégrité physique, ni psychique. Il retient, toutefois, des limitations fonctionnelles permanentes, soit que la travailleuse ne peut lever de façon répétée des charges de plus de 15 livres, qu’elle ne peut rester debout ni marcher pendant de longues périodes de temps et qu’elle ne peut, non plus, se pencher de façon répétée.

[19]        Le 22 septembre 2011, le docteur Garry Greenfield, chirurgien orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale, émet son avis. À son examen objectif, il note qu’il y a des douleurs en extrême lors de l’exécution de tous les mouvements au niveau dorsolombaire. Le SLR est évalué à 80° aux côtés droit et gauche. Le Lasègue et le Faber sont négatifs de façon bilatérale. Il note la présence de douleurs à la palpation au niveau de la région lombosacrée. Il y a peu de douleurs à la palpation au niveau de la région dorsale.

[20]        Il retient le diagnostic d’entorse dorsolombaire et fixe la date de consolidation au 2 août 2011 puisque la travailleuse n’a plus de traitements actifs, ceux-ci s’étant terminés en août 2011.

[21]        Aucun traitement n’est jugé nécessaire après cette date.

[22]        Il retient un pourcentage d’atteinte permanente de 0 % pour une entorse dorsolombaire sans séquelle fonctionnelle objectivée. Il estime que la travailleuse conserve des limitations fonctionnelles en raison des douleurs encore ressenties lors de son évaluation, et du fait que le médecin traitant en recommande. Il retient donc les limitations fonctionnelles suivantes :

Colonne dorso-lombo-sacrée

Classe 1 : restrictions légères :

Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :

-soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 15 kg;

-travailler en position accroupie;

-ramper, grimper;

-effectuer des mouvements avec amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire;

-subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (ex. : provoquées par du matériel roulant sans suspension).

[23]        Le 3 octobre 2011, la CSST entérine l’avis du Bureau d’évaluation médicale et le 18 novembre 2011, elle maintient cette décision à la suite d’une révision administrative. C’est cette décision que l’employeur conteste dans le dossier 457641-63-1112.

[24]        Également, le 24 octobre 2011, la CSST décide que, puisque la travailleuse conserve des limitations fonctionnelles de sa lésion professionnelle, elle a droit à la réadaptation. Le 22 décembre 2011, elle maintient cette décision, à la suite d’une révision administrative. Il s’agit de la décision contestée par l’employeur dans le dossier 458831-63-1201.

[25]        La travailleuse a été entendue lors de l’audience. Elle explique qu’elle ressent toujours une brûlure au niveau de l’omoplate lorsqu’elle est fatiguée. Elle affirme qu’elle n’a aucun antécédent au niveau dorsolombaire. Elle a toutefois été attaquée par un patient en 2005, ce qui lui a causé des douleurs lombaires qui sont rapidement rentrées dans l’ordre, et dont elle ne conserve pas de séquelles.

[26]        Elle est retournée au travail le 16 janvier 2012. Devant l’importance des douleurs qu’elle éprouvait, elle a démissionné le 20 janvier 2012 et n’a pas repris le travail depuis.

[27]        Le docteur Alain Boies a également été entendu lors de l’audience. Il n’a pas examiné la travailleuse, mais émet une opinion à partir des documents du dossier et du témoignage de la travailleuse.

[28]        Selon les examens radiologiques, la travailleuse présente des phénomènes de dégénérescence dorsale relativement sévère en dorsal moyen.

[29]        Il souligne que lors de l’examen du docteur Goulet, ce dernier évalue à 60° la flexion antérieure, alors que la normale est de 90°. Cependant, la manœuvre de Schober se révèle strictement normale. Il estime que l’indice de Schober prédomine sur la flexion à 60°.

[30]        Quant à l’examen du docteur Greenfield, membre du Bureau d’évaluation médicale, même s’il note la présence de douleur, il n’explique pas d’où elle provient. Le docteur Boies estime que cet examen manque de rigueur.

[31]        Il est d’avis que les résultats de l’imagerie expliquent la douleur. La travailleuse présente une fragilité au niveau lombaire. Cependant, il estime que le fait de ne pas retenir de séquelles objectivées comme dans le présent dossier, doit entrainer nécessairement la conclusion qu’il n’y a pas de limitation fonctionnelle. En effet, il faut prendre l’individu dans son entier et non seulement en relation avec un événement. En l’espèce, l’état de la colonne lombaire de la travailleuse explique les douleurs ressenties.

[32]        Il émet l’opinion que lors d’un examen, il faut également écouter ce que la personne évaluée décrit et regarder son histoire. Or, même s’il n’a pas évalué la travailleuse, le témoignage de celle-ci lors de l’audience corrobore ses propres conclusions selon lesquelles elle ne conserve pas de limitation fonctionnelle. Elle décrit une brûlure à l’omoplate lorsqu’elle est fatiguée, sans plus.

[33]        Il conclut son témoignage en mentionnant qu’il ne croit pas qu’une personne de 52 ans doive avoir à soulever un poids de 100 livres. Dans ce contexte, il est nuisible pour la travailleuse d’émettre des limitations fonctionnelles.

L’AVIS DES MEMBRES

Dossier 457641-63-1112

[34]        La membre issue des associations d’employeurs est d’avis qu’il y a lieu de faire droit à la contestation de l’employeur. En effet, pour pouvoir octroyer des limitations fonctionnelles, il faut des limitations d’amplitudes, ce qui n’est pas décrit dans le présent dossier. Même si le médecin traitant octroie des limitations fonctionnelles, il le fait à partir d’un diagnostic différent de celui retenu par le membre du Bureau d’évaluation médicale. Il n’y a donc pas lieu de retenir que la travailleuse conserve des limitations fonctionnelles.

[35]        Le membre issu des associations syndicales est d’avis contraire et rejetterait la contestation de l’employeur. En effet, en l’espèce, les limitations fonctionnelles ont été octroyées en raison des douleurs que conserve la travailleuse et qui l’empêchent de faire son travail. Il y a donc lieu de retenir que la travailleuse conserve les limitations fonctionnelles décrites par le membre du Bureau d’évaluation médicale.

Dossier 458831-63-1201

[36]        La membre issue des associations d’employeurs est d’avis de faire droit à la contestation de l’employeur. En effet, puisqu’elle est d’avis que la travailleuse ne conserve pas de limitation fonctionnelle en raison de sa lésion professionnelle, il s’ensuit qu’elle n’a pas droit à la réadaptation.

[37]        Le membre issu des associations syndicales est plutôt d’avis de rejeter la contestation de l’employeur. En effet, étant d’avis que la travailleuse conserve des limitations fonctionnelles en relation avec sa lésion professionnelle, il s’ensuit que la travailleuse a droit à la réadaptation que requiert son état en vue d’assurer son retour au travail.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

Dossier 457641-63-1112

[38]        Dans ce dossier, le tribunal doit déterminer si la travailleuse conserve des limitations fonctionnelles à la suite de sa lésion professionnelle.

[39]        En l’espèce, dans son rapport complémentaire, le docteur Brouillet retient des limitations fonctionnelles et le membre du Bureau d’évaluation en retient également. D’autre part, le docteur Goulet, mandaté par l’employeur, n’en retient aucune. Lors de l’audience, le docteur Boies était du même avis.

[40]        Selon l’employeur, le fait que la travailleuse ne conserve aucune atteinte permanente entraine nécessairement la conclusion qu’elle ne conserve pas de limitation fonctionnelle. Il soutient que de seules allégations de douleur ne peuvent servir à identifier des limitations fonctionnelles.

[41]        Dans une décision récente[1], la Commission des lésions professionnelles était saisie d’une question similaire. Elle y fait la revue de la jurisprudence sur la question et s’exprime ainsi :

[101]    Donc, le travailleur conserve une atteinte permanente à l'intégrité physique qui est évaluée à 0 %. Il faut maintenant décider si en regard de ce constat, des limitations fonctionnelles peuvent être octroyées.

[102]    À ce sujet, il y a lieu de référer aux propos suivants tenus dans la décision Commission scolaire de Laval et Bélair13 qui ont l’avantage de revoir l’état de la jurisprudence sur la question; cette décision discute entre autres du courant jurisprudentiel invoqué par la représentante de l’employeur sur ce sujet particulier. Ainsi, le juge administratif s’exprime ainsi :

[52] Cela pose la question de l’attribution de limitations fonctionnelles en l’absence de séquelles fonctionnelles.

 

[53] La procureure de l’employeur fait valoir, qu’en l’absence de séquelles fonctionnelles, la persistance de douleurs subjectives ne permet pas l’octroi de limitations fonctionnelles. Elle signale que le Dr Demers a émis des limitations uniquement à titre préventif en considérant une condition personnelle, ce qui ne peut justifier des limitations fonctionnelles. Elle dépose des décisions concluant en ce sens4.

 

 

 

 

 

 

[54] La procureure du travailleur dépose des décisions5 à l’effet contraire, ayant reconnu des limitations fonctionnelles malgré l’absence d’atteinte permanente. Elle invoque la douleur résiduelle du travailleur qui est constante au dossier, les exigences physiques du travail de concierge, le risque de rechute, récidive ou aggravation s’il manipule des charges de plus de 25 lb et la fragilité du travailleur qui a d’ailleurs connu un épisode de blocage en février 2010.

[55] La jurisprudence demeure partagée à ce sujet. La soussignée ne peut conclure que l’absence de séquelles fonctionnelles signifie nécessairement l’absence de limitations fonctionnelles. Ces deux notions bien quoiqu’étroitement liées sont distinctes. Dans certaines circonstances, l’octroi de limitations fonctionnelles peut être justifié même en l’absence de séquelles permanentes.

 

[56] Plusieurs décisions de la Commission des lésions professionnelles l’ont énoncé. Dans Courcelles et Aliments Conagra Canada inc.6, la juge administrative Lamarre en fait un bon résumé :

 

[44]   D’autre part, comme elle l’a fait dans le passé, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il y a lieu de distinguer les notions de séquelles fonctionnelles et de limitations fonctionnelles. Ainsi, dans la cause Richard et Fabspec inc2, la Commission des lésions professionnelles fait la distinction entre ces deux notions. Quant à la séquelle fonctionnelle, elle consiste en une anomalie, une restriction ou une réduction de la fonction caractéristique d'un organe, d'une structure anatomique ou d'un système par rapport à ce qui est considéré normal au plan anatomique, physiologique ou psychique, et qui découle d'une lésion professionnelle. La limitation fonctionnelle se traduit plutôt par une restriction ou une réduction de la capacité physique ou psychique du travailleur à accomplir normalement une activité quotidienne de nature personnelle ou professionnelle en raison de la lésion professionnelle.

 

[45]   La commissaire Marquis précise que l'octroi de limitations fonctionnelles n'est pas subordonné à l'existence de séquelles fonctionnelles compensables suivant le Règlement sur le barème des dommages corporels. Le travailleur, dont la lésion professionnelle n'a pas entraîné de déficit fonctionnel objectivable aux plans neurologique et articulaire, peut se voir reconnaître des limitations fonctionnelles si la preuve médicale démontre l'existence de séquelles susceptibles de le restreindre dans sa capacité à accomplir normalement ses activités quotidiennes.

 

[46] Ainsi, comme elle l’a fait à maintes reprises dans le passé, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il est possible de conclure à la présence de limitations fonctionnelles même en l'absence de séquelles fonctionnelles lorsqu’une preuve probante le supporte. En outre, la jurisprudence a reconnu que, dans certains cas, la présence de séquelles douloureuses en l’absence d’une atteinte permanente peut justifier l’octroi de limitations fonctionnelles 3, lorsque, par exemple, elles sont décrites de façon constante et de la même manière aux différents examinateurs et que la bonne foi du travailleur ne peut être remise en question. Il a également déjà été décidé que des limitations fonctionnelles peuvent être accordées également à des fins préventives en l’absence de séquelles objectivées lorsque, de façon probante, il est démontré que celles-ci découlent bien de la lésion et que le travailleur demeure plus susceptible de présenter des récidives, rechutes ou aggravations de sa lésion en raison de ses antécédents ou de ses caractéristiques personnelles4  

________________

2     [1998] C.L.P., 1043

3     Blanchette et Cie d'échantillon National ltée, 236942-64-0406, 06-04-21, J.-F. Martel; Nadeau et Multi-Do, 186534-03B-0206, 02-12-19, M. Cusson; Pavage CSF inc. et Salvo, 278253-71-0512, 07-03-21, F. Juteau; Boulevard Dodge Chrysler Jeep 2000 et Bevilacqua, 207397-72-0305, 04-02-26, Anne Vaillancourt; Automobiles Val Estrie et Tanguay, 271538-05-0509, 07-03-07, M. Allard; Hydroserre Mirabel inc. et Chaillou, C.L.P., 300345-64-0609, 2008-01-09, R. Napert.

 

 

 

 

 

 

4     Poitras et Béton de Demix Longueuil, C.L.P. 107184-31-9811, 7 avril 1999, M.-A. Jobidon, Air Canada et Schanck, [1998] C.L.P. 11 .; Tessier et Scobus (1992) inc., C.A.L.P. 59353-62-9405, 24 octobre 1995, M. Lamarre; Chénard et Sœurs du Bon Pasteur de Québec, C.L.P., 323579-31-0707, 18 février 2008, M. Racine.

________________

4    Les Carrelages Centre du Québec et Thibodeau, C.L.P. 230800-04-0403, 28 janvier 2005, J.-F. Clément; Béliveau et Chambre de Bébé inc., C.L.P. 246155-04B-0410-C, 1er septembre 2005, J.-F. Clément; Cascades inc. et Leroux, C.L.P. 256267-04B-0503-R, 9 octobre 2007, G. Tardif; Industries All-Inox inc. et Plourde, C.L.P. 334873-64-0712, 16 janvier 2009, J.-F. Martel.

5    9001-8839 Québec inc. et Francoeur, C.L.P. 277031-01B-0512, 15 novembre 2006, L. Desbois; Albert et Chemin de Fer Q.N.S. & L., C.L.P. 266195-01C-0506-C, 7 décembre 2006, M. Carignan; RénovaPro A @ Z inc. et Simard, C.L.P. 296913-03B-0608, 26 février 2007, G. Marquis; Simard et Construction Sylco International, C.L.P. 284879-31-0603, 7 mars 2007, C. Lessard; Chénard et Sœurs du Bon Pasteur de Québec, C.L.P. 323579-31-0707, 18 février 2008, M. Racine; Compagnie A et M.G., C.L.P. 370193-62-0902, 30 mars 2010, M. Auclair.

6    C.L.P. 313864-61-0704, 17 juin 2008, M. Lamarre.

 

[notre soulignement]

 

[103]    La soussignée souscrit au courant jurisprudentiel selon lequel l’octroi de limitations fonctionnelles ne dépend pas de l’existence de séquelles fonctionnelles indemnisables suivant le Barème des dommages corporels.

[104]    En l’espèce, le docteur Jodoin explique que le travailleur conserve des douleurs dorsales. En cela, il rejoint l’opinion de l’ensemble des examinateurs. Même le docteur Legendre a rapporté que le travailleur se plaignait de douleurs dorsales droites basses au moment de son examen. 

[105]    Donc, les douleurs persistent et elles sont rapportées de manière constante par le travailleur et les examinateurs entre autres par la palpation, qui de l’avis de la soussignée, est une des mesures objectives servant à un médecin pour établir un diagnostic et d’autres conclusions. Rappelons aussi qu’il n’a pas été contredit que l’essai d’un retour au travail s’est soldé par une reprise des douleurs.

[106]    Il ne s’agit pas d’un cas où il y a divergence entre le témoignage d’un travailleur peu crédible et une majorité d’examinateurs. Au contraire, en aucun cas la crédibilité de monsieur Despatie n’a été remise en question sur ce sujet.

[107]    Il y a donc lieu, de manière préventive, d’accorder des limitations fonctionnelles soit pour empêcher une récidive, rechute ou aggravation ou permettre un retour en emploi comme le docteur Jodoin l’indique avec justesse.

[108]    La notion de limitations fonctionnelles préventives a d’ailleurs fait l’objet de quelques décisions, dont celle rendue récemment par la juge administratif Auclair qui s’exprime ainsi sur le sujet, propos partagés par la soussignée14 :

 

 

         […]

 

[64] Tel qu’énoncé dans l’affaire Entreprises agricoles et forestières de la Péninsule inc. et Després9, beaucoup de limitations fonctionnelles sont essentiellement de nature subjective et préventive. On peut mentionner celles consistant à éviter l'exposition à certains contaminants, à éviter des vibrations de basse fréquence ou les contrecoups à la colonne vertébrale, à éviter de marcher sur un terrain accidenté ou glissant ou à éviter l’usage d’un véhicule tout-terrain. Ces limitations ne réfèrent pas directement à une incapacité du travailleur, mais plutôt à sa vulnérabilité découlant de sa lésion professionnelle. Ainsi, certaines limitations fonctionnelles s’imposent en raison d’une impossibilité, d’une incapacité physique du travailleur. Mais d’autres s’imposent en raison de la vulnérabilité, de la fragilité du travailleur à la suite de sa lésion professionnelle, pour éviter la manifestation ou l’augmentation de la douleur et le risque de récidive, rechute ou aggravation. Il s’agit alors également d’une incapacité du travailleur, mais à supporter sans douleur ou sans risque certains mouvements ou situations.

 

[…]

________________

9  Précitée, note 8

 

[notre soulignement]

 

 

[109]    Ajoutons que la jurisprudence a également reconnu que des limitations fonctionnelles même préventives ont le caractère d’une limitation fonctionnelle permanente15.

_____________

13                   C.L.P. 376104-61-0904, 4 août 2010, L. Nadeau.

14                   Compagnie A et M…G…, C.L.P. 370193-62-0902, 30 mars 2010, M. Auclair, (09PL-232).

15                   Voir entre autres : Gagné et Résidence Christophe-Colomb, [1988] C.A.L.P. 305 ; Lacasse et Centre hospitalier Ste-Jeanne-D’Arc, C.A.L.P. 22507-60-9010, 27 février 1992, M. Lamarre; Renaud et Groupe U.C.S., [1994] C.A.L.P. 219 ; White et Man Ashton inc., [1994] C.A.L.P. 508 ; Provigo Distribution inc. et Vidal, C.A.L.P. 71314-60B-9506, 12 novembre 1997, S. Lemire; Les Coffrages Industriels ltée et Couto, [1997] C.A.L.P. 1164 ; Vallières et Ville de Hull, C.L.P. 126509-07-9911, 22 juin 2001, M. Langlois.

 

 

[42]        La soussignée estime que cette jurisprudence est tout à fait applicable à la présente cause. Ainsi, des limitations fonctionnelles peuvent être accordées même en l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique de la travailleuse.

[43]        En l’espèce, bien que les mesures retrouvées par les différents examinateurs ne font pas état de déficit d’amplitude lors des mouvements, des douleurs sont notées par tous. De plus, lors de son examen, le docteur Goulet retrouve une flexion antérieure à 60° malgré que l’indice de Schober soit normal. Quant à l’examen du docteur Greenfield, ce dernier note que le SLR est mesuré à 80° et il émet des limitations fonctionnelles en raison de la présence de douleur.

 

 

[44]        Quant au docteur Brouillet, même si le diagnostic qu’il retient est différent de celui retenu par le membre du Bureau d’évaluation médicale, le tribunal estime que son avis quant aux limitations fonctionnelles ne doit pas automatiquement être mis de côté. En effet, le but d’émettre des limitations fonctionnelles est d’éviter qu’un travailleur ne se blesse à nouveau en raison d’une certaine fragilité conservée du fait d’une lésion professionnelle. Ainsi, même si le médecin traitant émet un diagnostic différent, le tribunal retient que du fait qu’il indique des limitations fonctionnelles, il est d’avis que la travailleuse doit éviter certains types d’activités pour empêcher qu’elle ne se blesse à nouveau.

[45]        Le tribunal retient également l’avis du docteur Boies selon lequel la travailleuse présente une certaine fragilité au niveau lombaire.

[46]        En raison de cette fragilité et du fait que la colonne de la travailleuse présente une dégénérescence relativement sévère et que cette condition est devenue symptomatique après la survenance de la lésion professionnelle ainsi que le fait qu’elle conserve toujours des douleurs, selon ce qui est noté par les examinateurs, le tribunal estime qu’il y a lieu de conclure que la travailleuse conserve des limitations fonctionnelles. Il y a lieu de retenir celles établies par le membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur Greenfield.

[47]        Au surplus, le tribunal retient comme très révélateur le fait que lorsque la travailleuse a tenté de reprendre son travail, elle a éprouvé des douleurs suffisamment importantes qu’elle a décidé de démissionner. Or, il semble qu’avant la survenance de sa lésion professionnelle, elle accomplissait son travail sans problème.

[48]        Quant au fait que lors de l’audience, la travailleuse ne décrit qu’une sensation de brûlure à l’omoplate lorsqu’elle est fatiguée, ceci pourrait s’expliquer par le fait qu’elle n’est plus active sur le marché du travail. Il en découle que sa colonne est peut-être moins sollicitée, ce qui peut limiter la présence de douleur.

[49]        En terminant, le tribunal tient à souligner que même s’il peut être limitatif pour un travailleur de conserver des limitations fonctionnelles, celles-ci ne sont pas établies dans le but de restreindre sa capacité d’occuper un emploi, mais plutôt pour faire en sorte qu’il ne se blesse à nouveau ou que son état s’aggrave. C'est pourquoi le tribunal estime qu’une interprétation visant cet objectif doit être favorisée.

[50]        Le tribunal conclut donc que la travailleuse conserve les limitations fonctionnelles retenues par le membre du Bureau d’évaluation médicale.

[51]        Finalement, quant à la question de la date de consolidation, le tribunal estime qu’il n’a reçu aucune preuve lui permettant de la modifier.

Dossier 458831-63-1201

[52]        Le tribunal doit déterminer si la travailleuse a droit à la réadaptation en vue d’assurer son retour au travail.

[53]        L’article 145 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) prévoit qu’un travailleur qui conserve une atteinte permanente à son intégrité physique, à la suite de sa lésion professionnelle, a droit à la réadaptation que requiert son état :

145.  Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 145.

 

 

[54]        Selon la jurisprudence[3], un travailleur qui conserve une atteinte permanente non quantifiable peut quand même bénéficier des mesures de réadaptation, s’il conserve des limitations fonctionnelles.

[55]        En l’espèce, le tribunal estime qu’en raison des limitations fonctionnelles que la travailleuse conserve à la suite de sa lésion professionnelle, elle a droit à la réadaptation.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 457641-63-1112

REJETTE la requête de Le Champêtre, l’employeur;

CONFIRME la décision rendue le 18 novembre 2011 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que madame Pierrette Huard, la travailleuse, conserve des limitations fonctionnelles à la suite de sa lésion professionnelle qui consistent à éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :

-      soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 15 kg;

-      travailler en position accroupie;

-      ramper, grimper;

-      effectuer des mouvements avec amplitudes extrêmes de flexion,            d’extension ou de torsion de la colonne lombaire;

-      subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (ex. : provoquées par du matériel roulant sans suspension).

Dossier 458831-63-1201

REJETTE la requête de l’employeur, Le Champêtre;

CONFIRME la décision rendue le 22 décembre 2011 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse, madame Pierrette Huard, a droit à la réadaptation que requiert son état.

 

 

 

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Guylaine Moffet

 

 

 

 

Me Bernard Cliche

Langlois Kronström Desjardins

Représentant de la partie requérante

 

 

 



[1]           Transport Michel Forget inc. et Despatie, 2012 QCCLP 1437 .

[2]           L.R.Q., c. A-3.001.

[3]           Lévesque et Imprimerie Ross-Ellis inc., C.L.P. 167550-72-0108, 1er novembre 2001, P. Perron; Mackeen et Aliments Edelweiss inc., C.L.P. 213161-61-0307, 19 avril 2004, S. Di Pasquale; Roland Boulanger inc. et Chassé, C.L.P. 300183-04B-0610, 7 novembre 2008, M. Watkins.

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