Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Hyacinthe

3 novembre 2006

 

Région :

Yamaska

 

Dossier :

284080-62B-0603

 

Dossier CSST :

128508405

 

Commissaire :

Me Marie Danielle Lampron

 

Membres :

Jacques Lesage, associations d’employeurs

 

Alain Lefebvre, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

Laurent Houle

 

Partie requérante

 

 

 

Et

 

 

 

Hydro-Québec

(Gestion accidents du travail)

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 10 mars 2006, monsieur Laurent Houle (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 9 février 2006 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 23 novembre 2005 et déclare que la réclamation du travailleur a été produite hors délai et qu’aucun motif raisonnable n’a été démontré pour justifier le retard.

[3]                Le travailleur et son représentant sont présents à l’audience du 19 septembre 2006. Le dossier a été pris en délibéré le 25 septembre 2006, sur réception des documents requis à l’audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande de déclarer que sa réclamation a été faite dans le délai prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), ou à défaut, que son retard est justifié par un motif raisonnable.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Le membre issu des associations d'employeurs est d’avis que la réclamation est irrecevable car hors délai sans motif raisonnable. Le membre est d’avis que le hors délai est dû à l’ignorance de la loi et à la négligence du travailleur, ce qui ne constitue pas un motif raisonnable pour prolonger le délai ou relever le travailleur de son défaut.

[6]                Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la réclamation est hors délai, mais que le travailleur a justifié son retard par un motif raisonnable : le travailleur n’a pas cessé de travailler, il a déclaré l’événement à son employeur le jour même et une enquête a été effectuée. L’employeur, qui a l’obligation d’apporter l’assistance requise, n’a pas transmis les documents à la CSST, ce qui fut fait par le médecin du travailleur, de sorte que le travailleur n’a pas à être pénalisé.

LA PREUVE ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[7]                La Commission des lésions professionnelles doit décider si la réclamation du travailleur a été logée dans le délai prévu à la loi, et dans la négative, si le retard est justifié par un motif raisonnable.

[8]                L’article 2 de la loi définit ainsi les notions d’accident du travail et de maladie professionnelle :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;

 

 « maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

 

 

 

[9]                Sur la question du délai, les articles pertinents sont les suivants:

270. Le travailleur qui, en raison d'une lésion professionnelle, est incapable d'exercer son emploi pendant plus de 14 jours complets ou a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique ou, s'il décède de cette lésion, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la lésion ou du décès, selon le cas.

 

L'employeur assiste le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, dans la rédaction de sa réclamation et lui fournit les informations requises à cette fin.

 

Le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, remet à l'employeur copie de ce formulaire dûment rempli et signé.

 

271. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui ne le rend pas incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion ou celui à qui aucun employeur n'est tenu de verser un salaire en vertu de l'article 60, quelle que soit la durée de son incapacité, produit sa réclamation à la Commission, s'il y a lieu, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de sa lésion.

 

272. Le travailleur atteint d'une maladie professionnelle ou, s'il en décède, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la date où il est porté à la connaissance du travailleur ou du bénéficiaire que le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle ou qu'il en est décédé, selon le cas.

 

Ce formulaire porte notamment sur les nom et adresse de chaque employeur pour qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie professionnelle.

 

La Commission transmet copie de ce formulaire à chacun des employeurs dont le nom y apparaît.

__________

1985, c. 6

 

 

[10]           Dans l’éventualité d’un hors délai, l'article 352 de la loi permet au tribunal de prolonger le délai prévu à ces articles et de relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, si cette personne démontre l’existence d’un motif raisonnable :

352. La Commission prolonge un délai que la présente loi accorde pour l'exercice d'un droit ou relève une personne des conséquences de son défaut de le respecter, lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.

__________

1985, c. 6, a. 352.

 

 

[11]           Soulignons que la notion de motif raisonnable n’est pas définie à la loi et que la jurisprudence retient qu’il doit s’agir d’un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure, de réflexion et de bon jugement et qu’à cet égard, le comportement de la personne s’apprécie en fonction d’une personne prudente et diligente.

[12]           Dans Viault et Le Bifthèque[2], la Commission des lésions professionnelles s’exprime ainsi :

[37] Conformément à la jurisprudence en vigueur2, l'analyse du motif raisonnable permet de considérer un ensemble de facteurs susceptibles d'indiquer à partir des faits, des démarches, des comportements, de la conjoncture et des circonstances si une personne a un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure et de réflexion.

 

2. Voir notamment : Purolator ltée et Langlais, 87109-62-9703, 97-12-11, R. Jolicoeur, (J9-11-06); Côté et 25432253 Canada inc., 90478-05-9708, 98-02-13, R. Jolicoeur, révision, 16 septembre1998, S. DiPascale

 

[38] La jurisprudence3 a également déjà établi que le délai de production d’une telle réclamation permet non seulement à la CSST et aux employeurs, mais également à la travailleuse, de retracer plus facilement les informations nécessaires à l’analyse de sa réclamation. Plus le temps passe, plus les preuves factuelles ou documentaires risquent de disparaître. La travailleuse a donc là un intérêt suffisant ou réel à produire sa réclamation à l’intérieur du délai imparti.

 

3. Dubois et CSST, 224535-62-0312, 04-06-07, L. Boucher

 

 

 

[13]           Dans sa réclamation signée le 17 octobre 2005, le travailleur, un chef monteur né en 1948, décrit ainsi un événement survenu le 2 mars 2004 : «  le travail se faisait à 2 nacelles. Vu l’accessibilité restreinte, la position du travail était telle que l’effort pour soulever le montage de traverses était à bout de bras pour un monteur.

[14]           Dans son témoignage à l’audience, le travailleur affirme avoir avisé son supérieur immédiat le jour même de l’événement du 2 mars 2004 et avoir complété le rapport d’accident le lendemain.

[15]           Sur le Rapport d’enquête et d’analyse (incident, accident, lésion professionnelle, accident de véhicule (s) du même jour, outre la description de l’événement, il est coché qu’il s’agit d’un accident du travail et des premiers soins et une assistance médicale sont requis. En bas du formulaire, il est indiqué : « Distribution des exemplaires : Conseiller prévention/ Supérieur immédiat/ Chef immédiat/ Service Sécurité au travail (GAT)/ Syndicat/ Employé/ Matériel de transport (lors d’accident de véhicules) ». On indiquera par la suite que le dossier est « réactivé » en novembre 2005 (p. 21) et qu’une copie avait déjà été transmise en mars 2004.

[16]           Le 17 octobre 2005, sur l’annexe à sa réclamation, le travailleur indique ce qui suit : «  Suite à l’accident, étant donné que j’avais toujours une douleur à l’épaule droite, j’ai consulté mon médecin de famille le 22 mars 2004, qui m’a prescrit des anti-inflammatoires et m’a dit que tout rentrerait dans l’ordre. Je n’ai jamais arrêté de prendre des anti-inflammatoires depuis. Entre-temps j’ai eu 2 traitements en médecine non traditionnelle en été 2004 sans amélioration ». Le travailleur indique avoir eu par la suite 3 traitements en ostéopathie (2 en avril 2005 et 1 en mai 2005). C’est l’ostéopathe qui lui a recommandé de consulter un chirurgien en orthopédie.

[17]           Sur l’attestation initiale du 22 mars 2004, le Dr Auger pose un diagnostic de tendinite à l’épaule droite, probablement à la coiffe des rotateurs. Le médecin prescrit des anti-inflammatoires (Vioxx) et note qu’il n’y a pas d’arrêt de travail.

[18]           Le 31 mai 2005, une radiographie de l’épaule droite est interprétée comme d’apparence normale sans calcification dans les tissus mous.

[19]           Le 16 septembre 2005, sur son rapport, le Dr Desautels, orthopédiste, pose le diagnostic de déchirure de la coiffe des rotateurs à l’épaule droite et prescrit une arthrographie. Le médecin note que le patient veut continuer à travailler, mais qu’il devra éviter d’effectuer des efforts à bout de bras. Il est aussi question d’une éventuelle chirurgie. En décembre 2005, le travailleur subit une arthroscopie et réparation partielle d’une déchirure de la coiffe des rotateurs droite.

[20]           Considérant que dans ses prétentions, le travailleur allègue avoir subi un accident du travail et non une maladie professionnelle, et considérant qu’il n’y a pas eu arrêt de travail, la disposition applicable dans la loi est celle de l’article 271, à savoir que le travailleur doit produire sa réclamation à la CSST « s'il y a lieu, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de sa lésion ».

[21]           Le représentant du travailleur soumet que le travailleur n’avait pas besoin de présenter une réclamation puisqu’il ne s’est pas absenté du travail. Il soumet la jurisprudence suivante : Provost et Coopérative forestière Hautes Laurentides et al[3], Baril et Importations Lorex enr.[4], Jean et Cie Wilfrid Allen Ltée (La) et al.[5]

[22]           Dans la première affaire, il est noté que le délai commence à courir à compter du moment où il est possible pour le travailleur de faire une réclamation. On y précise que pour ce faire, le travailleur a besoin d’une attestation médicale. On a considéré que la réclamation était faite dans les délais, le travailleur l’ayant logée lorsqu’il avait reçu une attestation médicale. La seconde affaire analyse la question du délai dans le contexte d’une récidive, rechute ou aggravation d’une lésion professionnelle initiale qui n’a pas été analysée et donc pas reconnue.

[23]           Dans la dernière affaire soumise, il a été décidé que le travailleur n’avait pas, de façon évidente, logé sa réclamation dans le délai. On a conclu à l’existence d’un motif raisonnable justifiant son retard : le travailleur avait déclaré l’événement le jour même et consulté un médecin; il avait remis ses papiers à l’employeur, qui avait communiqué avec le médecin pour une assignation temporaire et il avait été payé par l’employeur pour toute la période de l’arrêt de travail consécutif à l’accident etc.

[24]           Sur l’absence d’arrêt de travail ou de frais à réclamer, la Commission des lésions professionnelles note ce qui suit dans l’affaire Roy et Alcatel Canada inc (fermé) et al[6] sur la question de l’intérêt réel et actuel à loger une réclamation :

[73] La Commission des lésions professionnelles n’est pas sans ignorer qu’il existe d’autres décisions dans lesquelles on affirme que pour produire une réclamation il faut avoir un intérêt réel et actuel.  Or, généralement, lorsqu’on parle d’un tel intérêt, on parle d’un intérêt strictement financier rattachable à l’obtention par le travailleur d’un paiement ou d’un remboursement.

 

[74] La Commission des lésions professionnelles tient à rappeler que l’introduction d’une réclamation entraîne l’application de la L.A.T.M.P. ainsi que de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (la L.S.S.T

 

[75] Quant à la L.A.T.M.P., elle a prévu à son article I que son objet porte sur la réparation des lésions professionnelles et les conséquences en résultant pour les bénéficiaires.  Or, le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d’une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d’une lésion, le paiement d’indemnité de remplacement du revenu, d’indemnité pour dommage corporel et, le cas échéant d’indemnité de décès.  Bien plus, cette loi confère un droit de retour au travail et un ensemble de protection au travailleur.

 

[76] D’ailleurs, le terme prestation telle que défini à l’article 2 ne se limite pas à des sommes versées en argent.

 

[77] Dans ce contexte, lorsque l’on doit apprécier l’intérêt réel et actuel d’un travailleur en regard de la stricte application de la loi, l’on doit aussi se préoccuper de l’ensemble des services dont pourrait disposer le travailleur suite à l’introduction d’une réclamation.

(…)

 

 

[25]           Dans l’affaire Jetté et Construction GFL inc. et Construction Bricon Ltée[7], la Commission des lésions professionnelles note que « Suivant la jurisprudence la plus favorable au travailleur sur l’application du délai de six mois de l’article 271 de la loi, l’expression « s’il y a lieu » fait référence à des situations où le travailleur n’a aucun intérêt « réel et actuel » à produire une réclamation puisqu’il n’y a pas notamment, d’arrêt de travail, pas de suivi médical, pas de déboursé relié à la lésion, par exemple pour des traitements ou de la médication ».

[26]           Dans l’affaire Leclerc et Les maisons Logitech et al.[8], la Commission des lésions professionnelles retient que l'ignorance de la loi ne peut justifier un retard, mais considère par contre, que la question de l'intérêt réel et actuel pourra être prise en compte lors de l'analyse du motif raisonnable. Considérant que le travailleur avait dû consulter un neurologue, qui suggéra une chirurgie de décompression, le port d'une attelle et une infiltration, le tribunal conclut que le travailleur avait un intérêt réel et actuel, même s’il ne s’était pas prévalu de ces traitements. On nota aussi que le travailleur avait dû se déplacer pour subir un EMG et assumer ses frais de déplacement et de repas, ce qui aurait pu être assumé par la CSST dans le cadre d’une réclamation, tout comme la médication prise par le travailleur, de sorte que le tribunal a conclu que le travailleur avait un intérêt réel et actuel à loger sa réclamation. 

[27]           Dans le présent dossier, la preuve documentaire démontre que le 11 novembre 2005, le travailleur dit ne pas avoir réclamé ses médicaments à la CSST car il bénéficiait d’une assurance personnelle. Il dit avoir remis les rapports médicaux à son employeur et ne pas les avoir transmis à la CSST croyant que son employeur les avait transmis.  La preuve à l’audience démontre que le travailleur ne savait pas qu’il était de sa responsabilité de transmettre sa réclamation à la CSST. Il ne savait pas non plus qu’il devait réclamer ses frais de médicaments et traitements à la CSST.

[28]           Le tribunal ne souscrit pas aux prétentions du travailleur voulant que le rapport d’accident et d’enquête complété chez l’employeur soit assimilable à une réclamation du travailleur au sens de la loi.

[29]           Certes, l’article 270 de la loi prévoit que l'employeur assiste le travailleur dans la rédaction de sa réclamation et lui fournit les informations requises à cette fin. Toutefois, la responsabilité du choix ultime, c’est-à-dire décider de loger une réclamation à la CSST ou non, revient au travailleur, qui ne peut sous le couvert de l’ignorance de la loi faire reposer cette responsabilité à ses supérieurs. Rappelons que ce même article 270 de la loi précise que le travailleur doit remettre à l'employeur copie du formulaire de réclamation dûment rempli et signé. Rappelons également que le travailleur avait d’ailleurs déjà logé une réclamation en 1994.

[30]           Considérant l’ensemble de la preuve, le tribunal considère que le travailleur n'a d’ailleurs pas eu le comportement d'une personne prudente et diligente, puisque dans un contexte où il avait déjà eu une lésion professionnelle à l’épaule gauche et que celle-ci avait requis une intervention chirurgicale en mars 1995, consolidée avec atteinte permanente mais sans limitations fonctionnelles (T-1), une telle personne aurait fait des démarches auprès de son employeur, de son syndicat ainsi que de la CSST pour connaître non seulement les règles applicables à son cas, mais aussi pour savoir ce qu’il en advenait de son dossier.

[31]           La preuve documentaire démontre que le délai à loger la réclamation résulte de l’ignorance de la loi ainsi que d’un choix personnel du travailleur.

[32]           Voici ce qu’indique la CSST dans ses notes du 7 février 2006 concernant le délai: « travailleur a attendu car ne voulait et ne pouvait quitter son service vu son expérience, a fait attention à son bras droit. Consultation aussi de naturopathe et autres ressources sans grande amélioration. A eu radiographie simple de l’épaule en mai 2005 qui n’a rien montré. Il a alors demandé à revoir le spécialiste qui l’avait opéré en 1994 pour l’épaule gauche. A eu certificat CSST de déchirure à ce moment soit septembre 2005 ».

[33]           Dans la décision contestée, la CSST note de plus qu’ayant déjà été opéré en 1994 pour une déchirure de la coiffe des rotateurs, il ne souhaitait pas subir la même intervention. On y apprend aussi que c’est à la suite d’un appel téléphonique effectué par la CSST « après le rapport » de septembre 2005 du Dr Desautels « que le travailleur entreprend ses démarches pour la première fois ».

[34]           Le travailleur affirme à l’audience que son médecin lui remettait les rapports médicaux. Il les remettait ensuite à l’employeur, tant la copie employeur que la copie CSST. Il affirme ne pas s’être aperçu que le Dr Desautels avait conservé la copie du rapport destiné à la CSST ni que c’était ce médecin qui l’avait acheminée à la CSST. En pareilles circonstances, il est bien difficile de considérer que le travailleur avait donné un mandat à ses médecins de compléter pour lui sa réclamation.

[35]           Non seulement l’employeur est absent et n’a pu être questionné, mais la preuve ne permet pas de conclure, de façon prépondérante, qu’il ait été mandaté par le travailleur pour compléter le formulaire de réclamation et l’acheminer à la CSST. La preuve ne permet pas non plus de conclure qu’il y ait eu erreur de gestion de l’employeur dans le traitement du dossier du travailleur.

[36]           Les documents transmis après l’audience révèlent qu’en août 2004, l’assureur privé du travailleur a refusé de rembourser les frais de traitements réclamés par ce dernier au motif que les services rendus n’étaient pas couverts par le contrat, le naturopathe en question n’étant pas membre d’une association ou corporation de naturopathe. Les frais refusés consistent en trois traitements d’un coût de 80 $ chacun (un en juin 2004 et deux en juillet 2004).

 

 

 

[37]           Après avoir analysé la preuve et pris connaissance de l’ensemble des prétentions du travailleur, la soussignée considère, avec respect pour l’opinion contraire[9], que malgré que le travailleur n’ait pas cessé de travailler en mars 2004, puisqu’il a bénéficié de médicaments et de traitements pour lesquels il a dû se déplacer et débourser des coûts, il avait dès lors un intérêt réel et actuel à loger sa réclamation à la CSST. L’absence d'intérêt n'est donc pas démontré en l’espèce. 

[38]           Considérant que le travailleur avait déjà complété un formulaire de réclamation par le passé et que la CSST lui avait même reproché son retard lors de l’événement de 1994, le tribunal considère qu’une personne prudente et diligente aurait agi différemment et se serait assurer du bon déroulement de son dossier auprès de la CSST pour éviter les problèmes passés.

[39]           Le tribunal considère que le hors délai à loger la réclamation découle davantage de l’ignorance de la loi que des reproches que le travailleur adresse à l’employeur. Il croyait qu’il n’avait pas à loger une réclamation car il n’avait pas cessé de travailler. Or, il ne s'agit pas d’un motif raisonnable justifiant la prolongation du délai ou de relever le travailleur de son défaut. C’est ce qui a été décidé dans Germain et Hydro-Québec[10], dans Lacroix et Céramiques Taca inc[11] ainsi que dans Dubois et CSST[12].

[40]           Dans l’affaire Les Services Drummondville inc. (Swift Textile Canada inc.) et St - Pierre[13], la Commission des lésions professionnelles conclut également dans ce sens, écartant les motifs soumis, dont notamment la non gravité apparente de la lésion:

[65] À cet effet, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) et la Commission des lésions professionnelles ont conclu dans de nombreuses décisions majoritaires que l’ignorance de la loi; la négligence d’un travailleur; la gravité de la lésion insoupçonnée au moment de la consultation (…), l’intérêt ou l’intérêt réel et actuel de produire une réclamation, notamment l’absence d’arrêt de travail et/ou de soins médicaux ou de traitements, ne sont pas un motif raisonnable pouvant permettre à la Commission des lésions professionnelles de prolonger le délai ou encore de relever un travailleur ou une travailleuse des conséquences de son défaut de l’avoir respecté. 

 

 

[41]           Le tribunal ne retient pas non plus l’argument du représentant du travailleur voulant que ce dernier n’avait pas intérêt à loger sa réclamation avant car le diagnostic en étant un de tendinite, il aurait été plus difficile de prouver l’existence d’une maladie professionnelle et que ce n’est que lorsqu’un diagnostic de déchirure de la coiffe des rotateurs a été posé qu’il a été en mesure de démontrer le caractère traumatique de sa lésion.

[42]           D’une part, le travailleur n’a pas parlé de ces difficultés qu’il aurait eues pour faire reconnaître sa lésion. D’autre part, le délai prévu à l’article 271 de la loi court à compter de la date de la lésion subie par le travailleur, soit celle pour laquelle il a consulté le 22 mars 2004 et pour laquelle son médecin traitant a posé un diagnostic de tendinite à l’épaule droite, probablement à la région de la coiffe des rotateurs.

[43]           Considérant que la CSST et l’employeur peuvent faire examiner le travailleur par le médecin qu’ils désignent et obtenir leur opinion sur le diagnostic de la lésion et qu’un avis peut être demandé au Bureau d'évaluation médicale sur cette question, puis contesté devant les divers paliers, on comprendra aisément pourquoi le délai à loger la réclamation ne peut être tributaire d’un diagnostic final. N’est donc pas un motif raisonnable le fait que le travailleur ait tardé à loger sa réclamation car il ignorait qu’il devrait être opéré en raison d’une déchirure de la coiffe des rotateurs.

[44]           Le travailleur ayant fait défaut de prouver, par une preuve prépondérante, l’existence d’un motif raisonnable pour expliquer son retard, sa réclamation est donc irrecevable, puisque logée hors délai sans motif raisonnable.

[45]           Vu les conclusions ci-dessus, il n’y aura pas lieu de se prononcer sur le mérite de la réclamation.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête du travailleur, monsieur Laurent Houle;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 9 février 2006 à la suite d'une révision administrative;

DÉCLARE irrecevable la réclamation du travailleur, signée le 17 octobre 2005, concernant une lésion professionnelle survenue le 2 mars 2004.

 

__________________________________

 

Marie-Danielle Lampron

 

Commissaire

 

 

Monsieur Marcin Kazmierczak

S.C. F.P. - F.T.Q. (section locale 1500)

Représentant de la partie requérante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           242031-32-0408, 2005-01-18, L. Langlois

[3]           90680-64-9708, 1998-05-25, B. Roy

[4]           103548-64-9806, 1999-03-31, F. Poupart

[5]           175153-01A-0112, 2002-06-25, R. Arseneau

[6]           129915-31-0001, 01-03-29, P. Simard

[7]           265965-62A-0506, 2005-11-02, J. Landry

[8]           241535-01A-0408, 2005-05-19, J.F. Clément

[9]           Viger et C.H.U.Q. (Pavillon Hôtel-Dieu) 215083-31-0308, 2004-01-29 (corr. 2004-04-19), M. Beaudoin; Chacon et Moulage d’aluminium Howmet Ltée, 198258-71-0301, 2004-02-24 (corr. 2004-03-10 & 2004-04-08), H. Rivard (requête en révision judiciaire pendante); Lapointe et 2941902 Canada inc. Intermarché Côte Vertu.,155972-63-0102, 2002-04-15, R.M Pelletier

[10]         135053-08-0003, 01-02-12, M. Lamarre

[11]         197294-03B-0301, 04-07-27, C. Lavigne

[12]         224535-62-0312, 04-06-07, L. Boucher

[13]         112519-04B-9903, 01-01-11, R. Savard

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