Ezzerki et Entreprise Extermination Maheu ltée |
2016 QCTAT 1627 |
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Dossier 586439-62-1510
[1] Le 2 octobre 2015, monsieur Khalid Ezzerki (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) rendue le 29 septembre 2015, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la Commission confirme celle qu’elle a rendue initialement le 27 août 2015 donnant suite à l’avis du Bureau d’évaluation médicale rendu en date du 18 août 2015 en rapport avec l’événement du 27 janvier 2014. Elle déclare que les soins et les traitements ne sont plus justifiés après le 17 avril 2015, mais que le travailleur avait droit de recevoir les soins ou les traitements jusqu’au 26 août 2015. Elle déclare aussi que le travailleur a droit à une indemnité pour préjudice corporel étant donné la présence d’une atteinte permanente.
[3] Par cette décision également, la Commission confirme celle qu’elle a rendue initialement le 18 septembre 2015. Elle déclare qu’à la suite de l’événement en date du 27 janvier 2014, le travailleur est capable à compter du 17 septembre 2015 d’exercer son emploi et qu’il n’a plus droit à l’indemnité de remplacement du revenu prévue par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la Loi) à compter du 17 septembre 2015.
Dossier 587117-62-1510
[4] Le 9 octobre 2015, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission rendue le 6 octobre 2015, à la suite d’une révision administrative.
[5] Par cette décision, la Commission confirme celle qu’elle a rendue initialement le 2 septembre 2015 faisant suite à l’avis du Bureau d’évaluation médicale rendu en date du 18 août 2015 en rapport avec l’événement du 27 janvier 2014. Elle déclare conforme le bilan des séquelles fait par le Bureau d’évaluation médicale. Elle déclare que la lésion professionnelle du 27 janvier 2014 a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur de 4,40 % et que le travailleur a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 3 531,92 $, plus les intérêts.
[6] Le 1er janvier 2016, la Loi instituant le Tribunal administratif du travail[2] (la LITAT) est entrée en vigueur. Cette loi crée le Tribunal administratif du travail qui assume les compétences de la Commission des relations du travail et de la Commission des lésions professionnelles. En vertu de son article 261, toute affaire pendante devant la Commission des relations du travail ou la Commission des lésions professionnelles est continuée devant la division compétente du Tribunal administratif du travail.
[7] La présente décision est donc rendue par la soussignée en sa qualité de membre du Tribunal administratif du travail (le Tribunal), division de la santé et de la sécurité du travail.
[8] De plus, en vertu de l’article 237 de la LITAT, la «Commission de l’équité salariale», la «Commission des normes du travail» et la «Commission de la santé et de la sécurité du travail» sont remplacées par la «Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail». Il y a donc regroupement de ces organismes. L’article 2 de la Loi est aussi modifié (article 111 de la LITAT) pour remplacer la définition de « Commission de la santé et de la sécurité du travail » par la suivante : « Commission » : Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail ». Ainsi, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) a compétence exclusive, sauf disposition particulière, pour examiner et décider toute question visée dans la Loi (article 349 de la Loi).
[9] L’audience s’est tenue à Longueuil, le 25 février 2016 en présence du travailleur et de son représentant. La Commission avait prévenu qu’elle serait absente à l’audience. Bien que dument convoquée, dans un délai suffisant aux coordonnées inscrites au dossier, l’Entreprise Extermination Maheu Ltée (l’employeur) n’était pas présente ni représentée à l’audition et n’avait fait connaître aucun motif justifiant son absence. Après un délai d’attente, le Tribunal a procédé à l’instruction de l’affaire et rend une décision en vertu des dispositions de l’article 38 de la LITAT en pareils cas.
[10] Le dossier a été mis en délibéré le 25 février 2016 à la fin de l’audience.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
[11] Le travailleur demande au Tribunal de déclarer qu’il n’a pas la capacité à exercer son emploi prélésionnel. Il conteste la capacité seulement. Il ne conteste pas les questions médicales traitées par le Bureau d’évaluation médicale, soit le diagnostic, la date de consolidation, l’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique et les limitations fonctionnelles ou retenues par la Commission (dossier 586439).
[12] Le travailleur conteste l’atteinte permanente à l’intégrité physique allouée et demande au Tribunal de retenir le déficit anatomophysiologique de 7 % stipulé au rapport d’évaluation médicale et d’y ajouter les douleurs et perte de jouissance de la vie (dossier 587117).
LA PREUVE
[13] Le travailleur est technicien en gestion parasitaire ou en extermination chez l’employeur.
[14] Selon la description fournie par l’employeur, le technicien en extermination a pour tâches : l’inspection de contrôle incluant, vérifier la présence d’insectes et de rongeurs dans les logements, les commerces et les entrepôts, identifier les spécimens de parasites chez les clients, vérifier les pièges et les trappes déjà installés chez les clients, proposer les services de l’entreprise aux prospects; l’application de produit liquide en utilisant un vaporisateur d’un gallon, soit vaporiser les produits liquides contre les insectes et les rongeurs dans les logements, les commerces et les entrepôts au besoin, rafraîchir les applications précédentes; l’application de produit en poudre en utilisant un ballon poire à main; l’intervention contre les rongeurs en appliquant un rongicide et en le plaçant dans les endroits selon l’infestation, finalement informer et conseiller les clients sur la problématique de leur infestation. Dans l’accomplissement de ces tâches, il n’y a aucun équipement lourd à manœuvrer et pas besoin de gros muscles.
[15] Le 27 janvier 2014, alors qu’il arrive devant le bloc résidentiel d’un client, le travailleur glisse sur un banc de neige et en tentant d’éviter la chute son genou droit cogne par terre. Il a alors 38 ans.
[16] Le 28 janvier 2014, le travailleur consulte le docteur Yves Chatelois qui pose les diagnostics de contusion et d’entorse au genou droit. Ces diagnostics sont réitérés ultérieurement. Le médecin prescrit un arrêt de travail.
[17] Le 4 février 2014, le médecin qui a charge du travailleur, le docteur Chatelois, ajoute le diagnostic de fracture au genou droit aux diagnostics déjà posés et prolonge l’arrêt de travail.
[18] Le 5 février 2014, l’employeur remplit son avis et demande de remboursement à la Commission. La version de l’événement du 27 janvier 2014 que lui a donnée le travailleur est la suivante : l’accident est arrivé devant le building du client à Montréal. J’ai glissé sur un banc de neige, l’heure vers 13h07.
[19] Le 10 février 2014, le travailleur réclame à la CSST en lien avec l’événement survenu le 27 janvier 2014 qu’il décrit ainsi : en arrivant devant le bloc résidentiel de notre client rue de la Montagne, Montréal, j’ai glissé sur un banc de neige glissant et en voulant éviter la chute, j’ai composé avec mon pied droit, mais le terrain était glissant, mon pied droit s’est écarté et mon genou droit s’est cogné par terre. Sur le coup, j’ai senti des douleurs an niveau de la cheville et du genou.
[20] Le 13 février 2014, le docteur Chatelois prescrit une imagerie par résonance magnétique du genou droit du travailleur.
[21] Le 13 février 2014, la Commission documente sa décision d’admissibilité. Le travailleur s’est blessé en allant chez un client et l’article 2 de la Loi s’applique.
[22] Le 13 février 2014, la Commission accepte la réclamation du travailleur à tire de lésion professionnelle survenue le 27 janvier 2014 en raison d’un accident du travail, dont les diagnostics sont une entorse et une contusion au genou droit. Cette décision n’a pas fait l’objet d’une demande de révision.
[23] Le 18 février 2014, le travailleur passe une imagerie par résonance magnétique du genou droit. Les résultats sont lus par le docteur Pierre Bergeron, radiologiste, qui note une entorse sévère impliquant la portion moyenne du collatéral externe avec arrachement des fibres s’insérant sur le plateau tibial externe où on observe de plus un important foyer contusionnel au versant postérieur. Un autre foyer de contusion est visible sur le versant antéro-médial du plateau tibial interne. Le ligament collatéral de ce côté est normal toutefois. Le radiologiste conclut à la présence d’une entorse de haut grade au niveau de la portion moyenne du collatéral externe et deux foyers de contusion osseuse au niveau du plateau tibial, le plus important est situé en externe en postérieur et un autre plus discret sur le versant antéro-médial du plateau tibial interne. Il y a un épanchement intra-articulaire léger à modéré.
[24] Le 27 février 2014, le médecin qui a charge du travailleur, le docteur Chatelois pose le diagnostic de déchirement du ligament collatéral externe du genou droit. Ce diagnostic est maintenu subséquemment.
[25] Le 17 mars 2014, le docteur Richard Catchlove prend en charge le travailleur. Le médecin réitère les diagnostics de déchirure et d’entorse du ligament collatéral externe du genou droit ainsi que de contusions au plateau tibial.
[26] Selon les notes évolutives, le 12 mai 2014, le travailleur mentionne à l’agent d’indemnisation de la Commission qu’il a vu son médecin aujourd’hui. Il est découragé et malheureux, car il n’est pas certain de pouvoir refaire son travail régulier. Il dit que son travail peut être très physique, il doit se rendre dans des endroits difficiles d’accès. Il a des craintes face à son avenir.
[27] Le 4 juin 2014, la docteure Hélène Béland-Vachon du Bureau médical de la Commission opine que la déchirure du ligament collatéral peut être mis en relation avec l’événement d’origine et qu’il faut prévoir des limitations fonctionnelles quant à la marche en terrain inégal, au soulèvement de charge, à la position accroupie ou à genoux.
[28] Le 4 juin 2014 également, le travailleur rapporte à l’agent d’indemnisation de la Commission qu’il a vu le spécialiste, le docteur Jacques, qui lui aurait parlé des probabilités de rester avec des limitations fonctionnelles. Le travailleur dit avoir des douleurs et pour l’instant, il ne se revoit pas du tout au travail. Il dit qu’il serait incapable de monter du matériel, bonbonnes, insecticide dans des échelles ou dans des greniers.
[29] Le 6 juin 2014, la Commission rend une décision et reconnaît la relation entre le nouveau diagnostic de déchirure du ligament collatéral externe droit et l’événement du 27 janvier 2014. Cette décision n’a pas fait l’objet d’une demande de révision.
[30] Le 10 juin 2014, la conseillère en réadaptation de la Commission s’entretient avec l’employeur, lui parle des limitations fonctionnelles prévues par le Bureau médical et lui demande s’il y aura des solutions possibles si le travailleur garde des limitations fonctionnelles au niveau des terrains inégaux et des positions accroupies ou à genoux? L’employeur indique que cela aurait été différent l’hiver, mais que présentement, ils ont beaucoup de travail, car c’est leur grosse saison. Il pourrait utiliser le travailleur à certaines tâches plus légères, comme le traitement des punaises qui se fait à l’intérieur des logements en utilisant une poire qui contient du produit, et ce, en présence du résidant qui peut déplacer certains meubles lui-même. Le traitement des blattes se fait aussi dans les logements surtout dans les armoires qui doivent être vidées avant. Il pourrait même envoyer un autre employé avec le travailleur chez le client si nécessaire. Selon l’employeur, la recherche de solutions pour le retour au travail doit aussi être la volonté du travailleur, ce qui n’est pas présent à 100 % actuellement, selon lui.
[31] Le jour même, la conseillère en réadaptation communique avec le travailleur pour discuter des solutions possibles pour le retour au travail. Elle lui dit avoir parlé avec son employeur qui semble ouvert à le réintégrer à certaines de ses tâches, comme le traitement des punaises ou des blattes. Le travailleur lui dit que c’est impossible pour lui de faire n’importe laquelle de ses tâches. La seule chose qu’il pourrait faire est accompagner un autre employé pour ne remplir que le rapport. Il ne peut appliquer de produit au niveau du sol, parce qu’il ne peut s’accroupir ou s’agenouiller. Il ne peut non plus travailler dans les armoires du haut, car il doit se tenir avec sa canne et ne peut donc tenir la bonbonne et l’applicateur. La conseillère et le travailleur conviennent donc qu’il sera plus facile de trouver des tâches qu’il peut faire lorsqu’il n’aura plus besoin de sa canne pour marcher.
[32] Le 21 juillet 2014, le médecin du travailleur, le docteur Nobert Tarcak dirige le travailleur en orthopédie.
[33] Le 30 juillet 2014, le travailleur passe une imagerie du genou droit. Les résultats sont lus par le docteur André Lisbona, radiologiste, et révèlent :
Minimal degenerative changes noted in the medial aspect of the right knee joint. A mild synovial reaction is noted in the suprapatellar bursa.
[34] Le 6 août 2014, la conseillère en réadaptation de la Commission s’entretient avec l’ergothérapeute qui a évalué le travailleur la veille. L’ergothérapeute lui dit que le travailleur garde sa canne pour faire ses exercices ou marche avec la canne et l’attelle stabilisatrice. L’ergothérapeute a fait remarquer au travailleur qu’il serait vraiment important qu’il commence à moins utiliser l’attelle et la canne au moins chez lui. Le travailleur a montré une certaine ouverture à le faire. Elle verra dans les prochains jours s’il mettra ses conseils en application. La conseillère mentionne qu’elle a parlé avec l’ergothérapeute, l’employeur et le travailleur en juin 2014 et qu’il avait été convenu qu’il serait difficile de faire un retour au travail tant que monsieur utilise la canne. L’ergothérapeute devait travailler cela avec le travailleur, mais il n’y a pas eu d’amélioration en ce sens. La conseillère se demande si c’est parce que le retour au travail inquiète le travailleur?
[35] Le 14 août 2014, le travailleur est évalué par le docteur Etahn Lichtblau, chirurgien orthopédiste. Dans son rapport médical, le médecin note que le genou droit est stable sans aucune laxité clinique. Il suggère la poursuite de la physiothérapie jusqu’à un plateau.
[36] Le 18 août 2014, le travailleur est pris en charge par le docteur Tarcak qui diagnostique une entorse au genou droit, une bursite suprapatellaire et rapporte une amélioration notée. Le docteur signale qu’il est pertinent de poursuivre les traitements de physiothérapie et d’ergothérapie.
[37] Le 22 août 2014, l’agent d’indemnisation de la Commission demande au travailleur s’il utilise toujours sa canne? Le travailleur dit en avoir grandement besoin et qu’il devient très enflé s’il ne l’utilise pas. Son médecin lui a dit de continuer à la prendre. Le travailleur se dit incapable de faire son travail, qu’il aimerait bien, mais a trop de douleur.
[38] Le 16 septembre 2014, la docteure Sonya Nguyen du Bureau médical de la Commission interroge le docteur Tarcak. Celui-ci répond qu’il recommande l’utilisation d’une canne et le port de l’attelle en tout temps, qu’il ne prévoit pas que l’utilisation de la canne sera permanente, mais qu’il est trop tôt pour prévoir une diminution de son utilisation.
[39] Le 9 octobre 2014, le travailleur est évalué par le médecin désigné de la Commission, le docteur Jacques Desnoyers, chirurgien orthopédiste, qui produit son rapport d’expertise le 4 novembre 2014. Le travailleur dit au médecin que le 27 janvier 2014, il glisse sur une surface glacée et lui décrit un mouvement en valgus avec la face interne au sol. Il rapporte au médecin que les traitements de physiothérapie et d’ergothérapie n’apportent rien depuis quatre mois et qu’il en sort complètement vidé.
[40] L’examen du docteur Desnoyers révèle des amplitudes articulaires symétriques, mais incomplètes au niveau des hanches, une flexion-extension des genoux droit et gauche à 0-120 degrés et 0-130 degrés respectivement. Le médecin note que toute la jambe droite et le genou droit tremblent lorsqu’il veut passer les amplitudes articulaires à plus de 90 degrés. Le travailleur mesure un (1) mètre 82.
[41] À l’examen, le docteur Desnoyers constate des amplitudes articulaires assez bonnes, une absence de signe d’irritabilité musculaire interne avec une absence d’épanchement, d’atrophie musculaire et de laxité ligamentaire.
[42] Le docteur Desnoyers opine que du point de vue orthopédique et biomécanique du genou, le travailleur présente un complexe lésionnel sur la résonance magnétique qui n’est pas compatible avec l’événement traumatique tel que décrit par monsieur avec un choc à la face interne du genou sur un mécanisme de valgus avec un traumatisme au niveau ligamentaire externe. Monsieur a dû avoir un complexe de chute avec un mouvement de torsion différent.
[43] Le docteur Desnoyers retient le diagnostic d’entorse du genou non consolidée. Il suggère de cesser les traitements de physiothérapie et d’ergothérapie qui sont inefficaces, de demander une cartographie osseuse, une radiographie simple et une imagerie par résonance magnétique pour documenter notamment la présence d’une nécrose avasculaire.
[44] Le 9 octobre 2014 également, alors que le travailleur sort de cette évaluation médicale, il se blesse au pied gauche.
[45] Le 20 octobre 2014, le docteur Tarcak arrête les traitements de physiothérapie et d’ergothérapie et note une investigation à faire.
[46] Le 29 octobre 2014, la conseillère en réadaptation de la Commission s’entretient avec l’employeur. Le médecin traitant recommande que le travailleur utilise sa canne en tout temps. Il n’y a aucune tâche administrative, cléricale ou de vente qui peut être offerte au travail en assignation temporaire ou en emploi convenable. Si le travailleur conserve des séquelles l’empêchant de refaire son emploi prélésionnel, il n’y aurait pas d’autre emploi possible. Par contre, l’employeur est toujours ouvert à réintégrer le travailleur progressivement dans ses tâches en attendant qu’il redevienne capable de les faire en lui donnant un accompagnateur pour aller chez les clients. Il s’agit d’une solution temporaire et vise à aider le travailleur à réintégrer éventuellement l’ensemble de ces tâches. L’employeur indique que cela a été possible avec d’autres employés, mais que la volonté du travailleur est l’élément essentiel à ce gendre de solution.
[47] Le 21 janvier 2015, la conseillère en réadaptation de la Commission s’entretient avec le travailleur. Elle lui explique le processus de réadaptation et l’approche concentrique. Elle doit d’abord évaluer sa capacité à refaire son emploi prélésionnel. Si le travailleur garde une limitation l’obligeant à utiliser une canne en tout temps, il lui sera impossible de refaire son emploi. S’il y a une amélioration à ce niveau, elle lui parle de l’ouverture de l’employeur à le reprendre en le faisant accompagner par un autre exterminateur. Le travailleur voit tout de suite comme obstacle les escaliers à monter ou descendre. La conseillère suggère de cibler les clients qui demeurent au rez-de-chaussée pour commencer. S’il n’est pas possible qu’il retourne dans l’emploi prélésionnel, elle devra voir si un emploi convenable serait possible chez l’employeur. Selon le travailleur, il n’y a pas d’autres postes disponibles dans le bureau ou comme vendeur. Il ne possède pas le certificat pour être vendeur.
[48] Le 12 février 2015, le travailleur passe une scintigraphie osseuse triple phase des genoux. Les résultats sont lus par la docteure Michelle Caron. L’étude du flot phase immédiate est sans particularité. La phase tardive montre un rehaussement d’activité relativement intense à la portion externe de la région métaphysaire du tibia proximal droit. Le reste de l’étude est tout à fait normal. L’impression est un rehaussement relativement intense au versant externe de la métaphyse tibiale proximale droite qui pourrait être en lien avec une petite fracture bien que, comme le flot ne démontre pas de vascularisation accrue à ce niveau, ne semble pas être en lien avec un phénomène récent. À corréler à la clinique et autre modalité diagnostique (pièce T-4).
[49] Le 20 février 2015, l’instance de révision de la Commission rend une décision par laquelle elle confirme la décision initiale du 24 octobre 2014 et déclare que le travailleur n’a pas subi une lésion professionnelle le 9 octobre 2014 et qu’il n’a pas droit aux prestations prévues par la Loi. Cette décision est devenue finale et irrévocable à la suite du désistement du travailleur de son appel au Tribunal.
[50] Le 15 mars 2015, le travailleur passe une imagerie par résonance magnétique du genou droit (pièce T-4). Les résultats sont lus par le docteur Huy Le et révèlent :
No surfacing meniscal tears or acute fractures, specifically the lateral tibial plateau.
The cruciate ligaments and the collateral ligaments are unremarkable. The medial and lateral stabilizers of the knee are intact.
There is fluid distending the lateral gutter of the suprapatellar recess.
The articular cartilage is unremarkable. The patellar tendon is minimally tendinotic at its tibial insertion.
There is high-signal-intensity within the quadriceps fat pad with bulging of the posterior wall. This is a nonspecific finding, but can be seen in patients with impingement.
No fractures or bone contusions.
SUMMARY
1. No tears of the ligaments, menisci and there are no cartilage abnormalities. No acute fractures.
2. There is a small amount of fluid distending the lateral gutter of the of the suprapatellar recess and there is edema within the quadriceps fat pad, which is a nonspecific finding, but can be seen in patients with impingement. Correlate clinically.
[51] Le 31 mars 2015, le docteur Tarcak retient les diagnostics de contusion au genou droit et entorse du complexe latéral externe qui ne sont pas consolidés. Une chirurgie n’est pas prévue et le travailleur ne reçoit pas de traitements. Il s’agit du rapport contesté.
[52] Le 17 avril 2015, le travailleur est évalué par le médecin désigné de la Commission, le docteur Serge Tohmé, chirurgien orthopédiste. Le travailleur décrit l’événement du 27 janvier 2014 au docteur : il a glissé sur un banc de neige sur l’asphalte.
[53] À l’examen subjectif, le travailleur rapporte au docteur Tohmé une raideur et une douleur à la face latérale du genou droit du type brûlure et chaleur, une sensation de blocage sans dérobade, des enflements sporadiques. La symptomatologie augmente à l’effort et peut parfois le réveiller la nuit. Il ne prend aucune médication. Il éprouve de la difficulté, entre autres, à monter et descendre les escaliers.
[54] L’examen objectif du docteur Tohmé ne montre pas de déformation des membres inférieurs. Le travailleur marche avec une canne et une orthèse. Il soupire et souffle pour témoigner de sa douleur. Il se dit incapable de marcher sans la canne. Il marche avec la canne, l’orthèse et le membre inférieur droit en rotation externe tout en le tirant de côté. Il se dit incapable de marcher sur les talons et sur la pointe des pieds ou de s’accroupir. Il mesure un (1) mètre 82. Les amplitudes articulaires au niveau des deux hanches sont normales et symétriques.
[55] L’examen des genoux du docteur Tohmé ne démontre aucune déformation, aucune rougeur, aucun œdème au niveau des régions antérieure, poplitée, médiale et latérale. La palpation des mêmes régions est rapportée indolore mis à part une douleur élective à la palpation du condyle fémoral externe en postéro-externe au niveau osseux. Les mouvements contrés de flexion et d’extension des genoux sont rapportés indolores. Aucun œdème, aucun épaississement, aucune augmentation du volume des tendons des ischio-jambiers médiaux ou latéraux n’ont été retrouvés à l’examen clinique. Les amplitudes articulaires des genoux vont de 0 degré d’extension à 130 degrés de flexion. Les manœuvres de Lachman et stress varus valgus sont négatives bilatéralement. Les deux genoux sont secs, sans épanchement intra-articulaire ni empattement sous-quadricipital. Les manœuvres de préhension, de McMurray, du pivot et du sagging sont négatives bilatéralement. Il n’y a aucune douleur palpatoire au niveau des plateaux tibiaux ou du condyle interne à l’examen clinique. Les amplitudes articulaires des chevilles sont normales et symétriques. Le reste de l’examen est sans particularité.
[56] À l’issue de son examen, le docteur Tohmé note que la cartographie osseuse et la résonance magnétique de contrôle n’ont démontré aucune nouvelle pathologie et encore moins, une nécrose avasculaire. Le docteur ajoute que l’examen de ce jour démontre un subjectif florissant non en rapport avec les trouvailles objectives.
[57] Tenant en compte le mécanisme lésionnel, le diagnostic initial retenu, la première imagerie médicale, le docteur Tohmé retient en lien avec la lésion professionnelle le diagnostic d’entorse au genou droit. Vu les résultats de l’imagerie par résonance magnétique de contrôle et la discordance entre le subjectif et l’objectif, il consolide la lésion en date du 17 avril 2015 avec suffisance de soins et de traitements. Considérant les résultats de l’imagerie par résonance magnétique de contrôle et la discordance entre le subjectif et l’objectif, le docteur conclut qu’il n’y a aucun élément objectif à son examen qui soutiendrait l’attribution d’un déficit anatomophysiologique ou de limitations fonctionnelles pour le diagnostic d’entorse au genou droit. Il s’agit du rapport infirmant.
[58] Le 8 mai 2015, la Commission transmet par télécopieur une copie du rapport infirmant au médecin qui a charge du travailleur, le docteur Tarcak, et l’invite à remplir un rapport complémentaire dans les 30 jours.
[59] Le 22 juillet 2015, le travailleur est examiné par le docteur Robert Duchesne, chirurgien orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale qui rend son avis le 18 août 2015. Le médecin est saisi du diagnostic de la lésion professionnelle, de la date de consolidation, des soins ou traitements et des séquelles permanentes.
[60] Le travailleur décrit l’événement du 27 janvier 2014 au docteur Duchesne. Alors qu’il se rendait chez un client, il y avait eu du verglas et de la neige cette journée-là. Il glisse sur une surface asphaltée dans l’entrée d’un édifice. Il fait une chute avec un élément de torsion de son genou et un impact direct au niveau du compartiment externe de son genou droit. Il se retrouve au sol et sera aidé par le concierge de l’immeuble où il se rendait faire son travail.
[61] Le travailleur rapporte au docteur Duchesne une amélioration de 35 % de son état avec un plateau d’évolution. Il doit utiliser en permanence une canne et rapporte un périmètre de marche très restreint. Il se plaint de limitations douloureuses d’amplitude de mouvement, notamment en flexion qu’il juge limitée à 90 degrés ainsi qu’en extension du genou droit et d’une douleur constante au compartiment externe. Il porte en permanence une orthèse de type AC Brace. Il se plaint de boiterie constante. Il est incapable de courir. Il accuse beaucoup de difficulté à monter et descendre les escaliers. Il n’accuse pas de phénomène de blocage ni de dérobade, Il rapporte parfois une discrète coloration rougeâtre péri-articulaire à son genou droit et avoir beaucoup de difficulté à mettre tout l’appui sur son membre inférieur droit lorsqu’il n’utilise pas la canne à la main gauche. Il est toujours en arrêt de travail complet.
[62] L’examen objectif du docteur Duchesne montre un travailleur qui, avec une canne à la main, marche très lentement avec une boiterie évidente au membre inférieur droit maintenant une position de rotation externe de tout le membre inférieur avec très peu d’amplitude articulaire du genou. Il se déplace difficilement lorsqu’il n’utilise pas la canne à la main gauche et doit s’appuyer sur le mobilier. Il porte une orthèse de type AC Brace à son genou droit. Il a été souffrant à la marche et aux changements de position. Il mesure un (1) mètre 80.
[63] L’examen objectif du docteur Duchesne montre un travailleur accusant beaucoup de difficulté à marcher sur une très courte distance et se disant incapable de faire l’appui complet sur son membre inférieur droit. Sans utiliser la canne, il est incapable de marcher sur les talons en équin au niveau du pied droit. La fonction du membre inférieur gauche est normale. Il est incapable d’obtenir la position accroupie en raison d’une douleur qu’il décrit comme très importante au compartiment externe de son genou droit. Il accuse des difficultés à monter et descendre à répétition le marchepied de la table d’examen pour les mêmes raisons douloureuses au compartiment externe de son genou droit.
[64] Sur la table d’examen du docteur Duchesne, les amplitudes articulaires des genoux sont normales, à 130 degrés en flexion et 0 degré en extension, bilatéralement. À l’inspection du genou droit, il n’y a pas de déformation ni cicatrice. La coloration est uniforme. À la palpation, la chaleur est normale. La palpation de l’interligne externe et du plateau tibial externe est rapportée comme très douloureuse. La palpation du compartiment interne et de l’appareil extenseur n’est pas douloureuse. Le creux poplité est souple. À la palpation intra-articulaire, le genou est sec. La mobilisation patello-fémorale n’est pas douloureuse. Il n’y a pas de rabot et d’appréhension. « Les amplitudes articulaires démontrent une flexion très limitée à ??? alors qu’en actif la flexion est limitée à 90 degrés et qu’en passif elle ne dépasse pas 110 degrés le patient rapportant une douleur importante au compartiment externe. Quant à l’extension, en passif elle est complète à 0 degré et en actif à -5 degrés. »
[65] L’examen de l’appareil ligamentaire, poursuit le docteur Duchesne, démontre un genou stable dans tous les axes. Il n’y a pas de tiroir antérieur ni postérieur, pas d’instabilité en extension valgus ni extension varus. Il n’y a pas de Lachman ni pivot. Les manœuvres de flexion-rotation interne ou rotation externe passive ne provoquent pas de signe de McMurray, mais une douleur au compartiment externe. En position assise sur la table d’examen, le travailleur n’obtient pas l’extension complète du genou, mais - 5 degrés et se plaint de douleur au compartiment externe. Il obtient 90 degrés de flexion, l’extension et la flexion contre résistance provoquent des douleurs au compartiment externe. La force est évaluée à 4,5/5.
[66] À titre comparatif, précise le docteur Duchesne, il a fait un examen du membre inférieur gauche qui démontre des amplitudes articulaires normales à tous les niveaux, un genou gauche sec, stable et un examen sensitivo-moteur strictement normal.
[67] À l’issue de son examen, le docteur Duchesne tient en compte le mécanisme accidentel que lui a décrit le travailleur, la déclaration d’accident, les notes médicales initiales, les rapports de résonance magnétique ainsi que de scintigraphie osseuse, et retient en lien avec la lésion professionnelle les diagnostics d’entorse au ligament collatéral externe du genou droit et de contusion au plateau tibial externe du genou droit. Le médecin ajoute qu’il retrouve une certaine discordance entre la symptomatologie alléguée par le travailleur, l’investigation par imagerie médicale ainsi que lors de son examen physique. Il s’explique mal l’intensité si importante de la douleur rapportée par le travailleur et l’incapacité de marcher sans une canne à la main gauche en raison de cette douleur trop importante.
[68] Le docteur Duchesne consolide la lésion professionnelle en date du 17 avril 2015 parce qu’il a décrit une symptomatologie et un examen physique comparable à celui rapporté par le docteur Tohmé et ce, après que le travailleur ait eu un complément d’investigation avec une nouvelle résonance magnétique de contrôle et scintigraphie osseuse au début 2015. Le docteur est d’avis que la symptomatologie douloureuse alléguée par le travailleur déborde l’explication que peut apporter l’investigation par imagerie médicale et fait état sûrement de facteurs de chronicité ou psycho-émotif. Il y a pour le docteur suffisance de traitements et d’investigations en date du 17 avril 2015.
[69] Puisqu’il a décrit un appareil ligamentaire stable dans tous les axes au niveau du genou droit, le docteur Duchesne ne recommande pas un déficit anatomophysiologique additionnel pour une quelconque instabilité du genou. Il recommande le code de perte de 20 degrés d’amplitude de flexion au genou droit tel que démontré à la mobilisation passive du genou droit. Il est en désaccord avec le docteur Tohmé qui ne recommande aucune séquelle permanente.
[70] Tenant en compte les résultats des imageries médicales et la symptomatologie résiduelle, le docteur Duchesne alloue un déficit anatomophysiologique de 4 %, incluant 2 % pour une atteinte des tissus mous au membre inférieur droit (genou droit) consolidée avec changement radiologique et séquelles fonctionnelles (plateau tibial externe et ligament collatéral externe) code 103 499 et 2 % pour une flexion du genou droit limitée à 110 degrés sans préjudice esthétique code 106833.
[71] Quant aux limitations fonctionnelles, ayant décrit un genou sec et stable dans tous les axes, le docteur Duchesne ne recommande pas le port d’une orthèse stabilisatrice au genou droit ni l’utilisation d’une canne à la main gauche, car ceci ne fait que chroniciser davantage le tableau douloureux. Ses seules recommandations seront d’éviter de travailler dans échelle, échafaudage, escabeau. Le docteur ne formule qu’une seule limitation fonctionnelle : le patient devra éviter de travailler dans échelle, échafaudage et escabeau.
[72] Le 27 août 2015, la Commission rend une décision donnant suite à l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 18 août 2015 concernant l’événement du 27 janvier 2014. La Commission est liée par cet avis qui porte sur le diagnostic, la date de consolidation, les soins et les traitements, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. Les seuls diagnostics retenus sont une entorse du ligament collatéral externe au genou droit et une contusion du plateau tibial externe du genou droit. La Commission a déjà établi qu’il s’agit d’une lésion professionnelle. En conséquence le travailleur a droit aux prestations prévues par la Loi.
[73] Les soins et les traitements, poursuit cette décision, ne sont plus nécessaires depuis le 17 avril 2015 et la Commission doit cesser de les payer, mais le travailleur avait le droit de recevoir les soins ou les traitements jusqu’au 26 août 2015. La lésion professionnelle a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et une décision sera rendue prochainement quant à l’indemnité pour préjudice corporel qui sera versée au travailleur. Tenant compte de la consolidation de la lésion en date du 17 avril 2015 et de la présence de limitations fonctionnelles, le travailleur a droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce que la Commission se prononce sur sa capacité de travail. Le travailleur conteste cette décision.
[74] Le 2 septembre 2015, la Commission rend une décision concernant le pourcentage d’atteinte permanente. À la suite de la lésion professionnelle du 27 janvier 2014, l’atteinte permanente du travailleur a fait l’objet d’un avis du Bureau d’évaluation médicale qui l’a établie à 4 %. À ce pourcentage, s’ajoute 0,40 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie, pour un total de 4,40 %. Ce pourcentage donne droit au travailleur à une indemnité de 3 531, 92 $. S’ajoutent à cette somme, les intérêts courus depuis la date de réception de la réclamation du travailleur. Si aucune des parties ne demande la révision de cette décision, le montant total, y compris les intérêts sera versé au travailleur dans un peu plus d’un mois. Le travailleur conteste.
[75] Le 11 septembre 2015, lors d’une communication téléphonique avec l’employeur, la conseillère en réadaptation de la Commission lui fait part de la limitation fonctionnelle retenue par le Bureau d’évaluation médicale, soit que le travailleur devra éviter de travailler dans une échelle, échafaudage et escabeau. L’employeur indique que le travailleur n’utilise jamais d’échafaudage pour son travail. Une situation où le travailleur pourrait avoir à monter dans une échelle ou un escabeau serait pour un nid de guêpes. Aussi, le travailleur a parfois, mais rarement à utiliser un petit escabeau lorsqu’il doit appliquer un produit contre les souris dans un bâtiment commercial. En effet, ce produit doit s’appliquer dans les plafonds suspendus qui sont habituellement à 12 pieds de hauteur. Le travailleur n’a pas à monter très haut, car il ne doit qu’appliquer le produit à bout de bras dans le plafond. La conseillère répond que le médecin parle d’éviter les escabeaux, donc, peu importe la hauteur, cette limitation doit être respectée.
[76] Lors de cet entretien, l’employeur se dit ouvert à accommoder le travailleur et à faire en sorte qu’il puisse en tout temps respecter cette limitation fonctionnelle. Si le traitement à faire exige un escabeau ou une échelle, l’employeur est disposé à donner le travail à un autre employé ou à envoyer un autre employé avec le travailleur afin qu’il puisse demeurer au sol pendant que l’autre travaille en hauteur. Au surplus, l’employeur précise que plusieurs autres types de traitements d’extermination ne nécessitent pas l’utilisation d’échelle ou d’escabeau. L’employeur ajoute qu’il n’y a aucun problème pour eux à trouver des solutions d’accommodement et qu’ils l’ont déjà fait pour d’autres employés. L’employeur est prêt à reprendre le travailleur dès maintenant, mais celui-ci doit avoir la volonté de travailler.
[77] La conseillère dit que le travailleur pourrait contester parce qu’il déclare des incapacités plus importantes et qu’il est possible qu’il ne veuille pas reprendre le travail pour cette raison. Cependant, tant que cette décision n’est pas infirmée en appel, elle est liante. Considérant que la lésion est consolidée et que, malgré sa limitation fonctionnelle, il est possible pour le travailleur de retourner chez l’employeur faire son emploi prélésionnel, une décision de capacité sera rendue et le versement de l’indemnité de remplacement du revenu cessé. Le droit de retour au travail n’est pas expiré. L’employeur est prêt à reprendre le travailleur dès maintenant puisqu’il est justement à la recherche d’un employé alors que le permis du travailleur est toujours valide jusqu’en 2016.
[78] Le 11 septembre 2015, la conseillère en réadaptation informe le travailleur que la Commission est liée par la seule limitation fonctionnelle émise par le Bureau d’évaluation médicale pour l’analyse de sa capacité de travail. Elle lui fait part que l’employeur lui a confirmé qu’il n’y avait pas de problème pour le respect de cette limitation et qu’il est prêt à reprendre le travailleur dans son emploi dès maintenant. Le travailleur lui demande ce qui arrive pour sa canne et son orthèse? Elle répond que le Bureau d’évaluation médicale ne recommande pas ces aides techniques. Monsieur répond que son médecin les recommande. La conseillère rappelle que la Commission est liée par l’avis du Bureau d’évaluation médicale qui ne recommande pas ces aides. Le travailleur va communiquer avec l’employeur.
[79] Le 16 septembre 2015, la conseillère en réadaptation documente la décision de capacité de la Commission. Les lésions professionnelles sont consolidées en date du 17 avril 2015 avec une atteinte permanente de 4,4 % et une limitation fonctionnelle, soit éviter de travailler dans échelle, échafaudage et escabeau. Le travail consiste à se rendre dans le véhicule de l’entreprise, chez des clients, pour prévenir l’infiltration ou solutionner des problèmes existants reliés à des parasites. Le travailleur doit inspecter les lieux, identifier les problèmes, suggérer et appliquer des solutions. L’application des produits peut se faire à l’intérieur, l’extérieur, au sol, dans des armoires ou des plafonds. Une situation où le travailleur pourrait avoir à monter dans une échelle ou un escabeau serait pour un nid de guêpes. Aussi, parfois, mais rarement, le travailleur peut utiliser un petit escabeau de quelques marches pour appliquer le produit dans le plafond.
[80] L’employeur, poursuit la conseillère en réadaptation, confirme qu’il fera en sorte que le travailleur puisse réintégrer son emploi prélésionnel dans le respect de la limitation fonctionnelle émise. En effet, le travailleur n’utilise jamais d’échafaudage et si le travail exige un escabeau, l’employeur est prêt à le confier à un autre employé ou à faire accompagner le travailleur d’un collègue qui fera le travail. Aussi, vu la consolidation de la lésion professionnelle, que la limitation fonctionnelle peut être respectée en tout temps selon l’employeur, que le travailleur a été avisé que l’employeur accepte de respecter sa limitation fonctionnelle, la Commission est d’avis que le travailleur peut reprendre son travail prélésionnel. L’employeur est prêt à reprendre le travailleur dès maintenant et il est d’accord avec cette décision. Le travailleur va contacter l’employeur pour reprendre le travail.
[81] Le 16 septembre 2015, la Commission avise le travailleur de la décision de capacité à exercer son emploi prélésionnel.
[82] Le 18 septembre 2015, la Commission rend une décision concernant la capacité de travail. Comme convenu, la Commission a entrepris des démarches auprès de l’employeur pour permettre au travailleur de retourner au travail. Ces démarches permettent à la Commission de conclure, en tenant compte des limitations fonctionnelles du travailleur, que celui-ci est capable d’exercer son emploi à compter du 17 septembre 2015. Le versement des indemnités de remplacement du revenu prendra fin à cette date. Le travailleur demande la révision de cette décision.
[83] À l’instance de révision de la Commission, le travailleur signale son désaccord avec les conclusions dégagées dans l’avis rendu par le Bureau d’évaluation médicale en date du 18 août 2015, et plus précisément en regard de la date de consolidation de la lésion professionnelle et du déficit anatomophysiologique retenu. À la suite de la lésion professionnelle, précise le travailleur, il utilise des aides techniques, soit une canne et une orthèse lesquelles sont recommandées par son médecin traitant.
[84] En ce qui a trait à sa capacité de travail, le travailleur soumet à l’instance de révision de la Commission qu’il a communiqué avec l’employeur pour son retour au travail les 18 et 22 septembre 2015. À ce jour, il est toujours en attente d’un retour d’appel de son employeur à ce sujet. Il soutient que sa condition nécessite une réadaptation, car selon la recommandation de son médecin, il continue à porter une orthèse et à utiliser une canne.
[85] Le 29 septembre 2015, la Commission rend une décision à la suite d’une révision administrative. Elle note que les diagnostics retenus par le Bureau d’évaluation médicale précisent les diagnostics qui ont fait l’objet de la décision d’admissibilité. Il n’y a donc pas lieu de se prononcer à nouveau sur la relation entre ces diagnostics et les circonstances entourant la survenance de la lésion professionnelle. Elle est liée par l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 18 août 2015 quant aux diagnostics d’entorse du ligament collatéral externe du genou droit et de contusion au plateau tibial externe du genou droit, à la date de consolidation fixée au 17 avril 2015 pour les deux lésions, à la suffisance des traitements et des investigations en date du 17 avril 2015 pour les deux lésions, au déficit anatomophysiologique et à la présence d’une limitation fonctionnelle.
[86] Le 29 septembre 2015, l’instance de révision de la Commission confirme la décision initiale du 27 août 2015 donnant suite à l’avis du Bureau d’évaluation médicale rendu le 18 août 2015 en rapport avec l’événement du 27 janvier 2014. Elle déclare que les soins et les traitements ne sont plus justifiés après le 17 avril 2015, mais que le travailleur avait droit de recevoir les soins ou les traitements jusqu’au 26 août 2015. Elle déclare aussi que le travailleur a droit à une indemnité pour préjudice corporel étant donné la présence d’une atteinte permanente.
[87] En ce qui a trait à la capacité de travail, l’instance de révision de la Commission rappelle que la Loi prévoit que le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée. Une fois la consolidation atteinte, il appartient à la Commission d’évaluer la capacité du travailleur à réintégrer son emploi en considérant les limitations fonctionnelles reconnues. Enfin, la Loi prévoit que le doit à l’indemnité de remplacement du revenu s’éteint lorsque le travailleur redevient capable d’exercer son emploi. Elle est liée par l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 18 août 2014 qui consolide la lésion professionnelle en date du 17 avril 2015 avec une atteinte permanente et une limitation fonctionnelle.
[88] Des éléments au dossier, l’instance de révision constate que les démarches effectuées par la Commission auprès de l’employeur lui ont permis de conclure que le travailleur est capable de refaire son emploi prélésionnel de technicien en gestion parasitaire et que les différentes tâches effectuées par le travailleur à ce poste respectaient ses limitations fonctionnelles. En effet, le travailleur n’a jamais à utiliser d’échafaudage dans son travail et si le travail exige un escabeau, l’employeur est disposé à envoyer un autre employé avec le travailleur afin que celui-ci soit au sol pendant que l’autre employé exécute le travail en hauteur. Quant au droit à l’indemnité de remplacement du revenu, la Commission en révision retient que le travailleur a été informé le 16 septembre 2015 de la décision concernant sa capacité à exercer son emploi prélésionnel, il a donc droit au versement de l’indemnité jusqu’à cette date.
[89] En conséquence, l’instance de révision de la Commission confirme la décision initiale du 18 septembre 2015. Elle déclare qu’à la suite de l’événement 27 janvier 2014, le travailleur est capable d’exercer son emploi à compter du 17 septembre 2015 et qu’il n’a plus droit à l’indemnité de remplacement du revenu prévue à compter de cette date. Le travailleur en appelle de cette décision. Il s’agit d’un des objets du présent litige.
[90] À l’instance de révision de la Commission, le travailleur soutient que sa condition devrait lui permettre de se voir accorder un pourcentage d’atteinte permanente plus important. À son avis, l’évaluation retenue ne reflète pas sa véritable condition et ne tient pas compte de ce qu’il a vécu et de ce qu’il devra vivre.
[91] Le 6 octobre 2015, l’instance de révision de la Commission rend une décision. Elle rappelle que le 18 août 2015, le Bureau d’évaluation médicale rend son avis contenant un bilan des séquelles et qu’elle est liée par cet avis. Elle est toutefois compétente pour vérifier la conformité du bilan des séquelles ayant servi à rendre la décision du 2 septembre 2015. Après vérifications, le bilan des séquelles produit par le Bureau d’évaluation médicale est conforme au le Règlement sur le barème des dommages corporels[3] (le barème). En conséquence, le pourcentage de déficit anatomophysiologique est de 4 %. À ce pourcentage, s’ajoute 0,40 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie, pour un total de 4,40 %.
[92] Le montant de l'indemnité pour préjudice corporel, poursuit l’instance de révision de la Commission, est le résultat d’un calcul fait à partir de critères établis par la Loi : l'âge du travailleur au moment de son accident, un montant fixé en regard de cet âge et le pourcentage d'atteinte permanente découlant de la lésion professionnelle. Après vérification, le montant de l’indemnité pour préjudice corporel du travailleur s’avère exact. Elle confirme la décision initiale du 2 septembre 2015. Elle déclare conforme le bilan des séquelles fait par le Bureau d’évaluation médicale, que la lésion professionnelle du 27 janvier 2014 a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur de 4,40 % et que celui-ci a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 3 531,92 $, plus les intérêts.
[93] Le travailleur en appelle de cette décision au Tribunal. Il s’agit d’un des objets du présent litige.
[94] Le 16 février 2016, en prévision de l’audience, le travailleur dépose un rapport d’évaluation médicale produit par son médecin le 13 octobre 2015.
[95] Le 13 octobre 2015, le docteur Nobert Tarcak produit un rapport d’évaluation médicale. Il y mentionne une date d’examen du 13 octobre 2015. Le travailleur a décrit l’événement du 27 janvier 2014 au docteur, il a glissé sur une surface asphaltée couverte de verglas et de neige. Il a fait une chute avec un élément de torsion de son genou et impact direct au niveau du compartiment externe de son genou droit. Le travailleur se plaint au docteur de douleurs avec des limitations de mouvements.
[96] Le diagnostic du docteur Tarcak est une entorse sévère du ligament collatéral externe du genou droit et une contusion du plateau tibial externe du genou droit. À la section 4 « médication ou autres mesures thérapeutiques » le docteur inscrit l’utilisation d’une canne et l’orthèse. À la section 5 « examen physique », le docteur n’a rien inscrit. À la section 6 concernant les examens paracliniques, le docteur note selon l’imagerie par résonance magnétique, la carte osseuse et la radio simple.
[97] À la section 9, le docteur Tarcak énumère les limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle, soit :
- Éviter les terrains accidentés, glissants, les escabeaux, échelle et échafaudage;
- Éviter de travailler en position accroupie ou à genoux;
- Éviter d’avoir à monter fréquemment plusieurs escaliers;
- Éviter des mouvements avec des amplitudes extrêmes de l’articulation en cause;
- Éviter les positions debout de plus de 1 heure consécutive;
- Éviter de s’étirer ou de travailler au-dessus de la tête;
- Éviter d’avoir à courir et à sauter;
- Éviter de pousser, de tirer, de soulever ou de transporter plus que 15 lb.
- Éviter les longs déplacements de plus de 30 minutes sans pouvoir s’asseoir pour
reposer le genou;
Nous recommandons un retrait progressif de la canne et de l’orthèse.
[98] En conclusion, le docteur Tarcak note qu’il s’agit d’un travailleur qui a subi une entorse sévère du ligament collatéral externe du genou droit et une contusion au plateau tibial externe du genou droit ayant laissé des douleurs et des limitations de mouvements. Il ne recommande pas l’arrêt immédiat de l’utilisation de l’orthèse et de la canne. La lésion a été consolidée le 13 octobre 2015 avec des limitations fonctionnelles et une atteinte permanente de 7 %, incluant 2 % pour une atteinte des tissus mous au membre inférieur droit (genou droit) consolidée avec changement radiologique et séquelles fonctionnelles (plateau tibial externe et ligament collatéral externe) code 103 499 et 4 % pour une flexion du genou droit limitée à 90 degrés sans préjudice esthétique code 106842 et 1 % pour une extension du genou droit limitée à 5 degrés sans préjudice esthétique, code 106922.
[99] À l’audience, le 25 février 2016, le travailleur se déplace lentement avec l’aide d’une canne. Il dépose des documents.
[100] Il dépose un extrait de Bergeron, Fortin, Leclaire portant sur l’examen du genou qui indique que les amplitudes articulaires en flexion, en extension et en rotation sont analysées activement et passivement à la recherche d’une limitation articulaire ou d’un déficit anatomique tel un flexum ou d’une augmentation de la mobilité telle un recurvatum. Les amplitudes peuvent être objectivées au moyen d’un goniomètre (pièce E-1).
[101] Il dépose trois photographies de la camionnette appartenant à l’entreprise avec un escabeau attaché sur le toit (pièce E-2 en liasse). Il dépose une photographie d’une échelle pliante appartenant à l’entreprise (pièce E-3).
[102] Il dépose les résultats de la scintigraphie osseuse passée en février 2015 et de l’imagerie par résonance magnétique de mars 2015 (pièce T-4).
[103] Le travailleur témoigne à l’audience.
[104] Il est exterminateur. À ce titre, il fait l’inspection et le traitement chez le client contre les parasites, insecte, rongeur, oiseau.
[105] Dans le secteur résidentiel, il fait la vente auprès du client qui décrit les problèmes. Il inspecte les endroits, greniers, armoires, sous-sols. Il faut un escabeau pour descendre dans le sous-sol et il marche à quatre pattes. Il doit chercher dans les meubles en hauteur, le bruit dans les plafonds et travaille alors avec un escabeau. L’escabeau est un équipement important pour l’intérieur.
[106] Pour l’extérieur, il faut une échelle pour trouver les rats ou les nids de guêpes sur les toits ou les gouttières. Les guêpes font leur nid dans les endroits cachés en hauteur. Il y a des fourmis dans le grenier, les gouttières, les plantes grimpantes, les balcons et il faut une échelle ou un escabeau. Il doit installer des trappes dans la maison pour les guêpes. Il y a les pigeons dans les toits et alors il installe des pics avec une échelle.
[107] Dans le secteur industriel, les échelles sont plus hautes, ainsi pour les pigeons sur les toitures. Il s’agit du même genre de travail, mais pour les commerces. Pour les souris dans le plafond, il faut un escabeau. Il est possible qu’il utilise l’escabeau ou l’échelle toute la journée. Il a besoin d’un escabeau ou d’une échelle huit (8) clients sur 10.
[108] Il a pris des photographies (pièce T-2) en janvier 2016 du véhicule de l’entreprise qui est utilisé par un autre employé. Il s’agit du véhicule de l’employeur utilisé pour le travail, mais le travailleur ne l’utilise pas.
[109] Il a aussi pris une photographie d’une échelle qui se trouve dans le coffre de son automobile avec laquelle il travaille. Il a pris cette photographie il y a une semaine parce que l’échelle se trouve encore chez lui. L’entreprise fournit l’échelle pour le travail. Il s’agit d’une échelle pliante.
[110] Questionné sur la hauteur de cette échelle lorsqu’elle est dépliée, le travailleur répond qu’il ne sait quelle hauteur elle a dépliée, car il ne fait pas attention à la hauteur. Il s’agit d’une échelle pour monter sur le balcon ou le travail en hauteur.
[111] Questionné sur la hauteur de l’escabeau, le travailleur répond qu’elle compte trois, quatre ou cinq marches, mais il ne sait la hauteur des marches, il n’a pas fait attention. Il n’a pas pris de photographies de l’escabeau. Il a rendu le matériel, sauf l’échelle de l’entreprise. En regardant la photographie, l’échelle compte 12 marches.
[112] Il a un problème au genou. À l’examen du docteur Tarcak, il enlève l’orthèse, ne prend pas la canne et monte une marche d’escalier, il s’assoit et lève la jambe, le médecin cogne le genou et la cheville avec un marteau, il se couche sur le ventre et plie le genou. Le docteur Duchesne lui a fait passer le même genre d’examen.
[113] Questionné quant au retour au travail, le travailleur dit que le 16 septembre 2015, l’agente de la Commission lui a téléphoné. Elle lui a dit d’appeler l’employeur avec qui elle a déjà parlé pour qu’il retourne au travail. À cette date, elle arrête l’indemnité de remplacement du revenu et il n’a plus d’argent aux deux semaines.
[114] Il a téléphoné à l’employeur deux fois, les 18 et 22 septembre 2015 et attend le retour d’appel. La seconde fois, il a laissé le message pour l’employeur à la secrétaire. Après deux semaines, il a reçu la décision de l’instance de révision.
[115] L’employeur, monsieur Leavy l’appelle, il a reçu la décision de la révision et lui parle au téléphone. Le travailleur explique à monsieur Leavy les limitations du Bureau d’évaluation syndicale et celles du docteur Tarcak. Monsieur Leavy lui dit qu’il lui est impossible de faire le travail dans l’entreprise, qu’il faut lui envoyer les limitations, car la Commission lui a seulement dit que le travailleur est capable de faire le travail. Il a demandé une rencontre à l’employeur qui a refusé.
[116] Le travailleur n’a pas repris le travail depuis le 29 septembre 2015. Il utilise encore la canne pour se déplacer et porte une orthèse au genou.
L’ARGUMENTATION
[117] Le représentant du travailleur rappelle que le Tribunal doit disposer de la capacité de travail et de l’atteinte permanente à l’intégrité physique.
[118] Quant à la capacité, souligne le représentant du travailleur, la seule limitation fonctionnelle à tenir en compte est que monsieur ne peut travailler dans des échelle, échafaudage et escabeau. La preuve montre sans équivoque que les tâches exigent de travailler dans les échelles et escabeaux. L’employeur admet à la Commission qu’on utilise des échelles et escabeaux et se dit ouvert à accommoder le travailleur.
[119] Le travailleur n’est pas capable de faire l’emploi prélésionnel, car il ne peut monter dans un escabeau ou une échelle. Aussi, le représentant demande au Tribunal d’infirmer la décision contestée, de déclarer que le travailleur n’est pas capable de faire l’emploi et a droit à la reprise de l’indemnité de remplacement du revenu.
[120] Appelé à commenter l’arrêt Caron rendu récemment par la Cour d’appel,[4] le représentant répond que cette décision vise la détermination d’un emploi convenable, mais ne s’applique pas dans l’évaluation de la capacité à effectuer l’emploi prélésionnel. Dans le présent cas, le Tribunal doit trancher si le travailleur est capable de reprendre son emploi malgré la limitation fonctionnelle et ce n’est qu’après que se pose la question d’un emploi convenable. Le travailleur doit être capable de faire son emploi, auquel cas il n’y a pas lieu à de l’accommodement. Si le travailleur n’est pas capable de faire son emploi prélésionnel, alors on analyse l’accommodement possible et l’emploi convenable. La Commission a décidé que le travailleur est capable de faire son emploi prélésionnel et cette décision doit être annulée avec reprise de la réadaptation. Il ajoute que l’employeur n’a pas tenté de reprendre monsieur au travail.
[121] Quant à l’atteinte permanente, le représentant du travailleur soutient que les évaluations des docteurs Duchesne et Tarcak sont identiques. Le code 103499 est pareil.
[122] Le docteur Tarcak obtient une flexion limitée à 90 degrés et une extension du genou droit limitée à 5 degrés. Les mouvements actifs obtenus par le docteur Duchesne sont similaires à ceux du docteur Tarcak. Les mouvements passifs sont différents.
[123] Le docteur Tarcak retient les mouvements actifs faits par le travailleur plutôt que les passifs faits par l’examinateur et forcés malgré la douleur, alors que le docteur fait l’inverse parce qu’il ne croit pas le travailleur sur la douleur manifestée.
[124] Le travailleur soutient que le docteur doit éviter le mouvement qui aggrave et donc prendre le mouvement actif, car la Loi vise à éviter la récidive, rechute ou aggravation. Les deux médecins font les mêmes constats sur les mouvements.
[125] Il soutient que le Tribunal doit prendre les mouvements passifs dans une optique préventive, pour éviter les mouvements dangereux et la récidive, rechute ou aggravation.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[126] Valablement saisi d’une contestation à cet effet, le Tribunal doit revoir la justesse de l’atteinte permanente à l’intégrité physique allouée au travailleur.
[127] Rappelons que l’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique n’est pas contestée par le travailleur ni les autres conclusions médicales retenues par la Commission à la suite de l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 18 août 2015, incluant les diagnostics et la date de consolidation de la lésion professionnelle. Seul le pourcentage alloué est remis en cause.
[128] En vertu de l’article 83 de la Loi, le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, pour chaque accident du travail ou maladie professionnelle pour lequel il réclame à la Commission, à une indemnité pour préjudice corporel qui tient compte du déficit anatomophysiologique et du préjudice esthétique qui résultent de cette atteinte et des douleurs et de la perte de jouissance de la vie qui résultent de ce déficit ou de ce préjudice.
[129] Suivant l’article 84 de la Loi, le montant de l'indemnité pour préjudice corporel est égal au produit du pourcentage, n'excédant pas 100 %, de l'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique par le montant que prévoit l'annexe II au moment de la manifestation de la lésion professionnelle en fonction de l'âge du travailleur à ce moment. Le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique est égal à la somme des pourcentages déterminés suivant le barème des préjudices corporels adopté par règlement pour le déficit anatomophysiologique, le préjudice esthétique et les douleurs et la perte de jouissance de la vie qui résultent de ce déficit ou de ce préjudice. Si un préjudice corporel n'est pas mentionné dans le barème, le pourcentage qui y correspond est établi d'après les préjudices corporels qui y sont mentionnés et qui sont du même genre.
[130] Enfin, selon les dispositions des articles 1 et 2 du barème, le pourcentage de l'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique prévu à l'article 84 de la Loi est égal à la somme des pourcentages déterminés suivant le barème des dommages corporels contenu à l'Annexe 1, pour le déficit anatomophysiologique, le préjudice esthétique et les douleurs et la perte de jouissance de la vie qui résultent de ce déficit ou de ce préjudice. De plus, l’évaluation du pourcentage de l'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique se fait dès que les séquelles de la lésion professionnelle sont médicalement déterminées.
[131] En ce sens, l’article 203 de la Loi indique que c’est au moment de la consolidation de la lésion professionnelle que le médecin doit déterminer le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des indemnités pour préjudice corporel adopté par règlement.
[132] Tel qu’il appert de ces dispositions, l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique découle de la lésion professionnelle et est déterminée au moment de la consolidation.
[133] Dans la décision Ianniciello et Centre local de services communautaires Montréal-Nord[5], la Commission des lésions professionnelles stipule qu’une simple symptomatologie douloureuse ne constitue pas une séquelle indemnisable en vertu du Règlement, à moins de correspondre à des signes cliniques mesurables.
[134] Pour se voir accorder une atteinte permanente, le travailleur doit donc démontrer par une preuve médicale prépondérante qu’il présente de façon permanente des signes cliniques objectifs tels que des spasmes musculaires, des diminutions d’amplitude articulaire ou encore des anomalies neurologiques. De simples allégations de douleurs sont considérées comme des signes subjectifs et sont insuffisantes.
[135] Plusieurs médecins spécialistes ont évalué le travailleur.
[136] Le 9 octobre 2014, le docteur Desnoyers, chirurgien orthopédiste et médecin désigné de la Commission, mesure l’amplitude de mouvements des genoux et obtient une flexion-extension des genoux droit et gauche à 0-120 degrés et 0-130. Il obtient la normale à gauche, et des amplitudes articulaires assez bonnes à droite avec absence de signe d’irritabilité musculaire interne, d’épanchement, d’atrophie musculaire et de laxité ligamentaire. Il demande une investigation supplémentaire et conclut que la lésion n’est pas consolidée.
[137] Le docteur note que le mécanisme lésionnel décrit par le travailleur glisser sur une surface glacée et faire un mouvement en valgus avec la face interne au sol est incompatible avec les résultats de l’imagerie par résonance magnétique et que monsieur a dû avoir un complexe de chute avec un mouvement de torsion différent.
[138] Le 17 avril 2015, le médecin désigné de la Commission, le docteur Serge Tohmé, chirurgien orthopédiste mesure les amplitudes articulaires des genoux, obtient une flexion-extension des genoux droit et gauche à 0-130 degrés soit la normale. Les manœuvres de Lachman, stress varus valgus, de préhension, de McMurray, du pivot et du sagging sont négatives bilatéralement. Les deux genoux sont secs, sans épanchement intra-articulaire ni empattement sous-quadricipital, Il n’y a aucune douleur palpatoire au niveau des plateaux tibiaux ou du condyle interne à l’examen clinique.
[139] Le docteur Tohmé note que la cartographie osseuse et la résonance magnétique de contrôle n’ont démontré aucune nouvelle pathologie et encore moins, une nécrose avasculaire. Le docteur ajoute que l’examen de ce jour démontre un subjectif florissant non en rapport avec les trouvailles objectives.
[140] Tenant en compte, entre autres, le mécanisme lésionnel décrit par le travailleur, soit il a glissé sur un banc de neige sur l’asphalte, il consolide la lésion professionnelle en date du 17 avril 2015. Considérant les résultats de l’imagerie par résonance magnétique de contrôle et la discordance entre le subjectif et l’objectif, le docteur conclut qu’il n’y a aucun élément objectif à son examen qui soutiendrait l’attribution d’un déficit anatomophysiologique pour le seul diagnostic retenu d’entorse au genou droit.
[141] Le 22 juillet 2015, le membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur Duchesne, chirurgien orthopédiste obtient sur la table d’examen, les amplitudes articulaires des genoux normales, soit 130 degrés bilatéralement en extension et une flexion de 0 degré bilatéralement. Il ajoute que les amplitudes articulaires démontrent une flexion très limitée à ??? alors qu’en actif la flexion est limitée à 90 degrés et qu’en passif elle ne dépasse pas 110 degrés le patient rapportant une douleur importante au compartiment externe. Quant à l’extension, en passif elle est complète à 0 degré et en actif à -5 degrés.
[142] Par ailleurs, notons que le mécanisme lésionnel décrit au docteur Duchesne par le travailleur fait état d’une chute avec un élément de torsion de son genou et un impact direct au niveau du compartiment externe de son genou droit.
[143] Malgré que le docteur Duchesne retrouve une certaine discordance entre la symptomatologie alléguée par le travailleur, l’investigation par imagerie et son examen physique, qu’il s’explique mal l’intensité si importante de la douleur rapportée par le travailleur et qu’il est d’avis que la symptomatologie douloureuse alléguée par le travailleur déborde l’explication que peut apporter l’investigation par imagerie médicale et fait état sûrement de facteurs de chronicité ou psycho-émotif à la lumière de phénomènes douloureux importants rapportés par le travailleur, il recommande le code de perte de 20 degrés d’amplitude de flexion au genou droit tel que démontré à la mobilisation passive du genou droit. Il est en désaccord avec le docteur Tohmé qui ne recommande aucune séquelle permanente.
[144] Trois médecins spécialistes ont évalué le travailleur et ils ont obtenu minimalement une amplitude articulaire en extension de 110 degrés pour une flexion majoritairement à 0.
[145] La preuve prépondérante ne documente pas que le travailleur présente une limitation de mouvements en flexion ou encore en extension de la nature de 90 à 110 degrés, et ce, malgré que la description du mécanisme lésionnel donnée par le travailleur aux différents médecins a varié.
[146] Seul le docteur Tarcak, qui est le médecin traitant et a charge du travailleur, fait état le 13 octobre 2015, d’une flexion du genou droit limitée à 90 degrés et d’une extension du genou droit limitée à 5 degrés, et ce, avec le mécanisme lésionnel décrit par le travailleur comme étant une chute avec un élément de torsion de son genou et impact direct au niveau du compartiment externe de son genou droit.
[147] La lésion professionnelle, soit les diagnostics d’entorse au ligament collatéral externe du genou droit et de contusion au plateau tibial externe du genou droit qui lient le Tribunal, a été consolidée le 17 avril 2015.
[148] Le Tribunal ne peut retenir le rapport d’évaluation médicale du 13 octobre 2015 parce qu’il n’est pas contemporain à la consolidation de la lésion professionnelle, mais aussi parce qu’il ne reproduit pas les résultats de l’examen physique effectué ce jour-là. Le médecin fait état d’un examen physique, sans en communiquer les résultats. Le rapport d’évaluation médicale n’est pas contemporain et avec égard, il n’est pas motivé et il est contredit par la preuve médicale prépondérante.
[149] Le Tribunal priorise l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale, l’arbitre chargé de trancher le litige médical au dossier par la voie de la procédure d’arbitrage médical prévue aux articles 216, 217, 221 et 222 de la Loi, car il est un spécialiste et présente plus de recul et d’objectivité face aux parties.
[150] Le Tribunal retient que l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale valide les résultats de l’examen physique du médecin désigné par la Commission, qui est également un spécialiste et que leur examen objectif est superposable.
[151] Le travailleur suggère au Tribunal de retenir les mouvements actifs plutôt que passifs à titre de mesure préventive. Il cite en ce sens des extraits de Bergeron, Leclair qui indique pourtant qu’il faut tenir compte des mouvements actifs et passifs et qu’il faut rechercher une limitation articulaire ou un déficit anatomique.
[152] Dans le contexte de la détermination d’une atteinte permanente, il faut tenir compte d’une limitation de mouvements ou d’une perte objectivée. La symptomatologie douloureuse non objectivée est insuffisante.
[153] Deux médecins sont d’avis que le subjectif est discordant. Après avoir rencontré le docteur Desnoyers qui signale que le mécanisme lésionnel est incompatible avec les résultats de l’imagerie, le Tribunal note que la description du travailleur a été bonifiée auprès des docteurs Duchesne et Tarcak.
[154] Pour ces raisons, le Tribunal est d’avis que le subjectif est peu fiable dans le présent cas et que le mouvement actif forcé par l’examinateur est préférable en l’espèce.
[155] Quant à l’atteinte permanente, notons que le Tribunal n’a pas à se substituer à l’avis des médecins, mais à vérifier la conformité de l’atteinte permanente allouée avec le barème.
[156] Or, une vérification du barème, code 103 499, permet de constater que le déficit anatomophysiologique de 2 % alloué pour une atteinte des tissus mous au membre inférieur droit (genou droit) consolidée avec changement radiologique et séquelles fonctionnelles (plateau tibial externe et ligament collatéral externe) est conforme.
[157] Rappelons que le médecin traitant a utilisé le même code 103 499 que le docteur Duchesne pour l’atteinte aux tissus mous au membre inférieur droit et que le différend ne se situe pas à ce niveau.
[158] Une vérification du barème code 106833, permet de constater que le déficit anatomophysiologique de 2 % pour une flexion du genou droit limitée à 110 degrés est conforme.
[159] En conséquence, le travailleur conserve de la lésion professionnelle un déficit anatomophysiologique de 4 % qui donne une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de 4, 40 %, incluant 0, 40 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie selon le code 225045 du barème.
[160] Quant à l'indemnité pour préjudice corporel, elle est égale au produit du pourcentage de l'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, soit 4,40 % par le montant que prévoit l'annexe II soit 80 271 $ au moment de la manifestation de la lésion professionnelle en 2014, pour un travailleur de 38 ans.
[161] Après vérification des calculs, la Commission a raison de conclure à une indemnité de 3 531.92 $, plus les intérêts prévus à l’article 90 de la Loi.
[162] Pour ces raisons, la décision contestée est maintenue.
[163] Le Tribunal doit aussi déterminer si le travailleur a la capacité d’effectuer son emploi prélésionnel en tenant compte de la limitation fonctionnelle prévue par le Bureau d’évaluation médicale et non contestée par le travailleur, savoir éviter de travailler dans échelle, échafaudage et escabeau.
[164] Les articles 44 et 57 de la Loi prévoient qu'un travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion et que ce droit prend fin lorsqu'il redevient capable d'exercer son emploi. L'article 46 de la loi, par ailleurs, prévoit qu'un travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée.
[165] Les termes « son emploi » utilisés par le législateur aux articles 44 et 57 font référence à l'emploi que le travailleur occupe au moment de la manifestation de la lésion professionnelle[6].
[166] C'est donc la capacité d'un travailleur d'exercer cet emploi que la Commission doit d'abord évaluer pour déclarer qu'il a droit ou non à l'indemnité de remplacement du revenu. De même, le droit à l'indemnité de remplacement du revenu prendra fin lorsque le travailleur redeviendra capable d'exercer « son emploi ».
[167] Comme le signale la Commission des lésions professionnelles dans l'affaire Delage et Scierie Quatre Saisons inc.[7], la capacité d'un travailleur d'exercer l'emploi qu'il occupait au moment de sa lésion professionnelle doit être déterminée par l'analyse de la compatibilité des limitations fonctionnelles qui résultent de sa lésion professionnelle avec les tâches de l'emploi occupé.
[168] Le Tribunal doit donc déterminer si l’emploi qu’occupait le travailleur au moment de la manifestation de la lésion professionnelle, en l’occurrence, celui de technicien en gestion parasitaire, respecte sa limitation fonctionnelle.
[169] Son représentant demande au Tribunal de déclarer que le travailleur est incapable d'exercer son emploi prélésionnel en raison de la limitation fonctionnelle qui résulte de sa lésion professionnelle du 27 janvier 2014 parce qu’il est tenu de travailleur dans des échelles et des escabeaux.
[170] Le Tribunal ne peut faire droit aux prétentions du travailleur et s’explique.
[171] En examinant la limitation fonctionnelle formulée par le docteur Duchesne, soit, éviter de de travailler dans échelle, échafaudage et escabeau, force est de constater que le médecin a utilisé dans tous les cas le terme « éviter ».
[172] Dans l'affaire Roussy et Entreprises Rodrigue Piquette inc.[8], la Commission des lésions professionnelles retient l'interprétation selon laquelle le terme éviter « signifie ne pas accomplir au maximum l'activité visée par la limitation fonctionnelle ».
[173] Dans l'affaire Lagne et Auberge Universel[9], la Commission des lésions professionnelles considère que le terme « éviter » ne constitue pas une interdiction de poser le geste, car dans ce cas, le médecin aurait plutôt écrit qu’il « est interdit de » poser le geste.
[174] Le Tribunal partage cette interprétation et conclut que le médecin n’interdit pas le travail dans les échelles, les escabeaux et les échafaudages, mais suggère au travailleur de les éviter le plus possible. Mais il y a plus.
[175] Le témoignage du travailleur n’a pas convaincu le Tribunal.
[176] L’employeur a été catégorique. Le travailleur n’utilise jamais d’échafaudages dans son travail. Cette affirmation n’a pas été contredite. Cette restriction ne pose pas de problème.
[177] Dans le secteur commercial, explique le travailleur, il arrive qu’il passe la journée dans un escabeau et il utilise un escabeau à raison de huit clients sur 10. Dans le secteur résidentiel, il utilise un escabeau pour descendre dans les sous-sols ou, entre autres, pour les nids de guêpes.
[178] Le travailleur affirme donc que l’usage d’un escabeau est fréquent dans le cadre du travail d’un exterminateur/ technicien en gestion parasitaire. Il est donc étonnant que le travailleur soit incapable de donner la hauteur de l’escabeau qu’il utilise fréquemment dans le cadre de son travail?
[179] Le travailleur dépose une photographie de la camionnette de l’entreprise et de l’escabeau sur son toit, mais ajoute qu’il n’utilise pas ce véhicule.
[180] L’employeur affirme pour sa part qu’il arrive que le travailleur ait parfois, mais rarement, à utiliser un petit escabeau pour un nid de guêpes.
[181] Le travailleur dépose une photographie illustrant l’échelle pliante qu’il utilise dans son travail, mais il ne peut en donner la hauteur.
[182] Il est tout de même surprenant que le travailleur utilise une échelle dans son travail sans pouvoir préciser sa hauteur lorsqu’elle est dépliée?
[183] Le travailleur allègue qu’il utilise une échelle pliante dans son travail. Au moment de l’audience, il est en arrêt de travail depuis un peu plus de deux ans, pourtant il n’a jamais rendu l’échelle pliante à son employeur qui ne lui a pas demandée.
[184] L’employeur contredit le travailleur et précise que plusieurs autres types de traitements d’extermination ne nécessitent pas l’utilisation d’échelle ou d’escabeau.
[185] À plusieurs reprises, le travailleur a discuté de son retour au travail avec l’agente de la Commission. Il a allégué différents obstacles au retour au travail, monter et descendre les escaliers, monter le matériel dans les échelles, le port de l’orthèse et l’utilisation de la canne, l’incapacité de s’accroupir ou d’appliquer le traitement dans le haut des armoires tout en tenant sa canne. À l’instance de révision de la Commission, le travailleur explique son désaccord avec la décision de capacité parlant du non-rappel au travail par son employeur et de la nécessité d’une réadaptation à cause de la canne.
[186] À ces occasions, le travailleur ne fait pas état du travail dans les escabeaux ou les échelles. Le témoignage du travailleur a été bonifié et ce faisant, n’a pas convaincu le Tribunal.
[187] Différents intervenants, y compris le membre du Bureau d’évaluation médicale, avisent le travailleur de la nécessité de sevrer la canne et l’orthèse s’il veut revenir au travail.
[188] Malgré la recommandation du médecin traitant de discontinuer progressivement la canne et l’orthèse, le travailleur confirme à l’audience qu’il les utilise toujours quatre mois plus tard. L’employeur suggère que le retour au travail dépend aussi de la volonté de l’employé. On peut certes se questionner à ce sujet?
[189] Le travailleur indique que l’employeur ne l’a pas rappelé au travail. L’employeur a fait preuve de bonne volonté, mais il est compréhensible qu’il croie le travailleur incapable de faire son emploi prélésionnel s’il tient compte des lourdes limitations fonctionnelles stipulées par le médecin traitant. Limitations qui sont inapplicables.
[190] Selon l’article 236 de la Loi, le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui redevient capable d'exercer son emploi a droit de réintégrer prioritairement son emploi dans l'établissement où il travaillait lorsque s'est manifestée sa lésion ou de réintégrer un emploi équivalent dans cet établissement ou dans un autre établissement de son employeur. Ce droit s’exerce dans les délais prévus à l’article 240 de la Loi.
[191] L’article 2 de la Loi définit un emploi équivalent comme étant un emploi qui possède des caractéristiques semblables à celles de l'emploi qu'occupait le travailleur au moment de sa lésion professionnelle relativement aux qualifications professionnelles requises, au salaire, aux avantages sociaux, à la durée et aux conditions d'exercice.
[192] Le travailleur indique que l’entreprise d’extermination dessert les secteurs résidentiels et commerciaux. L’employeur indique qu’il est possible de confier au travailleur des mandats d’extermination au sol, sans échelle ou escabeau. Il ne s’agit pas d’un emploi convenable, mais bien du même emploi, des mêmes tâches si ce n’est des outils utilisés pour l’accomplir.
[193] Or, l’outil ne fait pas l’emploi. L’agente de bureau, qui tape à la dactylo ou saisit des données sur un ordinateur, accomplit la même tâche. L’exterminateur qui chasse les fourmis au sol ou combat les pigeons sur les toitures effectue la même tâche.
[194] Il est vrai, comme le soutient le représentant du travailleur, que la décision Caron rendue par la Cour d’appel s’inscrit dans le contexte de la détermination d’un emploi convenable, et ce, pour un travailleur syndiqué. La question est de circonscrire la juridiction d’un arbitre de griefs de disposer de la question de l’accommodement raisonnable dans le cadre de la convention collective applicable. [10]
[195] La Cour d’appel stipule que la Loi n’impose aucune obligation expresse à l’employeur de modifier les tâches afférentes à un poste existant en vue d’accommoder un employé. Elle conclut cependant que le droit d'un travailleur porteur d'un handicap d'être accommodé ne fait plus aucun doute et que le devoir d'accommodement est une norme prééminente qui transcende la Loi ou le contrat de travail. Si l’employeur peut aménager le poste de travail sans contrainte excessive, le travailleur doit être accommodé.
[196] Puisque le pouvoir des tribunaux administratifs d'appliquer les lois relatives aux droits de la personne est maintenant bien établi, la Cour d’appel déclare que la Commission et le Tribunal doivent vérifier si l'employeur est en mesure d'accommoder le travailleur, que ce soit avant ou après l'identification d'un emploi convenable. Quant au délai de deux ans prévu par la Loi à l'intérieur duquel une mesure de réadaptation peut être identifiée permettant à un travailleur d'exercer un emploi convenable disponible chez son employeur, la Cour d’appel décide qu'il ne constitue ni plus ni moins qu'un facteur à considérer dans l'examen individualisé que doit faire le Tribunal en application de la Charte des droits et libertés de la personne.[11]
[197] Avec égard, la Cour d’appel indique que le Tribunal doit vérifier si l’employeur est en mesure d’accommoder le travailleur avant l’identification d’un emploi convenable, et donc à l’étape de la capacité à exercer l’emploi prélésionnel ou équivalent.
[198] La Commission, il est vrai, a demandé l’autorisation d’appel de cette décision à la Cour Suprême du Canada (dossier 36605). Le dossier suit son cours.
[199] Conceptuellement, avec égard, il semblerait incongru qu’un travailleur puisse prétendre à de la discrimination pour un handicap uniquement à l’étape de la détermination d’un emploi convenable, pas avant.
[200] Entre-temps, heureusement, le travailleur peut se compter chanceux. Son employeur est prêt à l’accommoder, non pas en modifiant les tâches, mais en choisissant les clients ou les outils. Et la Commission est d’accord. La question d’une discrimination sur la base d’un handicap est ainsi sans objet, en l’espèce.
[201] Pour ces raisons, les requêtes du travailleur sont rejetées et les décisions contestées maintenues.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :
Dossier 586439-62-1510
REJETTE la requête de monsieur Khalid Ezzerki, le travailleur;
CONFIRME la décision rendue le 29 septembre 2015, à la suite d’une révision administrative par la Commission de la santé et de la sécurité du travail devenue la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail;
DÉCLARE qu’à la suite de l’événement du 27 janvier 2014, monsieur Khalid Ezzerki, le travailleur, est capable d’exercer son emploi à compter du 17 septembre 2015 et qu’il n’a plus droit à l’indemnité de remplacement du revenu prévue par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles à compter de cette date;
Dossier 587117-62-1510
REJETTE la requête de monsieur Khalid Ezzerki, le travailleur;
CONFIRME la décision rendue le 6 octobre 2015, à la suite d’une révision administrative par la Commission de la santé et de la sécurité du travail devenue la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail;
DÉCLARE que la lésion professionnelle du 27 janvier 2014 a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de monsieur Khalid Ezzerki, le travailleur, de 4,40 % et qu’il a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 3 531,92 $, plus les intérêts.
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Francine Charbonneau |
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Réal Brassard |
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Réal Brassard Consultant |
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Pour la partie demanderesse |
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Maître Lucie Rouleau |
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Paquet Tellier |
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Pour la partie intervenante |
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Date de la dernière audience : 25 février 2016 |
[1] RLRQ, c. A-3.001.
[2] RLRQ, c. T-15.1.
[3] RLRQ, c. A-3.001, r. 2.
[4] Alain Caron c. C.L.P. et Centre Miriam et CSST, CA Montréal 500-09-024544-140
[5] C.L.P. 93759-73-9801, le 10 septembre 1999, F. Juteau.
[6] Hôpital convalescence Julius Richardson et Pal, C.L.P. 103955-71-9807, le 2 juin 1999, A. Suicco ; Boismenu et Tecksol inc., [2000] C.L.P. 596 ; Nadon et Sablage jet 2000 inc., C.L.P. 138373 - 64-0005, le 12 septembre 2000, M. Montplaisir ; Alain et Agrivente enr., C.L.P. 165420-32-0107, le 16 novembre 2001, G. Tardif ; Plouffe et Installations électriques L.H. ltée, C.L.P. 193732-64-0210, le 26 mai 2003, A. Vaillancourt ; Couture et Immeubles Jenas, C.L.P. 160451-63-0105, le 17 juillet 2003, D. Besse.
[7] C.L.P. 229255-62A-0403, le 8 mars 2007, C. Demers.
[8] 2013 QCCLP 2814 .
[9] 2013 QCCLP 3239 .
[10] Alain Caron c. C.L.P. et Centre Miriam et CSST, CA Montréal 500-09-024544-140
[11] RLRQ, c. C-12.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.