McQuillian Family Trust c. Tyler |
2014 QCRDL 28081 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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No dossier: |
31-130306-075 31 20130306 S 31-130306-075 31 20130306 G 136772 31 20140214 G |
No demande: |
1363920 42275 1423837 |
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Date : |
07 août 2014 |
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Régisseure : |
Linda Boucher, juge administratif |
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THE MCQUILLAN FAMILY TRUST |
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Locateur - Partie demanderesse (31-130306-075 31 20130306 S) (31-130306-075 31 20130306 G) Partie défenderesse (136772 31 20140214 G) |
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c. |
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BRENT TYLER |
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Locataire - Partie défenderesse (31-130306-075 31 20130306 S) (31-130306-075 31 20130306 G) Partie demanderesse (136772 31 20140214 G) |
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D É C I S I O N
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[1] Le 19 novembre 2013, le locateur saisissait le tribunal d’une demande de résiliation de bail et éviction du locataire, exécution provisoire de la décision et condamnation aux frais de celui-ci au motif que le défendeur n’a pas respecté une ordonnance du tribunal dans la décision du 15 mai 2013 dans ce même dossier. Il y ajoute un motif relatif à l’usage de la cour arrière par le locataire.
[2] Le 12 février 2014, par le biais de son procureur, le locateur amendait sa demande pour réclamer plutôt la résiliation du bail et l’éviction du locataire au motif de son retard fréquent à payer le loyer causant un préjudice sérieux au locateur. À cette occasion, il se désistait de son motif relatif à l’usage par le locataire de la cour arrière de l’immeuble.
[3] Le 13 février 2014, un amendement identique au précédent était déposé.
[4] Questionné par la soussignée au sujet de l’étrangeté des demandes successives du locateur et de son recours, alors qu’aucune ordonnance n’avait initialement été émise par le tribunal, comme nous le verrons plus loin, le tribunal apprend que le gestionnaire de l’immeuble, un profane en droit, a rédigé la demande du 19 novembre 2013, laquelle fut signée par le fiduciaire, un avocat, mais qui ne pratique pas en droit du logement. Tous deux avaient conclu que la décision de Me Novello équivalait à une ordonnance du tribunal, ce qui n’était pas le cas.
[5] Ils ont, par la suite, retenu les services de Me Robert Soucy qui a tenté de corriger la situation par un amendement, amendement qu’il a redéposé après que le mandat écrit le liant à son client fut signé, pour plus de sûreté.
[6] Quant au désistement du motif relatif à l’usage de la cour arrière, le fiduciaire se défend d’y avoir renoncé, mais ne voulait pas surcharger l’audition avec ce motif supplémentaire.
[7] Pour sa part, le 14 février 2014, en réponse à la demande du locateur, le locataire saisissait le tribunal d’une demande amendée lors de l’audience du 19 juin 2014. Le locataire réclame des dommages moraux (1 000 $) ainsi que des dommages punitifs pour intimidation et harcèlement (1 000 $).
[8] Les demandes ont été réunies, suivant une décision de la juge administratif Claudine Novelle rendue lors de l’audience du 25 février 2014, afin d'être entendues et jugées sur la même preuve conformément à l'article 57 de la Loi sur la Régie du logement.
Le bail
[9] Les parties sont liées par un bail du 1er septembre 2008 au 31 août 2009 au loyer mensuel de 670 $, reconduit année après année, la dernière de ces reconductions s’étendant jusqu’au 31 août 2014 au loyer mensuel de 700 $.
[10] Le logement visé est composé de six pièces et est situé au rez-de-chaussée.
[11] Le logement comprend l’usage d’une cour arrière conjointement avec tous les autres locataires de l’immeuble.
Demandes antérieures
[12] Les demandes des parties suivent deux premières demandes similaires qui ont menés, après négociation entre elles, à une décision du tribunal le 15 mai 2013 dont il est utile de reprendre le texte :
[2] Le locateur demande de plus la résiliation du bail au motif que le locataire paie fréquemment son loyer en retard.
[3] À l'audience, les parties admettent être liées par un bail du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013 au loyer mensuel de 700 $, payable le premier jour de chaque mois.
[4] Le locateur reconnaît que le locataire a payé le loyer dû ainsi que les frais judiciaires avant l'audience et qu'aucune somme ne lui est due à ce titre.
[5] Pour sa part, le locataire admet avoir, par le passé, accusé des retards dans le paiement de son loyer.
[6] Considérant le paiement, le locataire n'est pas en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer, la résiliation du bail n'est donc pas justifiée par l'application de l'article 1971 C.c.Q.
[7] En ce qui a trait à la demande pour retards fréquents, le tribunal, suivant l'accord des parties, rappelle au locataire que le loyer est payable, suivant l'article 1903 du Code civil du Québec, le premier jour de chaque mois.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[8] PREND ACTE des admissions et entente intervenues entre les parties. »
L’objection du locataire
[13] Le locateur veut mettre en preuve des retards du locataire à payer ses loyers antérieurs à la décision du 15 mai 2013 ci-dessus.
[14] Le locataire s’y oppose, plaidant la chose jugée quant à ces loyers.
[15] Le tribunal a pris cette objection sous réserve et procède maintenant à la trancher.
[16] Dans l’affaire Shapem Etincelle De Vie c. Jean-Francois Vezina, la juge administratif Francine Jodoin devait apprécier la preuve des retards fréquents pour une période de temps qui avait déjà fait l’objet d’une semblable décision par le tribunal, mais que le locateur avait choisi de ne pas exécuter. Elle opine en ce sens au sujet de la chose jugée :
« l'autorité de la chose jugée sur tous les faits découlant de ce litige (article 2848 C.c.Q.). Il s'agit d'une présomption absolue qui comporte l'interdiction de décider à nouveau d'un litige qui a fait l'objet d'une décision. Aussi, le tribunal ne peut, dans une procédure subséquente, considérer les faits qui sous-tendaient la procédure antérieure et qui ont fait l'objet d'une décision.
Il s'agit en somme d'éviter qu'une partie saisisse constamment le tribunal des mêmes faits alors que le litige a été décidé.
Tel qu'expliqué à l'audience, le tribunal ne peut donc, dans le cadre de la présente demande, apprécier les retards antérieurs à cette décision. »[1]
[17] Rappelons que l’article 2848 C.c.Q. mentionné par Me Jodoin établit les critères de la chose jugée soit : Une demande fondée sur la même cause et mue par les mêmes parties, agissant dans les mêmes qualités, que la chose demandée est la même alors qu’un jugement a déjà été rendu sur les mêmes prémisses.
[18] Or, force est de constater que le tribunal ne s’est pas prononcé sur les retards antérieurs au 15 mai 2013 si ceux-là animaient les parties lorsqu’elles se sont adressées au tribunal à l’époque.
[19] Or, dans sa décision du 15 mai 2013, le tribunal ne se prononce sur aucun des motifs avancés par les parties dans leurs demandes respectives et il n’émet aucune décision, ni ordonnance, comme l’a, à juste titre, fait remarquer le locataire.
[20] Il n’y a donc pas chose jugée, puisqu’il n’y a pas eu jugement, à la demande expresse du locataire à l’époque, mentionnons-le.
[21] C’est d’ailleurs pourquoi la demande de résiliation du bail pour non-respect d’une ordonnance du 19 novembre 2013 était sans fondement. Aucune ordonnance n’ayant été émise.
[22] En effet, comme on peut le lire plus haut, le tribunal s’est contenté de témoigner des admissions et ententes entre les parties, sans plus, et sans les contraindre de quelque façon ou de se prononcer lui-même sur les enjeux.
[23] Conséquemment, le tribunal opine qu’il n’y a pas chose jugée quant aux retards antérieurs au 13 mai 2013, lesquels peuvent être soulevés à nouveau en preuve dans la présente affaire.
Les faits
[24] M. William Alan McDonald témoigne pour le locateur quant aux retards fréquents du locataire dans le paiement de son loyer.
[25] Soulignons que M. McDonald est aussi locataire de l’immeuble et est donc voisin du locataire.
[26] M. McDonald explique que c’est à la demande expresse du fiduciaire qu’il a entrepris d’administrer l’immeuble, et notamment, à percevoir le loyer pour ensuite les déposer à la banque.
[27] Il indique que le locateur, et lui-même sont assez tolérants quant aux retards des locataires avant d’ajouter que le locataire retardait fréquemment le paiement de son loyer avant que le locateur n’entreprenne ses recours auprès de la Régie du logement, mais que ni lui, ni le locateur ne s’en formalisait.
[28] Il ajoute être une personne réservée que la réclamation des loyers impayés rebute.
[29] Mais les choses ont dépassé les bornes alors que le locataire lui remettait deux chèques sans provision pour le paiement du loyer des mois d’octobre et novembre 2012, suivi par une absence totale de paiement du loyer du mois de décembre de la même année. Au mois de janvier 2013, le locataire lui remettait un chèque devant couvrir les loyers en retard et des frais administratifs, mais que le locataire lui demandait de ne pas encaisser.
[30] C’est au mois de février suivant que le locataire payait une partie de ses loyers en retard. Il promettait alors le paiement complet pour la semaine suivante, ce qu’il n’a pas fait, remettant alors encore un paiement partiel et exprimant cette fois son souhait d’être à jour pour le 1er mars suivant.
[31] Aucun paiement supplémentaire ne lui étant parvenu, le 6 mars suivant, le locateur dépose une demande en recouvrement de loyer et résiliation du bail au motif du retard fréquent du locataire à payer son loyer lui causant un préjudice sérieux.
[32] Le 11 mars suivant, le locataire payait le solde de ses loyers en retard ainsi que les frais de dépôt de la demande.
[33] Les parties négocient ensuite ce qui sera repris dans la décision de la juge administratif Novello. Notamment, l’admission par le locataire de ses retards passés et un rappel de son obligation de payer son loyer le premier jour du mois.
[34] L’entente produit ses effets puisque le 1er avril et le 1er mai suivant, M. McDonald recevait le paiement du loyer le premier jour du mois.
[35] Cependant, fait remarquer le témoin, dès le mois de juin 2013 et par la suite, le locataire recommençait à payer son loyer en retard avec une exception pour les mois de mars et avril 2014.
[36] Le 1er décembre 2013, le locataire lui remettait un chèque qui s’est avéré sans fonds et qui a été remplacé le 18 de ce même mois.
[37] Il exhibe en preuve un état des paiements du locataire.
[38] Le témoin vit au premier étage de l’immeuble visé, un détail qui n’est pas négligeable en l’occurrence, comme nous le verrons plus loin.
[39] Il explique que les locataires de l’immeuble viennent chez lui pour acquitter leur loyer.
[40] La réclamation du loyer auprès du locataire le dérange grandement car il n’aime pas à le relancer. Il choisit plutôt de glisser des insinuations du genre « je me rends à la banque as-tu quelque chose pour moi? ». Cette stratégie fonctionne quelquefois et à quatre reprises, le locataire s’est même offert de le reconduire à la banque.
[41] Il insiste que la quête du loyer en retard lui cause un préjudice sérieux en raison du temps qu’il y consacre ainsi que du désagrément que cela représente. De plus, les démarches administratives de toutes sortes y compris auprès du tribunal sont excessives, selon lui.
[42] Questionné par le locataire quant au délai que le locateur prend pour déposer le loyer, il répond que celui-là a 6 mois pour le faire et juge cela pertinent en l’instance.
[43] Témoignant à son tour, M. Terrence McQuillon, explique les dispositions testamentaires et fiduciaires laissées par sa tante, la dernière propriétaire de l’immeuble.
[44] Il se rappelle qu’au cours des négociations avec le locataire qui ont mené à la décision de Me Novello, il a avisé le locataire que la fiducie insistait pour que soit émis une ordonnance enjoignant ce dernier à payer son loyer le premier jour du mois.
[45] C’est à la demande de M. Tyler que la proposition fut adoucie considérablement.
[46] Au sujet des retards des locataires à payer leur loyer, il déclare que M. McDonald s’en occupe en faisant preuve d’une certaine tolérance. Ce n’est que lorsque le problème est grave qu’ils tentent de trouver une solution.
[47] Au chapitre du préjudice sérieux que les retards répétés du locataire causent à la fiducie, il exclut tout préjudice financier. La fiducie n’est pas déficitaire pour ce motif, précise-t-il.
[48] Il fait plutôt état des problèmes administratifs que cela amène, allant jusqu'à la menace de son administrateur McDonald de cesser de percevoir les loyers. Ce dernier admet en avoir discuté avec M. McQuillon.
[49] L’administrateur passe un temps excessif à la gestion des loyers, affirme-t-il.
[50] Il soulève également le préjudice de droit que constitue la violation répétée du locataire de son obligation au bail de payer son loyer le premier jour du mois.
[51] Il ajoute que la situation devient si compliquée, qu’il a senti le besoin de s’adjoindre les services d’un avocat, Me Soucy, car bien qu’il soit lui-même avocat, comme le locataire, il n’est pas familier avec les lois et règlements qui régissent le bail résidentiel.
[52] Questionné par le locataire, il admet qu’il arrive à d’autres locataires de payer leur loyer en retard.
[53] Il oppose cependant que les retards de ces derniers sont motivés et ne sont pas aussi fréquents ni longs que ceux du locataire.
[54] Pour ce qui est des retards importants de son propre fils, aussi locataire de l’immeuble, M. McQuillon les admet. Il précise que celui-ci a pris des arrangements avec la succession, arrangements qu’il respecte. Il ajoute que son fils est aussi un bénéficiaire de la succession. Lorsque la fiducie se terminera, tout déficit sera épongé à ce moment, s’il y a lieu.
[55] Appelé à témoigner pour la défense, M. Jesse Morris, déclare habiter l’immeuble depuis 8 ans.
[56] Il admet que depuis le mois de mai 2013, il a payé son loyer en retard à 5 ou 6 reprises. Il précise que ces retards sont habituellement d’une semaine à l’exception d’une fois où il a été en retard de plus d’un mois.
[57] Il soumet qu’il s’est entendu avec M. McDonald à ce sujet.
[58] Une autre locataire, Mme Commins, explique qu’elle occupe l’immeuble depuis plus de 3 ans. Depuis le mois de mai 2013, elle a été en retard dans le paiement de son loyer à quelques reprises sans qu’elle reçoive d’avis de reproche du locateur.
[59] M. Charles O’Brien témoigne aussi avoir payé quelques fois son loyer en retard depuis le mois de mai 2013 et ce sans répercussion de la part du locateur.
[60] James McQuillon, le fils de M. Terrence McQuillon, est venu corroborer le témoignage de son père quant à ses retards de paiement du loyer et l’entente de paiement qu’il a conclue avec le locateur.
[61] Témoignant à son tour, le locataire conteste la demande du locateur.
[62] Il opine que toute l’affaire n’a pour but que son éviction parce qu’il a fait l’acquisition d’un chien, il y a quelques mois de cela.
[63] Par le biais indirect de sa demande, le locateur chercherait à obtenir le départ de la bête et du maître.
[64] Il fait valoir que plusieurs de ses voisins paient leur loyer en retard sans qu’ils fassent l’objet de semblables démarches par le locateur.
[65] Il revendique le même droit de payer son loyer en retard.
[66] Il souligne que le locateur ne l’a jamais mis en demeure de respecter son obligation au bail avant le dépôt de sa première demande du 6 mars 2013.
[67] Au surplus, il opine que puisque le locateur, de son admission, n’encourt pas de préjudice économique sérieux en raison de ses retards, il ne peut prétendre au préjudice sérieux de l’article 1971 du Code civil du Québec.
[68] Aussi, puisque le locateur prend du temps à déposer le loyer, il ne devrait pas être pressé de le recevoir au début du mois.
[69] Subsidiairement, si le tribunal décidait en faveur du locateur, il demande que le tribunal use de sa prérogative et que la résiliation du bail soit remplacée par l’émission d’une ordonnance l’enjoignant de payer son loyer le premier jour du mois.
[70] Au sujet de sa propre demande, il fait valoir que l’acharnement du locateur à l’évincer par ses procédures, qu’il considère frivoles, constitue de l’abus de droit et du harcèlement.
[71] Il qualifie aussi de frivole, le motif relatif à la présence de son chien, un croisement de labrador et de Rottweiler, et son usage de la cour commune par son animal. Motif dont le locateur s’est désisté, démontrant par là la faiblesse de sa demande à ce chapitre, opine-t-il.
[72] Il ajoute qu’un incident de violence envers son chien impliquant le cooccupant du logement de M. McDonald constitue du harcèlement qu’il impute au locateur.
[73] Le locataire ajoute que les démarches du locateur depuis le mois de mars 2013, en particulier les menaces d’éviction, et les misères qui lui sont faites en raison de la présence de son chien lui ont causé d’importants dommages moraux, dont du stress, une aggravation de son état dépressif et la détérioration de la bonne entente et du climat positif qui existait naguère entre les occupants de l’immeuble.
[74] Voilà ce que le tribunal retient de la preuve qui lui a été soumise.
Le droit
[75] Le locateur fonde sa demande sur les articles 1903 et 1971 du Code civil du Québec, lesquels stipulent ce qui suit :
« 1903. Le loyer convenu doit être indiqué dans le bail.
Il est payable par versements égaux, sauf le dernier qui peut être moindre; il est aussi payable le premier jour de chaque terme, à moins qu'il n'en soit convenu autrement.»
« 1971. Le locateur peut obtenir la résiliation du bail si le locataire est en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer ou, encore, s'il en subit un préjudice sérieux, lorsque le locataire en retarde fréquemment le paiement.»
[76] Quant au locataire, il fonde sa demande sur les articles 7, 1863 et 1902 du Code civil du Québec, lesquels stipulent ce qui suit :
« 7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi. »
«1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir.»
« 1902. Le locateur ou toute autre personne ne peut user de harcèlement envers un locataire de manière à restreindre son droit à la jouissance paisible des lieux ou à obtenir qu'il quitte le logement.
Le locataire, s'il est harcelé, peut demander que le locateur ou toute autre personne qui a usé de harcèlement soit condamné à des dommages-intérêts punitifs.»
La demande du locateur
[77] En l’occurrence, la preuve démontre en effet que le locataire prend des largesses avec le paiement de son loyer, retardant son paiement au gré de sa situation financière.
[78] Peut-il invoquer la tolérance du locateur à l’égard de ses voisins pour revendiquer le même droit?
[79] En l’occurrence, la preuve démontre que le locataire a aussi bénéficié de la tolérance du locateur. Longtemps avant que le locateur entreprenne ses premières démarches au mois de mars 2013, celui-là avait pris l’habitude de ne pas respecter scrupuleusement son obligation au bail.
[80] La preuve démontre qu’en 2013, les retards se sont faits plus longs et importants, allant jusqu’à quelques mois de retard. Des retards plus importants que ceux dont ses voisins ont témoigné, sauf M. McQuillon, mais encore là force est de constater que son statut de membre de la famille du locateur et bénéficiaire éventuel de la fiducie lui donne un statut particulier que ne peut certainement pas revendiquer le locataire.
[81] Quoi qu’il en soit, il n’appartient pas au locataire de s’immiscer dans les décisions administratives du locateur au chapitre des moyens qu’il prend pour s’assurer du respect du bail.
[82] Après analyse, le tribunal constate donc que le locataire paie fréquemment son loyer en retard.
[83] Au chapitre du préjudice sérieux allégué par le locateur, un tel préjudice peut-il être invoqué alors que le locateur admet ne pas subir de préjudice économique sérieux des retards démontrés?
[84] Dans l'affaire Leboeuf[2] portant sur les retards fréquents, la Cour du Québec concluait que 20 retards dans le paiement des loyers constituent un trouble de fait et également un trouble de droit en contrevenant aux termes du bail et à ceux de l'article 1903 du Code civil du Québec. L'on concluait alors que ces troubles de fait et de droit justifient la résiliation du bail.
[85] En l’occurrence, la preuve démontre que le locataire est coupable de nombreux retards, certains d’une durée de quelques mois. Il a aussi remis des chèques qui n’ont pas été honorés, par manque de fonds.
[86] La preuve a démontré que les retards du locataire obligent le mandataire du locateur à de nombreuses démarches pour obtenir le paiement du loyer. Des démarches excessives à n’en pas douter.
[87] Ajoutons que malgré que le locataire sache depuis le mois de mars 2013 que le locateur ne tolère plus ses retards, que le locataire a admis d’ailleurs, il a persisté dans ses retards après le prononcé de la décision de la juge administratif Novello.
[88] La soussignée opine que les retards répétés du locataire causent assurément au locateur un préjudice sérieux tant en raison des nombreuses démarches administratives et judiciaires auxquelles il est astreint pour obtenir le paiement du loyer qu’en raison du préjudice de droit répété du fait que le locataire ne respecte pas son obligation au bail à ce chapitre, obligation à laquelle il a librement souscrit, soulignons-le.
[89] Conséquemment, le tribunal juge qu’il y a lieu de résilier le bail, comme le demande le locateur.
[90] En l’occurrence, le locataire n’a pas démontré sa capacité de payer son loyer le premier jour du mois à l’avenir. Au contraire, il a plutôt fait état de problèmes qui limitent sa capacité à ce sujet.
[91] De plus, le comportement récent du locataire démontre qu’il ne prend pas son obligation au sérieux, alors qu’il persistait à payer son loyer en retard à plusieurs occasions et même après la décision du 15 mai 2013.
[92] Malgré les conclusions du tribunal, celui-ci juge qu’il n’y a pas lieu de prononcer l'exécution provisoire de la décision, comme il est prévu à l'article 82.1 L.R.L., ceci afin de donner au locataire un délai suffisant pour se trouver un nouveau logis.
La demande du locataire
[93] En raison des conclusions du tribunal dans le dossier du locateur, il ne peut conclure que la demande de celui-ci est frivole ou que ses démarches relatives à la sanction des retards de paiement du locataire sont frivoles et causent un préjudice au locataire.
[94] Force est de constater que le locataire invoque sa propre turpitude lorsqu’il reproche au locateur de s’acharner contre lui alors qu’il tente de mettre un terme à ses retards de paiement. Il lui aurait suffi qu’il respecte son obligation au bail en payant son loyer scrupuleusement le premier jour du mois afin de mettre un terme aux prétentions du locateur.
[95] Est-ce que les démarches du locateur sont une façon indirecte de sanctionner la présence du nouveau chien du locataire? À ce chapitre, le tribunal ne peut conclure ainsi que le fait le locataire.
[96] La preuve démontre que l’acquisition par le locataire d’un nouveau chien coïncide avec des retards plus importants, voire d’une durée de quelques mois, ce qui ne semble pas avoir été le cas avant.
[97] Il appert que c’est plutôt cette exagération par le locataire qui a motivé le locateur à entreprendre ses démarches afin de mettre un terme au laxisme du locataire et le rappeler à l’ordre.
[98] La preuve démontre aussi que c’est l’indignation du locateur; constatant que les négociations avec le locataire, négociations qui ont mené à la décision du 15 mai 2013, n’ont pas été prises au sérieux par le locataire qu’il reprenait ses démarches.
[99] Le tribunal ne peut non plus conclure à du harcèlement pour cette raison.
[100] Quant au motif relatif à l’usage de la cour par le locataire depuis l’acquisition de son gros chien, le tribunal est convaincu que le locateur n’a pas abandonné ses prétentions à ce sujet, mais qu’il se pliait au conseil de son procureur qui lui suggérait de ne pas alourdir la preuve par ce nouveau motif.
[101] Au contraire, la preuve sommaire soumise par l’une et l’autre des parties démontre que ce motif n’est probablement pas sans fondement.
[102] Sans se prononcer sur le fond de cette affaire dont le locateur s’est désisté pour l’instant, le tribunal a constaté que le locataire en prend large dans la cour commune. Il s’arroge un usage prioritaire de la cour au motif qu’il a contribué grandement à en améliorer l’état.
[103] De son propre aveu, il laisse son chien sortir selon son bon vouloir et maculer la cour de ses déjections, sans se soucier de ses voisins qui, pour une, doit l’appeler avant de penser à sortir ses chats. Il s’agit là de la conception du locataire d’un arrangement à l’amiable. Sa voisine, Mme Commins, n’est cependant pas apparue aussi enthousiasme que lui.
[104] Finalement, le tribunal ne peut retenir contre le locateur l’agissement d’une personne sur laquelle il n’a aucune emprise. Le tribunal ne peut donc conclure que le comportement du cooccupant du logement de M. McDonald constitue du harcèlement imputable au locateur.
[105] Conséquemment, le tribunal rejette la demande du locataire.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
Dossier 31 130306 075
[106] RÉSILIE le bail et ORDONNE l’éviction du locataire et de tous les autres occupants du logement;
[107] CONDAMNE le locataire à payer au locateur les frais judiciaires de 79 $;
[108] REJETTE la demande quant aux autres conclusions.
Dossier 136 772
[109] REJETTE la demande.
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Linda Boucher |
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Présence(s) : |
le mandataire du locateur Me Robert Soucy, avocat du locateur le locataire |
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Date de l’audience : |
18 juin 2014 |
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[1] R.L. 31-080801-036 G, le 12 septembre 2008.
[2] Lise Leboeuf c. Fawzi-Kamil Louafi, 500-80-007640-064, Cour du Québec, honorable juge Jacques Paquet, 6 juillet 2007.
AVIS :
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