Décision

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Modèle de rectification CLP - mai 2014

Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent et Construction Injection EDM inc.

2015 QCCLP 1479

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

26 mars 2015

 

Région :

Montérégie

 

Dossier :

508607-62-1304      508634-62-1304      508640-62-1304

509059-62C-1304   530582-62-1312      530876-62-1401

536208-62-1403      536215-62C-1403   536361-62-1403

536365-62-1403      536386-62-1403      536392-62-1403

537967-62-1403      541581-62-1405      558818-62-1412

 

Dossier CSST :

4178648        4180100        4178059        4179250

4191513        4195729        4194772        4195674

4195729        4195608        4178648

 

 

 

Commissaire :         Robert Langlois, juge administratif

______________________________________________________________________

 

 

 

Corporation de Gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent

         Partie requérante

 

et

 

Construction Injection EDM inc.

C.P.Q.M.C. international

C.S.D. Construction

C.S.N. Construction

F.T.Q. Construction

Gercom construction inc.

Procureur général du Québec

Syndicat québécois de la construction

Ass. Int. Des travailleurs en ponts

Cegertec Worleyparsons

S.P.G. Hydro International inc.

Construction Sorel ltée

Groupe Diamantex

Produits Fraco ltée

Socomec Industriel inc.

Entreprise maintenance Man inc.

Acro Canada inc.

Dessau inc.

Installations électriques Pichette inc.

Sciage de Béton St-Léonard ltée

Versailles (48) inc.

Matériaux Économiques inc.

Socomec Industriel inc.

Adélard Beaulieu Mini-Excavation

Olso Construction inc.

         Parties intéressées

 

et

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

Partie intervenante

 

Partie intervenante

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

RECTIFICATION D’UNE DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           La Commission des lésions professionnelles a rendu le 16 mars 2015, une décision dans le présent dossier;

[2]           Cette décision contient des erreurs qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 429.55 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, RLRQ, c. A-3.001;

[3]           Le paragraphe 162 se lisait ainsi :

[162]    Dans le cas en l’espèce, la validité même de la LSST n’est pas contestée. Cet aspect a également été décidé à plusieurs reprises par la Cour suprême, notamment dans les arrêts Banque canadienne de l’Ouest ainsi que Bell Canada, qui a déclaré que la LSST était intra vires. Plus précisément, dans la cause Bell Canada, la Cour concluait comme suit :

 

193.      La Loi est relative aux matières suivantes: les conditions et relations de travail et la gestion des entreprises. Suivant la deuxième proposition, ces matières tombent en principe dans la catégorie de sujets prévue au par. 13 de l'art. 92 de la Loi constitutionnelle de 1867  « La propriété et les droits civils dans la province ». La Loi est donc intra vires, valide et applicable aux entreprises qu'elle peut constitutionnellement viser.

 

[4]           Ce paragraphe aurait dû se lire ainsi :

[162]    Dans le cas en l’espèce, la validité même de la LSST n’est pas contestée. Cet aspect a également été décidé à plusieurs reprises par la Cour suprême, notamment dans les arrêts Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada ainsi que Bell Canada, qui a déclaré que la LSST était intra vires. Plus précisément, dans la cause Bell Canada, la Cour concluait comme suit :

 

193.      La Loi est relative aux matières suivantes: les conditions et relations de travail et la gestion des entreprises. Suivant la deuxième proposition, ces matières tombent en principe dans la catégorie de sujets prévue au par. 13 de l'art. 92 de la Loi constitutionnelle de 1867  « La propriété et les droits civils dans la province ». La Loi est donc intra vires, valide et applicable aux entreprises qu'elle peut constitutionnellement viser.

 

[5]           Dans le dispositif il faut changer le numéro de dossier 530876-61-1401 par 530876-62-1401.

[6]           Après le dispositif, les noms des représentants auraient dû se lire ainsi :

Me Patrick Essiminy et Me Frédéric Henry

STIKEMAN, ELLIOTT

Représentants de la partie requérante

 

Me Pierre-Michel Lajeunesse et Me Dominique Trudel

VIGNEAULT, THIBODEAU, BERGERON

Représentants de la partie intervenante

 

 

 

 

 

Me Samuel Chayer et Me Manuel Klein

Procureur général du Québec

Représentants de la partie intéressée

 

 

 

 

 

 

__________________________________

 

Robert Langlois

 

 

 

 


Corporation de Gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent et Construction Injection EDM inc.

2015 QCCLP 1479

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

16 mars 2015

 

Région :

Montérégie

 

Dossiers :

508607-62-1304      508634-62-1304      508640-62-1304

509059-62C-1304   530582-62-1312      530876-62-1401

536208-62-1403      536215-62C-1403   536361-62-1403

536365-62-1403      536386-62-1403      536392-62-1403

537967-62-1403      541581-62-1405      558818-62-1412

 

Dossiers CSST :

4178648        4180100        4178059        4179250

4191513        4195729        4194772        4195674

4195729        4195608        4178648

 

Commissaire :

Robert Langlois, juge administratif

 

Membres :

Lise Tourangeau-Anderson, associations d’employeurs

 

Michel Gravel, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

Corporation de Gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Construction Injection EDM inc.

C.P.Q.M.C. international

C.S.D. Construction

C.S.N. Construction

F.T.Q. Construction

Gercom construction inc.

Procureur général du Québec

Syndicat québécois de la construction

Ass. Int. Des travailleurs en ponts

Cegertec Worleyparsons

S.P.G. Hydro International inc.

Construction Sorel ltée

Groupe Diamantex

Produits Fraco ltée

Socomec Industriel inc.

Entreprise maintenance Man inc.

Acro Canada inc.

Dessau inc.

Installations électriques Pichette inc.

Sciage de Béton St-Léonard ltée

Versailles (48) inc.

Matériaux Économiques inc.

Socomec Industriel inc.

Adélard Beaulieu Mini-Excavation

Olso Construction inc.

 

Parties intéressées

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

DOSSIERS 536208-62-1403 et 536365-62-1403

[1]   Le 14 mars 2013, la Corporation de Gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent (la Corporation) dépose deux requêtes par lesquelles elle conteste une décision rendue le 6 mars 2013 par Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST maintient les décisions rendues initialement par un de ses inspecteurs le 3 février 2013. Dans sa décision, la CSST détermine que l’inspecteur avait la compétence pour instituer une enquête visant la Corporation, qu’il pouvait émettre des ordonnances à son endroit concernant des travaux de construction effectués aux écluses de Ste-Catherine et que la Corporation est maître d’œuvre du chantier de construction. Dans sa décision initiale, l’inspecteur émet également une dérogation exigeant que la Corporation transmette à la CSST un avis d’ouverture de chantier de construction.

DOSSIERS 508607-62-1304 et 508634-62-1304

[3]           Le 17 avril 2013, la Corporation dépose à la Commission des lésions professionnelles deux requêtes par lesquelles elle conteste une décision rendue le 8 avril 2013 par la CSST à la suite d’une révision administrative.

[4]           Par cette décision, la CSST maintient deux décisions initialement rendues les 19 février 2013 et 13 mars 2013 par un inspecteur et déclare que cet inspecteur avait la compétence pour instituer une enquête visant la Corporation et qu’il peut émettre des ordonnances à son endroit concernant des travaux de construction exécutés aux écluses de St-Lambert.

DOSSIER 508640-62-1304

[5]           Le 17 avril 2013, la Corporation dépose une seconde requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle elle conteste une décision rendue le 8 avril 2013 par la CSST à la suite d’une révision administrative.

[6]           Dans cette décision, la CSST maintient trois décisions initialement rendues les 30 janvier 2013, 8 février 2013 et 14 février 2013 par un inspecteur et déclare que ce dernier inspecteur avait la compétence pour instituer une enquête visant la Corporation et qu’il peut émettre des ordonnances à son endroit concernant des travaux de construction effectués aux écluses de Ste-Catherine.

DOSSIER 509059-62C-1304

[7]           Le 17 avril 2013, la Corporation dépose une requête par laquelle elle conteste une décision rendue le 8 avril 2013 par la CSST à la suite d’une révision administrative.

[8]           Dans cette décision, la CSST maintient deux décisions initialement rendues les 13 et 19 février 2013 par un inspecteur et déclare que cet inspecteur avait la compétence pour instituer une enquête visant la Corporation et qu’il peut émettre des ordonnances à son endroit concernant des travaux effectués aux écluses de Beauharnois.

DOSSIER 530582-62-1312 et 530876-61-1401

[9]           Le 18 décembre 2013, la Corporation dépose deux requêtes par lesquelles elle conteste deux décisions rendues le 9 décembre 2013 par la révision administrative de la CSST.

[10]        Par ces décisions, la CSST maintient la décision qu’un de ses inspecteurs a initialement rendue le 1er novembre 2013 et déclare que celui-ci avait la compétence pour instituer une enquête visant la Corporation et qu’il peut émettre des ordonnances à son endroit concernant des travaux effectués aux écluses de St-Lambert.

DOSSIERS 536215-62C-1403

[11]        Le 14 mars 2014, la Corporation dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle elle conteste une décision rendue le 6 mars 2014 par la CSST à la suite d’une révision administrative.

[12]        Dans cette décision, la CSST maintient la décision initialement rendue le 11 février 2013 par une inspecteure et déclare que cette dernière avait la compétence pour instituer une enquête visant la Corporation, qu’elle pouvait émettre des ordonnances à son endroit concernant des travaux effectués aux écluses de Beauharnois. L’inspecteure déclare également que la Corporation est maître d’œuvre du chantier de construction constitué par l’installation des dispositifs « Amarrage à mains libres ».

DOSSIER 536361-62-1403, 536386-62-1403 et 536392-62-1403

[13]        Le 14 mars 2014, la Corporation dépose à la Commission des lésions professionnelles trois requêtes par lesquelles elle conteste trois décisions rendues les 5 et 6 mars 2014 par la CSST à la suite d’une révision administrative.

[14]        Par ces décisions, la CSST maintient les décisions initiales prises respectivement les 24 janvier 2014, 4 février 2014 et 26 février 2014 par un inspecteur et déclare que cet inspecteur avait la compétence pour instituer une enquête visant la Corporation et qu’il peut émettre des ordonnances à son endroit concernant des travaux exécutés aux écluses de St-Lambert. Dans ses décisions initiales, l’inspecteur émet également des dérogations qui s’adressent à la Corporation, à titre de maître d’œuvre du chantier de construction.

DOSSIER 537967-62-1403

[15]        Le 31 mars 2014, la Corporation soumet à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue le 25 mars 2014 par la CSST à la suite d’une révision administrative.

[16]        Par cette décision, la CSST maintient deux décisions initialement rendues le 11 février 2014 par un inspecteur et déclare que cet inspecteur a la compétence pour instituer une enquête visant la Corporation et qu’il peut émettre des décisions et des ordonnances à son endroit concernant des travaux exécutés aux écluses de St-Lambert.

DOSSIER 541581-62-1405

[17]        Le 14 mai 2014, la Corporation soumet à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue le 8 mai 2014 par la CSST à la suite d’une révision administrative.

[18]        Par cette décision, la CSST maintient une décision initialement rendue le 26 mars 2014 par un inspecteur et déclare que ce dernier avait la compétence pour instituer une enquête visant la Corporation et qu’il peut émettre des décisions et ordonnances à son endroit concernant des travaux exécutés aux écluses de St-Lambert.

DOSSIER 558818-62-1412

[19]        Le 17 avril 2013, la Corporation dépose une requête par laquelle elle conteste une décision rendue le 8 avril 2013 par la révision administrative de la CSST.

[20]        Par cette décision, la CSST déclare irrecevable la demande de révision faite par la Corporation parce que dans son rapport d’intervention, l’inspecteur ne rend aucun ordre ou décision impliquant la Corporation.

[21]        Une conférence préparatoire a eu lieu le 6 juin 2014. L’audience s'est tenue les 24, 25, 26 novembre 2014 ainsi que les 14 et 15 janvier 2015 à Montréal en la seule présence de la Corporation, de la CSST et du Procureur général Québec qui sont représentés. La cause a été prise en délibéré le 15 janvier 2015 soit à la date finale de l’argumentation présentée par les parties.

L’OBJET DES REQUÊTES

DOSSIERS 508607-62-1304, 508634-62-1304, 508640-62-1304, 509059-62C-1304, 530582-62-1312, 530876-61-1401, 536208-62-1403, 536215-62C-1403, 536361-62-1403, 536365-62-1403, 536386-62-1403, 536392-62-1403, 537967-62-1403, 541581-62-1405 et 558818-62-1412

[22]        La Corporation estime que la Loi sur la santé et la sécurité du travail[1] (la LSST) ainsi que le Code de sécurité pour les travaux de construction[2] lui sont inapplicables au motif qu’elle est une entreprise fédérale en vertu des articles 91(10) et 92(10)a) de la Loi constitutionnelle de 1867[3] et de l’article 2 b) du Code canadien du travail[4] et/ou qu’elle est assimilable à un mandataire de la Couronne fédérale. La Corporation demande donc à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que les rapports d’intervention émis par les inspecteurs de la CSST soient annulés puisqu’ils sont ultra vires.

INTRODUCTION

[23]        Dans une décision rendue le 1er février 2013 par la Commission des lésions professionnelles[5], la Corporation demandait au tribunal de trancher la question de la compétence de la CSST d’intervenir auprès de la Corporation. Les motifs exprimés étaient que la LSST ne lui est pas applicable en raison de son statut d’entreprise fédérale ou assimilable à un mandataire de la Couronne fédérale. La Corporation demandait une scission d’instance et estimait que le tribunal devait à priori trancher la question de la compétence avant d’entendre les parties quant au fond du litige et déterminer si la Corporation est maître d’œuvre du chantier de construction.

[24]        La Commission des lésions professionnelles identifiait qu’il était préférable d’entendre toute la preuve avant de décider des questions en litige, dont les questions constitutionnelles.

[25]        La Corporation a soumis une requête en révision de cette dernière décision. Le 27 février 2013, la Commission des lésions professionnelles rejette la requête de la Corporation[6]. Dans cette décision, on précise que la voie choisie par la première juge s’inscrit dans la foulée de l’enseignement prodigué par la jurisprudence, à savoir qu’on ne doit pas trancher les questions constitutionnelles de façon préliminaire, mais plutôt d’en décider, si besoin en est encore au moment opportun, dans le cadre d’une décision finale rendue après enquête et audition complètes, c’est-à-dire après avoir entendu toute la cause. Enfin, on y mentionne que le tribunal ne doit pas se prononcer sur des points de droit lorsqu’il n’est pas nécessaire de le faire pour régler un pourvoi. On ajoute que cela est particulièrement vrai quand il s’agit de questions constitutionnelles.

[26]        C’est cette approche qui sera adoptée dans la présente décision. Le tribunal étudiera d’abord si la Corporation se qualifie à titre de maître d’œuvre sur un des chantiers de construction. Dans la positive, la Commission des lésions professionnelles devra évaluer si la LSST lui est applicable. Dans le cas où la Corporation n’est pas maître d’œuvre sur aucun des chantiers présents lors des visites de l’inspecteur, il deviendra inutile pour la Commission des lésions professionnelles de statuer sur la compétence de la CSST lorsqu’elle rend des décisions impliquant la Corporation.

DÉTERMINATION DU MAÎTRE D’ŒUVRE, AMARRAGE À MAINS LIBRES, TRAVAUX SITUÉS À L’ÉCLUSE DE ST-LAMBERT

DOSSIERS 508607-62-1304, 508634-62-1304, 530582-62-1312, 530876-62-1401, 536361-62-1403, 536386-62-1403, 536392-62-1403, 537967-621403 et 541581-62-1405

·        LA PREUVE

[27]        Dans le but de moderniser les opérations de la voie maritime du St-Laurent, toutes les écluses à grandes élévations sont en voie de conversion vers un système d’amarrage à mains libres : à l’aide de parties articulées, on pourra ainsi, par l’utilisation de ventouses appliquées sur la coque des navires, les immobiliser en écluse sans recourir aux câbles, amarres et main d’œuvre traditionnels.

[28]        Dans le document « Cap sur l’avenir, Sommaire annuel 2013-2014 »[7], on mentionne ce qui suit :

Comme son nom l’indique, l’amarrage à mains libres [AML] permet d’immobiliser un navire pendant un éclusage sans recourir aux câbles ou amarres traditionnels et à la main-d’œuvre qu’ils exigent. Une fois qu’un navire s’arrête dans le sas d’une écluse, chaque unité AML s’étend depuis le mur jusqu’à la coque du navire et positionne verticalement ses ventouses sur une surface lisse de la coque. Une fois fixées par succion, les unités AML immobilisent le navire. Quand le niveau d’eau dans l’écluse commence à monter ou descendre, les unités AML continuent de maintenir le navire, montant ou descendant en coulissant sur des rails encastrés dans le mur de béton de l’écluse. Après que le navire a été soulevé ou abaissé, la succion est relâchée et les ventouses se rétractent. Le navire peut alors quitter l’écluse. D’ici 2018, toutes les écluses à grandes élévations de la Voie maritime seront dotées d’unités AML.

 

 

[29]        En janvier 2013, débutent aux écluses de St-Lambert les premiers travaux visant l’amarrage à mains libres. Ces travaux consistent d’abord à forer trois enclaves sur le mur cimenté situé du côté nord du canal ainsi qu’à installer des rails verticaux à l’intérieur de ces enclaves. L’entreprise Construction Injection EDM se voit octroyer le contrat de creusage des enclaves et de mise en place des rails. Lorsque ces travaux seront terminés, une nouvelle entreprise sera chargée de fixer, à même les rails, les dispositifs d’amarrage sous vide.

[30]        Monsieur Denis Lachance, coordonnateur de projets à l’emploi de Construction Injection EDM, témoigne en cours d’audience. Il explique que les travaux ont eu cours durant la saison hivernale alors que la voie navigable devient impraticable et que le sas a été vidé de son eau. Les travaux effectués par Construction Injection EDM visaient d’abord l’installation d’une plate-forme de travail et le forage des murs cimentés. On a ainsi creusé des enclaves d’une largeur de 5 mètres, d’une profondeur de 5 mètres et d’une hauteur de 20 mètres. On devait dès lors procéder à la destruction partielle du présent mur, à la mise en place du coffrage et au bétonnage de la nouvelle enclave. Par la suite, on a entrepris l’installation de rails verticaux à l’intérieur des enclaves.

[31]        L’entreprise était responsable de l’installation de l’échafaudage, du déneigement de la zone des travaux et de l’élimination des déchets générés. Elle avait également le pouvoir de décider de la méthode de travail et devait fournir tous les matériaux ainsi que les équipements. Elle pouvait aussi embaucher elle-même tous les sous-traitants sans avoir à obtenir l’autorisation de la Corporation.

[32]        Les employés affectés à ces tâches œuvraient sur deux quarts de travail à raison de cinq jours par semaine. Monsieur Lachance indique que c’est l’entreprise elle-même qui a décidé des horaires de travail.

[33]        Construction Injection EDM a installé des clôtures sur le pourtour de la zone des travaux ainsi qu’une roulotte de chantier pour permettre aux travailleurs d’y prendre leurs pauses.

[34]        La Corporation s’était auparavant assuré que les portes de l’écluse étaient barrées à l’aide de poutres. Une grue était nécessaire pour les retirer.

[35]        Construction Injection EDM inc. transmet un avis d’ouverture de chantier à la CSST dans lequel elle s’identifie comme maître d’œuvre.

[36]        La preuve permet de déterminer qu’un représentant de la Corporation était présent sur le chantier afin de s’assurer que les travaux étaient effectués selon les plans et devis. À certains moments, sa présence était presque constante alors qu’à certaines autres étapes, il ne s’y présentait que de manière sporadique. Lorsque cet inspecteur constatait des problèmes, il s’adressait alors au chargé de projet à l’emploi de Construction Injection EDM.

[37]        Le représentant de la Corporation assistait également aux réunions du comité de chantier qui avaient lieu régulièrement et pouvait faire des suggestions qui visaient la santé et la sécurité des travailleurs.

[38]        Quant aux autres travaux qu’on retrouvait aux écluses de St-Lambert à ce moment, monsieur Lachance témoigne qu’il n’y a pas eu d’interaction avec les autres entrepreneurs. Il mentionne que ces divers travaux avaient cours sur des sites distincts et que chaque entrepreneur y a installé sa propre roulotte et y avait ses propres aménagements.

[39]        Le 19 février 2013, un inspecteur de la CSST se rend au site des écluses et, au rapport d’intervention RAP077474, note que plusieurs entrepreneurs sont présents sur le site et œuvrent à divers travaux. Il identifie alors que la Corporation agit à titre de maître d’œuvre sur le chantier de construction.

[40]        Cette décision, qui sera maintenue par la révision administrative de la CSST, a généré le dossier 508607-62-1304.

[41]        Une fois les travaux reliés aux enclaves terminés, la Corporation mandate une autre entreprise[8] pour installer les dispositifs qui immobiliseront les navires. Ces dispositifs sont fixés aux rails verticaux qu’on retrouve dans les enclaves et seront amovibles selon le niveau de l’eau. Ils sont pourvus de ventouses qui se fixeront aux parois du navire et le retiendront pendant l’éclusage, permettant ainsi de se dispenser d’amarres. Toutefois, lors de la présentation de sa preuve, la Corporation ne fait aucune démonstration concernant la période durant laquelle ces dispositifs ont été mis en place.

·        L’AVIS DES MEMBRES

[42]        Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs estiment que la preuve démontre que le chantier de construction est constitué de deux étapes : soit celle qui consistait à forer les enclaves et, par la suite, le moment où on a procédé à l’installation des dispositifs de retenue des navires. Ils en tirent la conclusion que le chantier de construction a débuté au moment où le forage était amorcé et s’est terminé alors qu’on était prêts à faire usage des dispositifs de retenue. Les deux étapes étaient donc incluses dans ce chantier. Enfin, ils émettent l’opinion que personne n’avait la responsabilité de l’exécution de ces deux étapes du même chantier de construction. Ils concluent que, suivant la jurisprudence, la Corporation doit être qualifiée de maître d’œuvre.

·        LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[43]        La Commission des lésions professionnelles doit identifier qui doit être qualifié de maître d’œuvre du chantier de construction constitué par les travaux reliés à l’amarrage à mains libres.

[44]        Sur ce sujet, la LSST prévoit les dispositions suivantes :

1.  Dans la présente loi et les règlements, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

«chantier de construction»: un lieu où s'effectuent des travaux de fondation, d'érection, d'entretien, de rénovation, de réparation, de modification ou de démolition de bâtiments ou d'ouvrages de génie civil exécutés sur les lieux mêmes du chantier et à pied d'œuvre, y compris les travaux préalables d'aménagement du sol, les autres travaux déterminés par règlement et les locaux mis par l'employeur à la disposition des travailleurs de la construction à des fins d'hébergement, d'alimentation ou de loisirs;

 

«maître d'œuvre»: le propriétaire ou la personne qui, sur un chantier de construction, a la responsabilité de l'exécution de l'ensemble des travaux;

__________

1979, c. 63, a. 1; 1985, c. 6, a. 477, a. 521; 1986, c. 89, a. 50; 1988, c. 61, a. 1; 1992, c. 21, a. 300; 1992, c. 68, a. 157; 1994, c. 23, a. 23; 1997, c. 27, a. 34; 1998, c. 39, a. 188; 1999, c. 40, a. 261; 2002, c. 38, a. 10; 2001, c. 26, a. 168; 2002, c. 76, a. 1; 2005, c. 32, a. 308.

 

 

[45]        La Commission des lésions professionnelles estime que dans le cas à l'étude, avant de procéder à la détermination du maître d’œuvre, il y a lieu d’analyser la notion de chantier de construction et identifier quels sont les travaux qui doivent être inclus dans le chantier relatif à l’amarrage à mains libres.

[46]        On note tout d’abord que les premiers travaux consistaient à effectuer trois forages (5 m x 5 m x 20 m) sur les murs cimentés du canal navigable. L’installation d’une plate-forme sur une hauteur approximative de 20 mètres a été nécessaire et, dans le cadre de ces travaux, on a procédé au coffrage ainsi qu’au bétonnage des nouvelles parois. D’emblée, la Commission des lésions professionnelles n’hésite pas ici à conclure qu’il s’agit de travaux répondant à la définition de « chantier de construction ».

[47]        Quant à la notion de chantier de construction, celle-ci a maintes fois été discutée par la Commission des lésions professionnelles[9]. Ainsi, comme le précise la jurisprudence, il peut y avoir plusieurs chantiers distincts sur un même site. Les critères qui sont utilisés pour déterminer si on se trouve devant un seul ou plusieurs chantiers sont les suivants :

·        la finalité de l’œuvre réalisée,

·        la localisation de cette œuvre,

·        la durée des travaux qui y sont exécutés.

 

[48]        Pour les motifs qui suivent, la Commission des lésions professionnelles estime que dans le cas en litige, on ne retrouve qu’un seul chantier de construction : la raison d’être du projet consistait à « [permettre] d’immobiliser un navire pendant un éclusage sans recourir aux câbles ou amarres traditionnels et à la main-d’œuvre qu’ils exigent »[10]. Telle est la finalité du projet. C’est ainsi que le tribunal conclut qu’une fois que les travaux relatifs à la modification des murs cimentés seront terminés, ils ne seront d’aucune utilité pour la Corporation qui n’en fera aucun usage. Cette conclusion est la même quant à l’installation des rails verticaux dans ces enclaves. Ces rails ne seront fonctionnels et profitables que lorsqu’on aura procédé, sur ces mêmes rails, à l’installation des dispositifs qui immobiliseront les navires par effet de succion pendant que le niveau de l’eau montera ou descendra dans l’écluse. Tous ces travaux de rénovation, de modification, de démolition et d’ouvrages de génie civil ne seront utiles que lorsque les équipements seront fonctionnels. Ils ne visent qu’une seule et même finalité, soit la mise en place d’un système d’amarrage à mains libres. La Commission des lésions professionnelles est d’avis que ce seul élément milite en faveur de la conclusion qui voudrait qu’on se retrouve en face d’un seul chantier de construction constitué de deux étapes.

[49]        En ce qui a trait à la localisation, le projet est réalisé sur un même site, soit sur les murs des écluses de St-Lambert.

[50]        Enfin, au sujet de la durée des activités, la preuve présentée par la Corporation ne permet pas d’apprécier s’il y a eu décalage important entre l’étape de forage et d’installation des rails et celle qui consistait à fixer les dispositifs d’amarrage. Et même si un tel décalage existait, dans une décision rendue en 2008[11], la Commission des lésions professionnelles s’exprimait ainsi concernant l’importance qu’on doit accorder aux trois critères énoncés plus haut :

[18]      Pour le tribunal, la démarche doit d’abord et avant tout partir de la définition retenue par le législateur qui doit, dans chaque cas, être appliquée à la situation révélée par la preuve. C’est ainsi qu’il faut se garder d’appliquer de façon automatique les critères précités sans avoir au départ analysé l’ensemble la preuve en regard du contenu même de la définition de chantier de construction.

 

 

[51]        Ces principes étaient par la suite retenus par la Commission des lésions professionnelles dans des décisions plus récentes[12]. C’est donc de manière souple que ces critères doivent être appliqués. Dans le présent litige, et dans le cas où il y aurait un décalage important entre deux étapes de construction, étant donné qu’aucune des phases ne peut avoir une vie en soi et que chacune des étapes de construction est dépendante des étapes précédentes ou des étapes subséquentes, cet élément de décalage ne serait pas prépondérant aux fins de la présente décision.

[52]        Toujours dans la situation où il y aurait eu un décalage temporel important entre les deux étapes d’installation de système d’amarrage à mains libres, dans une décision rendue en 2012[13], la Commission des lésions professionnelles avait à définir la notion de chantier de construction lors de l’érection d’une ligne électrique qui s’est déroulée sur une période de trois années parce que la construction de cette infrastructure n’était possible que sur un sol gelé. Or, le tribunal déterminait que cette durée de trois années était tout à fait normale dans les circonstances et ne voyait pas dans cette condition un élément de nature à déterminer qu’il y avait plus d’un chantier de construction. Cette situation est similaire à celle qu’on pourrait retrouver dans le cas où il y aurait eu un décalage important entre les deux étapes de construction de systèmes d’amarrage à mains libres.

[53]        C’est en ce sens que la Commission des lésions professionnelles estime que la seule conclusion qui s’impose est celle où les deux étapes visant l’instauration du système d’amarrage à mains libres forment un seul et unique chantier de construction. Ce chantier est donc constitué du forage des murs bétonnés (et de tous les travaux qui y sont reliés), de l’installation des rails et de la mise en place des dispositifs d’amarrage sous vide.

[54]        La prochaine étape consiste à identifier le maître d’œuvre de ce chantier de construction.

[55]        Sur ce même sujet, la jurisprudence[14] a défini des critères afin d’identifier le maître d’œuvre d’un chantier de construction. Ces critères sont les suivants :

-    l'identification du maître d’œuvre doit se faire avant le début des travaux;

-l'identification du maître d’œuvre est faite à partir des documents contractuels, le cas échéant, lesquels sont étudiés dans l'optique de leur mise en application lors des travaux de construction;

-la qualification donnée aux intervenants par les documents contractuels n'est pas déterminante aux fins de l'identification du maître d’œuvre au sens de la LSST;

-le maître d’œuvre est soit le propriétaire, soit la personne qui, sur un chantier de construction, a la responsabilité de l'exécution de l'ensemble des travaux;

-on doit d'abord rechercher s'il existe une personne qui a la responsabilité de l'exécution de l'ensemble des travaux sur un chantier de construction. Cette personne peut être le propriétaire s’il assume la responsabilité de l'exécution des travaux;

-la responsabilité de l’exécution de l'ensemble des travaux s'entend de la prise en charge, de façon concrète et réelle, de l’ensemble des travaux sur les lieux mêmes où ils s’effectuent;

-la responsabilité de l’approbation, du contrôle ou de la surveillance des travaux à exécuter est une responsabilité distincte de celle de l’exécution de l'ensemble des travaux;

-à défaut de pouvoir identifier, sur un chantier, une personne qui a la responsabilité de l’exécution de l'ensemble des travaux, ce sera alors le propriétaire qui sera maître d’œuvre.

 

[56]        La firme Construction Injection EDM a été mandatée afin d’exécuter les travaux reliés au forage ainsi qu’à l’installation des rails. Cette entreprise ne possède aucune forme d’autorité sur la société Pichette Électrique lorsqu’elle procédera à l’installation des équipements d’amarrage sous vide. De ce fait, aucune de ces deux firmes ne peut être tenue responsable des tâches accomplies par une entreprise sur laquelle elle n’a aucun pouvoir.

[57]        Il en ressort qu’aucune de ces deux sociétés ne peut exercer de manière concrète et réelle toutes les obligations dévolues au maître d’œuvre et assumer la responsabilité de l’exécution de l’ensemble des travaux sur le chantier de construction. Cette seule constatation les disqualifie au titre de maître d’œuvre.

[58]       Enfin, aucune autre entreprise n’avait la responsabilité de l’exécution de l’ensemble des travaux. Suivant les critères élaborés par la jurisprudence et par application de la LSST, ce sera le propriétaire ou la personne qui en fait foi, soit la Corporation, qui doit être reconnu maître d’œuvre du chantier de construction.

DÉTERMINATION DU MAÎTRE D’ŒUVRE, TRAVAUX DE PEINTURE DE LA MACHINERIE D’ENTRAÎNEMENT, ÉCLUSES DE BEAUHARNOIS

DOSSIER 536215-62C-1403

·        LA PREUVE

[59]        À compter de janvier 2014 ont lieu des travaux visant la peinture de la machinerie d’entraînement des vannes situées aux écluses de Beauharnois. Afin d’exécuter ces travaux, la Corporation a mandaté l’entreprise Versailles 48.

[60]        En cours d’audience, monsieur Alain Beaulieu, directeur chez Versailles 48, explique que cette entreprise est spécialisée notamment dans la gestion anticorrosive de structures. Il mentionne que les travaux effectués aux écluses de Beauharnois consistaient essentiellement à préparer les surfaces d’acier par du sablage à jet et par la suite à y apposer une peinture anticorrosion. Ces travaux ont lieu à l’intérieur de cinq structures souterraines situées de part et d’autre du canal navigable à Beauharnois.

[61]        Avant le début des travaux, les employés de la Corporation ont procédé au cadenassage des sources d’énergie et ont bloqué les éléments mobiles du système d’engrenage par des pièces d’acier. Ces mêmes pièces ne pouvaient être enlevées parce qu’elles étaient retenues par des chaînes elles-mêmes protégées par des cadenas.

[62]        À l’extérieur, on a délimité une zone permettant d’accéder aux travaux : des clôtures ont été installées sur le pourtour de l’emplacement. Versailles 48 a procédé à la mise en place d’un abri Tempo pour protéger l’accès souterrain des intempéries. Une roulotte de chantier a aussi été installée pour permettre aux travailleurs d’y prendre leurs pauses.

[63]        Monsieur Beaulieu mentionne que Versailles 48 était responsable de l’entretien de la zone des travaux. Cet entretien comprend l’épandage de sel sur le sol, le pelletage de la neige et l’élimination des déchets. Il explique que cette zone est sous l’autorité de Versailles 48 qui en contrôle l’accès à ses seuls travailleurs.

[64]        Pour se rendre sur la zone des travaux, les employés doivent d’abord se présenter à la guérite générale des écluses afin de s’identifier et par la suite emprunter les voies de circulation qui leur sont indiquées par la Corporation. Il appert que les itinéraires ont été préalablement définis par la Corporation en raison de mesures de sécurité imposées par la Loi sur la sécurité du transport maritime[15].

[65]        Monsieur Beaulieu précise aussi que Versailles 48 embauchait la main-d’œuvre et fournissait tout le matériel ainsi et que tous les outils nécessaires pour compléter les travaux. Cette entreprise a retenu les services d’un sous-traitant pour effectuer des opérations reliées à l’utilisation de la glace sèche. C’est Versailles 48 qui a procédé à l’embauche de ce sous-traitant, qui en a assuré la supervision et l’a rémunéré. C’est aussi Versailles 48 qui avait le loisir d’établir les horaires de travail en fonction du délai qui lui était accordé pour terminer le projet. Monsieur Beaulieu soutient que Versailles 48 était totalement indépendante et avait tout le loisir d’assumer son mandat selon sa propre méthode.

[66]        Il appert que d’autres travaux avaient cours au même moment sur le site des écluses. Toutefois, monsieur Beaulieu précise qu’il ne connaissait pas la nature de ces travaux parce qu’il n’y avait aucune interaction ou interférence avec les entrepreneurs.

[67]        Un inspecteur à l’emploi de la Corporation était présent sur le site des écluses. Néanmoins, selon le témoignage de monsieur Beaulieu, cette personne ne se présentait sur les lieux des travaux qu’à sa demande afin de répondre à des questions accessoires qu’on lui adressait. À la fin des travaux, c’est cette même personne qui les a approuvés et a repris la responsabilité des lieux.

[68]        La lecture des plans et devis de ces travaux nous apprend que Versailles 48 accepte de prendre en charge toutes les responsabilités dévolues au maître d’œuvre.

[69]        Le document « Exigences corporatives de sécurité de la CGVMSL à l’intention des entrepreneurs »[16] comprend les éléments suivants :

3.2 Responsabilités de l’Entrepreneur:

 

L’Entrepreneur doit respecter les conditions suivantes:

 

1.         L’exécution des travaux doit être effectuée dans le respect de la santé et sécurité.

 

 

2.         L’Entrepreneur a la responsabilité de faire respecter et d’appliquer les règles de sécurité au cours de l’exécution des travaux faisant l’objet du contrat, en particulier celles prévues dans le Code du travail du Canada et dans les règlements adoptés en application de ce dernier, les Lois en matière de santé et sécurité du travail provinciales applicables et les règlements adoptés aux termes de celles-ci, les règlements et codes municipaux.

 

3.         L’Entrepreneur doit résoudre rapidement les problèmes relatifs à la sécurité et à la santé au chantier.

 

4.         Quelle que soit son urgence, l’Entrepreneur ne sera pas autorisé à effectuer une tâche si elle ne peut l’être en toute sécurité.

 

5.         Prendre toutes les mesures raisonnables nécessaires pour assurer la protection du personnel, des clients, des biens et du public.

 

6.         Faire régulièrement des inspections du chantier et agir promptement dans toutes les situations mettant en jeu la sécurité, la santé ou l’environnement.

 

7.         Analyser tous les accidents/incidents ayant provoqué ou risqué de provoquer, des pertes ou des blessures, de façon à en identifier la cause ou les causes, et prendre immédiatement des mesures correctives pour en éviter la répétition.

 

8.         Prendre toutes les mesures nécessaires pour que ses travailleurs et toutes les personnes ayant accès au chantier qui sont sous le contrôle de l’Entrepreneur ou qui s’y trouvent à sa demande, se conforment aux présentes exigences de sécurité, aux règlements et au programme de sécurité en vigueur.

 

9.         Former son personnel pour que celui-ci exécute son travail de façon sécuritaire.

 

10.       Fournir et maintenir en bon état tout l’équipement de protection personnelle et collective pour ses travailleurs et ses visiteurs, et tout autre dispositif de sécurité. S’assurer que ses travailleurs portent l’équipement de protection personnelle de façon sécuritaire.

 

11.       L’Entrepreneur est tenu de prendre des mesures raisonnables pour empêcher qu’une personne sur laquelle il a autorité, pour diriger la façon dont la personne exécute son travail ou ses tâches, ne subisse une blessure corporelle.

 

4. RÈGLES DE CHANTIER

 

4.1 Respect des règlements

 

1.         L’Entrepreneur est entièrement responsable de la santé et de la sécurité au travail de ses travailleurs et de ceux de ses sous-traitants, conformément au contrat.

 

 

[70]        Versailles 48 a procédé à la rédaction d’un document « Analyse sécuritaire de tâche » dans lequel on a énuméré chacune des étapes et prévu un plan de prévention.

[71]        Le 29 janvier 2014, une inspecteure de la CSST se dirige vers l’écluse de Beauharnois et y rencontre divers entrepreneurs œuvrant sur les lieux. Dans le rapport d’intervention qu’elle rédige (RAP0929960), elle y fait d’abord une description des travaux qui y sont effectués. Au terme de son enquête, elle détermine ce qui suit :

Délimitation du chantier et identification du maître d’œuvre

Dans le rapport RAP0929949 j’ai demandé à la Corporation de gestion de la Voie Maritime du Saint-Laurent de me faire parvenir une copie de tous les contrats octroyés pour la saison hivernale sur le site des écluses de Beauharnois. J’ai reçu à cet effet une réponse écrite du procureur de la Corporation à l’effet que ces documents ne sont pas encore finalisés et de ce fait, ne sont pas disponibles.

 

Selon les explications reçues par les personnes rencontrées, les travaux sur les 5 couvercles de vannes font l’objet d’un contrat octroyé par la Corporation de gestion de la Voie maritime du St-Laurent à l’entreprise Construction Sorel. Les travaux sur la porte #6 sont réalisés en vertu d’un autre contrat entre les mêmes parties. Pour ce qui est des travaux réalisés pas l’entreprise Versailles 48 inc. aux écluses numéro 3 et 4, ils sont visés par un contrat distinct octroyé par la Corporation de gestion de la Voie maritime du St-Laurent à l’entreprise Versailles 48 inc. Un autre contrat entre la Corporation de gestion de la Voie Maritime du St-Laurent et l’entreprise Injection EDM vise la préparation de l’écluse #3 pour l’installation future d’un système d’amarrage à mains libres.

 

Tous ces travaux sont réalisés en même temps, même si l’évolution de la réalisation des travaux encadrés par chaque octroi peut faire en sorte que certains se termineront avant d’autres, comme par exemple les travaux réalisés pas l’entreprise Versailles à l’écluse 3 qui sont terminés.

 

Le site est accessible par un point d’entrée situé sur la rue Principale à Beauharnois (Melocheville). On y retrouve 2 écluses et les structures de murs du canal. La proximité de ces installations fait en sorte qu’il n’est pas possible de les séparer en lieux distincts, surtout si l’on tient compte du fait que les divers entrepreneurs doivent mettre en place sur les quais des installations temporaires pour réaliser leurs travaux. Toute la circulation en véhicule se fait par les mêmes chemins. Des sites sont rapprochés au point où les activités de l’un pourraient avoir un impact majeur sur les activités de l’autre, par exemple, la contamination de l’air respirable de l’entreprise Versailles 48 inc. à l’écluse numéro 4 par les activités réalisées en surface par l’entreprise Construction Sorel qui est installée tout à côté de l’abri de type TEMPO mis en place par Versailles 48 inc.

 

Pour ces raisons, je considère qu’il s’agit d’un seul chantier. De plus, en l’absence d’une personne autre que le propriétaire qui serait responsable de l’ensemble des travaux, je considère que le propriétaire, la Corporation de Gestion de la Voie Maritime du Saint-Laurent, est maître d’œuvre sur le chantier.

 

 

[72]        Lors de son témoignage, l’inspecteure indique qu’à l’intérieur de l’abri Tempo appartenant à Versailles 48, il y avait un compresseur qui puisait l’air ambiant pour le redistribuer aux travailleurs œuvrant dans le souterrain où avaient cours les travaux de peinture. Or, elle a noté qu’à proximité du compresseur, il y avait d’autres travaux effectués par un autre entrepreneur qui dégageaient des gaz d’échappement. Elle explique qu’il y avait là une possibilité de contamination de l’air distribué aux employés de Versailles 48. Elle estime que cette condition était cause d’interférence d’un chantier sur l’autre alors que chacun des entrepreneurs ne pouvait contrôler les agissements de l’autre entreprise.

[73]        Sur ce dernier sujet, monsieur Beaulieu mentionne que le compresseur dont l’inspecteure fait état ne puisait pas l’air ambiant, mais rejetait plutôt l’air de l’intérieur vers l’extérieur. C’est donc dire que cette condition ne pouvait causer aucun risque pour les travailleurs de la construction.

·        L’AVIS DES MEMBRES

[74]        Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs estiment que les activités de peinture de la machinerie d’entraînement constituent un chantier de construction distinct des autres travaux qui avaient cours lors de la visite de l’inspecteure. Ils sont également d’avis qu’il faut déterminer que c’est l’entreprise Versailles 48 qui possède le degré d’autorité voulue pour assumer les responsabilités de maître d’œuvre.

·        LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[75]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer qui peut être qualifié de maître d’œuvre des travaux de peinture du système d’entraînement des écluses de Beauharnois.

[76]        En ce qui a trait à la notion de chantier de construction, la Commission des lésions professionnelles note que ces travaux étaient réalisés en vue de peinturer des équipements. Il s’agit de la finalité du projet. À l’issue du projet, la machinerie d’entraînement pourra à nouveau être utilisée, indépendamment de l’état d’avancement des autres travaux qui étaient réalisés sur le site des écluses.

[77]        En ce qui concerne la notion du lieu où ces activités avaient lieu, il est vrai qu’il y avait d’autres travaux qui étaient simultanément réalisés à divers endroits du terrain des écluses pendant ce temps. Néanmoins, la preuve permet d’établir que la zone réservée à la peinture des entraînements était délimitée par des clôtures et n’était accessible qu’aux personnes qui y œuvraient. Monsieur Beaulieu a témoigné qu’il n’y eut aucune interaction avec les autres contractants ni d’interférence des travaux. Il n’y a pas lieu de remettre en doute son témoignage sur ce point. De plus, ces travaux se sont déroulés de manière continue.

[78]        À compter de ces informations, la Commission des lésions professionnelles n’hésite pas à déterminer que les travaux qui consistaient à peinturer les structures d’entraînement des écluses constituaient un chantier de construction distinct des autres travaux réalisés en même temps sur le même site.

[79]        Reste à identifier qui doit recevoir le titre de maître d’œuvre sur ce chantier.

[80]        La Commission des lésions professionnelles réfère ici à la notion de maître d’œuvre, telle qu’on la retrouve à la LSST ainsi qu’à la jurisprudence sur ce sujet[17].

[81]        La preuve nous indique que l’entreprise Versailles 48 a été mandatée pour exécuter l’ensemble des travaux reliés à la restauration de la machinerie d’entraînement. C’est cette entreprise qui fournit tous les équipements requis, embauche la main-d’œuvre, a retenu les services d’un sous-traitant et décide elle-même de l’horaire de travail ainsi que des méthodes pour l’accomplir. L’échéancier ainsi que la planification du projet sont laissés à sa discrétion.

[82]        Versailles 48 avait la responsabilité d’entretenir la zone de travail en la déglaçant, en enlevant la neige qui s’y accumulait et en éliminant elle-même les déchets. Il n’y avait donc aucun asservissement ou dépendance envers une autre personne ou un autre entrepreneur sur ce sujet.

[83]        Versailles 48 a également confectionné un programme de prévention qui consiste en une analyse sécuritaire des tâches qui devront être accomplies. Par ailleurs, les documents contractuels démontrent que Versailles 48 accepte d’assumer les responsabilités d’assurer la santé, la sécurité et l’intégrité physique des employés sur le chantier de construction.

[84]        Quant aux inquiétudes de l’inspecteure qui, lors de sa visite, craignait que le compresseur qu’on retrouvait dans la zone de travail pouvait acheminer de l’air contaminé aux travailleurs œuvrant à l’intérieur des souterrains, la preuve démontre plutôt que ce compresseur rejetait des émanations. C’est donc dire que, dans les faits, la présence de cet équipement à proximité d’autres travaux n’avait aucune incidence pour les employés de Versailles 48.

[85]        Enfin, il appert que les équipements mobiles sur lesquels la peinture était appliquée ont été préalablement cadenassés par la Corporation et immobilisés par des dispositifs pourvus de cadenas.

[86]        La présence sporadique d’une personne à l’emploi de la Corporation sur le chantier de construction ne constitue qu’un moyen de contrôle et de surveillance que le propriétaire de l’œuvre exerce. Cette activité est une responsabilité distincte de l’exécution de l’ensemble des travaux et ne diminue en rien l’autorité de Versailles 48 sur le chantier de construction.

[87]        Lors de son argumentation, la CSST estime que les directives imposées par la Corporation quant à la circulation des véhicules sur le territoire des écluses s’opposent à ce que Versailles 48 soit nommée maître d’œuvre. Sur ce point, le tribunal note qu’il est vrai que les itinéraires sont bien définis et que les employés qui se rendent sur le site du chantier sont confinés à un trajet. Toutefois, la Commission des lésions professionnelles constate que cette procédure ne vise que la sécurisation de l’infrastructure. Cet élément s’apparente facilement aux règles de circulation qu’on retrouve sur les voies du Québec et n’a aucune influence sur le degré d’autonomie de Versailles 48 sur le chantier de construction. De plus, loin de diminuer la santé et la sécurité des travailleurs qui se dirigeaient vers le chantier, ces règles de circulation les mettaient à l’abri de fausses manœuvres en leur indiquant l’itinéraire optimum à emprunter.

[88]        Tous ces éléments concourent vers la conclusion qui veut que Versailles 48 a toute la latitude pour effectuer les travaux conformément aux plans et devis et possède le degré d’autorité requis pour faire respecter les dispositions de la LSST et de ses règlements. Cette entreprise assume la responsabilité de l’exécution de l’ensemble des travaux et doit alors être qualifiée de maître d’œuvre du chantier de construction visant la peinture de la machinerie d’entraînement aux écluses de Beauharnois.

INTÉRÊT À CONTESTER

DOSSIER 558818-62-1412

[89]        Le 29 janvier 2013, un inspecteur se rend au site des écluses de St-Lambert. Au terme de sa visite, l’inspecteur émet cinq avis de dérogation à l’attention de l’entreprise Construction Injection EDM inc. (RAP0773551).

[90]        Le 13 février 2013, la Corporation demande la révision de cette décision. Dans la décision rendue par la révision administrative de la CSST, on détermine que cette demande est irrecevable étant donné qu’aucun ordre ou décision d’un inspecteur n’est adressé à la Corporation. C’est cette décision qui est contestée par la Corporation.

[91]        Les parties n’ont fait aucune représentation sur ce sujet en cours d’audience.

[92]        Les membres issus des associations d’employeurs et syndicales sont d’avis que cette requête doit être déclarée irrecevable en raison de l’absence d’intérêt de la Corporation.

[93]        L’article 191.1 de la LSST permet à une personne lésée de contester une décision rendue par un inspecteur si cette personne se croit lésée.

[94]        Étant donné que dans le présent dossier, l’inspecteur n’adresse aucun ordre et ne rend aucune décision impliquant la Corporation, cette dernière n’a aucun intérêt juridique alors que les dérogations ont été émises envers une autre personne et ne produisent aucun effet en défaveur de la Corporation. Cette requête doit donc être déclarée irrecevable.

AUTRES CHANTIERS DE CONSTRUCTION

DOSSIERS 508640-62-1304, 509059-62C-1304, 536208-62-1403 et 536365-62-1403

[95]        La Corporation a décidé de ne présenter des preuves que pour deux des divers chantiers de construction visités par les inspecteurs de la CSST, soit relativement à la mise en place d’un système d’amarrage à mains libres aux écluses de St-Lambert ainsi qu’à l’application de peinture sur la machinerie d’entraînement aux écluses de Beauharnois. Quant aux autres travaux décrits par les inspecteurs aux divers rapports d’intervention, à défaut d’une preuve contraire à celle qu’on retrouve sur ces rapports, le soussigné ainsi que les membres issus des associations syndicales et d’employeurs estiment qu’on doit maintenir ces décisions et déclarer que, selon les termes de la LSST, la Corporation doit être nommée maître d’œuvre sur ces chantiers de construction.

APPLICABILITÉ DE LA LSST À LA CORPORATION

[96]        Puisque la Corporation est maître d’œuvre de certains chantiers de construction reliés à la voie navigable du St-Laurent, la Commission des lésions professionnelles devra maintenant identifier si la LSST lui est applicable.

·        MISSION ET FONCTIONNEMENT DE LA CORPORATION

[97]        En 1954, l’Administration de la Voie maritime du Saint-Laurent est créée en vue de la construction de l’infrastructure et de l’opération de la voie navigable sur la rive canadienne du fleuve St-Laurent. Cette voie navigable servira à relier les provinces du Québec et de l’Ontario. En 1998, le gouvernement canadien procède au transfert du contrôle opérationnel de la partie canadienne de la voie maritime de l’Administration de la voie maritime vers la Corporation. Ainsi est créée la Corporation qui constitue une nouvelle société sans but lucratif. L’entente conclue entre le Gouvernement fédéral et la Corporation vaut pour une période de 20 ans et est renouvelable. Le gouvernement du Canada demeure propriétaire des installations alors que la Corporation devient responsable de la gestion, de l’opération et de l’entretien des équipements reliés à la portion canadienne de la voie maritime du St-Laurent. Sa mission vise donc le transit efficace et sécuritaire des navires. Elle compte à son actif environ 540 employés de divers corps de métier (électriciens, mécaniciens, grutiers, etc.).

[98]        Monsieur Guy Yelle, vice-président à l’exploitation pour la Corporation, témoigne en cours d’audience. Il présente tout d’abord l’organigramme de la Corporation et explique qu’il participe chaque année au plan de renouvellement des actifs.

[99]        Il mentionne que la voie maritime du St-Laurent s’étend sur 3 700 kilomètres entre l’océan Atlantique et la tête du lac Supérieur. Ce parcours comprend 15 écluses ainsi que plusieurs ports majeurs. Puisque la voie maritime soutient 227 000 emplois et génère 35 milliards de dollars d’activité économique, on doit garantir une fiabilité supérieure à 99 % sur tout le réseau. Il précise que toute interruption ou tout retard des activités aura donc de grandes conséquences économiques.

[100]     Monsieur Yelle indique qu’en vue d’assurer la viabilité de la voie maritime, la Corporation procède à la préparation de projets d’amélioration. Une fois que les plans et devis de ces projets sont définis, la Corporation doit requérir l’autorisation du ministère des Transports du Canada avant de passer à l’étape de soumission. Toute construction nouvelle ou altération doit d’abord recevoir l’approbation des instances gouvernementales fédérales.

[101]     Monsieur Yelle indique ainsi que le gouvernement canadien continue de jouer un rôle important dans la gestion de l’infrastructure en finançant les opérations, l’entretien des équipements ainsi que les améliorations des infrastructures. Toutes les nouvelles additions deviennent la propriété du gouvernement fédéral. Lorsque le total des dépenses excède celui des revenus, Transports Canada finance le manque à gagner.

[102]     Les travaux reliés à l’opération même de la voie maritime ont lieu lors de la saison navigable alors que les travaux d’entretien sont généralement réalisés durant l’hiver lorsque la voie maritime est impraticable.

[103]     Les lettres patentes de la Corporation[18] précisent notamment ce qui suit :

The objects of the Corporation are to operate the St. Lawrence Seaway (the "Seaway") as successor to The St. Lawrence Seaway Authority and, in that connection, manage, operate and maintain certain property and undertaking owned by Her Majesty the Queen in Right of Canada ("Her Majesty") and other property and undertaking owned, acquired or used by the Corporation, and in so doing, without restricting the generality of the foregoing:

 

(a)    fix the fees to be charged for the use of any property that forms part of the Seaway or for any service provided or any right or privilege conferred in connection with the Seaway;

 

(b)   maintain, operate and manage the Seaway in an efficient, safe and cost-effective manner;

 

(c)    enter into one or more agreements with Her Majesty relating to the maintenance, operation and management of the Seaway and the assets formerly owned or operated by The St. Lawrence Seaway Authority, and in connection therewith act as a trustee for no consideration;

 

(d)    protect the long-term operation and viability of the Seaway as an integral part of Canada's national transportation infrastructure;

 

(e)    encourage user involvement in the operation of the Seaway; and

 

(f)    engage only in such other activities that are consistent with its objects.

 

 

[104]     Parmi les membres composant le conseil d’administration, on note une personne choisie par le ministre fédéral des Transports. Si ce membre est absent, il ne peut y avoir quorum et aucune réunion du conseil ne peut avoir lieu.

[105]     La Corporation a l’obligation de fixer les péages aux navires empruntant la voie navigable et ses installations ainsi que d’élaborer un plan d’affaires dans lequel on prévoit notamment l’état des revenus et des dépenses. Ce plan doit être approuvé par un comité des actifs (Capital Committee). Malgré cette responsabilité, ce sont les instances gouvernementales fédérales qui compenseront le déficit d’exploitation.

[106]    Le drapeau canadien doit être déployé dans des endroits stratégiques sur les installations de la voie navigable et la signalisation doit être affichée dans les deux langues officielles.

[107]    La Corporation n’est pas assujettie à Loi de l’impôt sur le revenu[19].

·        L’ARGUMENTATION DES PARTIES

PRÉAMBULE

[108]     Lors des argumentations soumises par les parties, il sera grandement question d’une trilogie d’arrêts soumis par la Cour suprême du Canada. Il s’agit des jugements Bell Canada[20], Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada[21] et Alltrans[22]. Ces trois pourvois, qui ont soulevé des questions similaires, ont été entendus consécutivement et se sont retrouvés presque réunis aux fins d'audition auprès de la Cour suprême. C'est dans Bell Canada que la Cour procède à la révision des principes applicables aux trois arrêts ainsi qu'à la qualification et à la classification constitutionnelle de la LSST.

ARGUMENTATION PRÉSENTÉE PAR LA CORPORATION

[109]     Lors de son argumentation, le représentant de la Corporation estime qu’à titre de responsable de la gestion, du fonctionnement et de l’entretien de la voie maritime, cette entreprise relève de la compétence fédérale et, par ce fait même, du Code canadien du travail.

[110]     Concernant la question à savoir si la LSST s’applique à une entreprise fédérale, la Corporation mentionne que la jurisprudence de la Cour suprême du Canada enseigne que la résolution d’un différend constitutionnel concernant le partage des compétences doit se faire dans l’ordre suivant : 1) la doctrine du caractère véritable; 2) la doctrine de l’exclusivité des compétences si la jurisprudence antérieure préconise son application; et 3) la doctrine de prépondérance fédérale. Le représentant précise que l’analyse s’arrêtera dès que le tribunal conclura à l’application de l’une de ces doctrines.

[111]     Au sujet de la doctrine du caractère véritable de la LSST, comme la validité de cette loi n’est pas contestée, le représentant de la Corporation estime qu’il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse exhaustive.

[112]     Toutefois, le représentant ajoute que dans l’arrêt Bell Canada, la Cour suprême a analysé la LSST et a disqualifié son application dans son ensemble envers les entreprises de nature fédérale, incluant les chapitres X[23] et XI[24].

[113]     Argumentant de manière plus spécifique sur le chapitre XI de la LSST, le représentant de la Corporation indique que les dispositions qu’on y retrouve imposent au maître d’œuvre des obligations envers tous les travailleurs œuvrant sur le chantier de construction en plus de prévoir plusieurs autres devoirs et obligations importants. Il en conclut que du moment où le chapitre X est inapplicable à une entreprise fédérale, le chapitre XI l’est tout autant puisqu’il vise à appliquer par renvoi les autres chapitres de la LSST. Il ajoute qu’une décision contraire serait l’équivalent d’entrer directement et massivement non seulement dans le domaine des conditions et des relations de travail, mais surtout dans celui de la gestion et des opérations des entreprises.

[114]     Le représentant de la Corporation précise que lorsque l’analyse du caractère véritable n’apporte pas de solution au différend concernant le partage des compétences, il convient alors de se pencher sur la doctrine d’exclusivité des compétences lorsqu’il existe des jugements antérieurs préconisant son application à l’objet du litige. À l’appui de cette affirmation, la Corporation s’appuie sur la trilogie d’arrêts rendue par la Cour suprême en 1988. Selon la cause Bell Canada, cette analyse doit se faire en deux étapes, soit : 1) déterminer si la loi provinciale empiète ou entrave le cœur d’une compétence fédérale et, si c’est le cas, 2) identifier si la loi provinciale a, sur l’exercice de la compétence fédérale protégée, un effet suffisamment grave.

[115]     Au sujet de la première étape, soit l’empiètement ou l’entrave au cœur de la compétence fédérale, le représentant rappelle tout d’abord que le Parlement fédéral a la compétence exclusive de légiférer les activités de la Corporation. Il précise que dans la cause Bell Canada, la Cour suprême a reconnu que la gestion ainsi que les relations de travail d’une entreprise fédérale sont des matières qui font partie du contenu minimum élémentaire et irréductible de la compétence fédérale en cause. Cette première étape conduit le représentant de la Corporation à conclure qu’il y a empiètement de la LSST sur le cœur de la compétence fédérale.

[116]     Quant à l’analyse de l’effet suffisamment grave, selon la trilogie Bell Canada, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et Alltrans, ce critère d’entrave doit se situer à mi-chemin entre celui de « paralyser » et celui de « toucher » le cœur de la compétence fédérale. Or, toujours selon la Corporation, la Cour suprême dans l’affaire Bell Canada a conclu que la LSST affectait non seulement un élément vital ou essentiel de l’entreprise, mais que l’application de celle-ci à une entreprise fédérale pouvait aller jusqu’à entraver ou paralyser la compétence fédérale. Le représentant de la Corporation est d’avis que ces conclusions sont toujours d’actualité.

[117]     À l’instar de cette trilogie, le représentant de la Corporation émet l’opinion que la doctrine d’exclusivité des compétences doit trouver application afin de rendre inapplicables les dispositions des chapitres X et XI de la LSST à une entreprise fédérale comme la Corporation.

[118]     En addition, la Corporation argumente que la nature du mandat qui lui est confié par le gouvernement fédéral et sa relation étroite avec celui-ci fait d’elle un agent ou un mandataire de la Couronne fédérale. Dans ce cas, ce sera le test de contrôle établi en common law qu’il convient d’examiner. Pour ce faire, on devra examiner le degré d’autonomie financière de l’entreprise, le statut des administrateurs et le degré de contrôle du gouvernement sur l’ensemble des activités de l’organisme. En citant les auteurs Patrice Garant et Gilles Leclerc[25], la Corporation note que le degré d’autonomie financière est le critère le plus important à évaluer.

[119]     Sur cet aspect, la Corporation estime que les lettres patentes démontrent qu’elle est financièrement dépendante du gouvernement fédéral. Or, la Cour suprême[26] a déjà reconnu une immunité généralisée à la Couronne fédérale et à ses mandataires.

[120]     Le représentant de la Corporation estime alors que la LSST ne peut trouver application à la Corporation.

ARGUMENTATION PRÉSENTÉE PAR LA CSST

[121]     Pour sa part, la CSST souligne que la trilogie Bell Canada, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et Alltrans émise de la Cour suprême ne traite pas des dispositions qu’on retrouve dans la LSST et qui concernent la maîtrise d’œuvre : les motifs qu’on retrouve dans ces jugements reposent sur le fait que la LSST touche principalement les conditions et les relations de travail ainsi que la gestion des entreprises. Or, la CSST estime que ces considérations sont étrangères aux obligations imposées à la Corporation par la LSST en raison de son statut de maître d’œuvre.

[122]     Le représentant de la CSST rappelle que les dispositions qui traitent du maître d’œuvre ne concernent pas les travailleurs de la Corporation, mais visent plutôt la santé et la sécurité des travailleurs de la construction, dont ceux des entrepreneurs œuvrant sur le chantier de construction. Puisque le maître d’œuvre n’a aucune autorité envers ces travailleurs, il en conclut que les obligations qui lui sont imposées découlent essentiellement de sa relation d’affaires avec les entrepreneurs.

[123]     Il souligne que la LSST s’applique aux entreprises de la construction qui œuvrent sur les installations de la Corporation parce qu’elles relèvent de la compétence provinciale et sont traitées comme telles par la CSST. Le fait d’œuvrer sur un chantier de construction qui est la propriété d’une entreprise fédérale n’empêche donc pas l’application de la LSST à ces entreprises de construction.

[124]     Il indique que les dispositions de la LSST régissent la relation employeur-employé. Dans le cas présent, la question des relations de travail se pose uniquement entre les entrepreneurs et leurs travailleurs. Or, c’est en raison de l’autorité sur les entrepreneurs que lui confère son statut de propriétaire que la Corporation a des obligations de maître d’œuvre. Le représentant argumente que le statut de maître d’œuvre découle strictement de facteurs contractuels et factuels et ne concerne aucunement les relations de travail.

[125]     Selon la CSST, la Cour suprême a déterminé que les dispositions de la LSST sont inapplicables à une entreprise fédérale parce qu’elles instaurent un régime de cogestion partielle. Néanmoins, les obligations imposées au maître d’œuvre ne touchent pas à la gestion de l’entreprise pas plus qu’elles établissent un régime de cogestion de l’entreprise puisque ce ne sont pas ses propres travailleurs qui sont touchés. La CSST insiste pour dire que ce n’est pas en tant qu’entreprise que la Corporation se voit imposer les obligations de maître d’œuvre, mais en tant que propriétaire.

[126]     Le procureur de la CSST émet l’opinion que les motifs sur lesquels se fonde la trilogie Bell Canada, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et Alltrans pour déclarer inapplicables aux entreprises fédérales certaines dispositions de la LSST ne sont pas pertinents lorsqu’appliqués au cas en litige.

[127]     La CSST continue son argumentation en précisant que les lois provinciales s’appliquent aux ouvrages et entreprises fédérales tant qu’elles ne régissent pas l’entreprise dans ce qui constitue sa spécificité fédérale. Il souligne également qu’une loi provinciale doit menacer le contenu vital et essentiel de la compétence fédérale pour être inapplicable. Or, les dispositions relatives au maître d’œuvre ne touchent pas un élément vital de la Corporation et ne l’entravent pas dans ce qui forme sa caractéristique fédérale, le domaine de la construction n’étant pas une activité qui relève de cette spécificité.

[128]     Le représentant de la CSST indique que l’application de la doctrine de l’exclusivité des compétences conduirait à un vide juridique et mettrait ainsi en péril la santé et la sécurité des travailleurs. Il estime que cette condition ne serait pas souhaitable en permettant l’existence de chantiers de construction sans maître d’œuvre. Toujours sur ce sujet, il rappelle que le maître d’œuvre joue un rôle fondamental sur un chantier de construction et qu’en son absence, personne ne peut assurer la coordination du chantier ni n’a l’autorité pour imposer une façon de faire aux divers entrepreneurs qui y sont présents.

[129]     Enfin, la CSST précise que la construction n’est pas un domaine qui relève du champ de compétence du législateur fédéral alors que le Code canadien du travail ne prévoit aucune mention sur ce sujet.

ARGUMENTATION PRÉSENTÉE PAR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

[130]     En préambule à son argumentation, le représentant du Procureur général du Québec estime que : 1) la Corporation n’est pas un mandataire de la Couronne fédérale; 2) qu’il n’existe pas d’immunité absolue d’application des lois provinciales à la Couronne fédérale et ; 3) que la LSST s’applique à la Couronne.

[131]     Afin d’en arriver à ces conclusions, le représentant du Procureur général du Québec mentionne qu’il appartient à la Corporation de prouver les faits qui soutiennent sa prétention. Or, il opine que non seulement la Corporation a échoué à faire cette démonstration, mais qu’au contraire, elle a démontré qu’elle n’est pas mandataire de la Couronne fédérale.

[132]     D’une part, aucune loi ne désigne la Corporation comme mandataire de la Couronne. D’autre part, les documents constitutifs de cette société démontrent qu’elle bénéficie d’une grande latitude dans la gestion de ses activités : il ne s’agit que d’une compagnie entretenant des liens étroits avec le gouvernement fédéral. Non seulement la Corporation n’est-elle pas désignée mandataire de la Couronne par une loi fédérale, mais l’entité qui était auparavant chargée d’administrer la voie maritime du St-Laurent (l’Administration de la Voie maritime du Saint-Laurent) était expressément identifiée comme mandataire de la Couronne selon la Loi établissant l’Administration de la voie maritime du Saint-Laurent[27].

[133]     Plus encore, lors de la réforme législative ayant mené à l’abrogation de la Loi sur l’Administration de la voie maritime du Saint-Laurent et à l’adoption de la Loi maritime du Canada[28] en 1998, plusieurs entités ont nommément reçu le statut de mandataire de la Couronne (tels « Les Ponts Jacques-Cartier et Champlain inc. »), mais pas la Corporation. Il en conclut qu’il n’était pas de la volonté du législateur d’identifier la Corporation comme étant un mandataire de la Couronne.

[134]     De plus, l’un des principaux objectifs de la Loi maritime du Canada était de diminuer les coûts d’exploitation de la voie maritime. Le Procureur général du Québec estime ainsi qu’on visait la « commercialisation » de sa gestion. La société privée sans but lucratif qu’est la Corporation n’a pas été constituée par le gouvernement du Canada, mais bien par les utilisateurs de la voie maritime et ces transformations ont entraîné pour la Corporation un détachement de la fonction publique.

[135]     Le représentant explique que sur les neuf membres constituant le conseil d’administration de la Corporation, un seul représente le gouvernement fédéral. Il ajoute que les lettres patentes de la Corporation confirment la grande autonomie dont elle bénéficie. Il en est de même du Comité de direction qui a de larges pouvoirs dont ceux de nommer et engager des employés, de leur payer un salaire, de décider de la rémunération des officiers, agents et employés et qui lui permet un pouvoir d’emprunt.

[136]     Au final de ce raisonnement, le représentant du Procureur général du Québec en conclut que la Corporation n’est pas mandataire de la Couronne fédérale et ne peut alors bénéficier d’aucune immunité. Néanmoins, dans le cas où la Commission des lésions professionnelles déciderait autrement, le représentant est d’avis qu’aucune immunité ne protège la Couronne à l’encontre des dispositions de la LSST qui traitent du maître d’œuvre sur un chantier de construction.

[137]     Afin d’appuyer cette conclusion, le représentant explique que dans des arrêts plus récents[29], la Cour suprême laisse entendre que cette immunité ne devrait plus trouver application si tant est qu’elle ait déjà existé.

[138]     Il soutient que depuis le début des années 1980, la position du plus haut tribunal du pays à l’égard de cette immunité s’est précisée et que depuis 30 ans, ce tribunal a affirmé de façon continue que la doctrine de l’immunité n’était pas souhaitable. Il mentionne des arrêts de la Cour suprême qui reprennent ce principe[30]. Il est d’avis que l’immunité constitutionnelle alléguée par la Corporation n’existe pas et que les doctrines de partage des compétences législatives suffisent à assurer la réalisation des objectifs réguliers de chaque palier de gouvernement. Il émet l’opinion que c’est par le biais des doctrines du caractère véritable, de l’exclusivité des compétences et de la prépondérance fédérale que la Commission des lésions professionnelles devra déterminer si la Couronne ou ses mandataires sont liés par une loi provinciale.

[139]     Dans le but de cette analyse, le Procureur général du Québec estime que le présent tribunal devra identifier, à partir de l’examen de la LSST, si la véritable intention du législateur était de lier la Couronne. À cet effet, il souligne l’article 6 de la LSST qui démontre que l’intention du législateur était d’étendre la portée à tous les travailleurs du Québec, y compris ceux de la construction.

[140]     Il précise que si la Commission des lésions professionnelles devait conclure que la Couronne fédérale n’était pas liée aux chapitres X et XI de la LSST, des résultats absurdes apparaîtraient. En effet, le même travailleur de la construction bénéficierait de plus ou moins de protection selon le chantier sur lequel il travaille. Plus encore, il pourrait profiter de degrés de protection différents sur un même chantier, selon que le maître d’œuvre est la Couronne ou un entrepreneur. Il ajoute que les travailleurs seraient alors privés du bénéfice de la LSST alors qu’ils y ont droit d’un point de vue constitutionnel. Enfin, puisque le Code canadien du travail ne prévoit aucune règle particulière applicable aux chantiers de construction, il s’en produirait un vide juridique qui ne serait pas souhaitable.

[141]     Traitant du caractère véritable des dispositions de la LSST, il soutient qu’il faut s’attarder à son objet et à ses effets. On peut aussi considérer l’étude de la LSST, de son historique législatif ainsi que du contexte dans lequel cette loi a été adoptée. Cependant, en raison de l’existence habituelle de chevauchements des compétences, il souligne que la Cour suprême[31] ne favorise pas l’utilisation de la doctrine de l’exclusivité des compétences et préconise plutôt la doctrine du caractère véritable. Il argumente alors que la Cour a reformulé le test d’application de la doctrine de l’exclusivité des compétences d’une manière qui en limite l’utilisation.

[142]     En ce qui a trait à la doctrine de l’exclusivité des compétences, il est d’avis que la trilogie Bell Canada, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et Alltrans de 1988 n’apporte pas une solution à la présente affaire. Il émet l’opinion que les parties de la LSST concernant la maîtrise d’œuvre ne touchent pas un élément vital ou essentiel de la compétence fédérale et ne créent aucune entrave. Il indique que ce n’est que lorsque la loi étudiée portera atteinte de façon grave au minimum irréductible de la compétence fédérale sur ses entreprises que la doctrine de l’exclusivité des compétences empêchera l’application de cette loi.

[143]     Il émet l’avis qu’il s’agit pour la Commission des lésions professionnelles de déterminer d’abord quelle est l’incidence de la trilogie de 1988 sur la présente cause, d’identifier le contenu minimum et irréductible de la compétence fédérale sur certaines entreprises à partir de la jurisprudence du plus haut tribunal, puis de décider si les dispositions de la LSST en cause entravent ce contenu minimum.

[144]     Revenant à la cause Bell Canada, il mentionne que le contenu vital et essentiel de la compétence de la LSST sur les entreprises fédérales porte sur les liens entre un employeur et ses employés ainsi que sur les décisions concernant le fonctionnement de « l’entreprise en tant que tel ».

[145]     Le représentant du Procureur général du Québec en tire la conclusion que la LSST doit trouver application à la Corporation en sa qualité de maître d’œuvre des chantiers de construction.

·        L’AVIS DES MEMBRES

[146]     Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs estiment que la preuve qui leur a été présentée démontre que le chapitre XI de la LSST, qui traite des chantiers de construction, ne peut être applicable à la Corporation en raison de son statut d’entreprise fédérale. Ils en tirent la conclusion que l’inspecteur de la CSST ne pouvait rendre des décisions à l’égard de la Corporation et qu’elles doivent alors être annulées.

·        LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[147]     Dans sa requête initiale, la Corporation demande à la Commission des lésions professionnelles de déterminer que la LSST lui est inapplicable.

[148]     À ce sujet, la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit les dispositions suivantes :

VI. DISTRIBUTION DES POUVOIRS LÉGISLATIFS

 

Pouvoirs du parlement

 

Autorité législative du parlement du Canada

91. Il sera loisible à la Reine, de l’avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets par la présente loi exclusivement assignés aux législatures des provinces; mais, pour plus de garantie, sans toutefois restreindre la généralité des termes ci-haut employés dans le présent article, il est par la présente déclaré que (nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi) l’autorité législative exclusive du parlement du Canada s’étend à toutes les matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir :

 

[…]

 

 

 

10. La navigation et les bâtiments ou navires (shipping).

 

[…]

 

Pouvoirs exclusifs des législatures provinciales

 

Sujets soumis au contrôle exclusif de la législation provinciale

92. Dans chaque province la législature pourra exclusivement faire des lois relatives aux matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir :

 

[…]

10. Les travaux et entreprises d’une nature locale, autres que ceux énumérés dans les catégories suivantes :

a) Lignes de bateaux à vapeur ou autres bâtiments, chemins de fer, canaux, télégraphes et autres travaux et entreprises reliant la province à une autre ou à d’autres provinces, ou s’étendant au-delà des limites de la province;

b) Lignes de bateaux à vapeur entre la province et tout pays dépendant de l’empire britannique ou tout pays étranger;

c) Les travaux qui, bien qu’entièrement situés dans la province, seront avant ou après leur exécution déclarés par le parlement du Canada être pour l’avantage général du Canada, ou pour l’avantage de deux ou d’un plus grand nombre des provinces;

 

[…]

 

 

[149]     Par ailleurs, le Code canadien du travail comprend ce qui suit :

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

« entreprises fédérales » Les installations, ouvrages, entreprises ou secteurs d’activité qui relèvent de la compétence législative du Parlement, notamment :

 

a) ceux qui se rapportent à la navigation et aux transports par eau, entre autres à ce qui touche l’exploitation de navires et le transport par navire partout au Canada;

 

[…]

 

c) les lignes de transport par bateaux à vapeur ou autres navires, reliant une province à une ou plusieurs autres, ou débordant les limites d’une province;

 

d) les passages par eaux entre deux provinces ou entre une province et un pays étranger;

 

[…]

__________

L.R. (1985), ch. L-2, art. 2;1990, ch. 44, art. 17;1996, ch. 31, art. 89;1999, ch. 28, art. 169.

 

 

 

[150]     Il s’ensuit que la mission déléguée à la Corporation par le Gouvernement fédéral vise le contrôle opérationnel de la partie canadienne de la voie maritime du St-Laurent. Il s’agit de l’unique raison d’être de la Corporation et sans ce mandat, la Corporation n’aurait aucune existence. Il n’en faut pas plus à la Commission des lésions professionnelles pour conclure que la Corporation constitue une entreprise fédérale. D’ailleurs, cet élément n’est pas contesté par les parties en cours d’audience.

[151]     Dans sa requête initiale, la Corporation demande à la Commission des lésions professionnelles de déterminer que la LSST ne lui est pas applicable. Plus tard, en cours d’argumentation, la Corporation précise davantage sa demande et requiert que les chapitres X et XI de la LSST lui soient déclarés inapplicables. Pour leur part, la CSST et le Procureur général du Québec estiment que la LSST est applicable à la Corporation en sa qualité de maître d’œuvre. Qu’en est-il ?

[152]     Le tribunal note que dans un des arrêts inclus dans la trilogie de 1988, soit dans l’affaire Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, la Cour suprême du Canada déterminait que les articles 62 et 177 à 193[32] de la LSST étaient inapplicables à une entreprise ferroviaire interprovinciale. Dans cette cause, la Cour exprimait les propos suivants concernant le domaine du transport ferroviaire :

VII- Discussion

 

59.       […] Dans Bell Canada, le troisième arrêt de cette trilogie, j'ai tenté de démontrer qu'à cause de son caractère préventif, la Loi vise inévitablement, directement et massivement les conditions de travail, les relations de travail et la gestion des entreprises auxquelles elle s'applique et que, pour ces motifs, elle est inapplicable aux entreprises fédérales. Le chapitre X doit être qualifié et classifié à l'instar de la Loi car il constitue un élément clef de sa politique de prévention et un moyen essentiel d'atteindre l'objet de la Loi, mentionné à son art. 2, « l'élimination à la source même des dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs ».

 

60.       Il s'ensuit que le chapitre X de la Loi est inapplicable à l'appelante et que, privée de toute base juridique autre que les dispositions de ce chapitre, l'enquête instituée par l'inspectrice Courtois l'a été sans que celle - ci ait compétence pour le faire. L'effet de l'enquête sur l'entreprise fédérale n'est pas pertinent. Ces motifs suffisent à faire accueillir le pourvoi, à faire rejeter le pourvoi incident et à justifier le rétablissement du jugement de la Cour supérieure.

 

61.       La discussion pourrait donc s'arrêter ici.[…]

 

 

 

[153]     À la lecture de cet arrêt, et étant donné les grandes similitudes qu’on retrouve entre le domaine du transport ferroviaire interprovincial et celui du transport interprovincial maritime, domaine relié à la présente cause, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il serait inutile de se prononcer à nouveau sur l’application du chapitre X de la LSST, cet élément ayant déjà été décidé en haut lieu.

[154]     Par ailleurs, dans une autre des causes incluses dans la trilogie de 1988, soit dans l’arrêt Bell Canada, la Cour suprême a déjà déterminé ce qui suit :

En entrant dans le champ de la prévention des accidents sur les lieux du travail, comme il est en son pouvoir de le faire, et en utilisant, comme il ne pouvait probablement pas éviter de le faire en matière de prévention, des moyens comme le droit de refus, le retrait préventif, la réglementation détaillée, l'inspection et les avis de correction, le législateur est entré directement et massivement d'une part dans le domaine des relations de travail et des conditions de travail et, d'autre part, dans le domaine de la gestion et des opérations des entreprises. Par le fait même, il s'interdisait de viser et d'atteindre par sa loi les entreprises fédérales.

 

 

[155]     Les deux arrêts de la Cour suprême qui ont été précédemment cités portaient plus précisément sur les relations qui existent entre un employeur et ses travailleurs. Or, dans le cas qui nous concerne, l’inspecteur n’a émis aucune décision impliquant les employés de la Corporation. Ses décisions visent plutôt la Corporation à titre de maître d’œuvre d’un chantier de construction. Elles sont donc rendues en vertu du chapitre XI de la LSST, qui traite des mesures particulières aux chantiers de construction. Ces dispositions sont notamment libellées ainsi :

CHAPITRE XI

 

DISPOSITIONS PARTICULIÈRES RELATIVES AUX CHANTIERS DE CONSTRUCTION

 

SECTION I

 

DÉFINITIONS ET APPLICATION

 

194.  Aux fins du présent chapitre, on entend par:

 

1°    «association représentative»: une association représentative au sens de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l'industrie de la construction ( chapitre R-20);

2°    «employeur»: un employeur au sens de la loi visée dans le paragraphe 1°;

3°    «représentant à la prévention»: une personne désignée en vertu de l'article 209;

4°    «travailleur de la construction»: un salarié au sens de la loi visée dans le paragraphe 1° y compris un étudiant dans les cas déterminés par règlement.

__________

1979, c. 63, a. 194; 1986, c. 89, a. 50.

195.     Les autres chapitres de la présente loi s'appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires, aux employeurs et aux travailleurs de la construction sauf dans la mesure où ils sont modifiés par le présent chapitre.

__________

1979, c. 63, a. 195.

 

 

SECTION II

 

LE MAÎTRE D'OEUVRE ET L'EMPLOYEUR

 

196.     Le maître d'œuvre doit respecter au même titre que l'employeur les obligations imposées à l'employeur par la présente loi et les règlements notamment prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l'intégrité physique du travailleur de la construction.

__________

1979, c. 63, a. 196.

 

197.     Au début et à la fin des activités sur un chantier de construction, le maître d'œuvre doit, selon le cas, transmettre à la Commission un avis d'ouverture ou de fermeture du chantier dans les délais et selon les modalités prévus par règlement.

__________

1979, c. 63, a. 197.

 

198.     Lorsqu'il est prévu que les activités sur un chantier de construction occuperont simultanément au moins dix travailleurs de la construction, à un moment donné des travaux, le maître d'œuvre doit, avant le début des travaux, faire en sorte que soit élaboré un programme de prévention. Cette élaboration doit être faite conjointement avec les employeurs. Copie du programme de prévention doit être transmise au représentant à la prévention et à l'association sectorielle paritaire de la construction visée dans l'article 99.

__________

1979, c. 63, a. 198.

 

199.  Le programme de prévention a pour objectif d'éliminer à la source même les dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs de la construction. Il doit notamment contenir tout élément prescrit par règlement.

__________

1979, c. 63, a. 199.

 

200.     Le programme de prévention doit être transmis à la Commission avant le début des travaux:

 

1°  lorsqu'il est prévu que les activités sur un chantier de construction occuperont simultanément au moins vingt-cinq travailleurs de la construction à un moment donné des travaux;

2°  lorsqu'il s'agit de la construction d'un ou de plusieurs bâtiments sur un chantier dont la superficie totale des planchers est de 10 000 mètres carrés ou plus; ou

3°  lorsque le chantier de construction présente un risque élevé d'accident tel que défini par règlement.

__________

1979, c. 63, a. 200.

201.     La Commission peut ordonner que le contenu d'un programme de prévention soit modifié ou qu'un nouveau programme lui soit soumis dans le délai qu'elle détermine.

__________

1979, c. 63, a. 201.

 

 

202.     Le maître d'œuvre doit faire en sorte qu'un employeur œuvrant sur un chantier de construction où un programme de prévention est mis en application s'engage par écrit à le faire respecter.

__________

1979, c. 63, a. 202.

 

203.     En cas d'incompatibilité, le programme de prévention du maître d'œuvre a préséance sur celui de l'employeur.

__________

1979, c. 63, a. 203.

 

 

[156]     La section III du même chapitre traite de la formation d’un comité de chantier qui doit être mis en place par le maître d’œuvre sur un chantier de construction qui occupera au moins 25 travailleurs, de la composition de ce comité qui prévoit notamment un représentant de chaque association représentative dont au moins un membre d’une de leurs unions, syndicats ou associations, de ses fonctions (dont celle de recevoir les suggestions et plaintes des travailleurs) ainsi que de son mode de fonctionnement. La section IV a pour sujet la désignation d’un représentant à la prévention qui doit être faite par l’association représentative des travailleurs. Ces deux dernières sections de la LSST ne sont pas en vigueur.

[157]     La section V du chapitre XI de la LSST traite de l’inspection des chantiers de construction et est rédigée de la manière suivante :

SECTION V

 

L'INSPECTION

 

Conditions d'inspection.

 

216.     Les conditions et modalités selon lesquelles les inspecteurs exercent leurs fonctions sur les chantiers de construction sont établies par règlement.

 

Les règlements déterminent, en outre, selon la catégorie à laquelle appartient un chantier de construction, les cas dans lesquels un ou plusieurs inspecteurs doivent y être présents en permanence.

__________

1979, c. 63, a. 216.

 

 

217.     Lorsqu'un inspecteur constate que les lieux de travail, les outils, les appareils ou machines utilisés ne sont pas conformes aux règlements, au programme de prévention, s'il y en a un, ou à une autre norme de sécurité et qu'il en résulte un danger pour la sécurité, la santé ou l'intégrité physique des travailleurs de la construction, il doit ordonner au maître d'œuvre de prendre les mesures appropriées.

__________

1979, c. 63, a. 217.

 

218.     L'inspecteur peut ordonner l'arrêt de tel appareil ou machine qu'il désigne et même l'arrêt complet des travaux. Ses ordres sont exécutoires.

__________

1979, c. 63, a. 218.

 

219.     Lorsque la situation est rétablie à sa satisfaction, l'inspecteur peut autoriser la reprise des travaux ou la remise en marche de l'appareil ou de la machine.

__________

1979, c. 63, a. 219.

 

 

[158]     La section VI du même chapitre réfère à des obligations reliées aux chantiers de construction de grande importance.

[159]     Enfin, il est utile de mentionner que le Code de sécurité pour les travaux de construction comporte des dispositions propres aux chantiers de construction, tels qu’ils sont définis par la LSST :

§ 2.5 Organisation de la sécurité

 

2.5.1.   Comité de chantier: Un comité de chantier doit être constitué sur tout chantier de construction où l'effectif du personnel est de 25 travailleurs ou plus, à un moment quelconque des travaux.

__________

R.R.Q., 1981, c. S-2.1, r. 6, a. 2.5.1.

 

2.5.2.    1°  Le comité de chantier est placé sous la responsabilité soit de l'employeur qui agit à titre d'entrepreneur général, soit du propriétaire ou de son représentant.

2°         Le comité de chantier doit comprendre:

a) au moins un représentant soit de l'entrepreneur général, soit du propriétaire ou de son représentant;

b) un représentant de la direction de chacun des employeurs autres que l'entrepreneur général ou le propriétaire ou son représentant, qui emploie plus de 10 travailleurs;

c) un représentant de chacune des associations représentatives de salariés reconnues aux termes de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l'industrie de la construction et qui a des travailleurs affiliés présents sur le chantier.

 

3°         Le comité de chantier doit:

a) veiller à l'observation du présent code;

b) veiller à la coordination des mesures de sécurité à prendre sur le chantier;

c) se réunir au moins à toutes les 2 semaines; et

            d) tenir le procès-verbal des réunions.

4°         Les réunions du comité peuvent avoir lieu par secteur de chantier lorsque les travaux effectués par les travailleurs d'un secteur n'affectent pas la sécurité des travailleurs d'un autre secteur du chantier.

5°         L'agent de sécurité doit assister aux réunions du comité de chantier.

__________

R.R.Q., 1981, c. S-2.1, r. 6, a. 2.5.2; L.Q., 1986, c. 89, a. 50.

 

 

[160]     On le voit, les chantiers de construction doivent en outre répondre aux exigences incluses au chapitre XI de la LSST. C’est en fonction de ces dispositions que la Commission des lésions professionnelles devra déterminer si ce chapitre est applicable à la Corporation, la question du chapitre X de la LSST qui ne s’applique pas aux entreprises fédérales ayant déjà trouvé réponse par les arrêts de la Cour suprême.

[161]     Pour ce faire, dans la trilogie Bell Canada, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et Alltrans citée plus haut, la Cour suprême nous enseigne que la validité d’une législation en regard du partage des compétences doit d’abord se faire selon la doctrine du caractère véritable de la LSST. Ce précepte nous est donné dans l’affaire Banque canadienne de l’Ouest[33] rendu en 2007 par la même Cour et dont le résumé qu’on retrouve dans les cahiers de la Cour nous indique ce qui suit :

La résolution d’une affaire mettant en cause la validité constitutionnelle d’une législation eu égard au partage des compétences doit commencer par une analyse du caractère véritable de la législation contestée.  Cette analyse consiste dans une recherche sur la nature véritable de la loi en question afin d’identifier la matière sur laquelle elle porte essentiellement.  Si le caractère véritable de la législation contestée peut se rattacher à une matière relevant de la compétence de la législature qui l’a adoptée, les tribunaux la déclareront intra vires. Cependant, s’il est plus juste d’affirmer qu’elle porte sur une matière qui échappe à la compétence de cette législature, la constatation de cette atteinte au partage des pouvoirs entraînera l’invalidation de la loi. Cette analyse a pour corollaire qu’une législation dont le caractère véritable relève de la compétence du législateur qui l’a adoptée pourra, au moins dans une certaine mesure, toucher des matières qui ne sont pas de sa compétence sans nécessairement toucher sa validité constitutionnelle. À ce stade de l’analyse, l’objectif dominant de la législation demeure déterminant. De simples effets accessoires ne rendent pas inconstitutionnelle une loi par ailleurs intra vires. La doctrine du caractère véritable repose sur la reconnaissance de l’impossibilité pratique qu’une législature exerce efficacement sa compétence sur un sujet sans que son intervention ne touche incidemment à des matières relevant de la compétence de l’autre ordre de gouvernement. Par ailleurs, certaines matières sont, par leur nature même, impossibles à classer dans un seul titre de compétence : elles peuvent avoir à la fois une facette provinciale et une autre fédérale. La théorie du double aspect, qui trouve son application à l’occasion de l’analyse du caractère véritable de la législation, assure le respect des politiques mises en œuvre par les législateurs élus des deux ordres de gouvernement. La théorie du double aspect reconnaît que le Parlement et les législatures provinciales peuvent adopter des lois valables sur un même sujet, à partir des perspectives selon lesquelles on les considère, c’est-à-dire selon les aspects variés de la matière discutée. Dans certaines circonstances toutefois, les compétences d’un ordre de gouvernement doivent être protégées contre les empiètements, même accessoires, de l’autre ordre de gouvernement. À cette fin, les tribunaux ont développé les doctrines de l’exclusivité des compétences et de la prépondérance fédérale. 

 

 

[162]     Dans le cas en l’espèce, la validité même de la LSST n’est pas contestée. Cet aspect a également été décidé à plusieurs reprises par la Cour suprême, notamment dans les arrêts Banque canadienne de l’Ouest ainsi que Bell Canada, qui a déclaré que la LSST était intra vires. Plus précisément, dans la cause Bell Canada, la Cour concluait comme suit :

193.     La Loi est relative aux matières suivantes: les conditions et relations de travail et la gestion des entreprises. Suivant la deuxième proposition, ces matières tombent en principe dans la catégorie de sujets prévue au par. 13 de l'art. 92 de la Loi constitutionnelle de 1867  « La propriété et les droits civils dans la province ». La Loi est donc intra vires, valide et applicable aux entreprises qu'elle peut constitutionnellement viser.

 

 

[163]     Le premier test visant le caractère véritable de la LSST étant rencontré, le présent tribunal n’entend alors pas discuter plus longtemps de cet aspect de la validité de cette loi.

[164]     En ce qui a trait à la théorie du double aspect, la Cour suprême a répondu à cette question dans l’arrêt Bell Canada lorsqu’elle précise ceci :

On ne peut invoquer la théorie du double aspect pour soutenir l'applicabilité de la loi provinciale aux entreprises fédérales. L'examen du régime préventif de la Loi sur la santé et la sécurité du travail et du régime préventif mis en place par le législateur fédéral dans la partie IV du Code canadien du travail révèle que les deux législateurs y poursuivent exactement le même objet par des techniques et des moyens semblables. L'identité parfaite de ces deux objectifs énoncés aux art. 2 de la Loi et 79.1 du Code démontre qu'il n'y a pas deux aspects et deux fins selon que la législation est fédérale ou provinciale. Les deux législateurs légifèrent pour les mêmes fins et sous le même aspect. Or ils ne disposent pas en l'espèce d'une compétence législative conjointe, mais de compétences législatives mutuellement exclusives.

 

 

[165]     La LSST ne comporte pas deux aspects, selon qu’elle s’adresse à l’industrie et aux chantiers de construction. Encore ici, la Cour ayant déjà statué sur cet élément, le présent tribunal n’entend pas discuter de ce sujet.

[166]     Le troisième test consistera alors à déterminer s’il y a exclusivité des compétences et/ou prépondérance fédérale en analysant si les compétences du Gouvernement canadien sont protégées contre les empiètements.

[167]     Toutefois, lors de son argumentation, le Procureur général du Québec estime que la jurisprudence a édicté que la doctrine de l’exclusivité des compétences ne devrait pas faire l’objet d’une utilisation extensive, les tribunaux ayant reformulé cette doctrine d’une manière qui en limite l’utilisation[34]. Le Procureur général du Québec est d’avis que les tribunaux ont ainsi rejeté le cadre d’analyse qui avait été utilisé par la Cour suprême dans la trilogie de 1988.

[168]     Sur ce même sujet, dans l’arrêt Banque canadienne de l’Ouest rendu en 2007, la Cour suprême identifie d’abord que dans certaines circonstances, les compétences d’un ordre de gouvernement doivent être protégées contre les empiètements d’un autre ordre de gouvernement. La suite du jugement stipule ceci :

32        […] À cette fin, les tribunaux ont développé deux doctrines.  La première, la doctrine de l’exclusivité des compétences, reconnaît que notre Constitution repose sur les pouvoirs exclusifs, et non parallèles, répartis entre les deux ordres de gouvernement, encore que notre réalité constitutionnelle suscite inévitablement une interaction de ces pouvoirs.  La seconde, la doctrine de la prépondérance fédérale, reconnaît que dans la mesure où les lois fédérales et provinciales entrent en conflit, une règle doit permettre de mettre fin à l’impasse.  Dans notre régime, la loi fédérale l’emporte.  Nous passons maintenant à l’étude de ces doctrines, en examinant d’abord celle de l’exclusivité des compétences.

 

 

[169]     Il est vrai que dans ce même jugement, si la Cour précise par la suite que la doctrine de l’exclusivité des compétences a une application restreinte, elle souligne néanmoins que son existence est étayée tant par les textes que par les principes du fédéralisme. Toutefois, au terme de son analyse, la Cour précisera ceci :

[77]      […] Nous tenons à rappeler que la doctrine de l’exclusivité des compétences reste d’une application restreinte, et qu’elle devrait, en général, être limitée aux situations déjà traitées dans la jurisprudence. […]

[78]      En définitive, si en théorie l’examen de l’exclusivité des compétences peut être entrepris une fois achevée l’analyse du caractère véritable, en pratique, l’absence de décisions antérieures préconisant son application à l’objet du litige justifiera en général le tribunal de passer directement à l’examen de la prépondérance fédérale.

 

 

[170]     Cette approche a été retenue dans l’arrêt récent Marine Services International Ltd.[35] rendu par la Cour suprême en 2013. Dans cette cause, la Cour devait déterminer si les veuves et enfants à charge de pêcheurs décédés lors d’une expédition de pêche au large de Terre-Neuve-et-Labrador pouvaient reprocher à Marine Services d’avoir fait montre de négligence dans la conception du bateau et, ce faisant, pouvaient intenter une action contre cette entreprise. Les veuves et enfants à charge avaient également intenté une action contre le Procureur général du Canada pour le motif qu’il y aurait eu négligence de la part de Transports Canada dans l’inspection du bateau. Marines Services et le Procureur général du Canada ont demandé à la Workplace Health, Safety and Compensation Commission (« WHSCA ») de décider si l’action tombait sous le coup de l’interdiction légale de poursuites prévue par la WHSCA. Cet organisme avait alors déterminé qu’une telle l’action était prohibée. Tranchant cette question, la Cour exprimait les propos suivants :

[47]      La difficulté d’ordre constitutionnel que pose la présente affaire consiste à décider si une interdiction légale de poursuites prévue par un régime provincial d’indemnisation des accidents du travail peut empêcher une personne visée par cette interdiction d’intenter une action en négligence en vertu d’une loi fédérale relative à la négligence en droit maritime.  En l’espèce, le différend constitutionnel concerne donc le partage des compétences établi par la Loi constitutionnelle de 1867 entre le fédéral et les provinces.

 

 

[171]     Après avoir constaté que la validité de la WHSCA n’était pas contestée, la Cour décide qu’il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse exhaustive de son caractère véritable. La prochaine étape étant l’analyse de l’exclusivité des compétences, la Cour apportait alors la précision suivante :

[49]      Au terme de l’analyse du caractère véritable, le tribunal ne doit généralement considérer la doctrine de l’exclusivité des compétences que s’il existe des « décisions antérieures préconisant son application à l’objet du litige » : Banque canadienne de l’Ouest, par. 78.  Cette doctrine « reste d’une application restreinte, et [. . .] devrait, en général, être limitée aux situations déjà traitées dans la jurisprudence » : Banque canadienne de l’Ouest, par. 77.

 

 

[172]     La Commission des lésions professionnelles comprend donc que la doctrine de l’exclusivité des compétences ne devra être considérée que s’il existe des décisions antérieures traitant de ce sujet. Or, c’est justement ce qu’a fait la Cour suprême dans les trois jugements rendus en 1988 (Bell Canada, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et Alltrans) alors que l’on concluait que, d’une part, les articles 33, 36, 37 et 40 à 45 de la LSST ne sont pas applicables à une entreprise de compétence fédérale, que les articles 62 et 177 à 193 sont inapplicables à une entreprise ferroviaire interprovinciale et que, d’autre part, le pouvoir de la Workers Compensation Act de la Colombie-Britannique est inapplicable à une entreprise fédérale puisque la loi provinciale entre dans le champ de compétence exclusive de ces entreprises.

[173]     Bien que les tribunaux ne se soient pas prononcés de manière précise sur l’application du chapitre XI de la LSST, la Commission des lésions professionnelles note que dans l’arrêt Bell Canada susmentionné, la Cour fait l’énumération des divers chapitres de la LSST, incluant le chapitre XI, pour en conclure qu’il est manifeste qu’à sa face même, la LSST vise principalement les conditions de travail, les relations de travail et la gestion de l’entreprise.

[174]     Ces dernières conclusions peuvent-elles trouver leur place auprès du chapitre XI de la LSST ? La Commission des lésions professionnelles estime qu’en raison de la doctrine de l’exclusivité des compétences, la réponse à cette question est positive et s’en explique.

[175]     On l’a vu, certaines dispositions du chapitre XI renvoient aux autres chapitres de la LSST : c’est le cas de l’article 195 qui précise que les autres chapitres s’appliquent aux employeurs et travailleurs de la construction, compte tenu des adaptations nécessaires. De même, l’article 196 exige que le maître d’œuvre respecte au même titre que l’employeur les obligations imposées par la LSST et ses règlements et qu’il doit notamment prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique du travailleur de la construction. L’article 198 de la LSST stipule que lorsque le maître d’œuvre doit élaborer un programme de prévention, il doit en remettre une copie au représentant à la prévention ainsi qu’à l’association sectorielle paritaire de la construction au sens de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main d’œuvre dans l’industrie de la construction[36].

[176]     Enfin, les articles 2.5.1 et 2.5.2 du Code de sécurité pour les travaux de construction prévoient la constitution d’un comité de chantier et décrivent les conditions, la formation ainsi que les fonctions de ce comité.

[177]     On note également que l’article 215 de la LSST mentionne que l’article 26 de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main d’œuvre dans l’industrie de la construction s’applique au représentant de la prévention sur un chantier de construction, compte tenu des adaptations nécessaires.

[178]     C’est donc dire que le chapitre XI de la LSST comporte des renvois qui entraînent l’application des autres dispositions qu’on retrouve dans cette même loi, tout en précisant à quelques occasions que des adaptations sont nécessaires. Que comprennent les autres chapitres de la LSST ?

[179]     La Commission des lésions professionnelles n’entend pas ici faire l’énumération exhaustive de l’ensemble des dispositions qu’on y retrouve. Toutefois, certaines d’entre elles sont importantes aux fins de l’analyse de la présente décision. Il suffit de mentionner que l’objet et le champ d’application s’y retrouvent à l’article 2 et que les personnes qui y sont liées sont énumérées à l’article 6 :

2.  La présente loi a pour objet l'élimination à la source même des dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs.

 

Elle établit les mécanismes de participation des travailleurs et de leurs associations, ainsi que des employeurs et de leurs associations à la réalisation de cet objet.

__________

1979, c. 63, a. 2.

 

 

6.  La présente loi lie le gouvernement, ses ministères et les organismes mandataires de l'État.

__________

1979, c. 63, a. 6; 1999, c. 40, a. 261.

 

 

[180]     Le chapitre III de la LSST est crucial et traite des droits et obligations du travailleur, de l’employeur ainsi que des fournisseurs. On y mentionne que le travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique (article 9), qu’il a droit à des services de formation, d’information et de conseil en matière de santé et sécurité du travail (article 10), qu’il doit collaborer avec le comité de chantier ainsi qu’avec toute personne chargée de l’application de la LSST et de ses règlements (article 49), qu’il a le droit de refuser d’exécuter un travail s’il a des motifs raisonnables de croire que l’exécution de celui-ci l’expose à un danger (article 12). Dans ce cas, s’il n’y a pas de représentant à la prévention, ou s’il n’est pas disponible, le représentant de l’association accrédité sera convoqué pour procéder à l’examen de la situation.

[181]     Par ailleurs, les obligations générales de l’employeur sont les suivantes :

51.  L'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l'intégrité physique du travailleur. Il doit notamment:

 

 1° s'assurer que les établissements sur lesquels il a autorité sont équipés et aménagés de façon à assurer la protection du travailleur;

 2° désigner des membres de son personnel chargés des questions de santé et de sécurité et en afficher les noms dans des endroits visibles et facilement accessibles au travailleur;

 

 3° s'assurer que l'organisation du travail et les méthodes et techniques utilisées pour l'accomplir sont sécuritaires et ne portent pas atteinte à la santé du travailleur;

 

 4° contrôler la tenue des lieux de travail, fournir des installations sanitaires, l'eau potable, un éclairage, une aération et un chauffage convenable et faire en sorte que les repas pris sur les lieux de travail soient consommés dans des conditions hygiéniques;

 

 5° utiliser les méthodes et techniques visant à identifier, contrôler et éliminer les risques pouvant affecter la santé et la sécurité du travailleur;

 

 6° prendre les mesures de sécurité contre l'incendie prescrites par règlement;

 

 7° fournir un matériel sécuritaire et assurer son maintien en bon état;

 

 8° s'assurer que l'émission d'un contaminant ou l'utilisation d'une matière dangereuse ne porte atteinte à la santé ou à la sécurité de quiconque sur un lieu de travail;

 

 9° informer adéquatement le travailleur sur les risques reliés à son travail et lui assurer la formation, l'entraînement et la supervision appropriés afin de faire en sorte que le travailleur ait l'habileté et les connaissances requises pour accomplir de façon sécuritaire le travail qui lui est confié;

 

 10° afficher, dans des endroits visibles et facilement accessibles aux travailleurs, les informations qui leur sont transmises par la Commission, l'agence et le médecin responsable, et mettre ces informations à la disposition des travailleurs, du comité de santé et de sécurité et de l'association accréditée;

 

 11° fournir gratuitement au travailleur tous les moyens et équipements de protection individuels choisis par le comité de santé et de sécurité conformément au paragraphe 4° de l'article 78 ou, le cas échéant, les moyens et équipements de protection individuels ou collectifs déterminés par règlement et s'assurer que le travailleur, à l'occasion de son travail, utilise ces moyens et équipements;

 

 12° permettre aux travailleurs de se soumettre aux examens de santé en cours d'emploi exigés pour l'application de la présente loi et des règlements;

 

 13° communiquer aux travailleurs, au comité de santé et de sécurité, à l'association accréditée, au directeur de santé publique et à la Commission, la liste des matières dangereuses utilisées dans l'établissement et des contaminants qui peuvent y être émis;

 

 14° collaborer avec le comité de santé et de sécurité ou, le cas échéant, avec le comité de chantier ainsi qu'avec toute personne chargée de l'application de la présente loi et des règlements et leur fournir tous les renseignements nécessaires;

 

 15° mettre à la disposition du comité de santé et de sécurité les équipements, les locaux et le personnel clérical nécessaires à l'accomplissement de leurs fonctions.

__________

1979, c. 63, a. 51; 1992, c. 21, a. 303; 2001, c. 60, a. 167; 2005, c. 32, a. 308.

[182]     La construction d’un bâtiment est autorisée à certaines conditions :

54.  Dans les cas déterminés par règlement, un employeur ou un propriétaire ne peut entreprendre la construction d'un établissement ni modifier des installations ou équipements à moins d'avoir préalablement transmis à la Commission des plans et devis d'architecte ou d'ingénieur attestant de leur conformité aux règlements, conformément aux modalités et dans les délais prescrits par règlement. Une copie des plans et devis doit être transmise au comité de santé et de sécurité et s'il n'y a pas de comité, au représentant à la prévention.

__________

1979, c. 63, a. 54.

 

 

[183]     Le chapitre X traite de l’inspection ainsi que des pouvoirs dévolus aux inspecteurs de la CSST et comprend ceci :

179.  Un inspecteur peut, dans l'exercice de ses fonctions, pénétrer à toute heure raisonnable du jour ou de la nuit dans un lieu où sont exercées des activités dans les domaines visés dans la présente loi et les règlements, et l'inspecter.

 

Un inspecteur a alors accès à tous les livres, registres et dossiers d'un employeur, d'un maître d'œuvre, d'un fournisseur ou de toute autre personne qui exerce une activité dans les domaines visés dans la présente loi et les règlements. Une personne qui a la garde, la possession ou le contrôle de ces livres, registres ou dossiers doit en donner communication à l'inspecteur et lui en faciliter l'examen.

 

Un inspecteur doit, s'il en est requis, exhiber un certificat attestant sa qualité.

__________

1979, c. 63, a. 179; 1986, c. 95, a. 302.

 

180.  En outre des pouvoirs généraux qui lui sont dévolus, l'inspecteur peut:

 1° enquêter sur toute matière relevant de sa compétence;

 

 2° exiger de l'employeur ou du maître d'œuvre, selon le cas, le plan des installations et de l'aménagement du matériel;

 

 3° prélever, sans frais, à des fins d'analyse, des échantillons de toute nature notamment à même les objets utilisés par les travailleurs; il doit alors en informer l'employeur et lui retourner, après analyse, l'objet ou les échantillons prélevés lorsque c'est possible de le faire;

 

 4° faire des essais et prendre des photographies ou enregistrements sur un lieu de travail;

 

 5° exiger de l'employeur, du maître d'œuvre ou du propriétaire, pour s'assurer de la solidité d'un bâtiment, d'une structure ou d'un ouvrage de génie civil, une attestation de solidité signée par un ingénieur ou un architecte ou une attestation prévue par l'article 54;

 

 6° installer, dans les cas qu'il détermine, un appareil de mesure sur un lieu de travail ou sur un travailleur si ce dernier y consent par écrit ou ordonner à l'employeur d'installer un tel appareil et ce, dans un délai et dans un endroit qu'il désigne, et obliger l'employeur à transmettre les données recueillies selon les modalités qu'il détermine;

 

 7° se faire accompagner par une ou des personnes de son choix dans l'exercice de ses fonctions.

__________

1979, c. 63, a. 180.

 

181.  À son arrivée sur un lieu de travail, l'inspecteur doit, avant d'entreprendre une enquête ou une inspection, prendre les mesures raisonnables pour aviser l'employeur, l'association accréditée et le représentant à la prévention. Sur un chantier de construction, il avise le maître d'œuvre et le représentant à la prévention.

__________

1979, c. 63, a. 181.

 

182.  L'inspecteur peut, s'il l'estime opportun, émettre un avis de correction enjoignant une personne de se conformer à la présente loi ou aux règlements et fixer un délai pour y parvenir.

__________

1979, c. 63, a. 182.

 

183.  L'inspecteur communique le résultat de son enquête ou de son inspection à l'employeur, à l'association accréditée, au comité de chantier, au comité de santé et de sécurité, au représentant à la prévention et au directeur de santé publique; il leur transmet, le cas échéant, copie de l'avis de correction. Lorsqu'il n'existe pas de comité, l'employeur doit afficher une copie de l'avis de correction dans autant d'endroits visibles et facilement accessibles aux travailleurs qu'il est raisonnablement nécessaire pour assurer leur information.

__________

1979, c. 63, a. 183; 1992, c. 21, a. 331; 2001, c. 60, a. 167.

 

184.  La personne à qui un inspecteur a adressé un avis de correction doit y donner suite dans le délai imparti; il doit, en outre, informer dans les plus brefs délais l'association accréditée, le comité de santé et de sécurité, le représentant à la prévention et l'inspecteur des mesures précises qu'il entend prendre.

__________

1979, c. 63, a. 184.

 

185.  Il est interdit d'entraver un inspecteur dans l'exercice de ses fonctions, de le tromper ou de tenter de le tromper par des réticences ou par des déclarations fausses ou mensongères, de refuser de lui déclarer ses nom et adresse ou de négliger d'obéir à un ordre qu'il peut donner en vertu de la présente loi ou des règlements.

___________

1979, c. 63, a. 185.

 

186.  Un inspecteur peut ordonner la suspension des travaux ou la fermeture, en tout ou en partie, d'un lieu de travail et, s'il y a lieu, apposer les scellés lorsqu'il juge qu'il y a danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique des travailleurs.

 

Il doit alors motiver sa décision par écrit dans les plus brefs délais et indiquer les mesures à prendre pour éliminer le danger.

L'article 183 s'applique, compte tenu des adaptations nécessaires, à cet ordre de l'inspecteur.

___________

1979, c. 63, a. 186.

 

187.  Pendant que dure une suspension des travaux ou une fermeture, les travailleurs sont réputés être au travail et ont ainsi droit à leur salaire et aux avantages liés à leur emploi.

__________

1979, c. 63, a. 187.

 

188.  Personne ne peut être admis sur un lieu de travail fermé par un inspecteur sauf, avec l'autorisation de l'inspecteur, les personnes qui exécutent les travaux nécessaires pour éliminer le danger.

 

Toutefois, l'application du premier alinéa ne peut avoir pour effet d'empêcher un employeur, un maître d'œuvre ou un propriétaire de prendre les moyens de conservation nécessaires pour éviter la destruction ou la détérioration grave de biens qui s'y trouvent.

__________

1979, c. 63, a. 188; 1999, c. 40, a. 261.

 

189.  Les travaux ne peuvent reprendre ou le lieu de travail être réouvert avant que l'inspecteur ne l'ait autorisé.

 

L'article 183 s'applique, compte tenu des adaptations nécessaires, à l'autorisation de l'inspecteur.

__________

1979, c. 63, a. 189.

 

190.  L'inspecteur peut, lorsqu'une personne enfreint la présente loi ou les règlements, ordonner qu'elle cesse de fabriquer, fournir, vendre, louer, distribuer ou installer le produit, le procédé, l'équipement, le matériel, le contaminant ou la matière dangereuse concerné et apposer les scellés ou confisquer ces biens et ordonner qu'elle cesse toute activité susceptible de causer l'émission du contaminant concerné.

 

Il doit alors motiver sa décision par écrit en indiquant, le cas échéant, les mesures à prendre pour que le produit, le procédé, l'équipement, le matériel, le contaminant ou la matière dangereuse ou que l'activité susceptible de causer l'émission du contaminant soit rendu conforme à la loi et aux règlements.

 

La fabrication, la fourniture, la vente, la location, la distribution ou l'installation du produit, du procédé, de l'équipement, du matériel, du contaminant ou de la matière dangereuse ou l'activité susceptible de causer l'émission d'un contaminant ne peut reprendre avant que l'inspecteur ne l'ait autorisée.

 

L'article 183 s'applique, compte tenu des adaptations nécessaires, à un ordre ou une autorisation de l'inspecteur.

__________

1979, c. 63, a. 190.

 

191.  Un ordre ou une décision d'un inspecteur a effet immédiatement, malgré une demande de révision.

__________

1979, c. 63, a. 191; 1985, c. 6, a. 545.

 

 

[184]     Lors de la présentation de ses argumentations, la CSST insiste pour dire que dans le présent cas, ce n’est pas en tant qu’entreprise que la Corporation se voit imposer des obligations d’un maître d’œuvre, mais en tant que propriétaire. Elle ajoute que la question des relations de travail dont il est question dans la LSST se pose uniquement entre les entrepreneurs et leurs travailleurs et qu’il n’existe aucune interaction entre les travailleurs de la construction et le maître d’œuvre. Elle rappelle que les obligations imposées au maître d’œuvre ne touchent pas à la gestion de l’entreprise pas plus qu’elles instaurent un régime de cogestion. À compter de ces arguments, la CSST émet l’opinion que les motifs sur lesquels se fonde la trilogie Bell Canada, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et Alltrans de la Cour suprême pour déclarer certaines dispositions de la LSST inapplicables aux entreprises fédérales ne sont pas pertinents dans le cas d’un maître d’œuvre.

[185]     Sur ce point, la Commission des lésions professionnelles note qu’il est vrai que le lien qui a cours entre un travailleur et le maître d’œuvre n’est pas aussi concret que celui qu’on retrouve entre un travailleur et son employeur. Néanmoins, ce lien est loin d’être inexistant : l’article 195 de la LSST stipule clairement que la loi s’applique dans son ensemble aux travailleurs de chantiers de construction. On y précise également que le maître d’œuvre doit respecter les obligations imposées aux employeurs, dont celle de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs de la construction. Le maître d’œuvre doit donc veiller à la santé et la sécurité de tous les travailleurs de la construction sur le chantier et, dans cet esprit, devra prendre toutes les mesures appropriées. Cette importante responsabilité est bien encadrée par la LSST.

[186]     Parmi les obligations imposées aux employeurs à l’article 51 de la LSST, et que le maître d’œuvre doit assumer, on note celles où il doit s’assurer que l’organisation du travail et les méthodes pour l’accomplir soient sécuritaires, prendre les mesures de sécurité contre l’incendie ou s’assurer que l’émission d’un contaminant ou d’une matière dangereuse ne porte atteinte à quiconque sur un lieu de travail. Dans le but de remplir ces obligations, un programme de prévention doit être élaboré et transmis au représentant à la prévention et à l’association sectorielle paritaire. Sous cet aspect, les affirmations de la CSST, lorsqu’elle argumente qu’il n’y a pas de lien entre le maître d’œuvre et les travailleurs du chantier, doivent être prises avec de grandes réserves.

 

[187]     Quant au fait que les dispositions de la LSST concernant la mise en place d’un comité de chantier ainsi que la nomination d’un représentant à la prévention n’étaient pas en vigueur au moment de la présente décision, la doctrine consultée par le soussigné[37] précise ce qui suit :

347.     Le texte de la loi naît dès qu’il est édicté par le Parlement. Comme c’est le Souverain qui, parmi les composantes de Parlement, est le dernier à signifier son assentiment à un projet de loi, c’est la sanction du projet par le représentant du Souverain, gouverneur général ou lieutenant-gouverneur, qui marque le début de l’existence d’un texte de loi.

 

348.     Le texte n’est toutefois pas nécessairement exécutoire dès sa sanction : sanction et mise en vigueur peuvent souvent coïncider dans le temps, mais ce sont deux faits conceptuellement distincts. Le texte de la loi sanctionnée doit, en principe, entrer en vigueur pour produire ses effets. Il faut dire « en principe » car une loi sanctionnée, mais non mise en vigueur, n’est pas entièrement démunie d’effet […] (référence omise)

 

[…]

 

351      Le point de vue qui vient d’être exprimé fut celui qu’adopta le juge Ritchie (à l’opinion duquel concoururent les juges Spence et Pigeon) quant à l’admissibilité de l’interprétation d’un article déjà en vigueur à la lumière de dispositions de la loi qui n’était pas encore en vigueur. S’agissant d’interpréter l’article 120 de la Loi de 11968-69 modifiant le droit pénal5, le juge Ritchie s’exprima ainsi :

 

« On soutient que, bien que l’article 120 soit en vigueur, les autres articles de la Loi sont sans effet jusqu’à ce qu’ils soient promulgués et qu’en conséquence ces autres articles ne peuvent servir à découvrir quelle était l’intention du Parlement lorsqu’il a édicté l’art. 120. Je ne puis accepter cet argument parce que je crois que, promulguées ou non, les dispositions de la Loi modifiant le droit pénal sont celles d’une loi du Parlement du Canada et doivent être considérées comme l’expression de l’intention de la volonté du Parlement. »6

__________

5           Loi de 1968-69 modifiant le droit pénal, S.C. 1968-1969, c.38

6                     Dans l’Affaire des Questions soumises par le Gouverneur Général en Conseil Relatives à la Proclamation de l’Article 16 de la Loi de 1968-69 Modifiant le Droit Pénal, [1970] R.C.S » 777,797 et 798. Le juge Ritchie était dissident : voir infra, p 114.

 

 

[188]     Il s’ensuit que le fait que les sections traitant du comité de chantier et du représentant à la prévention ne soient pas en vigueur ne doit pas être tenu en compte aux fins de la présente décision.

[189]     De toute manière, le Code de sécurité pour les travaux de construction prévoit précisément la formation d’un comité de chantier lorsque ce chantier de construction fera appel à 25 travailleurs ou plus.

[190]     La LSST prévoit donc que le maître d’œuvre forme un comité de chantier dont fera partie au moins un membre de chacune des associations syndicales présentes sur le chantier. Les travailleurs doivent collaborer avec ce comité (article 49) alors que ce même comité doit recevoir les plaintes et suggestions des travailleurs (article 206). Il en est de même de la nomination d’un représentant à la prévention qui se fera par une association représentative des travailleurs. Parce que le maître d’œuvre devra assumer la responsabilité de l’exécution de l’ensemble des travaux, il devra établir des contacts étroits et collaborer avec les membres du comité de chantier ainsi qu’avec le représentant à la prévention. Dans le cas contraire, ses actions se feraient en vase clos et ses responsabilités ne seraient pas assumées adéquatement. Cette participation des travailleurs à la mise en place des principes de prévention des accidents induit un lien de cogestion avec le maître d’œuvre. On ne saurait donc ici parler d’une absence d’interaction entre les travailleurs œuvrant sur le chantier et le maître d’œuvre.

[191]     On retrouve une situation similaire lors d’un droit de refus exercé par un travailleur de la construction et qui aurait pour effet de paralyser les travaux sur le chantier. Devant ses responsabilités qui comprennent l’exécution de l’ensemble des travaux, le maître d’œuvre n’aura d’autre choix que d’intervenir, surtout si les motifs exprimés par le travailleur visent des travaux exécutés par un autre employeur et sur lesquels seul le maître d’œuvre aura une emprise.

[192]     De plus, l’article 49 de la LSST impose au travailleur de collaborer non seulement avec le comité de chantier, mais aussi avec toute personne chargée de l’application de la loi. Ceci inclut manifestement le maître d’œuvre.

[193]     Le paragraphe 14 de l’article 51 de la LSST impose à l’employeur, et par application au maître d’œuvre, de coopérer avec le comité chantier et de lui fournir tous les renseignements nécessaires. Il s’agit là d’une disposition qui édicte au maître d’œuvre de collaborer et même d’avoir une part active dans le fonctionnement de ce comité qui, rappelons-le, est composé d’un représentant de chaque association accréditée. De toute évidence, on se retrouve ici dans le domaine de la gestion, et même de la cogestion, du chantier de construction.

[194]     La Commission des lésions professionnelles note donc qu’au même titre que les travailleurs de l’industrie, les droits conférés aux travailleurs de la construction font partie de leurs conditions de travail alors que le maître d’œuvre n’est pas une personne externe à l’exercice de ces droits. Cette dernière conclusion est en accord avec celles énoncées par la Cour suprême dans le trio des jugements Bell Canada, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et Alltrans rendus en 1988. Il est utile de citer l’arrêt Bell Canada, alors que la Cour s’exprimait ainsi concernant l’application de l’article 49 :

162.     Par ailleurs les obligations du travailleur, énumérées à l'art. 49, sont des obligations qui lui sont imposées pour partie, sans doute, vis-à-vis de ses compagnons de travail, mais surtout vis-à-vis de l'employeur. Par exemple, l'obligation de prendre les mesures pour protéger sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique n'est pas juridiquement une obligation qu'il a vis-à-vis de lui-même mais d'abord une obligation vis-à-vis de l'employeur qui ne peut sans collaboration assurer la santé et la sécurité de son employé. Si le travailleur y manque, il s'expose à des mesures disciplinaires qui pourront donner lieu à un différend et à un arbitrage; c'est là un problème typique de relations de travail.

 

163.     Je reviens aux obligations générales imposées à l'employeur par l'art. 51. On peut en un certain sens les considérer comme des obligations vis-à-vis de l'État d'autant plus que, de façon additionnelle, elles sont aussi, comme l'ensemble de la Loi, assorties de sanctions pénales prévues au chapitre XIV; mais la Loi les impose spécifiquement vis-à-vis du travailleur qu'elle nomme expressément à la plupart des alinéas de cet article.

 

164.     Il y a donc une corrélation générale entre les droits et les obligations du travailleur et de l'employeur, ce qui me fait dire que ces dispositions portent sur les relations de travail.

 

 

[195]     Il suffit ici de remplacer les termes « employeur » par « employeur et maître d’œuvre », tenant compte que les responsabilités du maître d’œuvre sont les mêmes que celles de l’employeur (article 196), pour en conclure qu’on se retrouve en présence d’une corrélation entre les droits et obligations des travailleurs de la construction et celles du maître d’œuvre et, ce faisant, dans le domaine des relations de travail et de la gestion qu’un maître d’œuvre fait sur un chantier de construction.

[196]     Toujours dans cet arrêt, la Cour stipulait que le chapitre X de la LSST était inapplicable aux entreprises fédérales parce qu’en outre, il visait inévitablement et directement les conditions de travail, les relations de travail et la gestion des entreprises auxquelles il s’adresse. La Cour ajoutait que ce chapitre constitue un élément clef de la politique de prévention et un moyen essentiel d’atteindre l’objet de la LSST, soit « l’élimination à la source même des dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs ». À compter de ce constat, on ne pourrait alléguer que ce même élément clef ne s’applique pas aux chantiers de construction ou n’implique pas la collaboration étroite du maître d’œuvre avec les comités de chantier ou les représentants à la prévention. La gestion que le maître d’œuvre fera du chantier sera alors influencée par les représentants des associations de travailleurs, ouvrant ainsi à la porte à la cogestion.

[197]     Sur ce même sujet, il est intéressant de constater que lors de la rédaction du chapitre XI de la LSST, le législateur indique que certaines dispositions s’appliquent tout en précisant qu’on doit y faire « des adaptations nécessaires »[38]. Néanmoins, le libellé de l’article 196 de la LSST impose au maître d’œuvre de respecter au même titre que l’employeur les obligations prévues à la loi et à ses règlements, sans qu’aucune mention « d’adaptation nécessaire » n’y soit prévue. Étant donné l’application complète de la LSST au maître d’œuvre, on doit alors en conclure que ce dernier doit assumer les mêmes responsabilités et obligations que les employeurs des entreprises en général. Comment pourrait-on par la suite déterminer que lorsqu’elle est appliquée aux employeurs de l’industrie, la LSST entraîne des conséquences sur les conditions et les relations de travail ainsi que sur la gestion, mais pas lorsqu’elle concerne le maître d’œuvre? Il y aurait là une contradiction difficilement acceptable.

[198]     La Commission des lésions professionnelles estime également que l’interprétation que la CSST donne au terme « maître d’œuvre » s’approche de celle d’une personne tierce qui n’aurait aucun contrôle sur les travailleurs du chantier de construction. Il s’agit là d’une interprétation qui étonne.

[199]     Dans le jugement Sobeys rendu 2012[39], la Cour d’appel devait traiter le cas de deux frigoristes à l’emploi d’une entreprise de réfrigération qui se rendent chez Sobeys à la suite d’un appel de service dans le but de vérifier le bon fonctionnement d’appareils de réfrigération. Un des frigoristes accède sur le toit de la chambre froide en utilisant un escabeau mis à sa disposition par Sobeys. Le toit de la chambre froide étant juxtaposé aux tuiles du plafond suspendu, le frigoriste passe à travers ces tuiles, fait une chute d'un peu plus de trois mètres et subit d'importantes blessures. La Cour d’appel définissait ainsi le débat :

Aux termes de l'article 51 (1) de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, (L.s.s.t.) un employeur peut-il être tenu, dans des circonstances particulières, d'aménager son établissement de façon à assurer la protection non seulement de ses employés, mais également de ceux d'un tiers employeur qui exécutent des travaux dans son établissement?

 

 

[200]     Dans sa réponse, la Cour d’appel s’exprimait de la manière qui suit :

[44]            Des auteurs notent que malgré une certaine incertitude, une interprétation généreuse de l'article 51 de la L.s.s.t. permet, dans des circonstances particulières, d'imposer une responsabilité à un employeur à l'égard des travailleurs d'un tiers. Ainsi, les auteurs Lippel et Laflamme écrivent :

 

Les alinéas 1 à 15 de l'article 51 L.s.s.t. énumèrent une série d'obligations particulières touchant les aspects suivants : i) l'organisation matérielle, ii) l'organisation fonctionnelle, iii) la formation et l'information des travailleurs et iv) la collaboration de l'employeur. Dans certains cas, les dispositions sont d'ordre général, telles que celles relatives à l'aménagement des lieux de travail, de telle sorte qu'elles bénéficient tout autant aux travailleurs de l'employeur qu'à ceux d'un sous-traitant. Toutefois, d'autres obligations sont plus ambiguës, notamment lorsque le terme « travailleur » est expressément utilisé. L'obligation de l'employeur est-elle limitée aux travailleurs qui sont à son emploi ou vise-t-elle plus largement tous les travailleurs au sens de la L.s.s.t.? Une interprétation large et libérale, telle que celle préconisée par la Cour d'appel dans l'arrêt Domtar, voudrait que ces dispositions reçoivent une interprétation favorable à la protection de l'ensemble des travailleurs. Toutefois, comme nous le verrons plus loin, la jurisprudence n'a apporté jusqu'ici que des réponses partielles, en fonction des faits propres à l'affaire et en tenant compte de la disposition particulière de la L.s.s.t. dont on alléguait la contravention.19

 

[45]            Dans la même ligne de pensée, Me Élaine Léger20 soulève les mêmes interrogations :

 

Les obligations du tiers-employeur en vertu de l'article 51 L.S.S.T. s'analysent à la lumière de la jurisprudence relative à la contestation des avis de corrections. En effet, les omissions de l'employeur sont généralement analysées par les tribunaux lorsqu'un inspecteur constate le défaut de l'employeur de se conformer à une obligation prévue à l'article 51 L.S.S.T. et émet un avis de correction.

 

Quoique le principe général soit à l'effet que l'employeur n'a pas d'obligations à l'égard des travailleurs d'un autre employeur, il n'en demeure pas moins qu'afin d'assurer la réalisation effective de l'objectif de la L.S.S.T., que les tribunaux considèrent dans certaines circonstances que l'acteur du milieu de travail qui est le mieux placé pour intervenir efficacement dans la prévention des risques d'accidents sera soumis aux obligations qui découlent de cet article.

 

[46]      Dans le même sens, le professeur Jean-Pierre Villagi écrit qu'il faut s'attacher à la responsabilité de l'employeur le mieux placé pour corriger la situation dangereuse :

 

Une politique efficace de prévention exige qu’on ait à la fois le contrôle des travailleurs, c’est-à-dire qu’on puisse agir sur les travailleurs, et qu’on ait le contrôle des objets, c’est-à-dire qu’on puisse agir sur les objets. Le contrôle des uns ne peut, sans le contrôle des autres, assurer l’efficacité d’une politique d’élimination à la source même des dangers pour la santé et la sécurité des travailleurs.21

(je souligne)

__________

19   Katherine Lippel et Anne-Marie Laflamme, « Les droits et responsabilités des employeurs et des travailleurs dans un contexte de sous-traitance : enjeux pour la prévention, l'indemnisation et le retour au travail », dans Service de la formation continue, Barreau du Québec, Développements récents en droit de la santé et sécurité au travail, vol. 334, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2011, p. 299.

20   Responsabilité du tiers-employeur à l'égard des sous-traitants - Développements récents          en droit de              la santé et sécurité au travail, Éditions Yvon Blais (volume 201).

21   Jean-Pierre Villagi, La protection des travailleurs : l’obligation générale de l’employeur,                Cowansville,Éditions Yvon Blais, 1996, p. 233.

 

 

 

[201]     Dans le cadre de son analyse, la Cour d’appel rappelle que le but de la loi est clairement exprimé au paragraphe 2 soit « l'élimination à la source même des dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs ». On ajoute que la LSST couvre un spectre plus large que la relation traditionnelle d’emploi au sens le plus strict. Le juge en vient à la conclusion qu’il incombait à Sobeys de s’assurer que son établissement était équipé et aménagé de façon à assurer la protection des travailleurs, y compris les travailleurs d'un tiers.

[202]      Le juge cite également la Cour suprême dans la cause Bell Canada, lorsqu’on y stipulait que la LSST a pour objectifs la santé et la sécurité des travailleurs, qu’elle s'adresse principalement au gestionnaire de l’entreprise en tant que tel pour réaliser ces objectifs, pour la raison élémentaire que c'est lui qui a la propriété ou le contrôle de l’entreprise, des établissements, des installations, de l’équipement, des lieux de travail, de l’organisation du travail et des méthodes utilisées pour l’accomplir, des techniques et des rythmes de production, des produits employés, des procédés, du matériel, de la construction d’un établissement, de la modification des installations.

[203]      C’est donc dire que les travailleurs de la construction soient considérés comme des tiers ou non envers le maître d’œuvre, ceci n’aurait pas pour effet d’annuler les obligations du maître d’œuvre à l’endroit de ces mêmes travailleurs : personne ne serait mieux placé que le maître d’œuvre pour intervenir dans certaines situations sur un chantier de construction. Étant donné les responsabilités importantes déléguées par la LSST au maître d’œuvre, ce lien de relations de travail dont la Cour suprême faisait état ne s’en trouverait pas annihilé pour autant. L’argument soulevé par la CSST, et qui veut que le statut de maître d’œuvre ne découle que de facteurs contractuels et ne concerne pas les relations de travail, ne peut être ici retenu.

[204]     De tout ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles constate que les jugements antérieurs rendus par la Cour suprême trouvent application dans le présent cas.

[205]     Toujours dans la cause Bell Canada, la Cour suprême faisait état du Livre blanc dans lequel étaient faites les recommandations qui ont conduit à l’adoption de la LSST. La Cour écrit ceci :

187.     D'ailleurs, il y a lieu de douter sérieusement que le législateur québécois ait pu penser et vouloir que la Loi s'applique à des entreprises fédérales. On trouve en effet, à la p. 260 du Livre blanc, le passage suivant sous le sous-titre "Le champ d'application":

 

...à l'exclusion des organismes fédéraux sur lesquels le gouvernement du Québec n'a pas juridiction, le régime de prévention créera des droits et des obligations, aussi bien aux artisans qu'aux entreprises privées ou publiques, québécoises ou étrangères, dont le travail s'exercera en quelque lieu que ce soit au Québec. […]

 

188.     Cette volonté apparente d'exclure les organismes fédéraux de l'application de la Loi se trouve confirmée par les définitions de l'art. 1 de la Loi, dont j'ai traité plus haut. Le champ d'application limité de la Loi qui résulte de ces définitions est conforme à la présomption selon laquelle le législateur n'a pu vouloir conférer à une loi une portée inconstitutionnelle en réglementant la gestion des entreprises fédérales.

 

 

[206]     On doit alors en conclure, comme le plus haut tribunal du pays l’a fait plusieurs reprises, qu’il y a exclusivité de compétence qui empêche l’application de la LSST à des entreprises fédérales. La LSST étant inapplicable à une telle entreprise, cette exclusion implique également le chapitre XI de cette loi.

[207]     Pour en finir avec la notion d’empiètement, les propos tenus par la Cour dans l’affaire Bell Canada trouvent parfaitement application dans le cas des chantiers de construction :

Les appelantes et le procureur général du Québec soutiennent que la Loi n’entrave pas les opérations et le fonctionnement de Bell Canada. Ce moyen serait peut-être pertinent s’il était décidé que l’application de la Loi ne porte pas sur les conditions et relations du travail ainsi que sur la gestion d'une entreprise fédérale. Mais comme il faut justement décider que la Loi empiète sur un domaine qui relève de la compétence exclusive du Parlement et se trouve pour ce motif inapplicable aux entreprises fédérales, alors il est sans importance que, dans l’hypothèse non retenue où elle s’appliquerait, la Loi entrave ou n’entrave pas les opérations et le fonctionnement de Bell Canada et des Chemins de fer nationaux. Pour que joue la règle de l’inapplicabilité, il suffit que la sujétion de l’entreprise à la loi provinciale ait pour effet d’affecter un élément vital ou essentiel de l’entreprise sans nécessairement aller jusqu’à effectivement entraver ou paralyser cette dernière. Si l’application d’une loi provinciale à une entreprise fédérale a pour effet de l’entraver ou de la paralyser, c’est là toutefois le signe quasi infaillible que cette sujétion atteint l’entreprise dans ce qui fait sa spécificité fédérale et constitue un empiètement sur la compétence législative exclusive du Parlement. De nombreuses dispositions de la Loi sont susceptibles d’entraver les opérations et le fonctionnement des entreprises fédérales, ce qui constitue une raison additionnelle pour la considérer inapplicable à ces entreprises, et ce, en l’absence de tout conflit entre la législation fédérale et la législation provinciale.

 

 

[208]     Rattachés aux chantiers de construction et au maître d’œuvre, ces propos demeurent toujours pertinents puisque l’application de la LSST envers la Corporation, lorsqu’elle agit à titre de maître d’œuvre d’un chantier de construction, est de nature à empiéter sur les opérations et le fonctionnement de cette entreprise.

 

[209]     En surplus, et toujours sur ce sujet, comment ne pourrait-on pas parler d’empiètement ou d’entrave importante lorsqu’une décision rendue par un inspecteur pourrait paralyser tous les travaux sur un chantier de construction en impliquant le maître d’œuvre à titre de personne responsable de l’exécution de l’ensemble des travaux? Il en est de même de l’exercice du droit de refus d’un travailleur de la construction qui pourrait entraîner un arrêt d’une partie ou de l’ensemble des travaux du chantier. Cette notion d’empiètement est bien présente dans le cas en l’espèce et les conclusions auxquelles en arrive la Cour suprême s’appliquent entièrement.

[210]     Lors de leur argumentation, le Procureur général du Québec et la CSST indiquent au tribunal que dans le cas où il conclurait que la LSST ne peut s’appliquer à la Corporation, on se trouverait alors devant un vide juridique, le Code canadien du travail ne comportant aucune disposition équivalente à ce qu’on retrouve dans la LSST concernant la prévention des accidents sur un chantier de construction.

[211]     La Commission des lésions professionnelles estime que s’il s’avérait que, par ses effets, la présente décision ouvrait la porte à un vide juridique, laissant un chantier de construction sans que personne ne soit responsable de l’exécution de l’ensemble des travaux, il appartiendra plutôt au législateur de combler cette absence par des dispositions législatives afin de protéger adéquatement les travailleurs de la construction ou encore au propriétaire de l’œuvre d’appliquer des normes administratives pour pallier cette situation.

[212]     On doit donc conclure, après application de la grille d’analyse établie par la Cour suprême, que le chapitre XI de la LSST est inapplicable à la Corporation. Devant une telle conclusion, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il serait inutile d’examiner la question de l’immunité constitutionnelle de la Corporation, la LSST étant de toute manière inapplicable. Les requêtes de la Corporation doivent ainsi être accueillies.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

DOSSIERS 508607-62-1304, 508634-62-1304, 508640-62-1304, 509059-62C-1304, 530582-62-1312, 530876-61-1401, 536208-62-1403, 536361-62-1403, 536365-62-1403, 536386-62-1403, 536392-62-1403, 537967-62-1403 et 541581-62-1405

ACCUEILLE les requêtes de la Corporation de Gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent (la Corporation) ;

INFIRME les décisions rendues par la CSST à la suite d’une révision administrative ;

DÉCLARE que la Loi sur la santé et la sécurité du Québec est inapplicable à la Corporation de Gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent ;

ANNULE toutes les décisions rendues par les inspecteurs de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et qui impliquent la Corporation de Gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent.

DOSSIER 536215-62C-1403

ACCUEILLE la requête faite par la Corporation de Gestion de la Voie Maritime du Saint-Laurent le 14 mars 2014;

INFIRME la décision rendue le 6 mars 2014 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative ;

DÉCLARE que l’entreprise Versailles 48 est maître d’œuvre du chantier de construction constitué par la peinture de la machinerie d’entraînement aux écluses de Beauharnois.

DOSSIER 558818-62-1412

REJETTE la requête faite par la Corporation de Gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent le 3 décembre 2014;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 26 novembre 2014 à la suite d’une révision administrative ;

DÉCLARE irrecevable la demande faite le 13 février 2013 par la Corporation de Gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent à l’encontre du rapport d’intervention RAP0777474.

 

 

 

__________________________________

 

Robert Langlois

 

 

 

Me Patrick Essiminy

STIKEMAN, ELLIOTT

Représentant de Corporation de Gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent

 

 

 

Me Pierre-Michel Lajeunesse et Me Dominique Trudel

VIGNEAULT, THIBODEAU, BERGERON

Représentants de la partie intervenante

 

 

 

ANNEXE

Jurisprudence déposée par la Corporation de Gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent

 

Tessier Ltée c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail) 2012 2 R.C.S. 3.

 

Colombie-Britanique (Procureur général) c. Lafarge Canada Inc. [2007] 2 R.C.S. 86.

 

Code canadien du travail et TCA-Canada et Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent, CCRI, ordonnance no 7823-U.

 

Corporation de Gestion de la Voie Maritime du Saint-Laurent, 2012 TSSTC 42.

 

Administration de la voie maritime du Saint-Laurent et Travailleurs canadiens de l’automobile, TSSTC, décision no 02-020, 10 octobre 2002.

 

Administration de la voie maritime du Saint-Laurent et Travailleurs canadiens de l’automobile, TSSTC, décision no 03-008, 4 avril 2003.

 

Marine Services International Ltd. c. Ryan (Succession), [2013] 3 R.C.S. 53.

 

Banque Canadienne de l’Ouest c. Alberta, [2007] 2 R.C.S. 3.

 

Bell Canada c. Québec (CSST), [1988] 1 R.C.S. 749.

 

Chemins de fer nationaux du Canada c. Courtois, [1988] 1 R.C.S. 868.

 

Alltrans Express Ltd. c. C.-B. (W.C.B.), [1988] 1 R.C.S. 897.

 

Québec (Procureur général) c. Canadian Owners and Pilots Association, [2010] 2 R.C.S. 536.

 

Marie-Ève Éthier et Commission des lésions professionnelles et autres, 2014 QCCS 1092.

 

The City of Halifax v. Halifax Harbour Commisionners, [1935] S.C.R. 215.

 

Administration du pipe-line Nord c. John Perehinec, [1983] 2 R.C.S. 513.

 

Gauthier v. The King, [1918] S.C.R. 176.

Sa Majesté du chef de la province de l’Alberta c. Commission canadienne des transports, [1978] 1 R.C.S. 61.

 

Société du Crédit agricole Canada c. Lyman E. Smyth, C.S. Québec, 200-05-001671-937, 15 avril 1994, J. Pidgeon.

 

Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Hydro-Québec, 2011 QCCA 1314.

 

Hôpital Royal Victoria et Construction Gasperino Di Iorio, CLP 27304-60-9103, 25 septembre 1992, G. Perreault.

 

Pétro-Canada et autres, CLP 239803-71-0407, 12 octobre 2004, R. Langlois.

 

Ministère des Transports du Québec et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2014 QCCLP 5861.

 

J.E. Verreault  et Les entreprises Toitpro inc., 2008QCCLP 2837.

 

9087-7689 Québec inc. et Tour Pro-Dev inc., 2013 QCCLP 5452.

 

Mines Wabush et Axor Construction Canada, CLP 106526-09-9811, 19 avril 1999, A. Vaillancourt.

 

Doctrine déposée par la Corporation de Gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent

 

Robert P. GAGNON, « Le partage de la compétence législative », dans Robert P. GAGNON, Droit du travail, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, pp. 15-23.

 

Peter W. HOGG, PATRICK J. MONAHAN ET WADE K. WRIGHT, « Libility of the Crown », Toronto, Carswell, pp. 445-482.

 

Patrice GARANT, Gilles LECLERC, « La qualité d’agent de la Couronne ou du mandataire du gouvernement », (1979) 20 Cahiers de droit 485, pp. 486-514.

 

Paul LORDON, « Crown Law », Toronto, Butterworths Canada Ltd, 1991, pp 54, 119-128.

 

Législation déposée par la Corporation de Gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent

 

Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, ch. 3 (R.U.).

 

Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2.

 

Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, DORS/86-304.

 

Loi établissant l’Administration de la voie maritime du Saint-Laurent, S.R., 1952.

 

Loi portant constitution de l’Administration de la voie maritime du Saint-Laurent, R.S.C. 1985, c. S-2.

 

Loi maritime du Canada, L.C. 1998, ch. 10.

 

Loi sur les corporations canadiennes, S.R.C. 1970, ch. C-32.

 

Loi sur la sûreté du transport maritime, L.C. 1994, ch. 40.

 

Règlement sur la sûreté du transport maritime, DORS/2004-144.

 

Jurisprudence déposée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail

 

Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Hydro-Québec, 2011 QCCA 1314.

 

CSST c. Les entreprises Jacques Meunier inc., T.T. Montréal, n° 500-28-000883-835, 24 mai 1984, j. Brière.

 

Hydro-Québec et CSST, 2008 QCCLP 6019.

 

Sonaca NMF Canada inc. et Consortium MR Canada Ltée, 2009 QCCLP 8771.

 

Commission de la santé et de la sécurité du travail c. G. Gazaille Construction Inc., T.T. Montréal, n°500-29-000341-899, 9 août 1990, j. Prud’homme.

 

Commission de la santé et de la sécurité du travail c. La commission des écoles catholiques de Montréal, T.T. Montréal, n° 500-63-000373-95, 25 octobre 1995, j. Langlois.

 

Cie Minière Québec Cartier et DLT Construction, CALP 09-00005-8604, 19 novembre 1986, R. Brassard.

 

Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Electrolux Canada Corp., 2010 QCCQ 1906.

 

Construction Valbrice inc. et Université Concordia, 1989 CALP 638-646 (résumé).

 

J.E. Verreault & Fils et Les Entreprises Toitpro inc., 2008 QCCLP 2837 (résumé).

 

Commission scolaire de Laval et Entreprises Denpro inc., 2011 QCCLP 4435 (résumé).

 

Bell Canada c. Québec (CSST), [1988] 1 R.C.S. 749.

 

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Courtois, [1988] 1 S.C.R. 868.

 

Alltrans Express ltd c. C-B. (W.C.B.), [1988] 1 R.C.S. 897.

 

Sobeys Québec Inc. c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), 2012 QCCA 1329.

 

Construction Montcalm Inc. c. La Commission du salaire minimum, [1979] 1 R.C.S. 754.

 

Procureur général du Canada et ministre de la Santé du Canada v. PHS  Comm. Serv. Soc., [2011] 3 S.C.R. 134.

 

Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique, [2014] 2 R.C.S. 256.

 

Banque Can. De l’Ouest c. Alberta, [2007] 2 R.C.S. 3.

 

Banque de Montréal c. Marcotte, [2014] C.S.C. 55.

 

Québec (Procureur général) c. Canadian Owners and Pilots Association, [2010] 2 R.C.S. 536.

 

Ville de Québec et Savard & Dion Inc., [1986] CALP 01.

 

Doctrine déposée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail

 

René NAPERT et François DARVEAU, « Le maître d’œuvre sur un chantier de construction », (1988) 29 C. de D. 147, 150.

 

Jurisprudence déposée par le Procureur général du Québec

 

Phillips c. Nouvelle-Écosse (Enquête Westray), [1995] 2 R.C.S. 97.

 

Westeel-Rosco Ltd. et autres, [1977] 2 R.C.S. 238.

 

R. c. Eldorado Nucléaire Ltée, [1983] 2 R.C.S. 551.

 

Metropolitan Meat lndustry c. Sheedy, J.C. 1927, July 5.

 

Gauthier c. The King, [1918] S.C.R. 176.

 

Dominion Building Corporation et The King, J.C. 1933, May 9.

 

The Queen c. Murray, [1967] R.C.S. 262.

 

P.G. du Qué. et Keable c. P.G. du Can. et autres, [1979] 1 R.C.S. 218.

 

Alberta Government Telephones c. C.R.T.C., [1989] 2 R.C.S. 225.

 

SEFPO c. Ontario (Attorney General), [1987] 2 R.C.S. 2.

 

General Motors of Canada Ltd. c. City National Leasing, [1989] 1 R.C.S. 641.

 

CTCUQ c. Canada, [1990] 2 R.C.S. 838.

 

Banque Canadienne de l’Ouest c. Alberta, [2007] 2 R.C.S. 3.

 

Québec (Procureur général) c. Canada (Ressources humaines et Développement social), [2011] 3 R.C.S. 635.

 

Québec (P. G.) c. Tribunal de l’Expropriation, [1986] 1 R.C.S. 732.

 

Bell Canada c. Québec (CSST), [1988] 1 R.C.S. 749.

 

Alltrans Express Ltd. c. C.-B. (W.C.B.), [1988] 1 R.C.S. 897.

 

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Courtois, [1988] 1 R.C.S. 868.

 

Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu (Can.), 2000 CSC 31.

 

R. c. Morgentaler, [1993] 3 R.C.S. 463.

 

Siemens c. Manitoba (Procureure général), [2003] 1 R.C.S. 6.

 

Québec (Procureur général) c. Canadian Owners and Pilots Association, [2010] 2 R.C.S. 536.

 

Marine Services International Ltd. c. Ryan (Succession), [2013] 3 R.C.S. 53.

 

Banque de Montréal c. Marcotte, [2014] CSC 55.

 

Nation Tsilhqot’ in c. Colombie-Britannique, [2014] 2 R.C.S. 256.

 

Commission du salaire minimum c. Bell Telephone Co. of Canada, [1966] R.C.S. 767.

 

Construction Montcalm Inc. c. Com. Sal. Min., [1979] 1 R.C.S. 754.

 

Québec (Procureur général) c. Midland Transport Itée, 2007 QCCA 467.

 

Foster c. Procureur général de la province de Québec, C.A. Montréal, 500-10-000101-921, 10 mai 1005, jj. Brossard, Proulx, Otis.

 

lrwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927.

 

Transport Robert (1973) Ltée c. Société québécoise de Développement de la main- d’oeuvre, C.A. Québec, 200-09-001773-974, 11 septembre 2000, jj. Michaud, Otis, Forget.

 

Doctrine déposée par le Procureur général du Québec

 

Peter W. HOGG, Patrick J. MONAHAN, Wade K. WRIGHT, Liability of the Crown, 4th Edition, Carswell, ch. 15 p. 396 à 417 et ch. 16 P. 461 à 466.

 

Peter W. HOGG, Constitutional Law of Canada, Fifth Ed. Supplemented, Vol. 1, Carswell, ch. 10.

 

La Couronne en droit canadien, Ministère de la Justice du Canada, Éditions Yvon Biais, 1992, p. 38 à 43 et 143 à 148.

 

Hubert REID, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 3e édition, Wilson et LafLeur, p. 540-541;SC21.

 

Henri BRUN, Guy TREMBLAY, Eugénie BROUILLET, Droit constitutionnel, 6e édition, Editions Yvon Blais, p. 82.

 

Législation déposée par le Procureur général du Québec

 

Loi constitutionnelle de 1877, 30 & 31 Victoria c. 3 (R.-U).

 

Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ, c. S-2.1.

 

Code canadien du travail, L.R.C. (1985).

 

Loi maritime du Canada, L.C. 1998, ch. 10.

 

Loi sur l’Administration de la voie maritime du Saint-Laurent, S.R., ch. S-1.

 

Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985) ch. F-11.

 

Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch.A-1.

 

Loi de l’impôt sur le revenu, S.R.C. 1985, ch. 1.

 

Règlement sur les Ponts Jacques-Cartier et Champlain inc., DORS/98-568.

 



[1]           RLRQ c. S-2.1.

[2]           RLRQ c. S-2.1, r.6.

[3]           30 & 31 Victoria, ch. 3 (R.U.).

[4]          L.R.C. 1985, c. L-2.

[5]           2013 QCCLP 670.

[6]           2013 QCCLP 1466.

[7]           Cahier de pièces déposé par la Corporation, onglet 3, p.16.

[8]           Pichette Électrique.

[9]          Société immobilière du Québec et J.C. Verreault ltée, 60-00078-8605, 29 octobre 1986, R. Brassard; Construction Valbrice inc. et Université Concordia, [1989] C.A.L.P. 638; Ville de Montréal et Monarch Préco (1984) ltée, [1990] C.A.L.P. 89; Hôpital Royal Victoria et Construction Gaspérilo Di Iorio, [1993] C.A.L.P. 312 ; Commission scolaire des Affluents et Tanaka construction inc., C.L.P. 134706-63-003, 26 avril 2000, S. Lemire; Concordia Construction inc. et CSN, C.L.P. 224947-72-0312, 30 mars 2004, P. Perron; Ministère des Transports du Québec et Excavation Chicoutimi inc., C.L.P. 281152-09-0602, 7 août 2006, D. Sams; Hydro-Québec et Bétonnière La Tuque inc., C.L.P. 298532-04-0608, 2 avril 2007, G. Tardif, révision refusée : 19 novembre 2007, S. Sénéchal; Constructions Gagné & Fils inc. et al. 2015 QCCLP 753; Commission scolaire de Laval et al., 2011 QCCLP 4435; Ministère des Transports du Québec et al., 2014 QCCLP 5861; Condos Bella Vista du Nouveau Saint-Laurent inc. (Les) et al., 2015 QCCLP 259.

[10]         Précitée, note 7.

[11]         Hydro-Québec et A.I.T.P.F.S.O. (local 711), 303194-09-0611, 21 octobre 2008, M. Racine.

[12]         Commission scolaire de Laval et CSST, 2011 QCCLP 4435; Ministère des Transports et CSST, 2014 QCCLP 5861.

[13]         Entreprise G.N.P. inc. et CSST, 2014 QCCLP 2407.

[14]         Ville de Québec et Savard & Dion inc., [1986] C.A.L.P. 01 ; Société immobilière du Québec et Alain Lavoie ltée, [1986] C.A.L.P. 289 ; Société immobilière du Québec et Hickey & Maltais, [1987] C.A.L.P. 136; Construction Valbrice inc. et Université Concordia, [1989] C.A.L.P. 638 ; Ville de Montréal et Monarch Préco (1984) ltée, [1990] C.A.L.P. 89 ; Université de Sherbrooke et Entreprises Yvan Frappier inc., C.L.P. 107175-05-9811, 99-05-03, Alain Vaillancourt; Construction Idéal de Granby inc. et Aliments Ultima inc., 2012 QCCLP 2922; 9087-7689 Québec inc. et Tour Pro-Dev inc., 2013 QCCLP 5452; Ministère des Transports du Québec et al., 2014 QCCLP 5861; Constructions Gagné & Fils inc. et al. 2015 QCCLP 753.

[15]         L.C. 1994, ch. 40.

[16]         Cahier de pièces déposé par la Corporation, onglet 13, section « Exigences corporatives de sécurité », p. 3.

[17]         Précitée, note 14.

[18]         Cahier de pièces déposé par la Corporation, onglet 4, p.2.

[19]         S.R.C. 1985, ch. 1.

[20]         Bell Canada c. Québec (CSST), [1988] 1 R.C.S. 749.

[21]         Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Courtois, [1988] 1 R.C.S. 868.

[22]         Alltrans Express ltd. c. C.-B. (W.C.B.), [1988] 1 R.C.S. 897.

[23]         Chapitre traitant de l’inspection.

[24]         Chapitre traitant de dispositions particulières relatives aux chantiers de construction.

[25]         Patrice GARANT et Gilles LECLERC, « La qualité d’agent de la Couronne ou de mandataire du gouvernement », (1979) 20 Cahiers de droit 485, p.499.

[26]         Gauthier v. The King, [1918] S.C.R. 176.

[27]         Chapitre 42, S.R. 1952.

[28]         L.C. 1998, ch. 10.

[29]         Dominion Building Corporation v. The King [1993] A.C. 533; R. v. Murray et al., [1967] S.C.R. 262.

[30]         R. c. Eldorado Nucléaire Ltd [1983] 2 R.C.S. 551; Le procureur général de l’Ontario c. SEFPO [1987] 2 R.C.S. 2; General Motors ltd. c. City National Leasing, [1989] 1 R.C.S. 641; Alberta Government telephones c. C.R.T.C. [1989] 2 R.C.S. 225.

[31]         General Motors of Canada Ltd. c. City National Leasing, [1989] 1 R.C.S. 641; Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, [2007] 2 R.C.S. 3; Marine Services International Ltd. c. Ryan (Succession), [2013] 3 R.C.S. 53; Banque de Montréal c. Marcotte, 2014 CSC 55; Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britanique, [2014] 2 R.C.S. 256.

[32]         Soulignons que les articles 177 à 193 forment le chapitre X de la LSST.

[33]         Précitée, note 31.

[34]         Banque canadienne de l’ouest c. Alberta, précitée note 31; Marine Services International Ltd. c. Ryan (succession), précitée note 31; Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britanique, précitée note 31.

[35]         Précitée, note 31.

[36]         Chapitre R-20.

[37]         Pierre-André CÔTÉ avec la collab. de Stéphane BEAULAC et Mathieu DEVINAT, Interprétation des lois, 4e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2009.

[38]         Voir les articles 195, 208, 213 et 215.

[39]         Sobeys Québec inc. c. CSST, 2012 QCCA 1329, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée.

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