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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Longueuil |
7 décembre 2006 |
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Région : |
Montérégie |
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Dossier CSST : |
127543775 |
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Commissaire : |
Lucie Couture, avocate |
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Membres : |
Mario Lévesque, associations d’employeurs |
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Pierre Jutras, associations syndicales |
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Assesseure : |
Monique Bourbeau, médecin |
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Partie requérante |
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Garderie éducative Mimi Pinson inc. |
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Partie intéressée |
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[1] Le 14 juillet 2006, madame Jenny Quintana (la travailleuse) dépose une requête, à la Commission des lésions professionnelles, par laquelle elle conteste la décision rendue le 15 juin 2006, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST refuse la relation entre le diagnostic de déchirure de l’extenseur commun du coude gauche et l’événement du 13 avril 2005. Elle déclare que la travailleuse n’a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
La travailleuse est présente à l’audience tenue à Longueuil, le 6 décembre 2006. La Garderie éducative Mimi Pinson inc. (l’employeur) est, pour sa part, absente à l’audience.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[3] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le diagnostic de déchirure de l’extenseur commun du coude gauche est en relation avec l’événement du 13 avril 2005 et qu’elle a droit aux prestations prévues par la loi.
L’AVIS DES MEMBRES
[4] Le membre issu des associations d’employeurs, monsieur Mario Lévesque et le membre issu des associations syndicales, monsieur Pierre Jutras sont d’avis de faire droit à la requête de la travailleuse. Ils estiment que les gestes accomplis dans le cadre de son travail de cuisinière sont responsables de la déchirure du tendon commun des extenseurs. Cette déchirure est donc caractéristique ou reliée aux risques particuliers de son travail de cuisinière.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[5] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le diagnostic de déchirure de l’extenseur commun du coude gauche est en relation avec l’événement du 13 avril 2005 et si la travailleuse a droit aux prestations prévues par la loi en raison de ce diagnostic.
[6] La loi définit ainsi la lésion professionnelle et la maladie professionnelle :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;
[7] Le législateur a prévu une présomption de maladie professionnelle pour certaines maladies énumérées à l’annexe I. En l’espèce, cette présomption ne peut jouer en faveur de la travailleuse parce que le diagnostic en cause ne fait pas partie des maladies listées à cette annexe.
[8] Il appartient donc à la travailleuse de faire la preuve que la déchirure du tendon commun des extenseurs du coude gauche est caractéristique ou reliée aux risques particuliers de son travail.
[9] La Commission des lésions professionnelles retient les éléments suivants :
[10] La travailleuse est une cuisinière à l’emploi de l’employeur depuis le mois d’août 2003. Elle est gauchère. Le 18 mai 2005, elle complète une réclamation à la CSST dans laquelle elle se plaint de douleurs au bras gauche qu’elle relie aux tâches qu’elle effectue à titre de cuisinière. Elle précise devoir laver des chaudrons lourds et transporter des bacs également lourds. Elle indique devoir faire des mouvements répétitifs dans le cadre de son travail, en préparant les repas, ouvrir les boîtes de conserve, etc. Elle explique avoir du mal à même ouvrir une porte.
[11] Elle indique avoir cessé le travail le 6 mai 2005. L’employeur mentionne avoir été informé de la situation, le 9 mai 2005.
[12] Le 17 mai 2005, le docteur Klosowski pose un diagnostic d’épicondylite du coude gauche. Elle indique comme date d’événement le 13 avril 2005. Elle prescrit de la physiothérapie et des anti-inflammatoires.
[13] Sur une autre attestation datée du même jour, le médecin mentionne comme date d’événement le 12 avril 2005.
[14] Le 31 mai 2005, le docteur Klosowski procède à une infiltration du coude gauche. Elle poursuit les traitements de physiothérapie. Dans les visites subséquentes, elle reconduit son diagnostic. Le 22 juin 2005, elle dirige la travailleuse en physiatrie.
[15] Le 21 juillet 2005, le docteur Klosowski autorise un retour au travail progressif à compter du 1er août 2005.
[16] Puis, le 24 août 2005, elle autorise un retour au travail régulier.
[17] Le 13 septembre 2005, la CSST, à la suite d’une révision administrative, modifie la décision rendue le 3 juin 2005. Elle déclare que compte tenu de la nature des gestes effectués par la travailleuse, lesquels impliquent des flexions, extensions du poignet gauche et des mouvements de supination et de pronation de l’avant-bras gauche, la travailleuse a démontré que l’épicondylite gauche est caractéristique de son travail de cuisinière ou reliée aux risques particuliers de ce travail. La CSST accepte donc la réclamation de la travailleuse.
[18] Quelques jours plus tard, soit le 15 septembre 2005, la travailleuse voit le docteur Sylvain Lussier, physiatre. Ce dernier pose un diagnostic d’épicondylite humérale gauche pour laquelle il prescrit une résonance magnétique. Dans sa note de consultation, il précise qu’il est probable que la travailleuse présente une déchirure de l’extenseur commun.
[19] Le 12 octobre 2005, le rapport de cet examen confirme une tendinopathie sévère du tendon commun des extenseurs compliquée d’une large désinsertion partielle de ce tendon. On suspecte également la possibilité d’une rupture du ligament collatéral latéral.
[20] Le 25 novembre 2005, le docteur Lussier mentionne que la résonance a confirmé la déchirure de l’extenseur commun. Il note toutefois une bonne évolution de l’état de la travailleuse et autorise un retour au travail.
[21] Le docteur Klosowski, en décembre 2005, reprend ce diagnostic et recommande des traitements de physiothérapie.
[22] Le 4 janvier 2006, elle prescrit une orthèse.
[23] Par contre, le 7 mars 2006, la CSST refuse la relation entre la déchirure partielle du tendon de l’extenseur commun et le travail effectué par la travailleuse. La travailleuse demande la révision de cette décision.
[24] Le tribunal est d’avis de faire droit à la requête de la travailleuse. En effet, par la décision de la révision administrative, la CSST reconnaît que le travail effectué par la travailleuse est de nature à avoir causé une épicondylite du coude gauche.
[25] Le 1er mars 2006, le docteur Gilles Mathieu, médecin régional de la CSST, émet une opinion à la suite du résultat de la résonance magnétique. Il est d’avis que la déchirure constatée est de nature dégénérative. Cependant, il précise que « si le travail implique des sollicitations répétitives et contraignantes de ce tendon, la relation est acceptable ».
[26] Le 15 juin 2006, la CSST, à la suite d’une révision administrative, confirme la décision du 7 mars 2006 d’où la présente requête de la travailleuse.
[27] Le tribunal retient également l’opinion du physiothérapeute de la travailleuse qui, dans une lettre datée du 27 juin 2006, est d’avis que les gestes qu’a continué de faire la travailleuse à son travail après le début de ses douleurs et le travail qu’elle accompli peuvent être responsables de la déchirure du tendon observée à la résonance magnétique.
[28] Le 13 juillet 2006, le docteur Klosowski écrit à la CSST. Dans cette lettre, elle réitère son opinion déjà exprimée à plusieurs reprises dans ses notes de consultation, à l’effet que le travail accompli par la travailleuse est responsable de la déchirure découverte à la résonance magnétique. Elle explique que comme les symptômes d’une épicondylite et d’une déchirure du tendon sont semblables, il n’est pas étonnant de ne pas avoir pu, dès le début des traitements et sans avoir le résultat de la résonance magnétique, poser ce diagnostic de déchirure.
[29] Le tribunal estime que les gestes décrits par la travailleuse sont de nature à occasionner une épicondylite puisqu’ils impliquent une sollicitation des tendons extenseurs de l’avant-bras gauche. C’est aussi la conclusion retenue par la CSST, à la suite d’une révision administrative.
[30] Bien que la résonance ait démontré une tendinopathie sévère du tendon commun des extenseurs au niveau du coude, le tribunal partage l’opinion du docteur Mathieu et du docteur Klosowski, à l’effet que des gestes impliquant des sollicitations importantes de ce tendon, sont de nature à avoir causé la déchirure observée à la résonance magnétique.
[31] Le tribunal est d’avis que les gestes de flexion et d’extension du poignet ainsi que ceux de supination et pronation du coude et de la main, exécutés souvent avec force, que devait faire la travailleuse dans le cadre de son travail de cuisinière, sont des gestes de nature à avoir causé la déchirure en question ou à tout le moins, sont de nature à rendre symptomatique cette déchirure. Cette déchirure doit, au même titre que l’épicondylite, être reconnue à titre de maladie caractéristique ou reliée aux risques particuliers du travail de cuisinière.
[32] Il faut également préciser que l’employeur, absent à l’audience, n’a fait valoir aucun argument permettant de rejeter cette conclusion.
[33] Il y a donc lieu de faire droit à la requête de la travailleuse.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de madame Jenny Quintana, la travailleuse;
INFIRME la décision rendue le 15 juin 2006, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le diagnostic de déchirure du tendon commun des extenseurs du coude gauche est caractéristique ou relié aux risques particuliers du travail exercé par la travailleuse. Elle a donc droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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Lucie Couture |
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Commissaire |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.