Décision

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Chicoine et Sherbrooke (Ville de)

2011 QCCLP 7027

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Sherbrooke

27 octobre 2011

 

Région :

Estrie

 

Dossier :

442473-05-1106

 

Dossier CSST :

137567830

 

Commissaire :

François Ranger, juge administratif

 

Membres :

Nicole Girard, associations d’employeurs

 

Gisèle Chartier, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Israel Chicoine

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Ville de Sherbrooke

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 29 juin 2011, monsieur Israel Chicoine (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue le 17 juin 2011 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par celle-ci, la CSST confirme sa décision initiale du 10 février 2011 en déclarant que le travailleur n’a pas droit à des prestations pour combler la perte d’un téléphone cellulaire.

[3]           Le 20 octobre 2011, l’audience se déroule à Sherbrooke. Le travailleur est représenté par monsieur Pierre Handfield alors que le procureur de Ville de Sherbrooke (l’employeur) est absent. Toutefois, ce dernier a déposé une argumentation écrite (Pièce E-1).

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande de reconnaître que la CSST doit l’indemniser pour la perte de son téléphone cellulaire.

LA PREUVE

[5]           En qualité de poseur d’aqueduc et d’opérateur C, le travailleur est à l’emploi de l’employeur.

[6]           Le 24 janvier 2011, il subit une lésion professionnelle lorsque le véhicule qu’il conduit pour déneiger et déglacer des trottoirs effectue une embardée. À ce moment, il est victime d’une contusion à la hanche droite et d’une entorse dorsolombaire. Pour ces blessures, il sera indemnisé par la CSST.

[7]           Lors du même événement, le travailleur perd son téléphone cellulaire. Pendant son témoignage, il explique que l’appareil était rangé dans sa boîte à lunch, laquelle s’est vidée de son contenu quand son véhicule s’est renversé. Malgré ses efforts, il n’a pas retrouvé l’appareil.

[8]           Bien que l’employeur prohibe l’usage d’un téléphone cellulaire personnel durant les périodes de travail, le travailleur avance qu’il est avantageux d’en posséder un. Par exemple, si le système de communication de son véhicule tombe en panne, il dit qu’il peut utiliser son téléphone cellulaire pour obtenir du secours. Il souligne que cela s’est produit lorsque l’alternateur de son véhicule a cessé de fonctionner. De même, quand il ne se trouve pas à bord du véhicule, il déclare que l’employeur peut toujours le joindre en composant le numéro de son téléphone cellulaire. Toutefois, il concède qu’il est rare que cette situation survienne.

[9]           Bref, ayant perdu son téléphone cellulaire lors de l’accident du travail du 24 janvier 2011, il estime que la CSST doit l’indemniser pour la perte de l’appareil.


L’AVIS DES MEMBRES

[10]        Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs retiennent que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) ne prévoit aucune indemnisation pour la perte d’un téléphone cellulaire.

[11]        Dans ces circonstances, ils jugent la décision en litige correcte.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[12]        Il s’agit de déterminer si la CSST doit verser au travailleur une quelconque indemnité pour combler la perte de son téléphone cellulaire.

[13]        Tel qu’indiqué à son article 1, la loi « a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires ».

[14]        En ce qui regarde le remboursement d’objets endommagés en raison d’une lésion professionnelle, elle prévoit :

112.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit, sur production de pièces justificatives, à une indemnité maximale de :

 

1° 300 $ pour le nettoyage, la réparation ou le remplacement des vêtements endommagés par suite d'un accident du travail;

 

2° 300 $ par année pour les dommages causés à ses vêtements par une prothèse ou une orthèse au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2) dont le port est rendu nécessaire en raison d'une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 112; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.

 

113.  Un travailleur a droit, sur production de pièces justificatives, à une indemnité pour la réparation ou le remplacement d'une prothèse ou d'une orthèse au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2) endommagée involontairement lors d'un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant par le fait de son travail, dans la mesure où il n'a pas droit à une telle indemnité en vertu d'un autre régime.

 

L'indemnité maximale payable pour une monture de lunettes est de 125 $ et elle est de 60 $ pour chaque lentille cornéenne; dans le cas d'une autre prothèse ou orthèse, elle ne peut excéder le montant déterminé en vertu de l'article 198.1 .

__________

1985, c. 6, a. 113; 1992, c. 11, a. 5; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.

 

 

114.  Les indemnités visées au paragraphe 1° de l'article 112 et, s'il s'agit d'une prothèse dentaire ou d'une orthèse oculaire, à l'article 113 sont assujetties à une franchise de 25 $ chacune.

__________

1985, c. 6, a. 114

 

 

[15]        Ainsi, en regard de dommages causés à un téléphone cellulaire, la loi est muette.

[16]        De même, il n’existe aucune disposition réglementaire prévoyant que la CSST doit combler, quand survient une lésion professionnelle, la perte d’un téléphone cellulaire.

[17]        Par ailleurs, dans une affaire où elle a refusé d’ordonner le paiement d’une indemnité pour le remplacement d’une montre et d’une bicyclette endommagées lors d’un accident du travail, la Commission des lésions professionnelles a écrit :

 

[…]

 

[14] L’objet de la loi est de réparer les conséquences résultant d’une lésion professionnelle. Cependant, la loi fixe des limites à cette réparation et il n’appartient pas au tribunal de modifier la loi pour y ajouter des droits qui n’y sont pas prévus, ou encore, supprimer les conditions d’acquisition des droits qui y sont consentis.

 

[15] Comme dans l’affaire Gillam et Centre Molson inc.1, la commissaire soussignée est d’avis que l’objectif énoncé à l’article 1 de la loi n’habilite pas le tribunal à accorder plus de droits ou à créer des obligations à la CSST au-delà de ce qui est prévu par la loi d’où le tribunal tire sa compétence et ses pouvoirs.

 

[16] De l’avis de la commissaire soussignée, le même raisonnement s’applique au devoir de rendre des décisions suivant l’équité, d’après le mérite réel et la justice du cas.

 

[17] D’ailleurs, la Cour d’appel a rappelé dans l’affaire Chaput c. STCUM2 que l’application de la loi doit permettre aux travailleurs d’obtenir les prestations auxquelles ils ont droit, mais pas davantage.

 

[…][2]

__________

1      [1999] C.L.P. 940 .

2      [1992] C.A.L.P. 1253 , requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 4 mars 1993 (23265).

 

 

[18]        Pour ces raisons, la CSST a eu raison de décider qu’elle n’était pas tenue d’indemniser le travailleur pour la perte de son téléphone cellulaire.

[19]        Enfin, lors de l’audience, le représentant du travailleur a invité la Commission des lésions professionnelles à examiner si le travailleur pouvait initier, malgré l’article 438 de la loi, un recours civil contre son employeur pour obtenir l’indemnisation recherchée. L’article 438 prévoit :

438.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle ne peut intenter une action en responsabilité civile contre son employeur en raison de sa lésion.

__________

1985, c. 6, a. 438.

 

[20]        Or, il n’appartient pas à la Commission des lésions professionnelles de décider de cette question. C’est au tribunal qui sera saisi de ce recours, si semblable action en responsabilité civile est entreprise, qu’il appartiendra de trancher ce point.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête du travailleur, monsieur Israel Chicoine;

CONFIRME la décision rendue le 17 juin 2011 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail n’a pas à verser une quelconque indemnité pour combler la perte du téléphone cellulaire du travailleur.

 

 

 

 

 

 

 

__________________________________

 

François Ranger

 

 

 

Monsieur Pierre Handfield

S.C.F.P.

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Serge Cormier

SAUVÉ CORMIER CHABOT ASS.

Représentant de la partie intéressée

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Bastien et Société des alcools du Québec, C.L.P. 310504-31-0702, 11 septembre 2007, G. Tardif.

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