Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Construction Polaris et Robertson

2013 QCCLP 277

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Laval

18 janvier 2013

 

Région :

Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent et

Côte-Nord

 

Dossiers :

455535-09-1111      471656-09-1205

 

Dossier CSST :

138020318

 

Commissaire :

Jacques David, juge administratif

 

Membres :

Mary Ann Morin, associations d’employeurs

 

Robert Blais, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Construction Polaris

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Martin Robertson

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 455535-09-1111

[1]           Le 21 novembre 2011, l’entreprise Construction Polaris (l’employeur) dépose, à la Commission des lésions professionnelles, une requête par laquelle elle conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 17 novembre 2011, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme en partie une décision qu’elle a rendue le 12 octobre 2011 et déclare qu’elle était justifiée de suspendre à compter du 12 octobre 2011 l’indemnité de remplacement du revenu de monsieur Martin Robertson versée conformément à l’article 179 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) puisqu’à compter du 19 septembre 2011 il a, sans raison valable, omis ou refusé d’exécuter l’assignation temporaire offerte par l’employeur depuis le 17 septembre 2011.

Dossier 471656-09-1205

[3]           Le 3 mai 2012, l’employeur dépose, à la Commission des lésions professionnelles, une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 25 avril 2012, à la suite d’une révision administrative.

[4]           Par cette décision, la CSST confirme les décisions qu’elle a rendues les 23 et 26 mars 2012. Elle déclare que le travailleur était capable d’effectuer les tâches auxquelles l’employeur voulait l’assigner le 14 mars 2012 et qu’elle était justifiée de refuser de réduire ou de suspendre les indemnités du travailleur pour la période comprise entre sa contestation de l’assignation temporaire de travail et la décision qui confirme le bien-fondé de l’assignation.

[5]           À l’audience tenue à Sept-Îles le 4 juin 2012, l’employeur est représenté par MOlivier Champagne. Le travailleur n’est pas présent. Il n’a pas informé le tribunal au préalable de son absence. Le tribunal a procédé à l’instruction de l’affaire conformément à l’article 429.15 de la loi.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

[6]           L’employeur réitère ses demandes de suspension de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur à compter du 19 septembre 2011 et du 27 février au 11 mai 2012 compte tenu de l’omission du travailleur d’effectuer l’assignation temporaire de travail qui lui a été offerte. L’employeur ne remet pas en cause la capacité du travailleur à effectuer l’assignation temporaire de travail du 27 février 2012.

L’AVIS DES MEMBRES

[7]           Les membres issus des associations syndicales et d'employeurs émettent un avis unanime. Ils considèrent que la CSST est justifiée de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur à compter du 12 octobre 2011 seulement. Elle ne pouvait suspendre cette indemnité durant la période de contestation de l’assignation temporaire de travail par le travailleur. Ainsi, ils rejetteraient les contestations de l’employeur.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[8]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si les indemnités de remplacement du revenu du travailleur doivent être suspendues et le cas échéant pour quelles périodes. 

[9]           La réduction ou la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu d’un travailleur obéit notamment aux dispositions de l’article 142 de la loi :

142.  La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :

 

1° si le bénéficiaire :

 

a)  fournit des renseignements inexacts;

 

b)  refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;

 

2° si le travailleur, sans raison valable :

 

a)  entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;

 

b)  pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;

 

c)  omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;

 

d)  omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;

 

e)  omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180 ;

 

f)  omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274 .

__________

1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.

 

 

[10]        Dans le contexte d’une assignation temporaire de travail, les dispositions des articles 179 et 180 de la loi sont également pertinentes :

179.  L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que :

1° le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;

 

2° ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et

 

3° ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.

 

Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.

__________

1985, c. 6, a. 179.

 

 

180.  L'employeur verse au travailleur qui fait le travail qu'il lui assigne temporairement le salaire et les avantages liés à l'emploi que ce travailleur occupait lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle et dont il bénéficierait s'il avait continué à l'exercer.

__________

1985, c. 6, a. 180.

 

(le tribunal souligne)

 

 

[11]        Le 18 juin 2011, le travailleur a subi un accident du travail alors qu’à bord d’un bateau, il est frappé à la jambe gauche par un cordage. Le 21 juillet 2011, la CSST retient les diagnostics de contusion à la cuisse gauche et une entorse au genou gauche. Cette décision est confirmée le 19 septembre 2011 à la suite d’une révision administrative. La contestation de l’employeur de cette décision a fait l’objet d’un désistement à l’audience[2].

[12]        Le travailleur reçoit une indemnité de remplacement du revenu à compter de l’événement.

[13]        Le 18 août 2011, le docteur Frédéric Lasnier, qui a charge du travailleur, autorise une assignation temporaire de travail mentionnant en outre que presque tout travail assis lui paraît acceptable. Il proscrit le travail sur l’eau, sur un sol instable et toute mise en charge au niveau du genou. Ainsi, il identifie que le travailleur peut effectuer du travail clérical et répondre au téléphone.

[14]        Le 17 septembre 2011, un représentant de l’employeur informe le travailleur par téléphone qu’il doit se présenter à Natashquan le lendemain pour effectuer une assignation temporaire de travail soit d’effectuer du travail clérical et à titre de réceptionniste au bureau local de l’employeur.

[15]        Le dossier révèle que l’employeur a retenu un billet d’avion pour le travailleur entre sa résidence à Saint-Augustin et Natashquan. Il a pourvu également à son hébergement et sa subsistance sur place. Toutefois, le travailleur ne s’est pas présenté à l’aéroport. Dans une lettre déposée au dossier, le travailleur admet ne pas avoir voulu y aller, malgré deux appels de la compagnie d’aviation lui rappelant la réservation d’un billet d’avion.

[16]        Le travailleur souligne dans cette lettre notamment qu’il ne parle pas le français. Il soutient qu’il croyait que cette assignation était une « joke ». Il explique alors ne pouvoir effectuer ce travail temporaire puisqu’il est unilingue anglais.

[17]        Le 19 septembre 2011, l’employeur demande à la CSST de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur à compter de ce jour-là puisqu’il ne s’est pas présenté à l’assignation temporaire de travail autorisée par son médecin.

[18]        Le 12 octobre 2011, la CSST rend une décision dans laquelle elle suspend l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur à compter du 11 octobre. Tant l’employeur que le travailleur demandent la révision de cette décision. Cette décision est toutefois confirmée pour l’essentiel à la suite d’une révision administrative le 17 novembre 2011. La suspension est confirmée à compter du 12 octobre, soit à la date même de la décision initiale. Le réviseur a statué que la suspension ne peut avoir un effet rétroactif. Elle doit débuter à compter de la date de la décision.

[19]        Seul l’employeur a contesté cette décision devant le tribunal. Il demande que la suspension débute dès la date de la demande de suspension soit le 19 septembre 2011.

[20]        Selon les informations contenues aux documents déposés par le procureur de l’employeur lors de l’audience, le versement de l’indemnité de remplacement du revenu a été repris le 13 février 2012 alors que le travailleur a consulté le docteur Huu-Nghi Quach. Ce dernier retient le diagnostic d’entorse au ligament collatéral du genou gauche. Il réitère que le travailleur devrait subir un examen par résonance magnétique. Il dirige également ce dernier en orthopédie compte tenu de la persistance des symptômes. Il mentionne enfin des travaux légers en attendant l’examen paraclinique.

[21]        Le 27 février 2012, le docteur Michel Pineau remplit un formulaire d’assignation temporaire de travail devant être effectuée au siège social de l’employeur à Québec. Il s’agit d’un emploi de nettoyage de petits outils, de classement de pièces et de quincaillerie et petits travaux exercés assis ou debout sans « grosse » charge.

[22]        Le même jour, l’employeur demande à la CSST de suspendre à nouveau l’indemnité de remplacement du revenu car le travailleur ne s’est pas présenté à son assignation temporaire de travail.

[23]        Le 28 février 2012, le travailleur conteste l’assignation temporaire de travail offerte la veille. Toutefois le 22 mars, la CSST rend une décision dans laquelle elle considère que l’assignation respecte les critères de l’article 179 de la loi.

[24]        Le 23 mars 2012, la CSST refuse la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu demandée par l’employeur le 27 février compte tenu de la contestation. L’employeur demande la révision de cette décision.

[25]        Entretemps, le 6 mars 2012, le docteur Quach remplit un nouveau formulaire d’assignation temporaire de travail. Le travailleur conteste à nouveau cette assignation le 16 mars.

[26]        Le 19 mars, le docteur Lasnier consolide la lésion professionnelle avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Le même jour, le docteur Jean-François Fradet, orthopédiste, produit une expertise au bénéfice de l’employeur et retient le diagnostic de contusion à la cuisse gauche, d’entorse du ligament collatéral du genou gauche de grade I avec une déchirure du ménisque interne. Il retient une atteinte permanente évaluée à 12 % et une limitation fonctionnelle voulant que le travailleur ne devrait pas travailler en position accroupie.

[27]        Le 26 mars 2012, la CSST rend une autre décision dans laquelle elle réitère que l’assignation temporaire de travail est conforme aux critères prévus à la loi. Le travailleur demande la révision de cette décision.

[28]        Le 3 avril suivant, le docteur Lasnier rédige un rapport complémentaire dans lequel il se dit en accord avec les conclusions du docteur Fradet. Le même jour, il remplit un rapport final pratiquement au même effet. Le dossier ne contient aucune décision qui donne suite à ces rapports.

[29]        Le 25 avril 2012, la CSST rend une décision suite à une révision administrative des décisions rendues les 23 et 26 mars. Elle conclut que l’assignation temporaire de travail formulée le 6 mars par le docteur Quach est conforme à la loi et que le travailleur est en mesure de l’effectuer à compter du 14 mars[3]. Elle conclut également que la CSST était justifiée de ne pas suspendre l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur puisque celui-ci a valablement contesté l’assignation temporaire de travail. La loi prévoit dans ce cas que le travailleur peut continuer à recevoir l’indemnité de remplacement du revenu pour la période comprise entre sa contestation et la décision finale qui confirme le bien-fondé de l’assignation.

[30]        Seul l’employeur conteste cette décision devant le tribunal, le 2 mai 2012.

[31]        Selon les informations contenues au dossier, la CSST n’a cessé le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu que le 11 mai. Le dossier ne fait état d’aucune décision mettant fin à l’indemnité de remplacement du revenu.

[32]        Le procureur de l’employeur affirme que le travailleur s’est désintéressé de son dossier car il aurait débuté un autre travail vers novembre 2011. Il soutient que la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu est une mesure incitatrice. Il n’a pu assigner temporairement le travailleur en raison de son désintéressement. Dans ce cas, il croit que la suspension du mois d’octobre 2011 peut rétroagir au 19 septembre.

[33]        Le procureur soutient aussi que la CSST aurait dû cesser l’indemnité de remplacement du revenu au 25 avril, soit à la date de la décision rendue à la suite d’une révision administrative car celle-ci est devenue finale par l’absence de contestation du travailleur quant à la conformité de l’assignation temporaire de travail.

[34]        D’emblée, le tribunal constate que la jurisprudence reconnaît généralement un caractère incitatif à la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu. Ces décisions précisent que la suspension ne doit pas être rétroactive et débute à compter de la décision qui en décide.

[35]        Il existe toutefois plusieurs décisions qui concluent à la possibilité d’un caractère rétroactif à la suspension dans les cas d’omission sans raison valable d’effectuer une assignation temporaire de travail déterminée conformément aux articles 179 et 180 de la loi[4].

[36]        Dans l’affaire Hydro-Québec, précitée, la juge Lajoie fait état de la jurisprudence pertinente et de sa position que le tribunal partage ici :

[74]      La jurisprudence de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles et de la Commission des lésions professionnelles contient plusieurs exemples de décisions dans lesquelles le tribunal a eu à statuer sur cette question. Dans la plupart des cas, le tribunal en vient à la conclusion que l’article 142 de la loi n’a pas de portée rétroactive. Cette conclusion repose sur les arguments suivants :

 

-           La suspension doit prendre effet à la date de la décision à cet effet. Si elle est fait rétroactivement, elle prive le travailleur de la possibilité de mettre fin à la suspension en remédiant à la situation3 .

 

-           La suspension du versement de l’indemnité de remplacement du revenu ne peut pas être rétroactive parce que ce concept suppose l’existence d’un versement à faire et s’oppose donc à l’idée de la suspension d’une indemnité déjà versée4 .

 

-           Le pouvoir conféré à la CSST par l’article 142 de la loi n’est pas de nature punitive mais a pour but d’inciter le travailleur à remédier à l’une des situations visées dans cet article5 .

 

[75]      Dans l’affaire Berkline6 , le commissaire Ducharme précise que l’interprétation voulant que l’article 142 de la loi n’ait pas de portée rétroactive doit être retenue même si elle peut conduire à des résultats pratiques peu satisfaisants.

 

[76]      Toutefois, la Commission des lésions professionnelles a déjà conclu que, dans des circonstances particulières, l’article 142 pouvait avoir un effet rétroactif.

 

[77]      C’est le cas dans l’affaire Rivard et CLSC des Trois Vallées7,  dans laquelle la commissaire est d’avis que la position voulant que la suspension de l’indemnité ne peut avoir d’effet rétroactif est une application trop restrictive de l’article 142 de la loi. Elle rappelle que ces dispositions doivent être analysées en tenant compte du contexte où l’assignation temporaire revêt un intérêt financier pour l’employeur et favorise la réadaptation du travailleur. Or, si un travailleur, sans raison valable, omet de faire le travail proposé par l’employeur en vertu de l’article 179 de la loi, il prive ce dernier du bénéfice conféré par cet article.

 

[78]      La Commission des lésions professionnelles donne aussi un effet rétroactif à l’article 142 de la loi pour les mêmes considérations dans l’affaire Braga8. Le tribunal ajoute que l'employeur ne doit pas être tributaire des délais que prend la CSST pour imposer une suspension de l’indemnité de remplacement du revenu. Dans cette affaire, le travailleur n’a pas, comme c’est le cas en l’espèce, contesté l’assignation temporaire selon la procédure prescrite. Le commissaire écrit :

 

« [17]  Ces dispositions législatives nous enseignent donc que si le travailleur n'est pas d'accord avec l’avis de son médecin de l'affecter temporairement à un travail léger, il doit d’abord utiliser la procédure prévue à l’article 37 de la LSST. Pendant le recours à cette procédure, le travailleur n’a pas l’obligation d'exécuter le travail et il lui est temporairement permis de s'absenter.

[18]  Or, dans le cas sous étude, plutôt que de recourir à la procédure de contestation, après avoir accompli un premier quart de travail, le travailleur s'est absenté de son propre chef et ne s'est pas présenté au quart de travail suivant. En faisant de la sorte, il faisait fi de la procédure décrite à la loi ainsi qu’à la LSST et s’exposait à ce que la CSST, en vertu de l’article 142 de la loi, réduise ou suspende le versement de l’indemnité de remplacement du revenu.

[19]  Le tribunal constate que l’assignation temporaire, telle qu’elle est décrite par le travailleur durant l'audience, rencontre la description que l'employeur en faisait sur le formulaire qu’il adresse au médecin du travailleur. Bien que sur cette description, on indique que le travailleur devra manipuler un drapeau et, qu’en cours de témoignage, celui-ci précise qu’il s’agissait plutôt d’une enseigne, le tribunal estime que cette différence ne revêt pas un caractère propre à dénaturer l’assignation temporaire. Le travailleur avait donc l’obligation d’effectuer cette assignation à défaut de la contester selon la procédure.

[20]  La Commission des lésions professionnelles conclut que la CSST pouvait suspendre le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu en raison du refus du travailleur de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu’il était tenu de faire. Cette suspension se poursuit aussi longtemps que le travailleur n’effectue pas cette assignation ou se prévale de la procédure de contestation.

[21]  À compter de quelle date cette suspension pouvait-elle débuter? Sur sa décision initiale, la CSST détermine que la suspension commence à la date à laquelle le travailleur ne s'est pas présenté au travail, soit le 20 juin 2003. Toutefois, en révision administrative, la CSST détermine que la suspension ne peut avoir un effet rétroactif et prend plutôt effet le 24 juillet 2003, soit à la date à laquelle elle signifie au travailleur que l’indemnité de remplacement du revenu ne sera plus versée. Sur ce point, le tribunal estime que, tenant compte des circonstances particulières du présent cas, l’application de l'article 142 peut avoir un effet rétroactif. Une décision contraire aurait pour effet de restreindre la portée de l’article 179 de la loi, alors que l'employeur a un intérêt financier pour assigner le travailleur à un travail allégé et que le travailleur, sans raison valable, prive l'employeur de ces bénéfices. C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle en arrive la jurisprudence consultée par le soussigné9. Enfin, le tribunal estime que l'employeur ne doit pas être tributaire des délais que prend la CSST pour imposer une suspension de l’indemnité de remplacement du revenu.

[22]  De tout ce qui précède, le tribunal estime qu’on doit rétablir la première décision rendue par la CSST le 24 juillet 2003 et que c’est à bon droit qu’elle a initialement suspendu le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur à compter du 20 juin 2003. »

 

[79]      Enfin, dans l’affaire Bourgeois et Transport TF 15, S.E.C10 , le commissaire réfère à ces principes et suspend rétroactivement le versement de l’indemnité de remplacement du revenu.

__________________

3          Richer et Ville de St-Hubert, [1990] CALP 411 ; Fortin et Donohue Normick inc., [1990] CALP 907 ; Salvaggio et Asphalte et pavage Tony inc., [1991] CALP 291 ; Westroc et Beauchamp, [2001] CLP 206 ; Algier et Groupement forestier Haut-Yamaska inc., 144149-62B-0008, 23 mai 2001, Alain Vaillancourt, révision rejetée, 12 avril 2002, G. Godin.

4          Berkline inc. et Hasler, CLP, 134590-73-0003, 14 décembre 2000, C.-A. Ducharme (00LP-130); Riopel et Laflamme, CLP, 320104-63-0706, 22 mai 2008, M. Juteau

5          Berlkline et Hasler, citée note 2; Allaire et Resto-Brasserie Le Grand-Bourg, CLP, 153256-32-0012, 17 avril 2001, M.-A. Jobidon; Chantal et Services de gestion Quantum ltée, CLP, 185557-62-0206, 10 mars 2003, H. Marchand; G.P.C. Excavation inc. et Prévost, CLP 257713-03B-0503, 21 septembre 2005, G. Marquis (05LP-149)

6          Déjà citée, note 4.

7          [1999] CLP 619

8          Braga et Constructions Louisbourg ltée, CLP, 231923-71-0404, 21 avril 2005, R. Langlois

9          Rivard et CLSC des Trois Vallées, [1999] C.L.P. 619

10    C.L.P., 346127-04B-0804, 5 septembre 2008, M. Watkins

 

 

[37]        Le tribunal remarque que les règles relatives à l’assignation temporaire de travail sont particulières. Elles précisent le cas où le travailleur n’est pas tenu d’effectuer l’assignation, cela au-delà de la « raison valable » qui est commune à tous les cas de réduction ou de suspension de l’indemnité de remplacement du revenu visés au second paragraphe de l’article 142 de la loi. Il s’agit du dernier alinéa de l’article 179, cité plus haut qui prévoit la contestation de l’assignation temporaire de travail par le travailleur.

[38]        Dans le cas présent, le travailleur n’a pas contesté la première assignation temporaire de travail. Il a plutôt tenté d’expliquer son refus de se rendre à Natashquan par des considérations linguistiques et de distance qui n’ont pas été retenues. En substance, le travailleur n’a pas fait valoir d’autres motifs devant le tribunal. Il ne s’agit pas d’une raison valable au sens de l’article 142 de la loi.

[39]        Par ailleurs, au sujet de la portée rétroactive de la suspension, le tribunal considère qu’il faut distinguer les cas de réduction ou de suspension de l’indemnité de remplacement du revenu. Compte tenu des dispositions particulières qui régissent l’assignation temporaire de travail, la portée d’une réduction ou d’une suspension dans ce cas est différente des autres situations. Le refus ou l’omission du travailleur d’effectuer l’assignation temporaire de travail en dehors du cas prévu à l’article 179 a pour effet d’empêcher l’employeur de l’assigner temporairement et de réduire ainsi ses coûts. Le préjudice pour l’employeur est différent des autres cas de suspension.

[40]        Refuser d’accorder un effet rétroactif à la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu dans un cas de refus d’effectuer une assignation temporaire de travail sans toutefois la contester conformément à la loi, risque de restreindre la portée des dispositions y relatives et de porter un préjudice direct à l’employeur. Le préjudice financier potentiel de l’employeur est alors encore plus tributaire du délai que prend la CSST à rendre une décision à ce sujet qu’à l’égard des autres cas de réduction ou de suspension de l’indemnité de remplacement du revenu.

[41]        Dans ce contexte précis, il est possible d’accorder une portée rétroactive à la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur comme le demande l’employeur. C’est donc à bon droit que l’employeur demande la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur dans le cadre de l’omission, sans raison valable, de ce dernier d’effectuer la première assignation temporaire de travail à Natashquan à compter du 19 septembre 2011. L’employeur l’ayant demandée dès le 19 septembre, la CSST était fondée de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu à cette date et non à la date de sa décision soit le 12 octobre suivant.

[42]        Par ailleurs, l’indemnité de remplacement du revenu a été reprise à la suite d’une visite médicale au docteur Quach en février 2012.

[43]        Elle a cessé le 11 mai 2012 pour des motifs qui ne sont pas explicités au dossier. Il est possible que ce soit à la suite d’une décision de capacité rendue à la suite du rapport final qui consolide la lésion professionnelle avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, laquelle n’est pas au dossier. Il est également possible que ce soit à la suite de l’expiration du délai de contestation de la décision du 25 avril 2012.

[44]        En tout état de cause, la décision du 25 avril que conteste l’employeur apparaît bien fondée compte tenu des informations factuelles disponibles et du dernier alinéa de l’article 179 de la loi.

[45]        Le tribunal ne peut spéculer sur les motifs de la fin du versement de l’indemnité de remplacement du revenu qui a suivi d’à peine plus de 10 jours la décision du 25 avril.

[46]        À titre d’observation seulement, il appartiendra à l’employeur de faire valoir un droit à la désimputation s’il le croit approprié compte tenu de la présente décision et de la décision, non au dossier, qui met fin à l’indemnité de remplacement du revenu le 11 mai 2012.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 455535-09-1111

ACCUEILLE la contestation de Construction Polaris, l’employeur;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 17 novembre 2011, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était justifiée de suspendre à compter 19 septembre 2011 l’indemnité de remplacement du revenu de monsieur Martin Robertson versée conformément à l’article 179 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles puisqu’à compter du 19 septembre 2011 il a, sans raison valable, omis ou refusé d’exécuter l’assignation temporaire offerte par l’employeur depuis le 17 septembre 2011;

Dossier 471656-09-1205

REJETTE la contestation de Construction Polaris;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 25 avril 2012, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était justifiée de refuser de réduire ou de suspendre les indemnités du travailleur pour la période comprise entre sa contestation de l’assignation temporaire de travail du 6 mars 2012 et la décision finale qui confirme le bien-fondé de l’assignation.

 

 

__________________________________

 

Jacques David

 

 

 

Me Olivier Champagne

BOURQUE, TÉTREAULT & ASSOCIÉS

Représentant de la partie requérante

 



[1]           L.R.Q. c. A-3.001.

[2]           Dossier 450303-09-1109.

[3]           Il s’agit vraisemblablement d’une erreur de date puisque le formulaire d’assignation temporaire de travail a été signé le 6 mars 2012.

[4]           Voir notamment Hydro-Québec et Dubé, C.L.P. 318718-04-0705, 29 décembre 2008, D. Lajoie.

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