Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Hyacinthe

18 mai 2005

 

Région :

Yamaska

 

Dossier :

217024-62B-0309

 

Dossier CSST :

117714121

 

Commissaire :

Alain Vaillancourt

 

Membres :

Nicole Généreux, associations d’employeurs

 

Daniel Robert, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Éric Vincent

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Aliments Carrière inc. (Les)

 

Partie intéressée

 

 

 

Commission de la santé et de la

sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 29 septembre 2003, monsieur Éric Vincent (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 22 septembre 2003 à la suite d’une révision administrative.

 

 

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 16 avril 2003 et conclut qu’elle ne donnera pas suite à l’avis du Comité spécial des présidents du 20 mars 2003 et qu’elle ne réclamera pas le montant forfaitaire pour préjudice corporel versé au travailleur suite à l’avis du Comité spécial des présidents du 24 août 2000. Elle conclut également que le travailleur n’a pas subi, le 19 novembre 2002, une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du 5 octobre 1999.

[3]                Le travailleur est présent à l’audience du 19 avril 2005 à Saint-Hyacinthe. L’employeur, Les aliments Carrière inc., est également présent à l'audience et il est représenté. La CSST ne s’est pas présentée à l’audience bien qu’elle ait été convoquée. L’affaire a été prise en délibéré le 5 mai 2005, sur réception des arguments des parties aux questions soulevées par la Commission des lésions professionnelles à l’audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur prétend qu’il a subi une rechute, récidive ou aggravation et qu’il a droit de recevoir un montant forfaitaire en raison de l’augmentation de son déficit anatomo-physiologique constaté par le Comité spécial des présidents le 20 mars 2003.

LES FAITS

[5]                Le 5 octobre 1999, le travailleur, alors laveur à la sanitation, subit une lésion professionnelle dans les circonstances ainsi décrites à l’Avis de l’employeur et demande de remboursement complété le 15 décembre 1999 :

J’ai versé une chaudière de chlore dans une chaudière où il y avait des éponges vertes imbibées de Ch 50 et une réaction s’est produite et une vapeur blanche est sortie de la chaudière. (sic)

 

 

[6]                Le 5 octobre 1999, le travailleur consulte le Dr Jocelyn Brunet qui lui accorde un arrêt de travail en raison d’une irritation pulmonaire au gaz toxique. Le lendemain, le travailleur consulte le Dr Dominique Duchesne qui diagnostique une dyspnée secondaire à une exposition à des vapeurs d’acide. Le médecin revoit le travailleur le 14 octobre et le 27 octobre 1999. À cette dernière date, le médecin fait état d’une inhalation au chlore et d’une hyperactivité bronchique résolue et il consolide la lésion sans séquelles.

[7]                Le 16 mars 2000, la CSST accepte la réclamation du travailleur.

 

[8]                Le 15 mars 2000, le travailleur consulte à nouveau le Dr Duchesne qui complète un rapport médical à l’intention de la CSST dans lequel il mentionne qu’il persiste une dyspnée et une sensation de brûlure trachéale. Il réfère le travailleur au Dr Bernard Lemoyne, pneumologue. Sur le document de référence en pneumologie, le médecin mentionne que le travailleur a eu une exposition au chlore CSST en octobre 1999, qu’il est toujours symptomatique (brûlement, trachée et dyspnée) et demande une évaluation.

[9]                Le 29 mars 2000, le Dr Lemoyne diagnostique un possible RADS (reactive airways dysfunction syndrome) secondaire à une exposition au chlore et demande des examens complémentaires.

[10]           Le 1er avril 2000, le travailleur produit une réclamation à la CSST pour une récidive, rechute ou aggravation en date du 15 mars 2000.

[11]           Le 17 mai 2000, le médecin-conseil de la CSST suggère de faire évaluer le travailleur par le Comité des maladies professionnelles pulmonaires. Dans un rapport du 18 août 2000, le Comité des maladies professionnelles pulmonaires de Sherbrooke reconnaît que le travailleur a présenté un accident d’inhalation qui s’est accompagné d’une hyperinstabilité bronchique pour laquelle il est encore en traitement. Ce comité désire revoir le travailleur dans 2 ans pour évaluer s’il a des séquelles permanentes. Il est d’avis qu’il ne présente pas de limitations fonctionnelles.

[12]           Le 24 août 2000, le Comité spécial des présidents en arrive à la conclusion que le travailleur est porteur d’une bronchite chimique au chlore justifiant un déficit anatomo - physiologique de 5 % (maladie professionnelle pulmonaire à caractère irréversible; bronchiolite au chlore). On y mentionne que les limitations fonctionnelles ne sont pas significatives et que le déficit anatomo-physiologique doit être réévalué dans 2 ans.

[13]           La CSST n’a pas rendu de décision comme tel suite à l’avis du Comité spécial des présidents, car après réflexion elle a considéré qu’elle n’aurait pas dû faire évaluer le travailleur par le Comité des maladies professionnelles pulmonaires vu qu’il s’agissait d’un cas d’accident du travail. Elle lui a tout de même versé une indemnité pour préjudice corporel. Selon l’information soumise à l’audience, l’employeur a été imputé de ces coûts,[1] mais la CSST les a retirés de son dossier après que celui-ci lui en ait fait la demande. 

 

[14]           Le 6 novembre 2000, la CSST refuse la réclamation du travailleur pour la rechute, récidive ou aggravation alléguée du 15 mars 2000 au motif qu’il n’y a pas de détérioration objective de sa santé (depuis l’évaluation du Comité spécial des présidents selon l’analyse faite par le médecin de la CSST).

[15]           Le 10 avril 2001, le Dr Gildo Renzi, interniste et pneumologue, examine le travailleur à la demande de l’employeur. Il diagnostique une bronchite chimique et consolide la lésion aux 27 octobre 1999 sans séquelles.

[16]           Le 31 juillet 2001, la CSST, en révision administrative, déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 15 mars 2000 et qu’il n’a droit à aucune indemnité.

[17]           Le travailleur a demandé la révision de cette décision, mais sa contestation a été déclarée irrecevable par la Commission des lésions professionnelles parce que logée hors délai.

[18]           Le 19 novembre 2002, le travailleur présente une réclamation à la CSST dans le but d’être réévalué par le Comité des maladies professionnelles pulmonaires. Le travailleur ne soumet aucun rapport médical à l’appui de sa demande.

[19]           Le 21 novembre 2002, la CSST achemine le dossier du travailleur au Comité des maladies professionnelles pulmonaires de Sherbrooke. Après examen, le comité maintient le diagnostic antérieurement reconnu de bronchiolite au chlore et en arrive à la conclusion que le travailleur demeure avec une hyperactivité bronchique.

[20]           Le déficit anatomo-physiologique est établi à 13 % (5 % pour une bronchiolite au chlore et 8 % pour une excitabilité bronchique et bronchodilatateurs au besoin). Par ailleurs, le comité conclut qu’il n’y a pas de limitations fonctionnelles et que le travailleur devrait être réévalué dans 5 ans.

[21]           Le 20 mars 2003, le Comité spécial des présidents entérine les conclusions émises par le Comité des maladies professionnelles pulmonaires de Sherbrooke.

[22]           Le 16 avril 2003, la CSST rend la décision suivante :

Nous vous informons que nous ne pouvons pas donner suite à l’avis du Comité spécial des Présidents, maladies pulmonaires professionnelles (CMPP), datée du 20 mars 2003, pour les motifs suivants :

 

-           Votre lésion initiale a été acceptée à titre d’accident du travail et non à titre de maladie pulmonaire professionnelle;

 

-           De plus, votre réclamation pour rechute, récidive, aggravation, en date du 15 mars 2000 a été refusée;

 

 

 

-           Nous vous référons à la décision de la révision administrative du 31 juillet, ainsi qu’à celle de la Commission des lésions professionnelles du 28 novembre 2002, dans lesquelles il est mentionné que votre lésion initiale a été consolidée en date du 27 octobre 1999, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. De plus, ces dernières décisions ont maintenu le refus de votre réclamation pour rechute, récidive, aggravation.

 

Il n’y avait donc pas lieu de faire procéder à une première évaluation au CMPP ni à une réévaluation. D’ailleurs, aucune décision n’a été rendue par la CSST suite au premier avis par le CMPP. Cependant, nous vous informons que le montant forfaitaire qui vous a été versé par erreur pour le pourcentage de perte à l’intégrité physique accordé par le CMPP dans son avis du 24 août 2000, et auquel, rappelons-le la CSST n’était pas liée, ne vous sera pas réclamé.

 

 

[23]           Le travailleur a demandé la révision de cette décision et le 22 septembre 2003, la CSST, à la suite d’une révision administrative, a rendu la décision dont la Commission des lésions professionnelles est saisie en l’espèce.

[24]           La Commission des lésions professionnelles trouve approprié de citer les passages suivants de cette décision :

La lecture du dossier démontre que le travailleur a été victime d’un accident du travail en date du 5 octobre 1999 ayant entraîné une hyperactivité bronchique, telle que diagnostiquée par le médecin du travailleur à l’époque. Cette lésion a été consolidée par ce dernier au 27 octobre 1999, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.

 

Dans le cadre de la rechute, récidive ou aggravation alléguée du 15 mars 2000, la Commission a référé le travailleur au Comité des maladies pulmonaires de Sherbrooke. Or, la Commission n’avait pas à référer le travailleur à ce comité, ni au Comité spécial des Présidents par la suite puisqu’il s’agit ici d’un dossier d’accident du travail et non de maladie professionnelle pulmonaire. Il s’ensuit donc que la Commission n’est pas liée par le premier avis du Comité spécial des présidents du 24 août 2000 et n’avait pas à référer le travailleur à nouveau pour une réévaluation en novembre 2002.

 

Par ailleurs, il appert que c’est par erreur que la Commission a versé au travailleur un montant forfaitaire pour préjudice corporel suite au pourcentage d’atteinte à l’intégrité physique déterminé par le Comité spécial des Présidents dans son avis du 24 août 2000. En fait, le travailleur n’a jamais eu droit à une telle indemnité puisque sa lésion professionnelle initiale a été consolidée sans atteinte permanente et que la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation du 15 mars 2000 a été refusée.

 

Dans ses observations à la Révision administrative, le représentant du travailleur soumet que si la Commission n’est pas liée par l’avis du Comité spécial des présidents daté du 20 mars 2003, le contenu de ce rapport ainsi que celui du Comité des maladies pulmonaires de Sherbrooke du 28 février 2003 peut être utilisé comme tout autre rapport d’expertise médicale. Elle soumet que le contenu de ces rapports démontre l’existence d’une rechute, récidive ou aggravation de l’état du travailleur le tout en relation avec sa lésion professionnelle du 5 octobre 1999.

 

(…)

 

Bien que le site de lésion de la récidive, rechute ou aggravation alléguée du 19 novembre 2002 est le même que celui de la lésion initiale, à savoir un problème pulmonaire, et que le travailleur soumet qu’il présente toujours des symptômes depuis son accident.

 

Compte tenu que l’événement du 5 octobre 1999 peut être qualifié de banal compte tenu que la lésion y découlant a été consolidée trois semaines plus tard, et ce sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.

 

Compte tenu qu’au rapport final du 27 octobre 1999, le Dr Duchesne fait état d’une hyperactivité bronchique RÉSOLU.

 

Compte tenu que le travailleur n’a pas consulté de médecin entre le 27 octobre 1999 et le 28 février 2000.

 

Compte tenu que le travailleur a été évalué par le Comité des maladies pulmonaires professionnelles de Sherbrooke en 2000 dans le cadre d’une rechute, récidive ou aggravation alléguée du 15 mars 2000.

 

Compte tenu que le Comité des maladies pulmonaires professionnelles et le Comité spécial des Président font alors état d’une hypersensibilité bronchique pour laquelle le travailleur est encore en traitement et demande qu’une réévaluation soit effectuée dans 2 ans afin de fixer un DAP définitif.

 

Compte tenu que la Commission n’est pas liée par cet avis.

 

Compte tenu que la réclamation pour rechute, récidive ou aggravation alléguée du 15 mars 2000 a été refusée.

 

Compte tenu que les documents au dossier démontrent l’absence d’un quelconque suivi médical pour un problème pulmonaire entre la dernière évaluation du travailleur entre l’an 2000 et le 19 novembre 2002.

 

Compte tenu que le travailleur demande en date du 19 novembre 2002 d’être réévalué par le Comité des maladies pulmonaires professionnelles de Sherbrooke sans avoir consulté d’autres médecins.

 

Compte tenu que l’état de santé décrit par le Comité des maladies pulmonaires professionnelles de Sherbrooke et du Comité spécial des Président en 2003 est sensiblement le même que celui que présentait le travailleur lors d’une rechute, récidive ou aggravation alléguée du 15 mars 2000, et

 

Compte tenu que la révision administrative n’est pas liée par l’avis du Comité spécial des présidents du 20 mars 2003.

 

La révision administrative conclut que le travailleur n’a pas subi, le 19 novembre 2002, de rechute, récidive ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale du 5 octobre 1999.

 

 

L’AVIS DES MEMBRES

[25]           Les membres issus des associations d’employeurs et des associations de travailleurs sont d’avis que la CSST était justifiée de ne pas réclamer au travailleur le montant forfaitaire qu’elle lui a versé suite à l’évaluation du 24 août 2000 car elle devait référer le travailleur au Comité des maladies professionnelles pulmonaires et qu’elle était liée pas l’avis du Comité spécial des présidents.

[26]           De plus, tel que suggéré, la CSST devait référer le travailleur au Comité des maladies professionnelles pulmonaires afin qu’il soit réévalué en 2002. Elle est liée par l’avis du Comité spécial des présidents du 20 mars 2003 et doit rendre une décision en conséquence.

[27]           Finalement, la CSST n’avait pas à statuer sur l’existence d’une rechute, récidive ou aggravation en date du 19 novembre 2002.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[28]           Avant de statuer sur la décision dont elle est saisie en l’instance, la Commission des lésions professionnelles considère qu’elle doit tout d’abord discuter du bien fondé de la CSST d’enclencher, en 2000, la procédure prévue à la Section ll du Chapitre Vl de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) intitulée « Dispositions particulières aux maladies professionnelles pulmonaires ».

[29]           Dans la décision contestée, la CSST mentionne que c’est par erreur que le travailleur a été référé au comité des maladies professionnelles pulmonaires tant en 2000 qu’en 2003. Qu’en est-il?

[30]           L’article 226 de la loi édicte ceci :

226. Lorsqu'un travailleur produit une réclamation à la Commission alléguant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire, la Commission le réfère, dans les 10 jours, à un comité des maladies professionnelles pulmonaires.

__________

1985, c. 6, a. 226.

 

 

 

 

 

 

[31]           Dans le présent cas, lorsque le travailleur a présenté sa réclamation, il a coché la case accident du travail sur le formulaire de la CSST et décrit l’événement survenu le 5 octobre 1999. Lors de la première visite, le médecin a diagnostiqué une irritation pulmonaire au gaz toxique. Par la suite, ce diagnostic a été remplacé par celui d’hyperactivité bronchique secondaire à une inhalation de chlore.

[32]           De l’avis de la Commission des lésions professionnelles de tels diagnostics auraient dû amener d’emblée la CSST à conclure que le travailleur alléguait être atteint d’une maladie professionnelle pulmonaire et traiter la réclamation de la façon prévue aux articles 226 à 233 de la loi.

[33]           La CSST et l’employeur considèrent que la procédure mentionnée aux articles 226 et suivants ne s’applique pas lorsque la maladie pulmonaire est attribuable à un événement unique, lorsqu’il s’agit d’un accident du travail. La Commission des lésions professionnelles en comprend que dans un tel cas ce serait une maladie pulmonaire attribuable à un accident du travail et non pas une maladie professionnelle pulmonaire.

[34]           La Commission des lésions professionnelles estime qu’il n’y a pas lieu de faire une telle distinction. L’expression maladie professionnelle pulmonaire n’est pas définie dans la loi et la Commission des lésions professionnelles constate que le législateur n'a pas jugé à propos de préciser que la procédure prévue aux articles 226 et suivants ne s’appliquait que dans les cas où il y avait eu plus d’une exposition et qu’elle ne s’appliquait pas lors d’une seule exposition.

[35]           Le soussigné est d’avis que ce ne sont pas les circonstances dans lesquelles la maladie a été contractée qui permettent de décider si le travailleur doit être référé ou non au Comité des maladies professionnelles pulmonaires mais que cette référence doit plutôt reposer sur le fait que le médecin qui a charge a diagnostiqué une maladie pulmonaire. Dès qu’un travailleur soumet une réclamation avec un diagnostic de maladie pulmonaire, la Commission des lésions professionnelles considère que le travailleur allègue par le fait même être atteint d’une maladie professionnelle pulmonaire.

[36]           Il suffit donc qu’un diagnostic de maladie pulmonaire ait été posé pour que ce soit les dispositions prévues aux articles 226 et suivants qui s’appliquent car à ce stade du dossier, le caractère professionnel de la maladie n’est qu’allégué. Selon la Commission des lésions professionnelles, la définition de maladie professionnelle est suffisamment large pour traiter les situations ou la maladie relèverait d’un événement unique :

 

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[37]           D’ailleurs, dans l’affaire Espert et Centre Jeunesse Bas St-Laurent[3], la Commission des lésions professionnelles mentionnait ceci :

Il est vrai que le travailleur, dans le cadre de sa réclamation, a coché la case « accident du travail ». Ceci ne peut cependant être déterminant en présence de l’annexe à la réclamation en matière de maladie professionnelle et des diagnostics d’asthme professionnel portés par les médecins. Le fait que cocher une ou l’autre case sur une réclamation ne peut être déterminant quant à la qualification de la lésion en cause et ne peut nullement lier le tribunal. Le tribunal rappelle également que l’exposition du travailleur aux substances incriminées a été répétitive à raison d’une fois par semaine.

De toute façon, même si le travailleur n’avait subi qu’une seule exposition aux substances déjà mentionnées, cela ne serait pas incompatible avec l’existence d’une maladie professionnelle prévue aux articles 29 et 30 de la Loi :

 

(…)

 

En ce qui concerne l’article 29, l’asthme est prévu à la section V de l’annexe I et correspond à un travail impliquant une exposition à un agent spécifique sensibilisant. Cette exposition n’est pas qualifiée et lorsque le législateur veut qualifier l’exposition, il le fait comme on peut le lire à d’autres sections du barème, par exemple lorsqu’il parle de bruit excessif ou de périodes prolongées.

 

Quant à l’article 30, rien n’oblige que le risque particulier dont traite cet article doive se produire plusieurs fois.

 

 

[38]           Dans le présent cas, la Commission des lésions professionnelles apprécie non seulement que la CSST était justifiée de référer le travailleur au Comité des maladies professionnelles pulmonaires en 2000 mais qu’elle devait le faire.

[39]           C’est d’ailleurs un diagnostic de maladie professionnelle pulmonaire qui a été posé par le Comité spécial des présidents qui en est venu à la conclusion que la maladie du travailleur, une bronchiolite au chlore, était une maladie professionnelle pulmonaire à caractère irréversible. Cela confirme, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, que l’on peut présenter une maladie professionnelle pulmonaire suite à un événement unique dans des circonstances similaires à un accident du travail.

[40]           De plus, la Commission des lésions professionnelles apprécie que la CSST était justifiée de verser au travailleur une indemnité pour préjudice corporel basée sur les conclusions du Comité spécial des présidents car elle était liée par ses conclusions tel qu’il appert des articles 231 et 233 de la loi :

231. Sur réception de ce rapport, la Commission soumet le dossier du travailleur à un comité spécial composé de trois personnes qu'elle désigne parmi les présidents des comités des maladies professionnelles pulmonaires, à l'exception du président du comité qui a fait le rapport faisant l'objet de l'examen par le comité spécial.

 

Le dossier du travailleur comprend le rapport du comité des maladies professionnelles pulmonaires et toutes les pièces qui ont servi à ce comité à établir son diagnostic et ses autres constatations.

 

Le comité spécial infirme ou confirme le diagnostic et les autres constatations du comité des maladies professionnelles pulmonaires faites en vertu du deuxième alinéa de l'article 230 et y substitue les siens, s'il y a lieu; il motive son avis et le transmet à la Commission dans les 20 jours de la date où la Commission lui a soumis le dossier.

__________

1985, c. 6, a. 231.

 

 

233. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi sur les droits du travailleur qui lui produit une réclamation alléguant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire, la Commission est liée par le diagnostic et les autres constatations établis par le comité spécial en vertu du troisième alinéa de l'article 231.

__________

1985, c. 6, a. 233.

(nos soulignements)

 

 

[41]           La CSST n’a pas rendu de décision écrite justifiant l’émission du chèque fait au travailleur pour lui verser son indemnité forfaitaire. Toutefois, lorsque l’employeur a constaté la situation il a uniquement demandé à ce que ces coûts soient retirés de son dossier, ce qui fut fait. C’était une des options qui s’offrait à lui et il doit l’assumer, l’état  actuel du dossier est que le travailleur a reçu une indemnité forfaitaire en raison des séquelles qu’il conserve de la lésion professionnelle survenue chez lui le 5 octobre 1999.

[42]           Qu’en est-il maintenant de la contestation dont est saisie la Commission des lésions professionnelles en l’instance?

[43]           Lors de la révision administrative du dossier et ce, même si elle ne s’était pas prononcée préalablement sur l’existence d’une rechute, récidive ou aggravation en date du 19 novembre 2002 dans sa décision initiale du 16 avril 2003, la CSST a décidé que le travailleur n’avait pas subi une rechute, récidive ou aggravation.

[44]           La Commission des lésions professionnelles comprend que la représentante du travailleur avait demandé à la CSST d’étudier le dossier sous cet angle. Toutefois, faute de décision statuant sur l’existence d’une rechute, récidive ou aggravation la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la CSST lors de la révision administrative du dossier ne pouvait pas rendre de décision sur cette question car elle excédait alors sa compétence.

[45]           Lorsqu’elle a rendu sa décision initiale, la CSST ne s’est pas prononcée quant à l’existence d’une rechute, récidive ou aggravation et elle était bien fondée de ne pas l’avoir fait faire car le travailleur n'avait pas soumis une réclamation visant à faire reconnaître une rechute, récidive ou aggravation le 19 novembre 2002.

[46]           En effet, le 19 novembre 2002 correspond à la date à laquelle il complète une Réclamation du travailleur dans laquelle il demande à être réévalué par le Comité des maladies professionnelles pulmonaires. Sur le formulaire qu’il complète, le travailleur n’allègue pas avoir subi une rechute, récidive ou aggravation et ne soumet aucun rapport médical à cet effet.

[47]           La Commission des lésions professionnelles est d’avis que faute de réclamation et de rapport médical constatant l’existence d’une lésion que la CSST n’avait pas à statuer sur l’existence d’une rechute, récidive ou aggravation.

[48]           Même si la Commission des lésions professionnelles en était arrivée à la conclusion que le travailleur avait soumis une réclamation visant à faire reconnaître une rechute, récidive ou aggravation il va de soi qu’elle n’aurait pu conclure à l’existence d’une lésion professionnelle de cette nature en l’absence d’un rapport médical faisant état d’une lésion.

[49]           Quoiqu’il en soit et tel que mentionné précédemment, la Commission des lésions professionnelles considère qu’une telle décision n’avait pas à être rendue car ce n’était pas ce que demandait le travailleur à la CSST en novembre 2002.

[50]           La preuve révèle que ce que voulait le travailleur le 19 novembre 2002 c’est être réévalué par le Comité des maladies professionnelles pulmonaires. En fait, il demandait à la CSST de se conformer à l’avis émis par le Comité spécial des présidents le 24 août 2000, lequel suggérait une réévaluation deux ans plus tard pour fixer le déficit anatomo-physiologique.

 

[51]           De l’avis de la Commission des lésions professionnelles le travailleur n’avait même pas à faire une telle demande. En effet, selon la jurisprudence[4], la CSST est liée par l'avis du comité spécial des présidents lorsqu’elle indique que le travailleur doit subir une réévaluation de sa condition pulmonaire dans quelques années. Il s'agit d'une «autre constatation» au sens des articles 231 et 233 et cette constatation est liante. 

[52]           Dans le présent cas, la CSST a fait ce qu’elle devait faire en référant le travailleur au Comité des maladies pulmonaires. Elle est donc liée par les conclusions du Comité spécial des présidents du 20 mars 2003 et aurait du rendre une décision en conséquence ce qu’elle n'a pas fait.

[53]           La Commission des lésions professionnelles constate que l’employeur a demandé à un pneumologue d’examiner le travailleur en avril 2001 ce qu’il n’a pas fait en 2003. Il est vrai que la décision de la CSST de refuser d’appliquer l’avis du Comité spécial des présidents faisait en sorte que l’employeur n’avait pas d’intérêt à faire examiner le travailleur à nouveau par un pneumologue en 2003.

[54]           La Commission des lésions professionnelles considère qu’il n’est pas approprié pour elle de rendre une décision statuant sur l’indemnité forfaitaire à laquelle a droit le travailleur suite à sa réévaluation. En effet, afin que l’employeur ne soit pas lésé par le cheminement particulier du dossier et par le refus de la CSST de rendre les décisions qu’elle devait rendre, la Commission des lésions professionnelles juge approprié de retourner le dossier à la CSST afin qu’elle rende la décision qu’elle aurait dû rendre suite à l’avis émis par le Comité spécial des présidents du 20 mars 2003, ce qui permettra à l'employeur de faire valoir ses droits le cas échéant.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la contestation de monsieur Éric Vincent, le travailleur;

MODIFIE la décision rendue le 22 septembre 2003 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la CSST n’avait pas à se prononcer sur l’existence d’une rechute, récidive ou aggravation en date du 19 novembre 2002;

DÉCLARE que la CSST est justifiée de ne pas réclamer au travailleur le montant forfaitaire qu’elle lui a versé suite à l’évaluation faite par le Comité spécial des présidents le 24 août 2000;

DÉCLARE que la CSST doit donner suite à l’avis rendu par le Comité spécial des présidents du 20 mars 2003 et lui renvoie le dossier pour qu’elle rende une décision à cet effet.

 

 

 

__________________________________

 

Alain Vaillancourt

 

Commissaire

 

 

Monsieur Jean-Pierre Labelle

VÉZINA, LABELLE & ASSOCIÉS

Représentant de la partie intéressée

 

 

Me Hugues Magnan

PANNETON, LESSARD

Représentant de la partie intervenante

 



[1]          L’indemnité forfaitaire pour préjudice corporel

[2]          L.R.Q., c.A-3.001

[3]          205377-01A-0304, 22 septembre 2003, J.-F. Clément

[4]          Charbonneau et Alloytec Mécanique ltée, 94407-63-9802, 26 avril 1999, P. Brazeau

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