Décision

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LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE

DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

QUÉBEC                     MONTRÉAL, le 1er septembre 1993

 

 

 

DISTRICT D'APPEL           DEVANT LA COMMISSAIRE:    Santina Di Pasquale

DE MONTRÉAL

 

ASSISTÉE DE L'ASSESSEUR:  André Gaudreau, médecin

RÉGION:

     Ile-de-Montréal      

DOSSIER:

     30115-60-9106

 

AUDIENCE TENUE LE:        22 avril 1993

DOSSIER CSST:

     0051 39787           

 

 

A:                          Montréal

 

                                                  

 

 

 

 

 

 

CLAUDIA VILFORT

5511, Place St-Donat

Anjou (QC)

H1K 3P9

 

 

 

                          PARTIE APPELANTE

 

 

 

et

 

 

 

 

HOPITAL LOUIS-H. LAFONTAINE

(M. Michel Prévost)

7401, rue Hochelaga

Montréal (QC)

H1N 3M5

 

 

 

                         PARTIE INTÉRESSÉE


                    D É C I S I O N

 

Le 26 juin 1991, Mme Claudia Vilfort (la travailleuse) en appelle d'une décision majoritaire du bureau de révision du 23 mai 1991.

 

Par cette décision, le bureau de révision confirme la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) du 19 juin 1990, qui déclarait que la travailleuse n'a pas subi de lésion professionnelle le 22 mars 1990.

 

OBJET DE L'APPEL

 

La travailleuse demande à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) d'infirmer la décision du bureau de révision et de déclarer que le 22 mars 1990, elle a été victime d'une lésion professionnelle.

 

LES FAITS

 

La travailleuse est infirmière au centre hospitalier Louis-H. Lafontaine (l'employeur).  Le 22 mars 1990, elle fait une chute en descendant l'escalier du Pavillon Bourget pour se rendre à sa voiture à la fin de son quart de travail.  La travailleuse allègue avoir ressenti un étourdissement avant de tomber mais en l'absence de rampe, elle n'a pu se retenir.  Elle a ressenti une douleur au genou.  Une compagne de travail l'a aidée à se relever et elle a été en mesure de conduire son automobile jusque chez elle.  Le lendemain, elle avait mal partout et la douleur au genou avait empiré.  Elle s'est présentée à l'urgence de l'hôpital St-Michel où on a procédé à des radiographies multiples et à des tests sanguins pour tenter d'expliquer l'origine de l'étourdissement.  On aurait découvert que la travailleuse faisait de l'anémie.

 

La première attestation médicale à l'intention de la Commission au dossier émane du docteur Lauriston, qui diagnostique un traumatisme au genou  et met la travailleuse en arrêt de travail.  Le 20 avril 1990, le docteur Lauriston réfère la travailleuse en orthopédie, au docteur Germain, afin d'éliminer une lésion méniscale.

 

Le 26 mars 1990, la travailleuse produit une réclamation à la Commission.

 

Le 10 avril 1990, la travailleuse est examinée, à la demande de l'employeur, par le docteur Pierre Poulin, qui diagnostique une anémie de spoliation et une déchirure partielle du ligament latéral interne, probablement causée par une torsion du genou au moment de la chute.  A titre de commentaires, le docteur Poulin écrit:

 

 

 

«Je crois qu'une condition personnelle (anémie de spoliation) est la cause de l'étourdissement ou la perte d'équilibre qu'a subi cette employée, ce qui a causé la chute dans l'escalier à la sortie de l'hôpital.

 

Le médecin traitant a identifié le problème et vraisemblablement se propose de contrôler le niveau d'hémoglobine et de poursuivre l'investigation s'il y a lieu.

 

Le traumatisme ligamentaire du genou droit apparaît relativement mineur et pourrait probablement rentrer dans l'ordre sans soin très spécifique d'ici 2 à 3 semaines.»

 

Par décision datée du 19 juin 1990, la Commission refuse la réclamation de la travailleuse, au motif que l'événement rapporté indique une condition personnelle.

 

Le 12 avril 1991, le docteur Lauriston écrivait ce qui suit dans un document déposé devant le bureau de révision:

 

 

 

«Par la présente, je certifie avoir examiné la patiente ci-haut mentionnée, pour un traumatisme au genou droit suite à une chute alors qu'elle était à son travail.

 

Le premier examen montrait un genou avec ecchymose au niveau de la face interne; la palpation était douloureuse ainsi que le test de stress, alors cette patiente fut mise au repos à partir du 22-03-90, jusqu'à une date indéterminée.  Elle a été vue en orthopédie par le Dr Lesly Germain, qui connaissait déjà la patiente pour des dommages au même genou.

 

J'ai revu la patiente le 20-04-90, à ce moment l'articulation du genou droite était douloureuse à la palpation.  L'arrêt de travail fut prolongé jusqu'au 14-05-90; à cette date l'examen physique de l'articulation était dans les limites normales.»

 

La travailleuse est retournée à son travail le 21 mai 1990.  En effet, un certificat médical qui est au dossier démontre que le docteur Lauriston a prolongé la période d'incapacité de travailler du 14 au 21 mai 1990 à cause de vertiges.

 

A l'audience, la travailleuse déclare qu'elle avait déjà consulté le docteur Germain dans le passé pour des douleurs au même genou.  Le docteur Germain lui avait dit qu'elle faisait de l'arthrose; cependant, elle n'avait jamais chuté à cause de son genou.

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

La Commission d'appel doit décider si la travailleuse a été victime d'une lésion professionnelle le 22 mars 1990.

 

La lésion professionnelle est définie ainsi à l'article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001):

 

«lésion professionnelle»:  une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation.

 

L'expression "accident du travail" est également définie à cette même section comme suit:

 

«accident du travail»:  un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;

 

 

La preuve non contredite révèle que le 22 mars 1990, la travailleuse a subi une blessure à son genou lors de sa chute dans les escaliers du centre hospitalier où elle travaillait.

 

La Commission d'appel considère que la chute de la travailleuse constitue l'événement imprévu et soudain.  Par ailleurs, l'employeur prétend que la cause de la chute, l'étourdissement, est la conséquence de son anémie, condition strictement personnelle, et dès lors, ne peut qu'amener la Commission d'appel à conclure qu'il ne s'agit pas d'une lésion professionnelle.

 

La Commission d'appel est d'avis qu'il n'y a pas lieu dans un tel cas, de rechercher la cause de la chute.  La définition de l'expression "accident du travail" qu'on retrouve à l'article 2 de la loi indique clairement que l'événement imprévu et soudain peut être attribuable "à toute cause".  La Commission d'appel considère que même si la chute est attribuable à l'anémie de la travailleuse, il n'en reste pas moins qu'elle a fait une chute et qu'il y a lieu d'indemniser les conséquences découlant de la chute.  Bien sûr, la loi ne vise pas à indemniser la travailleuse pour l'incapacité de travailler découlant de son anémie mais elle vise l'indemnisation de ce qui résulte de la chute, si l'accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail.

 

La Commission d'appel est d'avis que cet événement n'est pas survenu par le fait du travail puisqu'au moment de l'accident, la travailleuse n'était plus dans l'exécution du travail, elle avait terminé son quart de travail . Cependant, l'accident est survenu "à l'occasion du travail".  En effet, la Commission d'appel a décidé à maintes reprises que l'accident qui survient "à l'occasion du travail" est celui qui survient lors de l'accomplissement d'une activité connexe au travail par opposition à une activité purement personnelle n'ayant aucun lien avec le travail.

 

En l'instance, la Commission d'appel conclut donc qu'une chute qui survient quelques minutes après la fin de la journée de travail sur une voie d'accès, propriété de l'employeur, est un accident survenu à l'occasion du travail.  Au moment de l'accident la travailleuse était donc dans l'exercice d'une activité connexe au travail puisqu'elle devait nécessairement emprunter les escaliers pour sortir de l'établissement et se rendre au stationnement.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

ACCUEILLE l'appel de la travailleuse;

 

INFIRME la décision du bureau de révision du 23 mai 1991;

 

DÉCLARE que le 22 mars 1990, la travailleuse a été victime d'une lésion professionnelle;

 

ORDONNE à la Commission de la santé et de la sécurité du travail de verser à la travailleuse les indemnités auxquelles elle a droit conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles pour la période durant laquelle elle a été incapable de travailler en raison de sa blessure au genou.

 

 

 

 

                      _______________________

                      Santina Di Pasquale

                      commissaire

 

F.I.I.Q.

(M. Clément Lincourt)

2050, rue de Bleury, 4e

Montréal (Qc)

H3A 2J5

 

(représentant de la partie appelante)

 


 

 

 

                  JURISPRUDENCE CITÉE

 

 

 

1.Hôpital Louis-H. Lafontaine et Armande Tétreault-Ouellette C.A.L.P. 09845-60-8810, 14 janvier 1991, Margaret Cuddihy, commissaire;

 

2.Marticotte et Minitel Inc. [1988] C.A.L.P. 468;

 

3.Cie de papier Québec & Ontario Ltée et Bourgoin, C.A.L.P. 11163-09-8903, 16 mai 1991, Camille Demers, commissaire;

 

4.Hébert et Sécuripro Inc., C.A.L.P. 01957-60-8701, 28 avril 1988, Benoît Dufour;

 

5.Provigo Distribution Inc. et Desharnais  [1990] C.A.L.P. 456;

 

6.Centre hospitalier Charles Lemoyne et Duquette [1987] C.A.L.P. 305.

AVIS :
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