Wal-Mart Canada (Commerce détail) |
2013 QCCLP 882 |
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[1] Le 10 mai 2012, Wal-Mart Canada (Commerce détail) (l’employeur) dépose, à la Commission des lésions professionnelles, une requête à l’encontre d’une décision rendue le 27 mars 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 13 janvier 2012 et déclare que la totalité du coût des prestations versées en raison de la lésion professionnelle subie, le 4 juin 2008, par madame Diana Hogan (la travailleuse), doit être imputée au dossier de l’employeur.
[3] L’employeur a renoncé à l’audience prévue à Longueuil, le 31 octobre 2012, mais a fait valoir ses prétentions, par l’entremise de son représentant, par la production d’une argumentation écrite appuyée d’examens paramédicaux, d’expertises médicales et d’un article de doctrine médicale. Ces documents ont été reçus par le tribunal le 9 novembre 2012, soit à l’expiration du délai qui avait été consenti pour ce faire. Le dossier a donc été pris en délibéré le 9 novembre 2012.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4]
L'employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de
reconnaître que la travailleuse était déjà handicapée au moment de la
manifestation de sa lésion professionnelle et de déclarer qu’il a par conséquent
droit à un partage du coût des prestations reliées à cette lésion, et ce, en
application de l'article
LES FAITS ET LES MOTIFS
[5] Les faits pertinents suivants sont retenus par la Commission des lésions professionnelles pour statuer sur la présente requête de l’employeur.
[6] La travailleuse, alors âgée de 52 ans, occupe un poste de contrôleuse de l’inventaire de l’entrepôt depuis le mois d’août 2005 chez l’employeur. Elle subit un accident du travail, le 4 juin 2008, en déplaçant un transpalette manuel qui est coincé. Elle tire donc plus fort, mais ressent aussitôt une douleur au dos et dans la jambe lorsque celui-ci se débloque.
[7] À la lumière des décisions rendues par la CSST en première instance, de celles rendues à la suite de révision administrative également par la CSST, d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles entérinant un accord quant à la question du diagnostic et prenant acte de plusieurs désistements, la Commission des lésions professionnelles retient que le diagnostic et les conséquences de la lésion par lesquelles elle est liée, de même que la CSST, sont les suivantes[2] :
· Le diagnostic reconnu en lien avec l’accident du travail est « entorse lombaire avec lombosciatalgie droite, qui est greffée sur une condition préexistante de discopathie lombaire »;
· Cette lésion est consolidée le 1er juin 2009, sans nécessité de soins ou de traitements additionnels à compter de cette date;
· Cette lésion entraîne une atteinte permanente à l’intégrité physique de la travailleuse évaluée à 2,20 % suivant le Règlement sur le barème des dommages corporels[3] (le barème), lui donnant ainsi droit à une indemnité pour séquelles permanentes de 1 295,60 $;
· À la suite de cette lésion, la travailleuse demeure avec les limitations fonctionnelles correspondant à celles de la classe 2 de l’Échelle de restrictions pour la colonne lombosacrée de l’IRSST[4] :
Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :
- Soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 10 kg;
- Effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire même de faible amplitude;
- Monter fréquemment plusieurs escaliers;
- Marcher en terrain accidenté ou glissant;
- Subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale. [sic]
· En raison de ses limitations fonctionnelles l’empêchant de reprendre son emploi prélésionnel, le 5 août 2009, la CSST détermine l’emploi convenable d’associée à l’accueil que la travailleuse est capable d’exercer à compter du 10 août 2009. Son droit à l’indemnité de remplacement du revenu prend fin le 3 août 2009 puisqu’elle a repris le travail le 4 août 2009 et que cet emploi va lui procurer un revenu brut annuel équivalent ou supérieur à celui qu’elle gagnait lorsqu’elle a subi sa lésion professionnelle;
· La CSST a refusé de reconnaître la relation entre le nouveau diagnostic de hernie discale L5-S1 et l’événement du 4 juin 2008;
· La CSST a refusé de reconnaître la relation entre le nouveau diagnostic de « trouble de l’humeur dû à une affection médicale » et l’événement du 4 juin 2008.
[8]
Dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’employeur a droit, en vertu de l’article
329. Dans le cas d'un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.
L'employeur qui présente une demande en vertu du premier alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien avant l'expiration de la troisième année qui suit l'année de la lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 329; 1996, c. 70, a. 35.
[9] La demande de partage du coût des prestations a été formulée dans le délai imparti à la loi puisqu’elle a été produite par l’employeur le 17 novembre 2011, soit avant l’expiration de la troisième année suivant celle de la survenance de la lésion.
[10]
Pour bénéficier de l’application de l’article
[11]
L’expression « travailleur déjà handicapé » n’est pas
définie à la loi. La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles a toutefois établi un consensus quant à l’interprétation à lui donner. Il en
ressort que le « travailleur déjà handicapé », au sens de
l’article
[12] Dans l’affaire Sodexho Canada inc.[6], le tribunal précise ce qu’il faut entendre, eu égard à la « déviation par rapport à une norme biomédicale » :
[49] […] En proposant cette définition, la Commission des lésions professionnelles écarte du chapitre des déficiences les conditions personnelles retrouvées normalement chez les individus pour ne retenir que celles qui constituent des anomalies. Par ailleurs, la jurisprudence évalue le caractère normal ou anormal de la condition identifiée en la comparant à ce que l’on retrouve habituellement chez des personnes de l’âge de la travailleuse au moment de l’événement.
[50] La preuve de cette déviation sera plus ou moins exigeante selon la nature de la condition invoquée. Ainsi, le caractère déviant peut s’inférer de certaines conditions (par exemple une malformation d’une structure ou un diabète). Cependant, lorsque la condition identifiée est une dégénérescence relevant d’un phénomène de vieillissement, la preuve doit clairement établir en quoi cette condition dévie de la normalité.
[13] Également dans l’affaire Sodexho Canada inc.[7], le tribunal précise que l’employeur doit d’abord prouver l’existence d’une déficience physique avant d’établir le lien entre cette déficience et la production ou les conséquences de la lésion professionnelle :
[42] L’employeur doit donc, dans un premier temps, établir par une preuve prépondérante que la travailleuse est porteuse d’une déficience avant que se manifeste sa lésion professionnelle. Cette déficience n’a toutefois pas besoin de s’être manifestée ou d’être connue ou d’avoir affecté la capacité de travail ou la capacité personnelle de la travailleuse avant la survenue de cette lésion.
[43] Dans un deuxième temps, l’employeur doit établir qu’il existe un lien entre cette déficience et la lésion professionnelle soit parce que la déficience a influencé l’apparition ou la production de la lésion professionnelle ou soit parce que la déficience a agi sur les conséquences de cette lésion professionnelle.
[44] Ce n’est que lorsque l’employeur aura fait cette
double démonstration que la Commission des lésions professionnelles pourra
conclure que la travailleuse est déjà handicapée au sens de l’article
[14] Afin de déterminer s’il existe une relation entre la déficience identifiée et la lésion professionnelle, plusieurs éléments peuvent être considérés, notamment, la nature et la gravité du fait accidentel, le diagnostic initial et l'évolution des diagnostics, la durée de la période de consolidation de la lésion, la compatibilité entre le plan de traitement prescrit et le diagnostic reconnu, l'existence ou non de séquelles, l'âge du travailleur et les opinions médicales à ce sujet. Aucun de ces paramètres n'est à lui seul décisif, mais, considérés ensemble, ils permettent d'apprécier le bien-fondé de la demande de l'employeur[8].
[15] Dans le présent cas, l’employeur prétend que la travailleuse était déjà handicapée lorsque sa lésion professionnelle est survenue et que ce handicap a eu une incidence non seulement sur la production, mais également sur les conséquences de cette lésion.
[16]
Après considération de l’ensemble de la preuve et de l’argumentation au
présent dossier, la Commission des lésions professionnelles en arrive à la
conclusion que l’employeur a démontré, au moyen d’une preuve prépondérante,
l’existence d’un handicap, au sens de l’article
[17] D’abord, comme la nature et la gravité du fait accidentel constituent des éléments à apprécier pour déterminer l’existence d’une relation entre la déficience identifiée et la lésion professionnelle subie par la travailleuse, et ce, sans remettre en question l’admissibilité de la lésion professionnelle, force est de conclure à la banalité du fait accidentel survenu le 4 juin 2008.
[18] De plus, la travailleuse a des antécédents de lésions dans la région lombaire.
[19] En 2002, elle a subi une entorse lombaire qui avait nécessité un arrêt de travail de quelques mois.
[20] En 2006, pendant que la travailleuse était hospitalisée en raison d’un infarctus du myocarde, elle a présenté un épisode de lombosciatalgie droite. Une tomodensitométrie de la colonne lombosacrée réalisée le 8 décembre 2006 a alors démontré l’absence d’anomalie significative au niveau L3-L4, un léger bombement discal au niveau L4-L5, sans hernie focale ni sténose, mais une hernie postéro-latérale droite comprimant la racine S1 droite dans le récessus latéral.
[21] Le 2 octobre 2008, un examen d’imagerie par résonance magnétique de la région lombaire a été réalisé et démontre une légère discopathie dégénérative multiétagée, une hernie postérieure paracentrale droite L5-S1 pouvant irriter la racine émergente de S1 droite, pas de sténose spinale ou foraminale, de même qu’une hypertrophie du ligament longitudinal postérieur quelque peu inhabituelle, et une arthrose facettaire droite modérée au niveau L5-S1.
[22] Trois médecins, ayant examiné la travailleuse à titre d’experts, concluent qu’elle présente une condition personnelle préexistante à son accident du travail.
[23] Le docteur Besner, médecin expert de l'employeur, examine la travailleuse le 17 février 2009 et retient un diagnostic d’entorse lombaire sur une condition personnelle de hernie discale L5-S1 droite, avec sciatalgie, connue depuis 2006.
[24] Le 29 juin 2009, le docteur Duhaime, médecin expert de la travailleuse, examine cette dernière et conclut également à un diagnostic d’entorse lombaire sur une discopathie préexistante[9].
[25] Le 17 octobre 2012, le docteur Giasson conclut également que la travailleuse était porteuse d’un handicap préexistant à sa lésion. Il résume ainsi son opinion fondée sur une évaluation complète de tous les aspects du dossier de la travailleuse en lien avec une demande de partage de l’imputation des coûts en lien avec de celle-ci :
Commentaires
Vous comprendrez que je ne partage nullement l’opinion de madame Sonia Métivier, réviseure. Madame Diana Hogan était bel et bien porteuse avant l’évènement du 4 juin d’un handicap à savoir une altération de la structure physiologique et anatomique de son rachis tel que mis en évidence au CT scan de décembre 2006. Cette hernie postérolatérale droite mise en évidence à cette période n’était pas qu’une découverte fortuite. Cet examen avait été réalisé dans un contexte de Iombosciatalgie droite qui s’était manifestée selon le dossier alors que madame était hospitalisée dans un contexte d’infarctus du myocarde. Il y avait donc selon le dossier bel et bien déficience au niveau de la structure discale de L5-S1, mais également au niveau de L4-L5 comme en fait foi le bombement discal mis en évidence au CT scan.
Cette condition n’a pu se résorber. Cette condition a continué d’évoluer. Le constat radiologique du 2 octobre 2008, résonance magnétique ne pouvait découler de l’évènement du 4 juin.
Dans un premier temps, cette résonance magnétique documente une diminution de signal de tous les disques étudiés de D11 à L5-S1. La diminution la plus significative étant en L5-S1. II s’agit donc d’une maladie discale multiétagée bel et bien préexistante à l’évènement allégué par la travailleuse.
Au surplus, le radiologiste décrit une hypertrophie multiétagée du ligament longitudinal postérieur, ce qui en soi est une condition «hors-norme» pour le simple considérant que le radiologiste mentionne «l’aspect est quelque peu inhabituel».
La maladie discale a évolué en hernie au niveau L3-L4, L4-L5, et a continué à progresser en L5-S1.
Dans son opinion, le radiologiste décrit une légère discopathie dégénérative, une hernie postérieure paracentrale droite L5-S1 qui pourraient irriter la racine émergente de S1 droite et mentionne à nouveau l’hypertrophie du ligament longitudinal postérieur quelque peu inhabituel.
Ces conditions dégénératives sont présentes chez une dame qui selon le membre évaluateur mesurait 5 pieds 1 pouce et pesait 179 livres. Ceci lui confère un indice de masse corporelle à 35,1 ce qui en fait une classe 2 en terme d’obésité où les risques de comorbidité sont considérés comme très élevés.
L’événement tel que rapporté par la travailleuse revêt un caractère des plus anodins. Madame était à manipuler un transpalette, ce dernier est bloqué à son insu, elle donne un coup et ressent une douleur à la région lombaire. Elle apportera certaines précisions par la suite en disant qu’il y a probablement eu un geste de torsion. Quoi qu’il en soit, ce geste voire cette mini torsion aurait pu entrainer une blessure de type élongation musculaire par analogie entorse lombaire simple.
D’un point de vue médical, le propre d’une entorse lombaire est de se résorber et des balises nous ont été données depuis de nombreuses années par docteur Spitzer. Ce dernier avait considéré un nombre de quatre semaines comme temps de consolidation normale pour une lésion qualifiée de légère, six semaines pour une entorse modérée, huit semaines pour une entorse dite sévère.
Invités à se prononcer à nouveau sur ce sujet par la SAAQ, Spitzer et son groupe en 1995 ont considéré suite à l’étude sur des modèles de biophysiologie animale qu’une lésion au niveau des tissus mous se consolidait entre quatre et six semaines. Or, à la suite d’un évènement à caractère anodin survenu le 4 juin 2008, madame ne sera consolidée que le 1er juin 2009, et ce, suite à l’intervention d’un membre évaluateur. Cette disproportion en termes de conséquence entre un évènement de caractère des plus anodins et le présent dossier ne peut trouver son explication autrement que par les altérations des structures physiologiques de ses disques, et ce, de façon multiétagée avec tel que mis en évidence à la résonance magnétique des ébauches d’hernies en L3-L4, L4-L5 et hernie franche en L5-S1, conditions qui avaient déjà été documentées en 2006. Il y avait donc bel et bien d’un point de vue médical un handicap et avec respect pour l’opinion contraire et même si madame se disait complètement asymptomatique, la maladie discale qualifiée de hernie en 2006 ne s’était pas résorbée de telle sorte que madame était bel et bien porteuse d’une déficience avant que ne survienne l’évènement du 4 juin.
L’employeur aurait pu s’opposer à la recevabilité de cette réclamation en mentionnant que le geste n’aurait pu entrainer une blessure de type entorse. L’expert désigné par l’employeur aurait cependant été obligé d’admettre que madame était porteuse d’une déficience et que cette déficience aurait pu être aggravée et/ou rendue symptomatique à la suite de l’évènement allégué soit le contrecoup. L’état de vulnérabilité de la travailleuse aurait donc facilité l’admissibilité de cette réclamation. Inversement, l’employeur demande une désimputation et on lui oppose que madame n’avait pas de déficit antérieur. À la révision du dossier, I’antériorité de la maladie discale ne fait aucun doute. Au surplus, madame est porteuse d’une obésité de type classe 2, ce qui en principe est hors-norme biomédicale pour autant que l’article 329 vise une telle norme.
Puisque l’on doit discuter de cette fameuse notion de hors-norme biomédicale, il y a peu ou pas d’étude de répertoriée chez des individus sains. J’ai trouvé une étude de Boden[10]. Si l’on doit considérer le diagnostic de hernie discale selon la catégorie d’âge 40-59 à l’intérieur de laquelle se retrouverait madame, les auteurs ont trouvé 22 % de hernies discales dans cette catégorie, ce qui à l’égard de la hernie discale la classerait comme hors-norme. En ce qui a trait à la dégénérescence discale, 59% des personnes de cet âge sont porteurs de dégénérescence discale. Mais, à mon avis la vraie norme biomédicale à l’égard d’une entorse devrait être considérée à l’égard d’un temps de consolidation.
Tel qu’exprimé plus haut, une lésion de type entorse lombaire se consolide entre quatre et six semaines, et ce, sans séquelle et sans atteinte permanente. Or, madame ne sera consolidée qu’un an plus tard, au surplus avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles de type classe 2. Cette disproportion en termes de conséquence à l’égard d’un événement questionnable s’explique par le handicap de madame, préexistant à la lésion à savoir altération des structures discales multiétagées et également par son obésité exogène de type classe 2. Avec respect pour l’opinion contraire, l’antériorité de la maladie discale est bien documentée au dossier. Que cette condition ait été symptomatique ou non ne change rien à la vulnérabilité de sa condition discale, conditions qui doivent donner ouverture à une désimputation.
Considérant ce qui précède la règle du plus que déterminant 95-5 devrait trouver ici son application. Dans le cas contraire, l’employeur serait définitivement obéré injustement.
[26] La Commission des lésions professionnelles retient l’opinion du docteur Giasson, d’ailleurs non contredite, suivant laquelle la travailleuse était porteuse d’un handicap préexistant lors de la survenance de l’événement, à savoir une discopathie dégénérative multiétagée comprenant une hernie postérieure paracentrale droite L5-S1 et une hypertrophie du ligament longitudinal postérieur quelque peu inhabituelle. Suivant la littérature médicale produite à ce sujet, la hernie discale est hors norme compte tenu de l’âge de la travailleuse. Ce handicap a vulnérabilisé le rachis lombaire de la travailleuse et a donc vraisemblablement eu un effet sur la production de la lésion étant donné que le fait accidentel était relativement anodin. Les conséquences ne correspondent pas du tout à celles qui découlent habituellement d’une entorse lombaire.
[27] La Commission des lésions professionnelles partage l’avis de la juge administrative Racine qui souligne, dans l’affaire Société de systèmes d’admission d’air Mark IV[11], que la CSST a tort de ne s’en remettre qu’à la période de consolidation pour procéder au partage des coûts générés par une lésion professionnelle, car le partage des coûts est un exercice qui ne peut uniquement reposer sur des formules mathématiques précises et uniformes. Ce partage doit tenir compte de toutes les circonstances particulières à une affaire et il doit viser à répartir équitablement les coûts, le but ultime étant que l’employeur du travailleur n’assume que ceux reliés à la lésion professionnelle et soit exempté de ceux se rattachant à un handicap préexistant. Elle rappelle que la jurisprudence du tribunal est éloquente en cette matière. Or, les coûts ne proviennent pas seulement de l’indemnité versée durant la période de consolidation. Des coûts sont également générés par l’octroi d’une atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles et lors du processus de réadaptation. Ainsi, il faut non seulement vérifier si le handicap préexistant affecte la durée de la période de consolidation, mais il faut aussi déterminer s’il a un impact sur l’atteinte permanente, sur les limitations fonctionnelles ou s’il influence la mise en place d’un plan individualisé de réadaptation.
[28] En ce qui a trait à la période de consolidation d’une entorse lombaire, le docteur Giasson explique dans son rapport d’expertise que la période de consolidation attendue d’une entorse lombaire est d’environ quatre à six semaines.
[29] Dans le présent cas, les conséquences semblent importantes pour une lésion du type d’une entorse lombaire, d’autant plus que l’événement est relativement banal et qu’il devrait y avoir une certaine concordance entre le type de lésion et ses conséquences.
[30] La lésion subie par la travailleuse, à savoir, une entorse lombaire avec lombosciatalgie droite greffée sur une condition préexistante de discopathie lombaire, a nécessité une période de consolidation d’un an, a entraîné des séquelles permanentes et des limitations fonctionnelles empêchant la travailleuse de reprendre son emploi prélésionnel de même que la détermination d’un emploi convenable. Ces conséquences dépassent sans contredit celles attendues d’une entorse lombaire.
[31] Par conséquent, étant donné la contribution du handicap préexistant tant sur la survenance de la lésion que sur les conséquences de celles-ci, la Commission des lésions professionnelles fait droit à la requête de l’employeur.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de Wal-Mart Canada (Commerce détail), l’employeur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 27 mars 2012, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur doit bénéficier d’un partage
du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie le 4 juin
2008, par madame Diana Hogan, la travailleuse, suivant l’article
DÉCLARE que l’employeur doit être imputé de 5 % du coût des prestations pour la lésion professionnelle subie par la travailleuse et que 95 % du coût des prestations doit être imputé aux employeurs de toutes les unités.
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Marlène Auclair |
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[1] L.R.Q., c. A-3. 001.
[2] Toutes ces décisions peuvent être consultées au dossier constitué pour l’audience.
[3] (1987) 119 G. O, II, 5576.
[4] Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et sécurité du travail.
[5]
Municipalité Petite-Rivière
St-François et CSST-Québec,
[6] C.L.P.
[7] Précitée, note 6.
[8] Hôpital Général de Montréal,
[9] Tel qu’il est mentionné au paragraphe [20] de la décision de la Commission des lésions professionnelles du 10 mai 2010 entérinant un accord dans le dossier 361788-62-0810 et suivants.
[10] La référence complète de l’article cité par le docteur Giasson est la suivante : S.D. BODEN et al.,« Abnormal Magnetic-Resonance Scans of the Lumbar Spine in Asymptomatic Subjects : A Prospective Investigation », (1990) 72 Journal of Bone and Joint Surgery, American Volume, pp. 403-408.
[11] C.L.P.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.