Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
     LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE
     DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES

     QUÉBEC    MONTRÉAL, le 15 février 1991

     DISTRICT D'APPEL  DEVANT LA COMMISSAIRE:    Élaine Harvey
     DE MONTRÉAL

     RÉGION:Abitibi-
       Témiscamingue ASSISTÉ DE L'ASSESSEUR:  Guy Vallières, médecin
     DOSSIER: 03749-08-8707

     DOSSIER CSST: 9392 410  AUDITION TENUE LE:        20 juin 1990

     A:                       Rouyn

     BOLESS INC.
     

989, rue Huppe Thetford Mines (Québec) G6G 6H8 PARTIE APPELANTE et MONSIEUR ALAIN COUTU 246, rue Des Outardes Lac-Dufault (Québec) J9X 5A3 PARTIE INTÉRESSÉE D É C I S I O N Le 30 juin 1987, la compagnie Boless Inc. en appelle à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) d'une décision rendue le 4 juin 1987 par le bureau de révision de l'Abitibi-Témiscamingue.

Par cette décision unanime, le bureau de révision maintient une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) et déclare que le plan individualisé de réadaptation élaboré dans le cas de monsieur Alain Coutu, le travailleur, est conforme «à l'esprit et à la lettre de la loi».

OBJET DE L'APPEL L'employeur demande à la Commission d'appel, d'infirmer la décision du bureau de révision et de déclarer que la Commission a passé outre aux prescriptions de la loi dans l'établissement du plan individualisé de réadaptation dans le cas du travailleur.

LES FAITS Le 1er août 1986, alors que le travailleur est à l'emploi de l'employeur comme journalier spécialisé, il ressent une douleur au dos en déblayant une tranchée avec une pelle.

Le 4 août, il consulte un médecin qui pose le diagnostic d'entorse lombaire et prescrit un arrêt de travail.

Le 15 août, le travailleur soumet une réclamation à la Commission qui lui verse l'indemnité de remplacement du revenu.

Le 14 novembre, le travailleur est examiné par le docteur Sarto Imbeault, physiatre, qui pose un diagnostic de spondylolisthésis au niveau de L5-S1, prescrit du repos pour six semaines additionnelles, mais il met fin aux traitements de physiothérapie.

Le 9 janvier 1987, le docteur Imbeault établit un rapport final mentionnant que la lésion est consolidée le même jour. Il croit que le travailleur a une atteinte permanente à son intégrité physique et des limitations fonctionnelles. Au niveau des remarques, le docteur Imbeault écrit ceci: «État stationnaire. Je ne crois pas qu'une greffe le retournera à son travail antérieur. Il n'aura que moins de douleur. Je suggère réadaptation sociale (déjà en administration à l'Université du Québec). DAP à évaluer éventuellement.» Le 23 janvier 1987, à la demande de la Commission, le travailleur rencontre le docteur Émile Berger, qui, après avoir procédé à un examen, émet cet avis: «spondylolisthésis à L5-S1. Il s'agit ici d'une condition personnelle mais qui est certainement possible d'aggravation par des efforts physiques majeurs. Dans les circonstances, un retour au travail de journalier est contre-indiqué. Le requérant devrait faire un travail léger selon la classification canadienne des travaux. Un APIP est prévisible.» Le 26 janvier, le docteur Bolduc établit également un rapport final faisant état que le travailleur a une atteinte permanente à son intégrité physique et des limitations fonctionnelles.

La Commission procède alors à l'évaluation des besoins du travailleur en réadaptation professionnelle. Après avoir identifié le niveau scolaire complété par le travailleur, le fait qu'il détient une carte de compétence comme journalier dans la construction et qu'il a une expérience de travail dans ce domaine exclusivement, à l'exception d'une année comme représentant de commerce, la Commission identifie deux emplois convenables, soit agent immobilier et responsable du personnel. L'employeur fait savoir qu'il n'a aucun emploi convenable disponible à offrir au travailleur. La Commission détermine alors que l'emploi de «responsable du personnel» est l'emploi convenable pour le travailleur. La possibilité raisonnable d'embauche est restreinte au niveau des ministères provinciaux et fédéraux, mais on la qualifie de «bonne» dans l'entreprise privé et le salaire est intéressant, soit environ 30 000,00 $.

Au moment de son accident, le salaire brut du travailleur était de 28 524,00 $.

Le 12 février 1987, la Commission écrit ceci au travailleur: «La présente fait suite à nos rencontres/communications téléphoniques concernant l'établissement d'un Plan Individualisé en Réadaptation.

Suite à la réception du rapport final du docteur Bolduc, votre consolidation médicale a été fixée au 9 janvier 1987. De plus, considérant le fait que vous ne pouvez retourner à votre emploi régulier de journalier de construction et qu'il est prévu des séquelles permanentes dans votre dossier, vous rencontrez les critères d'admissibilité nécessaires à la réadaptation.

Dans le but d'exercer votre droit au retour au travail, nous avons vérifié auprès de votre employeur immédiat les possibilités de retour au travail dans un emploi équivalent ou convenable. Cette démarche s'est avérée sans résultat positif. Il a donc été convenu d'accepter une formation universitaire de trois ans menant au B.A.A., le but professionnel visé est celui de responsable du personnel. De plus, suite à des discussions, nous avons convenu d'établir le salaire moyen soit 30 000,00 $ environ.

Finalement, je voudrais vous informer que l'évaluation de votre atteinte permanente à votre intégrité physique se fera aussitôt que notre barème sera disponible.

S'il advenait que votre médecin traitant, le docteur Bolduc, ne puisse constater d'atteinte permanente à votre intégrité physique, nous serions dans l'obligation de mettre fin à la présente entente ainsi qu'aux indemnités s'y rattachant.» A la demande de l'employeur, le travailleur rencontre le docteur Marc Goulet, orthopédiste, le 20 février 1987. A la suite de l'examen qu'il effectue, le docteur Goulet émet l'avis suivant: «(...) Médicalement, nous terminons donc son incapacité totale au retour au travail le 18 novembre 1986. Je crois que l'absence à son travail est en relation avec son accident, le patient est porteur d'un spondylolyse et spondylolisthésis, problème médical personnel, qui demande un partage des coûts. Une entorse lombaire demande habituellement six semaines d'arrêt de travail à cause de son problème personnel et les restrictions: Travail léger, selon le barème canadien et d'éviter les flexions répétées de son rachis.» Le 25 février 1987, l'employeur demande la révision de la décision rendue par la Commission le 12 février.

Le 26 janvier, le docteur Bolduc établit à son tour un rapport final mentionnant, comme date de consolidation, le 9 janvier précédent. Il prévoit également une atteinte permanente à l'intégrité physique du travailleur de même que des limitations fonctionnelles.

Le 11 mars 1987, l'employeur demande à la Commission que les coûts de l'accident survenu au travailleur soient imputés en totalité à tous les employeurs en vertu de l'article 329 étant donné que le travailleur est porteur d'un problème médical personnel.

A l'audience tenue par le bureau de révision, le 21 mai 1987, l'employeur argumente qu'en élaborant son plan de réadaptation, la Commission n'a pas respecté l'esprit du chapitre IV de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, en ce qu'il n'a pas pris en considération les limites imposées par les articles 166 et 167 de la loi puisqu'il n'y a eu aucune recherche d'un emploi convenable ailleurs que chez l'employeur au dossier.

Dans sa décision rendue le 4 juin 1987, le bureau de révision maintient la décision de la Commission.

Les notes évolutives au dossier de la Commission indiquent que le travailleur a suivi des cours pour obtenir un diplôme de Secondaire V pendant cette période. Le but de cette démarche était de s'inscrire à l'Université en janvier 1987.

Le 14 février 1990, le docteur André Gilbert, orthopédiste, établit à 4% le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique du travailleur.

La Commission rend une décision en ce sens le 5 mars 1990. Le 30 mars suivant, l'employeur demande la révision de cette décision par le bureau de révision de l'Abitibi-Témiscamingue pour le motif qu'il n'existe pas de relation entre le pourcentage accordé et l'accident du travail survenu le 1er août 1986.

A l'audience, le travailleur déclare qu'il aurait été disposé à occuper un emploi convenable chez l'employeur si on le lui avait offert. Il n'a pas cherché d'emploi convenable ailleurs. Il a décidé d'entreprendre un plan de réadaptation. Il a terminé ses études et il a obtenu un emploi par la suite; comme il avait été prévu.

ARGUMENTATION Selon l'employeur, la Commission d'appel ne peut prétendre que le rapport final du docteur Imbault liait la Commission aux fins d'établir un plan de réadaptation. Le plan élaboré par la Commission ne rencontre pas les exigences des articles 145 et 146, puisqu'on a omis de mettre en oeuvre, en premier lieu, un plan de réadaptation physique.

De plus, la Commission a passé outre à la règle générale de l'article 166 qui vise à réintégrer le travailleur dans son emploi ou un emploi équivalent. Finalement, la Commission a donné préséance au choix du travailleur. Elle n'a pas appliqué l'article 172 qui ne permet d'accorder une formation professionnelle que lorsque le travailleur ne peut accéder autrement à un emploi convenable.

Pour sa part, le travailleur plaide que contrairement à ce que prétend l'employeur, le rapport du docteur Imbault lui donnait droit à la réadaptation puisque l'employeur n'a jamais demandé de soumettre le dossier à l'arbitrage. Selon le travailleur, la Commission a tenu compte de ses capacités physiques et des possibilités d'embauche dans la détermination de l'emploi convenable. L'employeur s'est dégagé de son obligation en déclarant qu'il n'avait pas d'emploi convenable disponible. Dès lors, il appartenait à la Commission et au travailleur d'agir.

On ne saurait lui reprocher d'avoir pensé d'avance à son plan de réadaptation.

MOTIFS DE LA DÉCISION Les articles 145 et 146 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles édictent ceci: 145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans le mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.

Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.

L'employeur n'a pas contesté le rapport final établi par le docteur Imbault le 9 janvier 1987 ni celui du docteur Bolduc en date du 26 janvier 1987, ces deux médecins ayant mentionné que le travailleur avait une atteinte permanente à son intégrité physique et des limitations fonctionnelles.

Le travailleur avait donc droit à la réadaptation que requérait son état en vue de sa réinsertion professionnelle.

Par ailleurs, il n'est pas exact de dire, comme le prétend l'employeur, que la Commission devait avant tout établir un programme de réadaptation physique. Selon l'article 146, le programme dont peut bénéficier le travailleur, dans le cadre d'un plan individualisé de réadaptation, dépend de ses besoins. Dans le cas présent, la Commission a déterminé que le travailleur avait besoin de réadaptation professionnelle uniquement.

La réadaptation professionnelle privilégie le retour du travailleur chez son ancien employeur, de préférence dans son emploi ou dans un emploi équivalent si le travailleur en a la capacité. Sinon, le retour à un emploi convenable chez le même employeur et, si cela n'est pas possible, le retour à un emploi convenable chez un autre employeur. C'est là le sens qu'il faut donner à l'article 166: 166. La réadaptation professionnelle a pour but de faciliter la réintégration du travailleur dans son emploi ou dans un emploi équivalent ou, si ce but ne peut être atteint, l'accès à un emploi convenable.

Dans le cas présent, les médecins qui ont examiné le travailleur s'accordent pour dire qu'il ne peut plus retourner à son emploi de journalier.

Le programme de mise à jour des connaissances pour redevenir capable d'exercer son emploi, prévu à l'article 168, ne s'applique pas. De même, aucune mesure de réadaptation ne pouvait rendre le travailleur capable d'exercer son emploi de journalier spécialisé, étant donné les opinions médicales au dossier. L'article 169 qui vise cette situation ne s'applique pas non plus.

Quant à l'article 170, qui vise l'accès à un emploi convenable chez le même employeur, il ne s'applique pas non plus, puisque l'employeur a fait savoir qu'il n'avait pas d'emploi convenable disponible.

L'article 171 prévoit, par ailleurs, ce qui suit: 171. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent et que son employeur n'a aucun emploi convenable disponible, ce travailleur peut bénéficier de services d'évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l'aider à déterminer un emploi convenable qu'il pourrait exercer.

Cette évaluation se fait notamment en fonction de la scolarité du travailleur, de son expérience de travail, de ses capacités fonctionnelles et du marché du travail.

C'est exactement cette disposition qui a été appliquée en l'instance. Un intervenant en réadaptation a pris note de la scolarité du travailleur, du fait qu'il possède une carte de compétence comme journalier dans la construction, de son expérience de travail et de ses limitations fonctionnelles.

Il convient de rappeler qu'en vertu de l'article 2, un emploi est convenable pour un travailleur s'il lui permet d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qu'il présente une possibilité raisonnable d'embauche et que ses conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique.

Après avoir identifié deux emplois convenables pour le travailleur, l'intervenant a retenu celui de responsable du personnel, emploi qui présentait une possibilité raisonnable d'embauche dans le secteur privé et auquel est rattaché un salaire d'environ 30 000,00 $.

L'employeur fait valoir que la Commission aurait dû obliger le travailleur à faire une recherche d'emploi convenable avant de le faire bénéficier d'un programme de formation professionnelle.

La Commission d'appel est d'avis qu'on ne peut conclure de ce seul fait, que ce qui a été fait a été mal fait.

A cet égard, la Commission d'appel reprend les paroles du bureau de révision dans sa décision: «Ce plan prévoit une formation de 3 ans devant mener à un emploi où le salaire annuel moyen est fixé à 30 000,00 $ et ce chez un travailleur dont le salaire a été fixé à 28 524,38 $.

C'est dire qu'au plus tard un an après la finalisation du plan les prestations d'I.R.R. seront terminées de façon définitive et ce, conformément à l'article 49 de la loi.

Rien ne démontre qu'un autre plan comportant moins d'années de scolarisation ou n'en comportant pas du tout aurait pu conduire à un emploi où le travailleur aurait touché un salaire potentiel équivalent à la base de salaire utilisé aux fins de calcul de l'indemnité de remplacement du revenu soit 28 524,00 $ par année. Il n'est pas évident qu'un plan ayant mené à un emploi clérical demandant moins de scolarité et par conséquent moins bien rémunéré, aurait été plus économique puisqu'alors les prestations d'indemnité de remplacement du revenu auraient dû se poursuivre partiellement et ce, pendant une période indéterminée.

Donc si on tient compte du salaire annuel de base fixé à 28 524,00 $ et non contesté par l'employeur, celui-ci n'a pas démontré que le plan élaboré dans le cas de monsieur Coutu est non conforme à l'esprit et à la lettre de la loi.» Devant la Commission d'appel, l'employeur n'a pas fait la démonstration que le travailleur aurait pu effectivement occuper un emploi convenable sans bénéficier d'un programme de formation professionnelle. La Commission d'appel ne serait pas en mesure, compte tenu de la preuve présentée par l'employeur, de faire une évaluation selon l'article 171.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES REJETTE l'appel de l'employeur, Boless Inc.; CONFIRME la décision rendue le 4 juin 1987 par le bureau de révision; MAINTIENT le plan de réadaptation élaboré dans le cas du travailleur, monsieur Alain Coutu.

Élaine Harvey, commissaire Me Normand Leblanc (Leblanc, Lauzon & Associés) 7905, boul. Louis-H. Lafontaine suite 300 Anjou (Québec) H1K 4E4 Représentant de la partie appelante Me Marc Ouimette 139, Perreault Est Rouyn-Noranda (Québec) J9X 3C3 Représentant de la partie intéressée

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.