_

Leclerc et Camion remorque Revan inc.

2008 QCCLP 3848

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Lévis

8 juillet 2008

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossier :

324029-03B-0707

 

Dossier CSST :

123586521

 

Commissaire :

Me Jean-François Clément, juge administratif

 

Membres :

Aubert Tremblay, associations d’employeurs

 

Yves Poulin, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Luc Leclerc

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Camion remorque Revan inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                ATTENDU que le 30 juillet 2007 monsieur Luc Leclerc (le travailleur) a déposé à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 14 juin 2007 à la suite d’une révision administrative;

[2]                ATTENDU que par cette décision, la CSST confirme sa décision initiale du 9 mars 2007 et déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 30 juin 2004 en lien avec le diagnostic d’angoisse porté par le médecin du travailleur;

[3]                ATTENDU que le 3 janvier 2003, le travailleur a subi une lésion professionnelle à l’épaule droite alors qu’il était à l’emploi de Camion remorque Revan inc. (l’employeur);

[4]                ATTENDU qu’une audience a été tenue, ce jour, à Lévis en présence du travailleur et du procureur de l’employeur;

[5]                ATTENDU que le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’il a subi une lésion par le fait ou à l’occasion de son plan individualisé de réadaptation;

[6]                ATTENDU que le 1er avril 2004, la CSST a rendu une décision déclarant que le travailleur ne pouvait reprendre son emploi chez l’employeur et déterminant l’emploi convenable de conseiller de service en équipement motorisé;

[7]                ATTENDU que par cette même décision, une mesure de réadaptation a été mise en place soit une formation sur mesure à l’école Wilbrod-Bherer avec stage en emploi chez un concessionnaire automobile de Montmagny;

[8]                ATTENDU le témoignage du travailleur;

[9]                ATTENDU la preuve documentaire au dossier;

[10]           ATTENDU l’absence d’objection de l’employeur;

[11]           ATTENDU l’avis des membres issus des associations syndicales et d’employeurs à l’effet que l’angoisse du travailleur doit être reconnue à titre de lésion professionnelle au sens de l’article 31 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), la lésion étant survenue par le fait ou à l’occasion du plan de réadaptation;

[12]           CONSIDÉRANT que le travailleur avait été actif sur le marché du travail de façon continue pendant 30 ans;

[13]           CONSIDÉRANT que la mise sur pied d’un plan de réadaptation et la détermination d’un emploi convenable inconnu avec obligation de suivre un cours et d’effectuer un stage de formation a eu un effet significatif sur le plan psychologique pour le travailleur;

[14]           CONSIDÉRANT que l’apprentissage de nouvelles fonctions totalement étrangères à celles effectuées pendant 30 ans a affecté le travailleur;

[15]           CONSIDÉRANT que le plan de réadaptation prévoyait l’accès à un emploi où le travailleur devait être en lien direct avec la clientèle ce qui n’était jamais arrivé dans ses emplois antérieurs et ce qui a constitué une source de stress;

[16]           CONSIDÉRANT que le stage prescrit au travailleur se déroulait à Montmagny, impliquant 90 minutes de transport automobile par jour et constituant ainsi un élément de stress additionnel;

[17]           CONSIDÉRANT que le stage auquel a dû participer le travailleur a été amputé de deux semaines à cause de ses problèmes psychologiques et que ces deux semaines n’ont jamais été reprises par la suite alors qu’elles visaient le contact avec la clientèle, ce dont le travailleur avait grandement besoin;

[18]           CONSIDÉRANT que cette amputation du stage a constitué une source de stress additionnelle et une tache au dossier du travailleur vis-à-vis des employeurs potentiels;

[19]           CONSIDÉRANT que le fait pour le travailleur de retourner à l’école alors qu’il avait près de 50 ans et qu’il n’y était pas allé depuis plus de 30 ans constitue également une source de stress additionnelle;

[20]           CONSIDÉRANT le diagnostic d’angoisse posé par le médecin qui a charge et non contesté;

[21]           CONSIDÉRANT que cette angoisse est accompagnée de fatigue, d’étourdissements, d’hypersomnie;

[22]           CONSIDÉRANT que le travailleur n’avait éprouvé aucun problème de la sorte avant l’été 2004;

[23]           CONSIDÉRANT qu’aucune condition personnelle ou autre cause n’explique l’angoisse qu’il a subie à l’été 2004;

[24]           CONSIDÉRANT la crédibilité évidente du travailleur;

[25]           CONSIDÉRANT que la relation est une question juridique et non médicale[2];

[26]           CONSIDÉRANT que l’article 31 de la loi mentionne ce qui suit :

31.  Est considérée une lésion professionnelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion :

 

1° des soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins;

 

2° d'une activité prescrite au travailleur dans le cadre des traitements médicaux qu'il reçoit pour une lésion professionnelle ou dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.

 

Cependant, le premier alinéa ne s'applique pas si la blessure ou la maladie donne lieu à une indemnisation en vertu de la Loi sur l'assurance automobile (chapitre A-25), de la Loi visant à favoriser le civisme (chapitre C-20) ou de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels (chapitre I-6).

__________

1985, c. 6, a. 31.

 

 

[27]           CONSIDÉRANT qu’en conséquence, l’angoisse du travailleur est survenue par le fait ou à l’occasion d’une activité prescrite au travailleur dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation;

[28]           CONSIDÉRANT que le diagnostic d’angoisse constitue une nouvelle lésion différente de celle reconnue en lien avec la lésion initiale du 3 janvier;

[29]           CONSIDÉRANT que cet état d’angoisse aura duré environ deux mois, soit en juillet et août 2004 pour se résorber au début septembre 2004 de l’aveu même du travailleur;

[30]           CONSIDÉRANT que les indemnités à être versées par la CSST devront tenir compte de ce fait et des sommes déjà reçues en lien avec la lésion d’ordre physique;

 

 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

 

ACCUEILLE la requête de monsieur Luc Leclerc, le travailleur;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 14 juin 2007 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a subi le 30 juin 2004 une lésion professionnelle au sens de l’article 31 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;

DÉCLARE que le travailleur a droit aux prestations prévues par la loi;

DÉCLARE que tous les coûts de cette lésion doivent être imputés aux employeurs de toutes les unités tel que prévu à l’article 327 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles

 

 

 

 

__________________________________

 

Me Jean-François Clément

 

Commissaire et juge administratif

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Me Raymond Gouge

CAIN, LAMARRE & ASS.

Procureur de la partie intéressée

 



[1]           L.R.Q. c. A-3.001

[2]           C.U.M. et Blouin, [1987] CALP 62 ; Delisle et Ispat-Sidbec inc., [1999], C.L.P. 929 ;

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.