Dufresne et Bridgestone Firestone Canada inc. |
2011 QCCLP 6102 |
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RECTIFICATION D’UNE DÉCISION
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[1] La Commission des lésions professionnelles a rendu, le 19 septembre 2011, une décision dans le présent dossier;
[2]
Cette décision contient une erreur dans le corps de la décision qu’il y
a lieu de rectifier en vertu de l’article
[3] Au paragraphe 28, nous lisons :
[28] Les dispositions de l’article
358.3. Après avoir donné aux parties l'occasion de présenter leurs observations, la Commission décide sur dossier; elle peut confirmer, infirmer ou modifier la décision, l'ordre ou l'ordonnance rendu initialement et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu.
Les articles 224.1 et 233 s'appliquent alors à la Commission et celle-ci rend sa décision en conséquence.
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1997, c. 27, a. 15.
[4] Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :
[28] Les dispositions de l’article
377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.
Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.
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1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.
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Daniel Pelletier |
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Dufresne et Bridgestone Firestone Canada inc. |
2011 QCCLP 6102 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Joliette |
19 septembre 2011 |
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Région : |
Lanaudière |
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Dossier : |
431258-63-1102 |
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Dossier CSST : |
131206153 |
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Commissaire : |
Daniel Pelletier, juge administratif |
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Membres : |
Carl Devost, associations d’employeurs |
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Guy Mousseau, associations syndicales |
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Richard Dufresne |
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Partie requérante |
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et |
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Bridgestone Firestone Canada inc. |
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Partie intéressée |
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et |
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Commission de la santé et de la sécurité du travail |
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Partie intervenante |
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[1] Le 22 février 2011, monsieur Richard Dufresne, le travailleur, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) à l'encontre d'une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 17 janvier 2011, à la suite d'une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision initialement rendue le 16 août 2010. Elle refuse de reconnaître que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation le 19 avril 2010.
[3] Une audience est tenue à Joliette le 13 septembre 2011. Le travailleur est absent de même que son représentant, monsieur François Massie, qui a toutefois soumis des observations écrites à la Commission des lésions professionnelles, le 29 août 2011, observations qui ont été transmises le 30 août 2011 aux autres parties sans qu’elles n’y répliquent ou demandent de le faire.
[4] L’employeur, Bridgestone Firestone Canada inc., n’assiste pas à l’audience ayant prévenu le tribunal, en date du 1er septembre 2011, de son absence.
[5] La CSST, partie intervenante au dossier, a également informé le tribunal par l’entremise de sa représentante, Me Myriam Sauviat, qu’elle n’assisterait pas à l’audience. Le tribunal procède donc sur dossier.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[6] Le travailleur, par l’entremise de son représentant, demande dans ses observations écrites que la rechute alléguée soit reconnue dans le but d’obtenir le remboursement des traitements d’acupuncture prescrits par son médecin traitant, le docteur Vigeant.
L'AVIS DES MEMBRES
[7] Les membres issus des associations syndicales et patronales sont d'avis que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation, mais qu’il y a lieu d’accorder au travailleur le droit aux remboursements du coût de ses traitements d’acupuncture puisque ceux-ci sont des soins médicaux auxquels le travailleur a droit suite à sa lésion professionnelle.
[8] Il appert en effet du dossier soumis à l’attention du tribunal que le travailleur conserve de sa lésion professionnelle une atteinte permanente à l’intégrité physique et des séquelles douloureuses. Les traitements d’acupuncture requis pour le soulagement de ces douleurs sont visés par le droit à l’assistance médicale prévu par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) même si le travailleur a été consolidé de sa lésion.
LES FAITS ET MOTIFS
[9] Le tribunal doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement des frais d’acupuncture qu’il a engagés en raison des conséquences de sa lésion professionnelle.
[10] La preuve soumise à l’attention du tribunal démontre que les traitements d’acupuncture prescrits et administrés au travailleur l’ont été en raison de sa lésion professionnelle.
[11] À cette preuve s’ajoute le rapport médical produit par le médecin qui a charge du travailleur. Le rapport du docteur Vigeant mentionne ce qui suit :
Par la présente, je demande à ce que M. Dufresne puisse poursuivre ses traitements d’acupuncture pour son syndrome d’algodystrophie sympatique réflexe découlant de son accident de travail (fracture du scaphoïde poignet droit et déchirure ligamentaire).
En effet, après avoir consulté une clinique de la douleur et avoir essayé plusieurs modalités antalgiques (dont hyrica, opïoides, physiothérapie, gaba-pentin, infiltration, césamet, …) nous constatons que seul les traitements réguliers d’acupuncture apporte un certain soulagement au patient tout en évitant l’utilisation des doses importantes de narcotique et leurs effets secondaires.
La littérature nous montre d’ailleurs que l’acupuncture est reconnue de plus en plus comme traitement d’appoint dans la douleur chronique.
[sic]
[12] Quant à l’aspect historique de la lésion professionnelle subie par le travailleur, le tribunal retient les éléments suivants : le travailleur, manœuvre chez l’employeur, subit une lésion professionnelle le 25 février 2007 en tentant de soulever une poche de WN097 pesant 55 livres qui se trouvait sur une palette.
[13] La CSST a, par la suite, reconnu le diagnostic de fracture du scaphoïde découlant de cet événement à titre de lésion professionnelle.
[14] La condition du travailleur évolue de façon défavorable. De nouveaux diagnostics de rupture ligamentaire scapholunaire droite ainsi que d’algodystrophie réflexe de Sudeck sont par la suite acceptés par la CSST dans les décisions rendues les 8 juin 2007, 20 décembre 2007 et 29 octobre 2008.
[15] La lésion est consolidée le 8 décembre 2009 avec une atteinte permanente de 75 %. Des limitations fonctionnelles sont également reconnues en relation avec cette lésion professionnelle.
[16] Le 1er mars 2010, la CSST renonce à réadapter le travailleur et le reconnait inapte à occuper tout emploi.
[17] Le 14 décembre 2009, le docteur Éric Renaud examine le travailleur à la demande de l’employeur et conclut que les traitements sont suffisants. Il mentionne toutefois ce qui suit :
Discussion :
En somme, il s’agit d’un homme qui présente des séquelles d’un syndrome douloureux régional complexe au membre supérieur droit et qui n’affiche aucun mouvement actif, très peu de mouvements passifs proximalement et aucun mouvement passif distalement.
Le patient présente une position non fonctionnelle de la main avec une extension du majeur et une flexion des autres doigts avec extension des interphalangiennes. Le coude est cependant maintenu en flexion à environ 95°.
À gauche, Monsieur présente une symptomatologie douloureuse pour laquelle aucun traitement n’est actuellement effectué. Par contre, les mouvements sont fonctionnels, tant au niveau de l’épaule, du coude que du poignet.
[18] Cet avis a été entériné par l’orthopédiste traitant, le docteur Martineau, sur le rapport complémentaire du 11 janvier 2010, qui mentionne être d’accord avec l’invalidité permanente compte tenu des multiples tentatives infructueuses d’améliorer la condition du travailleur et par le docteur Vigeant, le 15 février 2010, qui indique être d’accord avec la consolidation et avec le fait qu’il y a suffisance de soins « curatifs ».
[19] Le 19 avril 2010, le docteur Vigeant indique dans un rapport médical que le travailleur est toujours suivi pour une fracture scaphoïde droite avec algodystrophie réflexe. Il prescrit de continuer l’acupuncture pour le contrôle de ses douleurs.
[20] Il réitérera sa prescription de traitements d’acupuncture et de narcotiques, toujours pour le contrôle de la douleur le 10 juin 2010. Il précise dans un rapport transmis à cette même date que l’acupuncture est la seule modalité réellement efficace qui permet de diminuer la douleur.
[21] La preuve au dossier révèle que le travailleur est soulagé pour 36 à 48 heures après un traitement d’acupuncture, ce qui lui permet d’espacer occasionnellement la prise de ses timbres de narcotiques d’un à deux jours. Il prend occasionnellement un comprimé d’opioïdes lorsqu’il n’utilise pas de narcotiques pour un meilleur sommeil.
[22] La preuve ne permet toutefois pas au tribunal de conclure qu’il y a eu détérioration objective de l’état de santé du travailleur depuis la consolidation de la lésion, ce qui empêche le tribunal de conclure que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle.
[23] Il appert plutôt du dossier que la condition du travailleur est stable depuis sa consolidation, que ses douleurs, quoique présentes continuellement, sont sensiblement les mêmes que celles dont il souffrait au moment de la consolidation de sa lésion.
[24] Ce constat fait-il en sorte que le tribunal doit rejeter la réclamation du travailleur quant au remboursement des frais engagés pour ses traitements d’acupuncture sous prétexte qu’ils ont été réclamés comme accessoires d’une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation? Le tribunal ne le croit pas.
[25] Le tribunal est d’opinion qu’il possède le pouvoir de décider de la nature de la demande du travailleur, bien que ladite demande ait été présentée comme une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation.
[26] Il ressort clairement du dossier que la demande du travailleur visait à obtenir le remboursement des frais de traitements d’acupuncture qui soulagent les douleurs résiduelles qu’il conserve de sa lésion professionnelle. La CSST aurait dû analyser la demande du travailleur sous cet angle plutôt que de ne s’en tenir qu’à décider d’une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation.
[27] Le fait que le travailleur ait choisi de présenter cette demande dans le cadre d’une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation n’est pas fatal à la demande initiale dont le but premier est d’obtenir le remboursement des frais pour les traitements d’acupuncture.
[28]
Les dispositions de l’article
358.3. Après avoir donné aux parties l'occasion de présenter leurs observations, la Commission décide sur dossier; elle peut confirmer, infirmer ou modifier la décision, l'ordre ou l'ordonnance rendu initialement et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu.
Les articles 224.1 et 233 s'appliquent alors à la Commission et celle-ci rend sa décision en conséquence.
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1997, c. 27, a. 15.
[29]
Les articles
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
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1985, c. 6, a. 188.
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit :
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
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1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.
194. Le coût de l'assistance médicale est à la charge de la Commission.
Aucun montant ne peut être réclamé au travailleur pour une prestation d'assistance médicale à laquelle il a droit en vertu de la présente loi et aucune action à ce sujet n'est reçue par une cour de justice.
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1985, c. 6, a. 194.
[30] De nombreuses décisions de la Commission des lésions professionnelles[2] confirment le droit du travailleur qui conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles à la suite de sa lésion professionnelle, de recevoir les soins médicaux que requiert son état si ces soins sont prodigués dans le but de soulager les douleurs résiduelles qu’il conserve à la suite de sa lésion professionnelle, et ce, même après la date de consolidation de la lésion.
[31] Le fait que le Bureau d’évaluation médicale ait statué sur la consolidation de la lésion et la suffisance des soins « curatifs » n’est pas un obstacle au fait que le travailleur a droit à des soins médicaux après la date de consolidation pour le soulagement des douleurs résiduelles qu’il conserve en raison de cette même lésion[3].
[32] Le tribunal constate que les différents médecins au dossier sont tous d’accord sur le fait qu’il y avait suffisance de soins « curatifs », c'est-à-dire de soins qui ont pour but d’améliorer la condition du travailleur.
[33] Ici, il ne s’agit pas d’améliorer la condition du travailleur, mais bien de soulager les douleurs qui résultent de la lésion professionnelle sans pour autant que la condition de santé du travailleur ne s’améliore.
[34] Le médecin qui a charge du travailleur est d’opinion que les traitements d’acupuncture soulagent les douleurs résiduelles du travailleur et lui permettent de réduire ou d’espacer la prise de médicaments narcotiques. La nécessité de ces soins n’est pas contredite.
[35]
Des traitements d'acupuncture ont été
prescrits et ils sont reliés à la lésion. Ces traitements font partie de
l'assistance médicale à laquelle le travailleur a droit à la suite de la lésion
professionnelle subie, conformément au paragraphe 5 de l'article
[36]
L'article
[37]
Selon la jurisprudence, l'article
[38]
Le tribunal est d’opinion que le droit à l’assistance médicale prévu à
l’article
[39] Il n’y a pas non plus nécessité que nous soyons en présence d’une récidive, rechute ou aggravation pour que le travailleur ait droit au remboursement de ces soins.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Richard Dufresne, le travailleur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 17 janvier 2011, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 19 avril 2010;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais engagés pour ses traitements d’acupuncture aux fins de soulagement de ses douleurs résiduelles reliées à sa lésion professionnelle, et ce, rétroactivement au 19 avril 2010.
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Daniel Pelletier |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Canadien Pacifique et
Scalia, C.L.P. 225086-72-0312, 27 février 2007, G. Robichaud; Garzon et Nicholl Paskell-Mede inc., C.L.P.
[3] Sauriol et
Construction Bellvale inc.,
[4] Desrochers et
Caisse Desjardins Quartier-chinois, C.L.P.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.