Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

RÉGION:

Mauricie et

Centre-du-Québec

DRUMMONDVILLE, le 25 février 2000

 

DOSSIER:

114562-04-9904

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Robin Savard, avocat

 

 

 

 

ASSISTÉ DES MEMBRES :

Denis Gagnon

 

 

Associations d'employeurs

 

 

 

Henri Provencher

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST/DRA :

068360171-1

AUDIENCE TENUE LE :

5 novembre 1999

 

 

DÉLIBÉRÉ LE :

10 février 2000

 

 

 

 

 

 

À :

Trois-Rivières

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MONSIEUR FRANÇOIS LEVASSEUR

451, rue De L’Étang

Pointe-du-Lac (Québec) G0X 1Z0

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

ET

 

 

 

 

 

CANRON INC.

Direction des ressources humaines

300, boul. Matte, 2e étage

Brossard (Québec) J4Y 2P6

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


DÉCISION

 

[1.]             Le 12 avril 1999, M. François Levasseur (ci-après appelé le travailleur) conteste par requête, adressée à la Commission des lésions professionnelles, la décision rendue le 23 mars 1999 par la Révision administrative de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST).

[2.]             Par sa décision, la Révision administrative confirme la décision rendue le 9 décembre 1998 par la CSST qui met fin au 11 avril 1999, le remboursement de ses frais de conditionnement physique, dans le cadre d’un programme Nautilus au C.A.P.S.

OBJET DE LA CONTESTATION

[3.]             Par sa contestation, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de poursuivre son programme de reconditionnement physique qu’il suit au Centre Nautilus, notamment son programme d’exercices en piscine qui est inclus dans le prix de son abonnement.

LES FAITS

[4.]             Le 1er février 1979, le travailleur a subi un accident du travail à la région lombaire lorsqu’il a fait une chute. Plusieurs diagnostics furent posés à cette époque, notamment celui d’entorse lombaire et de lombosciatalgie.

[5.]             Le travailleur fut suivi par l’orthopédiste Pierre Dalcourt. Le 7 mai 1986, une radiographie fut prise à la colonne lombosacrée du travailleur. Elle a démontré un spondylolyse de l’isthme de L5 à gauche. Le Dr Dalcourt suspecte des signes d’une hernie discale ou d’une dégénérescence discale. Une expertise fut demandée par le Dr Dalcourt auprès de la CSST, puisque le travailleur a repris péniblement son travail lors de l’événement du 1er février 1979.

[6.]             En janvier 1997, une transaction fut signée par la CSST et le travailleur. Dans celle-ci, on lui accorde 2 % de déficit anatomo-physiologique pour une hernie discale L4-L5 à gauche et on ajoute 0,2 % pour les douleurs et perte de jouissance de la vie. L’atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur est de 2,2 %.

[7.]             Le 22 mai 1996, la CSST a reconnu une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation, soit une hernie discale L5-S1 à droite qui s’est manifestée le 15 janvier 1996. Celle-ci fut reconnue comme étant en relation avec sa lésion initiale du 1er février 1979.

[8.]             Cette hernie discale fut reconnue sous l’angle d’une surutilisation de son membre inférieur droit dû à sa boiterie du membre inférieur gauche, qu’il présentait depuis environ 12 ans.

[9.]             Pendant celle-ci, le travailleur a reçu plus de trois séries de traitements de physiothérapie qui ont quelquefois donné une amélioration temporaire mais surtout détérioré son état de santé, selon ses dires, lesquels sont repris dans les notes évolutives de la CSST. Il reprend cette allégation dans sa lettre du 5 novembre 1999, où il indique qu’il y a eu aggravation de sa symptomatologie due à des exercices plus ou moins recommandés et à des appareils qui ne fonctionnaient pas toujours bien.

[10.]         Le travailleur a aussi reçu des traitements de Tens, de la chaleur, des tractions, des enveloppements chauds et le port d’un corset qui n’ont donné aucun résultat probant, car la radiculopathie du membre inférieur droit a persisté et a nécessité une opération. Le 18 mars 1997, le chirurgien-orthopédiste Jean-François Roy a procédé à une discoïdectomie à l’espace L5-S1 à droite avec une décompression du récessus latéral à cet espace. Le diagnostic postopératoire est celui de sténose du récessus latéral droit et d’une hernie discale L5-S1 à droite.

[11.]         Le 17 avril 1997, le travailleur a redébuté une série de traitements de physiothérapie, à raison de trois fois la semaine. En juin 1997, lors d’un exercice en physiothérapie, on lui a demandé d’étirer ses muscles et de renforcer son dos avec une petite charge. Le cran de sécurité n’aurait pas été mis et il se serait blessé de nouveau avec cet appareil. Le 9 juin 1997 et après 25 traitements, la CSST a mis fin à la physiothérapie suite à la recommandation de son médecin traitant, car le travailleur a présenté une augmentation de ses douleurs depuis une semaine.

[12.]         Cette détérioration de son état de santé fut constatée par le Dr Jean-François Roy qui a procédé à une nouvelle décompression du canal mais cette fois aux espaces L3-L4 et L4-L5, suite à une sténose spinale symptomatique à ces niveaux. L’opération fut pratiquée le 18 juin 1998.

[13.]         Le 24 juillet 1998, le Dr Jean-François Roy a prescrit au travailleur un programme de conditionnement physique.

[14.]         Le 4 décembre 1998, le Dr Roy a prescrit de nouveaux exercices au travailleur pour augmenter la force de ses muscles abdominaux et pour renforcer les muscles extenseurs et fléchisseurs.

[15.]         Le 27 juillet 1998, Mme Claudine Comeau de la CSST, consigne dans ses notes évolutives, qu’elle a autorisé le programme de conditionnement physique en salle et en piscine, suite à une évaluation faite par M. Michel Maltais, kinésiologue et professeur en éducation physique à l’université du Québec à Trois-Rivières. À ce moment, des exercices en piscine, adaptés à sa condition lombaire, furent recommandés au travailleur à raison de trois fois par semaine, soit les lundi, mercredi et vendredi. Le problème principal du travailleur se situe au niveau de sa jambe gauche, puisqu’il a de la difficulté à la lever, ce qui entraîne des problèmes lorsqu’il s’habille et met ses souliers.

[16.]         Le travailleur a dû cesser certains exercices de son programme, notamment la bicyclette stationnaire et l’escaladeur de marches qui augmentaient ses douleurs à la région lombaire. Il s’est concentré surtout sur les exercices en piscine qui lui font énormément de bien, selon ses dires. Il ajoute, qu’en ce moment, il ne ressent aucun contrecoup au niveau de la colonne lombaire et qu’il n’a pas à faire des mouvements avec force au niveau de son dos, puisqu’il concentre surtout ses exercices en piscine pour assouplir sa musculature et renforcer les membres inférieurs, surtout la jambe gauche. Il dit que la pression exercée par l’eau est différente de celle exercée par la force des appareils. Il juge nécessaire de poursuivre les exercices en piscine qui coûtent beaucoup moins chers que les traitements de physiothérapie remboursés par la CSST, soit environ 20 à 25 $ par traitement, à raison de trois fois par semaine.

[17.]         Le travailleur souligne que ses traitements en salle, supervisés une fois par semaine par M. Maltais, sont des exercices plus ou moins équivalents à ceux qu’il fait en physiothérapie, si ce n’est que les mouvements de torsion du bassin sont beaucoup plus souples et effectués avec moins de force, ce qui empêche les blessures au dos. Les manipulations sont aussi absentes. Son programme peut durer environ 2 ½ heures à 3 heures par jour.

[18.]         Son programme de reconditionnement physique qu’il suit à l’université, en salle et à la piscine, lui coûte environ 85 $ pour une période de quatre mois d’abonnement. Selon lui, il est nettement moins onéreux que les traitements de physiothérapie qui ne donnent aucune efficacité et où il n’y a pas d’exercices en piscine qui améliorent son état de santé générale.

[19.]         Le 8 décembre 1998, Mme Claudine Comeau mentionne que le travailleur recevra une prolongation de son abonnement en salle (Nautilus) et en piscine pour une période additionnelle de trois mois (11 avril 1999). Elle ajoute que même si cet abonnement est prescrit par le Dr Jean-François Roy, il ne s’agit pas d’assistance médicale, ni de soins ou de traitements mais davantage d’une mesure de réadaptation qui, selon les politiques de la CSST, prévoit une période d’environ 20 jours, ce qui fut dépassé largement. Même si le Dr Roy lui a prescrit un abonnement additionnel de quatre mois, elle mentionne que le remboursement du programme se termine le 11 avril 1999 et que c’était le dernier, d’où sa décision rendue le 9 décembre 1998.

[20.]         Le travailleur souligne qu’il aurait produit une autre prescription du Dr Roy, à l’effet de poursuivre le programme d’entraînement en salle et surtout en piscine après le 11 avril 1999 mais celle-ci ne se retrouve pas au dossier de la CSST.

[21.]         Un document fut acheminé à M. Alain Leclerc de la CSST concernant les « programmes de conditionnement physique ». On mentionne dans celui-ci, qu’ils sont laissés à l’appréciation et à la discrétion du conseiller en réadaptation, puisqu’ils ne sont pas considérés comme un soin ni un traitement selon le Règlement sur l’assistance médicale, prévu à l’article 189 paragraphe 5 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

[22.]         La CSST mentionne que si un tel programme est jugé utile, il doit plutôt être considéré comme une mesure de réadaptation professionnelle visant le développement des capacités de travail. La pertinence du programme est appréciée par le conseiller en réadaptation du travailleur. La prescription du médecin doit être vue comme une recommandation seulement. On ajoute que le client doit être porteur d’une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique ou de limitations fonctionnelles qui compromet son retour au travail à son emploi ou à un emploi convenable. Ce programme doit s’inscrire dans une démarche visant à soutenir un retour en emploi.

[23.]         Par ailleurs, la CSST soumet que cette démarche s’effectue à court terme, puisque, généralement, le maintien de la bonne forme physique à long terme est de la responsabilité du client. Selon les modules mentionnés à la page 53 du dossier de la Commission des lésions professionnelles, la CSST peut payer jusqu’à 54 $ de l’heure (maximum deux heures) pour l’évaluation initiale et un per diem de 25 $ pour le service, afin d’encadrer la démarche.

[24.]         Finalement, la Commission des lésions professionnelles a reçu les documents que le travailleur s’est engagé à produire à l’audience.

[25.]         D’abord, il a produit une nouvelle recommandation médicale du Dr Roy, datée du 15 décembre 1999. Le Dr Roy indique que le conditionnement physique est indispensable dans le cas du travailleur, afin d’éviter une décompensation et d’autres crises lombaires. Il ajoute que le conditionnement physique est en relation avec sa lésion.

[26.]         L’autre document provient du kinésiologue Michel Maltais qui indique dans sa lettre du 22 octobre 1998, que le travailleur suit un programme de reconditionnement fonctionnel dont l’objectif est d’améliorer les paramètres de sa condition physique. Entre autres, sa résistance musculaire, sa puissance aérobique et surtout sa souplesse articulo-musculaire aux niveaux lombaire, sacro-iliaque et jambier antérieur. La durée moyenne de son programme en gymnase et en piscine est de 1 h 30.

AVIS DES MEMBRES

 

[27.]         Les membres issus des associations d’employeurs et syndicales sont d’avis que le travailleur n’a plus droit au remboursement d’un programme de reconditionnement physique en salle et surtout en piscine, puisqu’il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire accordé à la CSST, selon l’article 184 paragraphe 5 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

[28.]         Or, les membres sont d’avis que la CSST, même si elle avait pu accorder une extension de ce programme, n’a pas agi arbitrairement ou encore de mauvaise foi, lorsqu’elle y a mis fin, compte tenu des explications qu’elle avait fournies au travailleur avant de rendre sa décision du 9 décembre 1998 à cet effet.

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

[29.]         Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit à un prolongement de son programme de reconditionnement physique fonctionnel en salle et en piscine après le 11 avril 1999.

[30.]         D’abord, la Commission des lésions professionnelles reconnaît que le programme de conditionnement ou de reconditionnement physique qu’a suivi le travailleur depuis le 29 juillet 1998 ne constitue ni un soin, ni un traitement prévu par le Règlement sur l’assistance médicale adopté selon l’article 189 paragraphe 5 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Ce règlement permet à la CSST de déterminer quels sont les soins et les traitements, ainsi que les conditions et les limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués par la CSST, ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

[31.]         Or, rien dans ce règlement ne prévoit les frais d’abonnement de conditionnement ou de reconditionnement physique en salle et en piscine.

[32.]         De plus, la Commission des lésions professionnelles conclut qu’il ne s’agit pas d’une mesure de réadaptation physique prévue aux articles 148 à 150 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles mais bien d’un pouvoir qui est expressément attribué à la CSST, selon l’article 184 paragraphe 5 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, lequel se lit comme suit :

184. La Commission peut:

(…)  5o  prendre toute mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle.

________

1985, c. 6, a. 184.

 

[33.]         Or, ce pouvoir attribué à la CSST fait partie de ses propres fonctions, selon l’article 181 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. De plus, le coût de la réadaptation d’un travailleur est assumé par la CSST dans la mise en œuvre d’un plan individualisé de réadaptation, où elle doit assumer ce coût, en fonction de la solution appropriée la plus économique parmi celle qui permettent d’atteindre l’objectif recherché.

[34.]         À cet effet, la CSST peut, dans le cadre d’un plan individualisé de réadaptation, référé le travailleur aux personnes ou au service approprié, ce qui fut le cas chez le travailleur.

[35.]         Cependant, comme l’a établi la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (CALP), dans la décision « Ministère de l’Éducation et Goulet, 30349-03-9107, 94-17 M. Beaudoin (G6-08-08), décision sur requête en révision », il s’avère que l’article 184 paragraphe 5 ne confère aucun droit au travailleur. En effet, il investit la CSST d’un pouvoir discrétionnaire sujet à révision, en vertu de l’article 358 et/ou 359 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et modifié depuis le 1er avril 1999.

[36.]         Dans le cas sous étude, la Commission des lésions professionnelles n’a pas à apprécier la discrétion attribuée à la conseillère en réadaptation du travailleur mais bien à vérifier la justesse de sa décision, c’est-à-dire si elle a utilisé son pouvoir discrétionnaire en l’exerçant de façon judicieuse ou encore sans mauvaise foi.

[37.]         Avec toute déférence pour l’opinion contraire, la Commission des lésions professionnelles conclut que la CSST a agi de bonne foi dans l’utilisation de son pouvoir discrétionnaire, prévu à l’article 184 paragraphe 5 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

[38.]         D’abord, elle a autorisé une période de reconditionnement ou de conditionnement physique en salle et en piscine de près de neuf mois. Or, selon une politique établit par la CSST, concernant les services externes d’évaluation de développement des capacités de travail, le délai est de 20 jours maximum, soit deux heures pour l’évaluation initiale et de 20 jours maximum, lorsqu’il s’agit d’un programme de conditionnement physique, ce qui est bien inférieur à la période qu’a autorisée la CSST au travailleur.

[39.]         D’autre part, la CSST avait déjà avisé le travailleur que son programme de reconditionnement physique qui se terminait le 11 avril 1999 serait le dernier, malgré toute prescription ou autre recommandation éventuelle de son médecin traitant, le Dr Roy, lequel considère celui-ci comme étant en relation avec sa lésion professionnelle.

[40.]         Donc, tous les motifs furent expliqués au travailleur afin de mettre fin à ce programme et cette discrétion exercée par la CSST ne s’est pas faite de façon arbitraire mais bien de bonne foi.

[41.]         Par ailleurs, tel que le précise la CSST, ce programme est autorisé pour soutenir un retour en emploi éventuel et se fait dans une démarche à court terme et non à long terme, lequel vise à améliorer la condition physique d’un travailleur qui a subi une lésion professionnelle. Or, le maintien à long terme de la bonne forme physique est de la responsabilité du travailleur, comme n’importe quel autre individu qui n’a pas subi une lésion professionnelle.

[42.]         En l’occurrence, la décision rendue le 9 décembre 1998 par la CSST est bien fondée.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la contestation logée le 12 avril 1999 par le travailleur;

CONFIRME la décision rendue le 23 mars 1999 par la CSST; et

DÉCLARE que le travailleur n’a plus droit aux remboursements de ses frais pour un programme de reconditionnement ou de conditionnement physique, des suites de sa récidive, rechute ou aggravation survenue le 15 janvier 1996.

 

 

 

 

 

 

Me Robin Savard

 

Commissaire

 

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