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[1] Le 25 juin 2004, monsieur Mario Desautels dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d'une révision administrative, le 27 mai 2004.
[2] Par cette décision, la CSST confirme les décisions des 6 et 9 février 2004 et déclare que monsieur Desautels n'a plus droit à l'aide personnelle à domicile à compter du 7 février 2004 et qu'il n'a pas droit non plus au remboursement du coût d'achat d'un ordinateur.
[3] Le 9 février 2005, la Commission des lésions professionnelles tient une audience à Saint‑Jérôme à laquelle monsieur Desautels est présent. Société de Transport de la Communauté urbaine de Montréal (l’employeur) n'est pas représenté à l'audience.
[4] À l'audience, la Commission des lésions professionnelles accorde un délai à monsieur Desautels pour déposer un rapport d'évaluation d'un ergothérapeute. Le 27 avril 2005, monsieur Desautels dépose ledit rapport. La Commission des lésions professionnelles prend l'affaire en délibéré le même jour.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Monsieur Desautels demande de reconnaître qu'il a droit à l'aide personnelle à domicile après le 7 février 2004 et qu'il a droit au remboursement du coût d'achat d'un ordinateur et à celui de l'abonnement à Internet.
L'AVIS DES MEMBRES
[6] Les membres issus des associations syndicales et d'employeurs sont d'avis qu’il y a lieu d'accueillir en partie la requête de monsieur Desautels, de modifier la décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative le 27 mai 2004 et de déclarer que monsieur Desautels a droit à des frais d'aide personnelle à domicile correspondant à un total de 6,5 points suivant la Grille d'évaluation des besoins d'aide personnelle à domicile et qu'il n'a pas droit au remboursement du coût d'achat d'un ordinateur et de celui de l'abonnement à Internet.
[7] Effectivement, selon le rapport de l'ergothérapeute M. Rouleau, monsieur Desautels est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide ses tâches domestiques. D’autre part, monsieur Desautels n'a pas droit au remboursement du coût d'achat d'un ordinateur ni à celui d'un abonnement à Internet, car cette mesure n'est pas prévue par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
LES FAITS ET LES MOTIFS
Aide personnelle
[8] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si monsieur Desautels a droit à l'aide personnelle à domicile après le 7 février 2004.
[9] Le 31 janvier 1981, monsieur Desautels est victime d'un accident du travail lui entraînant une lésion professionnelle diagnostiquée comme hernie discale L4‑L5. En 1991 et 1994, il subit des rechutes, récidives ou aggravations. Le 27 juin 1995, sa lésion professionnelle est consolidée avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles. À compter du 13 février 1997, le droit de monsieur Desautels à des allocations pour de l’aide personnelle à domicile est reconnu par la CSST, mais à la suite d'une évaluation de l'ergothérapeute L. Dupont réalisée le 19 janvier 2004[2], la CSST met fin au versement de ses allocations en date du 7 février 2004.
[10] Monsieur Desautels soutient à l'audience qu'il a encore besoin d'aide personnelle à domicile, car il est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide ses tâches domestiques.
[11] L'article 151 de la loi prévoit que le but de la réadaptation sociale est d'aider un travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles. Cet article est libellé comme suit :
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
__________
1985, c. 6, a. 151.
[12] L’article 158 de la loi prévoit les conditions d'ouverture du droit à l'aide personnelle à domicile :
158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.
__________
1985, c. 6, a. 158.
[13] Pour avoir droit à l'aide personnelle à domicile, un travailleur doit donc notamment démontrer qu'il est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement.
[14]
L'article 161 de la loi stipule que le montant
de l'aide personnelle à domicile est réévalué périodiquement. L'article 162, par ailleurs, prévoit à quel
moment le montant de l'aide personnelle à domicile cesse d'être versé à un
travailleur. Ces articles sont
libellés comme suit :
161. Le montant de l'aide personnelle à domicile est réévalué périodiquement pour tenir compte de l'évolution de l'état de santé du travailleur et des besoins qui en découlent.
__________
1985, c. 6, a. 161.
162. Le montant de l'aide personnelle à domicile cesse d'être versé lorsque le travailleur:
1° redevient capable de prendre soin de lui-même ou d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il ne pouvait effectuer en raison de sa lésion professionnelle; ou
2° est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5).
__________
1985, c. 6, a. 162; 1992, c. 21, a. 79; 1994, c. 23, a. 23.
[15] L'article 160 de la loi, d’autre part, prévoit que le montant de l'aide personnelle à domicile est déterminé selon les normes et barèmes que la CSST adopte par règlement. L'évaluation des besoins d'une personne se fait donc conformément aux normes prévues par le Règlement sur les normes et barèmes de l'aide personnelle à domicile[3] (le Règlement).
[16] Le premier alinéa de l’article 6 de ce Règlement prévoit que le montant de l’aide personnelle à domicile est établi sur une base mensuelle d’après la Grille d’évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile. Cet article est libellé comme suit :
6. Le montant de l’aide personnelle à domicile est établi sur une base mensuelle d’après la grille d’évaluation prévue à l’annexe I et il est versé au travailleur une fois par deux semaines, conformément à l’article 163 de la loi.
Le montant mensuel accordé est, sous réserve du montant maximum d’aide fixé à l’article 160 de la loi, la somme du montant maximum d’aide fixé à l’article 160 de la loi, la somme du montant déterminé suivant le tableau contenu à l’article 2.3 de l’annexe I pour les besoins d’assistance personnelle et, le cas échéant, du montant déterminé suivant le tableau de l’article 3.3 de cette annexe pour les besoins de surveillance, dans la mesure où le montant établi pour les besoins d’assistance n’atteint pas le maximum prévu par la loi.
[17] La Grille d’évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile prévoit que le calcul du pointage se fait à l’aide d’une grille d’évaluation des besoins d’assistance personnelle et domestique qui permet d’évaluer les besoins d’assistance d’un travailleur pour l’exécution de seize activités ou tâches différentes. Un pointage est ainsi attribué pour chacune des activités selon qu’un travailleur présente ou non un besoin d’assistance et que celui-ci soit complet ou partiel. Chaque activité est évaluée selon trois cotes : la cote A pour un besoin d'assistance complète, la cote B pour un besoin d'assistance partielle et la cote C lorsqu'il n'y a aucun besoin d'assistance. À chaque cote correspond un certain nombre de points pour un maximum total de 48 points. Le pointage total obtenu correspond à un pourcentage du montant maximum mensuel d'aide prévu à la loi.
[18] La décision de la CSST qui met fin aux allocations d'aide personnelle à domicile de monsieur Desautels est fondée sur le rapport de l'ergothérapeute Lucie Dupont réalisé le 26 janvier 2004. Cette dernière est d'avis que monsieur Desautels est en mesure de se mobiliser de façon autonome et qu'il possède la force nécessaire pour effectuer la majeure partie de ses activités quotidiennes et domestiques. Elle fait toutefois certaines recommandations[4] afin de rendre monsieur Desautels « plus autonome ».
[19] Madame Dupont ne remplit pas la Grille d'évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile, mais traite de chacune des activités qui y sont prévues. À l'exception des soins vésicaux que monsieur Desautels est considéré incapable de réaliser lui-même et pour lesquels une ressource spécialisée est déjà offerte par la CSST, madame Dupont conclut que monsieur Desautels est autonome de façon générale. Le tribunal constate toutefois, à la lecture de son rapport, que certaines nuances sont apportées en ce qui concerne les activités suivantes :
Le lever : |
M. Desautels nous fait part qu'il est généralement autonome pour effectuer ses transferts, mais qu'il a parfois plus de difficultés. Il demande alors à la personne chargée de son cathérisme du matin de le lever. Lors d'une mise en situation, nous avons observé que monsieur se mobilise aisément dans le lit en utilisant les techniques de protection du dos appropriées. |
Soins intestinaux : |
Monsieur est autonome dans cette sphère, mais nous rapporte des difficultés occasionnelles pour s'essuyer. Il prend alors une douche pour bien se nettoyer. |
Préparation du souper : |
M. Desautels nous mentionne qu'il est autonome pour se préparer des repas légers. Par contre, il éprouve des difficultés à soulever les chaudrons et poêles, qui sont lourds, de l'armoire du bas pour préparer les repas complexes. […] Monsieur pourrait être complètement autonome en réaménageant sa cuisine. En effet, les articles lourds qui sont souvent utilisés devraient être rangés à sa portée, sur une tablette à la hauteur de la taille. De plus, les articles rarement utilisés devraient être localisés dans les armoires du haut ou du bas. |
Ménage léger : |
M. Desautels nous mentionne qu'il est en mesure de faire l'entretien ménager, mais qu'il le fait à son rythme en appliquant les principes de conservation d'énergie. Il sépare ainsi les tâches tout au long de la semaine. Il rapporte cependant des difficultés pour faire son lit et choisit de ne pas le faire souvent. C'est son fils qui est en charge de sortir les déchets et de pelleter la neige. |
Ménage lourd : |
Quand il habitait seul, il nécessitait une assistance complète pour le ménage lourd. Une femme de ménage venait auparavant 2 fois par semaine, mais c'est maintenant sa conjointe qui s'occupe de l'entretien ménager lourd. |
Lavage du linge : |
Monsieur rapporte qu'il est autonome pour trier les vêtements, pour partir la laveuse et pour vider la sécheuse (en génuflexion). Il nécessite cependant une assistance partielle pour sortir les vêtements de la laveuse. Il a des difficultés pour saisir les vêtements au fond de la cuve, car elle est profonde et il doit effectuer une flexion du tronc pour ce faire. Même s'il fléchit les genoux, son bras n'est pas suffisamment long pour atteindre la cuve. |
Approvisionnement : |
Monsieur se dit autonome pour faire les courses. Il applique les principes de conservation d'énergie et va à l'épicerie chaque jour pour transporter seulement quelques sacs à la fois. Il pourrait également faire livrer l'épicerie à domicile si un tel service est disponible dans sa région. |
[20] À l'audience, monsieur Desautels manifeste son désaccord avec les conclusions de l'ergothérapeute Dupont et demande de reconnaître qu'il est incapable d'effectuer lui-même ces activités.
[21] Au soutien de sa demande, monsieur Desautels dépose un rapport d'évaluation à domicile réalisé par l'ergothérapeute Mélanie Rouleau en date du 29 mars 2005. L’ergothérapeute Rouleau joint la Grille d'évaluation des besoins d'aide personnelle à domicile à son rapport.
[22] Il ressort de cette grille que monsieur Desautels a besoin d'assistance partielle pour les activités du lever, des soins intestinaux, de la préparation du souper, du ménage léger, du lavage du linge et de l'approvisionnement et qu'il a besoin d'assistance complète pour le ménage lourd[5]. L'ergothérapeute Rouleau apporte les précisions suivantes pour justifier ses conclusions :
Le lever : |
Autonome au moment de l'évaluation. Par contre, le travailleur a de la difficulté à se mobiliser dans son lit. De plus, le matin, il se dit plus ankylosé. Comme il dort toujours du côté droit et qu'il présente une lésion à l'épaule droite, il a plus de difficulté à utiliser la technique de transfert généralement enseignée aux personnes présentant des douleurs lombaires. Nous pouvons comprendre que certains jours, il peut donc avoir plus de difficulté à faire son transfert hors du lit. Il demande alors à son préposé de l'aider. Ainsi, pour le moment, le travailleur requiert de l'aide partielle car son lit n'a pas été adapté. Si nous souhaitons que le client devienne autonome, il faudrait penser à fixer un trapèze au plafond, une rail à côté de son lit ou encore envisager un lit électrique qui lui permettrait de remonter le haut de son corps plus facilement. [sic] |
Soins intestinaux : |
Partiellement dépendant. Le travailleur requiert des touchers rectaux en raison de sa médication. Le préposé lui fait un toucher par jour. Il nous fait part de ses difficultés à s'essuyer. Nous lui proposons alors un bidet, mais le travailleur n'est pas prêt à faire cette transition. Il utilise aussi une bassine dans sa chambre à coucher. [sic] |
Préparation du souper : |
Requiert de l'aide partielle. Le client a de la difficulté avec les chaudrons lourds, a demeurer devant la cuisinière (malgré l'utilisation d'un tabouret) et donc à préparer des repas complexes. Mme Dupont suggérait un réaménagement de la cuisine afin que monsieur devienne autonome. Cependant, il est difficile d'envisager actuellement le réaménagement de la cuisine car 50 % des plats se trouvent dans les armoires du bas ou sur des tablettes supérieures auquel monsieur a difficilement accès. Nous ne pouvons donc pas tout réaménager dans les armoires du haut ou sur les comptoirs. Si un réaménagement s'impose, il faudrait songer à ajouter des armoires plus accessibles. Encore là, nous ne croyons pas que le problème principal du client soit l'accessibilité, mais plutôt sa capacité à réaliser l'activité lorsque la douleur est aiguë. De plus, il mentionne que lorsque la douleur est très aiguë, il a beaucoup de difficulté à préparer tout repas, qu'il soit simple ou complexe. Dans ces périodes, son préposé l'aidera. Enfin, avec sa canne d'un côté, le travailleur peut difficilement transporter des plats de la cuisine à la table. Nous suggérons donc l'utilisation d'une desserte. [sic] |
Ménage léger : |
Aide partielle requise. Monsieur arrive à compléter certaines activités qui n'exigent peu ou pas de mouvement du tronc ou la position accroupie. Monsieur ne passe pas l'aspirateur, ni la vadrouille. Il arrive à passer le balai une pièce à la fois. Il peut faire l'époussetage d'objets à sa portée. Il remplit et vide le lave-vaisselle, mais il a plus de difficulté pour le panier du bas. [sic] |
Ménage lourd : |
Dépendant. Comme la conjointe de monsieur a quitté, monsieur est maintenant dépendant dans cette sphère puisque sa nouvelle relation n'est pas encore stable. [sic] |
Lavage du linge : |
Aide partielle requise. En effet, le travailleur arrive à lancer ses vêtements en bas de l'escalier, mais il ne peut les remonter une fois lavés car il prend appui à la main courante et à sa canne pour utiliser l'escalier. De plus, il a de la difficulté à sortir le linge de la laveuse même s'il utilise sa pince à long manche. [sic] |
Approvisionnement : |
Aide partielle requise. Monsieur peut se rendre à l'épicerie, mais il ne peut pas transporter ses paquets. Aussi, en raison de la douleur, il ne peut rester trop longtemps à l'épicerie. Il doit donc s'y rendre plusieurs fois dans la semaine ou se rendre au dépanneur. |
[23] La Commission des lésions professionnelles retient les conclusions de l'ergothérapeute Rouleau en ce qui a trait aux besoins d'aide personnelle à domicile de monsieur Desautels relativement aux activités de se lever, des soins intestinaux, de la préparation du souper, du ménage lourd et du lavage du linge.
[24] Effectivement, pour chacune de ces activités, les deux ergothérapeutes qui ont procédé à l'évaluation des besoins de monsieur Desautels ont noté que ce dernier présentait certaines difficultés.
[25] Le tribunal écarte l'opinion de l'ergothérapeute Dupont selon laquelle monsieur Desautels serait autonome pour ces activités malgré les difficultés qu'il présente et qu'elle note dans son rapport.
[26] Effectivement, pour l'activité du lever, madame Dupont note que monsieur Desautels a parfois recours à la personne chargée de son cathétérisme pour l'aider à se lever, ce qui, de l'avis de la soussignée, dénote un besoin d'aide partielle.
[27] De plus, pour l'activité de la préparation des repas, madame Dupont note que monsieur Desautels « pourrait être complètement autonome » dans la mesure où sa cuisine est réaménagée, ce qui implique qu'elle ne le considère pas autonome au moment où elle procède à l'évaluation. D'ailleurs, il ressort du témoignage de monsieur Desautels que la CSST n'aurait pas suivi la recommandation de madame Dupont selon laquelle la cuisine devrait être réaménagée. Ce dernier ne peut donc être considéré autonome pour cette activité.
[28] Madame Dupont note, en outre, que monsieur Desautels nécessitait autrefois une assistance complète pour le ménage lourd, mais conclut lors de l'évaluation de 2004 que cette assistance n'est plus requise puisque c'est sa conjointe qui s'occupe de l'entretien ménager lourd. Or, selon le témoignage de monsieur Desautels et les informations consignées au rapport de l'ergothérapeute Rouleau, cette information n'est plus exacte puisque monsieur Desautels ne vit plus avec la conjointe à laquelle madame Dupont fait référence dans son rapport et que la relation qu'il entretient avec sa nouvelle conjointe n'est pas stable.
[29] Enfin, les commentaires de l'ergothérapeute Dupont relatifs à l'activité du lavage du linge ne tiennent pas compte du fait que la laveuse se trouve au sous-sol et que monsieur Desautels est incapable de transporter les vêtements lavés du sous-sol au rez-de-chaussée puisque lorsqu'il monte l'escalier, il prend appui sur la main courante avec son membre supérieur droit et s'appuie sur sa canne avec sa main gauche.
[30] Le tribunal estime, d’autre part, qu'il n'y a pas lieu de retenir les conclusions de l'ergothérapeute Rouleau en ce qui a trait à l'activité du ménage léger et à celle de l'approvisionnement. Effectivement, selon les informations recueillies par l'ergothérapeute Dupont auprès de monsieur Desautels en janvier 2004, ce dernier se dit en mesure de faire l'entretien ménager à son rythme et se dit autonome pour faire les courses dans la mesure où il transporte seulement quelques sacs d'épicerie à la fois.
[31] Le tribunal conclut, à la suite de son analyse des deux rapports, que monsieur Desautels est encore incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement. Il a donc besoin d'aide pour son maintien à domicile. Par conséquent, les critères de l'article 158 de la loi sont rencontrés.
[32] Le pointage obtenu pour les besoins d'assistance que requiert monsieur Desautels pour les activités du lever, des soins intestinaux, de la préparation du souper, du ménage lourd et du lavage du linge selon la Grille d'évaluation des besoins d'aide personnelle à domicile équivaut à 6,5 points[6] sur 48.
[33] Monsieur Desautels a donc droit à une allocation d'aide personnelle à domicile correspondant à un total de 6,5 points suivant cette grille.
Remboursement du coût d'achat d'un ordinateur et de celui de l'abonnement à Internet
[34] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si monsieur Desautels a droit au remboursement du coût d'achat d'un ordinateur et à celui de l'abonnement à Internet.
[35] L'article 152 de la loi prévoit ce qui suit en ce qui a trait au contenu d'un programme de réadaptation sociale :
152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment:
1° des services professionnels d'intervention psychosociale;
2° la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;
3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;
4° le remboursement de frais de garde d'enfants;
5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.
__________
1985, c. 6, a. 152.
[36] Monsieur Desautels soutient qu'il a besoin d'un ordinateur afin d'être en mesure d'utiliser le réseau Internet, car ce moyen de communication lui permet de combler ses « besoins fondamentaux ». Monsieur Desautels fait référence au rapport d'évolution rédigé le 23 juillet 2001 par monsieur J. Latendresse, travailleur social et psychothérapeute. Dans ce rapport, monsieur Latendresse émet l'opinion selon laquelle « l'ordinateur et l'accès au réseau Internet deviennent aujourd’hui une nécessité » [sic] pour monsieur Desautels pour lui « permettre un épanouissement psychologique et social normal » dans la mesure où ces outils pourraient l'aider à combler ses besoins d'appartenance, de liberté, de pouvoir, de plaisir et de sécurité matérielle et affective. Il invoque notamment ce qui suit à l'appui de ses conclusions :
« […]
Le besoin d'appartenance est celui que M. Desautels tente peut-être le plus de satisfaire. Il rejoint évidemment ses objectifs de recherche d'une compagne de vie. Ses moyens financiers ne lui permettent pas de fréquenter les soupers-rencontres, de suivre des cours de danse ou de participer à des groupes-rencontres. Les communications par internet lui permettraient d'entrer en contact avec un très grand nombre de personnes, sans qu'il lui en coûte plus qu'un abonnement à un serveur. Il l'a un peu réalisé chez un ami, dont il se permet d'utiliser l'ordinateur une fois à l'occasion. Il a dès ses premières tentatives fixer un rendez-vous avec une dame de la région, ce qui démontre bien jusqu'à quel point il est actif pour nourrir ce besoin d'entretenir des liens avec autrui.
C'est surtout ces possibilités que lui offrirait l'internet qui nous font favoriser une telle acquisition. Le côté interactif des communications qu'il permet, l'ouverture respectueuse à une multitude de contacts avec des personnes seules en attente de contacts humains, la liberté d'accéder ou de refuser un échange avec qui que ce soit sont des caractéristiques de ce moyen moderne de communication.
D'autres besoins fondamentaux seraient davantage satisfaits par un recours à l'internet. Il en serait ainsi pour ce qui est du besoin de liberté de tout individu. Ses déplacements étant très limités par des retours fréquents à son domicile, le réseau internet lui ouvrirait la voie à de multiples déplacements, autrement impossibles.
Le besoin de pouvoir y trouverait aussi satisfaction. Mieux contrôler ses relations avec les autres par des prises de contact plus faciles. La possibilité de se lier davantage à des groupes d'entraide pour faire valoir ses droits et se donner accès à plus de services. Peut-être devenir plus actif dans sa communauté, plus créatif. En retirer une plus grande valorisation personnelle par ses suggestions et l'expression de ses idées.
Le besoin de plaisir y serait satisfait par la plus grande possibilité de communiquer, par l'ouverture sur le monde devenue possible, par l'impact des échanges, par les découvertes et par la participation à des activités ludiques, les jeux physiques ne lui sont pas accessibles. Il ne peut faire du sport. L'ordinateur lui permettrait de connaître le plaisir de jouer avec d'autres, sans avoir à fournir d'efforts physiques.
Quant aux besoins de sécurité matérielle et affective, la seconde nous semblerait davantage comblée par l'internet. Que ce soit le besoin d'aimer ou celui d'être aimé, les deux y seraient assouvis. L'accroissement des contacts sociaux fournirait de façon significative des occasions de répondre sainement à ces besoins de base.
[…] » [sic]
[37] Monsieur Desautels fait aussi référence au Rapport d’évaluation médicale du psychiatre C. Nowakowski rempli le 5 décembre 1997 dans lequel ce médecin établit que monsieur Desautels demeure avec une atteinte permanente à son intégrité psychique en raison d'un syndrome névrotique qui l'oblige à avoir recours à des mesures thérapeutiques « soulageantes », qui modifie les activités de sa vie quotidienne et qui diminue son rendement social et personnel.
[38] Monsieur Desautels soumet qu'il possède un ordinateur, mais qu'il s'agit d'un ancien modèle. Il utilise Internet environ trois heures par nuit.
[39] La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles[7] a déjà reconnu le droit au remboursement du coût d’acquisition d’un ordinateur lorsque celui-ci est essentiel à la réussite d’un programme de formation.
[40] Cette situation ne s'applique pas au cas de monsieur Desautels puisque l'utilisation qu'il fait de l'ordinateur vise à combler des besoins sociaux et non à l'aider au niveau de sa réadaptation professionnelle.
[41] La Commission des lésions professionnelles s'est aussi prononcée à quelques reprises en ce qui a trait au remboursement du coût d'adaptation d’équipements de loisirs[8] et a conclu que le législateur n'a pas édicté de disposition spécifique en ce qui concerne le remboursement de ce type de coûts.
[42] La CSST a cependant procédé à l'adoption d'une politique en cette matière. Les politiques de la CSST ne lient pas le présent tribunal surtout si elles s’écartent de la lettre ou de l’esprit de la loi ou encore si elles paraissent arbitraires ou déraisonnables[9]. La Commission des lésions professionnelles peut toutefois appliquer les politiques qui sont conformes à la loi.
[43] Le tribunal estime, toutefois, que la politique de la CSST en regard des frais d’adaptation d’équipements de loisirs ne s'applique pas au cas de monsieur Desautels puisque sa demande ne vise pas l'adaptation d'un équipement de loisir qu'il utilisait auparavant et n'a pas pour but non plus de lui permettre d'accomplir une activité qu'il pratiquait avant sa lésion professionnelle.
[44] La Commission des lésions professionnelles note, par ailleurs, que l'article 152 de la loi, qui traite du contenu d'un programme de réadaptation sociale, ne prévoit pas le remboursement du coût d’achat d'un ordinateur.
[45] L'article 454, qui autorise la CSST à faire des règlements, ne traite pas non plus de cette question.
[46] Plusieurs décisions[10] de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles et de la Commission des lésions professionnelles ont reconnu que l’énumération faite à l’article 152 de la loi n’est pas limitative ou exhaustive puisque le législateur utilise le terme « notamment » au premier alinéa de cet article. Il est alors permis d'envisager une mesure sociale qui n'est pas spécifiquement énumérée à la loi dans la mesure où elle répond à l'objectif visé par la réadaptation sociale[11].
[47] Le présent tribunal estime que pour en arriver à une interprétation qui soit juste et équitable, il y a lieu de rechercher l’intention véritable et le but poursuivi par le législateur en appréciant la question par rapport au contexte précis de la loi, mais aussi en examinant le texte, le contexte et l'objet afin d'en assurer l'accomplissement suivant les véritables sens, esprit et fin.
[48] Il s’agit là du principe qui se dégage de l’extrait suivant de l’arrêt Goldman et La Reine[12] à l’intérieur duquel l'honorable juge McIntyre énonce ce qui suit :
« […]
Il est élémentaire de dire que les cours doivent dégager l’intention du législateur et l’appliquer quand elles interprètent les lois. C’est en examinant les mots employés dans la Loi que l’on doit dégager l’intention, car c’est à l’intention exprimée par le législateur qu’il faut donner effet.
[…] »
[49] Dans le présent cas, la soussignée considère que le remboursement du coût d'achat d'un ordinateur et de celui de l'abonnement à Internet n'est pas une mesure qui répond à l'intention du législateur en matière de réadaptation.
[50] Le droit à la réadaptation est prévu à l'article 145 de la loi, premier article de la section I — intitulée « Droit à la réadaptation » — du Chapitre IV de la loiintitulé « Réadaptation ». Cet article énonce les conditions d'ouverture au droit à la réadaptation et stipule ce qui suit :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
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1985, c. 6, a. 145.
[51] Selon cet article, le droit à la réadaptation est prévu « dans la mesure prévue par le présent chapitre ».
[52] D'entrée de jeu, le législateur indique que la mesure à l'intérieur de laquelle le droit à la réadaptation d'un travailleur peut s'exercer est prévue par le chapitre sur la réadaptation. Or, la demande de monsieur Desautels visant le remboursement du coût d'achat d'un ordinateur et de l'abonnement à Internet n'est pas prévue par les dispositions du chapitre sur la réadaptation, tel que précisé dans ce qui précède.
[53] Le tribunal note, en outre, que l'article 145 stipule que la réadaptation à laquelle un travailleur a droit dans la mesure prévue par le chapitre sur la réadaptation doit être requise par son état « en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle ».
[54] Il est clair que la demande de remboursement du coût d'achat d'un ordinateur et de l'abonnement à Internet de monsieur Desautels ne vise pas sa réinsertion professionnelle.
[55] La Commission des lésions professionnelles estime, d’autre part, que la preuve présentée par monsieur Desautels ne permet pas non plus d'établir que le remboursement du coût d'achat d'un ordinateur et de celui de l'abonnement à Internet constitue une mesure de réadaptation « que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale ».
[56] Effectivement, bien que le travailleur social et psychothérapeute Latendresse recommande à monsieur Desautels de se procurer un ordinateur et de s'abonner à Internet « de manière à augmenter ses relations avec les autres », la Commission des lésions professionnelles n'est pas convaincue que l'état de monsieur Desautels « requiert » cette mesure « en vue de sa réinsertion sociale ».
[57] La preuve ne permet pas d'établir que les communications par Internet sont essentielles pour permettre à monsieur Desautels d'entretenir des relations sociales. Au contraire, monsieur Desautels a affirmé à l'audience qu'il sort de sa maison pour faire ses courses. D'ailleurs, l'ergothérapeute Dupont indique dans son rapport que monsieur Desautels se rend à l'épicerie « chaque jour » afin de transporter quelques sacs seulement à la fois.
[58] En outre, dans son rapport d'évolution du 23 juillet 2001, monsieur Latendresse écrit que monsieur Desautels utilise l'ordinateur d'un ami à l'occasion et qu'il a même fixé « un rendez-vous avec une dame de la région ». Ce portrait ne correspond donc pas à celui d'une personne qui n'a pas de contacts sociaux et qui « requiert » une mesure de réadaptation « en vue de sa réinsertion sociale ».
[59] La Commission des lésions professionnelles estime, enfin, que le remboursement du coût d'achat d'un ordinateur et de celui de l'abonnement à Internet ne répond pas à l’intention véritable et au but poursuivi par la loi dont l'objet est la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires, tel qu'il appert de l'article 1 qui se lit comme suit :
1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.
[60] Effectivement, la preuve présentée par monsieur Desautels ne permet pas d'établir de façon probante que cette mesure aurait pour effet de réparer les conséquences de la lésion professionnelle qu'il a subie le 31 janvier 1981.
[61] Bien que le réseau Internet soit un mode de communication efficace, rapide et très répandu, il existe d'autres modes de communication et monsieur Desautels n'a pas démontré que l'abonnement à Internet est la réponse à ses besoins sociaux ou constitue une nécessité compte tenu des conséquences de sa lésion professionnelle.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie la requête de monsieur Mario Desautels en date du 25 juin 2004 ;
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative le 27 mai 2004 ;
DÉCLARE que monsieur Desautels a droit à des frais d'aide personnelle à domicile correspondant à un total de 6,5 points suivant la Grille d'évaluation des besoins d'aide personnelle à domicile et qu'il n'a pas droit au remboursement du coût d'achat d'un ordinateur et de celui de l'abonnement à Internet.
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Martine Montplaisir |
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Commissaire |
[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] Selon laquelle monsieur Desautels est en mesure de se mobiliser de façon autonome et possède la force nécessaire pour effectuer la majeure partie de ses activités quotidiennes et domestiques
[3] (1997) G.O. II, 7365
[4] Elle recommande à monsieur Desautels de se procurer une pince à long manche, de se procurer une éponge de bain à long manche, de se procurer un enfile-bas souple, de se procurer une chaise de douche sans dossier, de se vêtir en position assise, de réaménager le contenu des armoires de cuisine afin de placer à sa portée les articles lourds, de dormir avec un coussin de positionnement entre les genoux et de ne pas alterner les marches d'escalier.
[5] Madame Rouleau précise également, à l'instar de
l'ergothérapeute Dupont, que monsieur Desautels est considéré incapable de réaliser lui-même les soins
vésicaux et qu'une ressource spécialisée est déjà offerte par
[6] 1,5 point pour le lever, 1,5 point pour les soins intestinaux, 2 points pour la préparation du souper, 1 point pour le ménage lourd et 0,5 point pour le lavage du linge
[7] Ouellette et E.H. Price ltée, C.L.P. 113182-64-9903, 12 octobre
[8] Rioux et Abitibi-Consolidated Bathurst
inc.,C.L.P. 179171-04-0202, 10
juin 2002, J.‑F. Clément ;
Letendre et Relizon Canada inc., C.L.P. 235551-04B-0406,
21 mars 2005, D. Lajoie ; Dion
et Hydrotope ltée, C.L.P.
242297-05-0408, 5 avril
[9] Guilbault et C.A. Paul
Lizotte, C.L.P. 156211-63-0103, 9 octobre 2001, R.-M. Pelletier ; C.H.A.U.Q. et L'Espérance et Als, C.L.P 161836-32-0105, 28 novembre
[10] Voir notamment Paquet et Ville de Rimouski, C.A.L.P. 10797-01-8902, 5 avril 1991, S. Lemire, (J3-11-07) ; Mathieu et Désourdy-Duranceau ent. inc., C.L.P. 112847-62A-9903, 14 septembre 1999, J. Landry ; Julien et Const. Nationair inc., C.L.P. 120819-32-9907, 7 août 2000, G. Tardif, (00LP‑54) ; Letendre et Relizon Canada inc., précitée, note 8.
[11] Lefebvre et Carborundum Canada inc., C.L.P. 219710-04-0311, 26 mars 2004, S. Sénéchal
[12] [1980] 1 R.C.S. 976 , pp 994, 995
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