Landry et Agro Distributions inc. |
2012 QCCLP 1323 |
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[1] Le 28 octobre 2011, monsieur Yvon Landry (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 26 septembre 2011 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 21 février 2011 et déclare que le travailleur est capable d’exercer un emploi convenable de préposé de service à la clientèle à compter du 17 février 2011. La CSST déclare que le travailleur a droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’il occupe l’emploi convenable ou au plus tard jusqu’au 16 février 2012, date à partir de laquelle cette indemnité de remplacement du revenu sera réduite pour être ensuite révisée le 17 février 2013. Le tribunal fait remarquer qu’une erreur cléricale s’est produite alors que le revenu annuel estimé de cet emploi convenable de 19 813,20 $ n’est pas repris dans le dispositif de la décision contestée.
[3] L’audience s’est tenue le 30 janvier 2012 en présence du travailleur et de son représentant. L’employeur, bien que dûment convoqué, était absent. La CSST était représentée en audience par Me Évelyne Julien. Le dossier a été mis en délibéré le même jour.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande au tribunal de reconnaître qu’il n’a pas la capacité d’exercer l’emploi convenable de préposé au service à la clientèle, tel que déterminé par la CSST.
[5] Il demande alors de retourner le dossier à la CSST pour que le processus de réadaptation soit repris.
LES FAITS
[6] De la preuve entendue en audience et du dossier constitué, le tribunal retient principalement les éléments suivants.
[7] À l’époque pertinente, le travailleur est mécanicien d’équipement agricole chez Agro Distributions inc. (l’employeur), une entreprise familiale.
[8] Le 28 novembre 2000, le travailleur subit une lésion professionnelle et les diagnostics retenus sont ceux de trauma à la main gauche, soit une amputation partielle au niveau de l’avant-bras gauche avec lacération vasculaire et une fracture ouverte avec atteinte du nerf médian et du nerf cubital, une tendinite de la coiffe des rotateurs droite et gauche, une lombalgie ainsi qu’un état de stress post-traumatique.
[9] Le jour de l’événement accidentel, le travailleur subit une chirurgie afin d’effectuer une réimplantation de son avant-bras gauche.
[10] Le 11 décembre 2003, la CSST rend une décision et accorde un montant forfaitaire de 25 897,52 $ au travailleur en fonction de l’atteinte permanente qu’il est possible de déterminer à cette date. La CSST avise le travailleur qu’il s’agit d’un montant minimal et que cette indemnité sera ajustée à la hausse, s’il y a lieu, dès qu’il sera possible de déterminer toutes les séquelles de la lésion professionnelle.
[11] Dès le 10 novembre 2006, un mandat est confié au Service d’intégration au travail et un rapport est produit le 13 août 2007.
[12] En conclusion de cette démarche, le rapport confirme que le travailleur conserve un désir ardent de poursuivre sa vie professionnelle comme actionnaire actif au sein de l’entreprise familiale. Par conséquent, il n’est pas disposé à envisager d’autres types d’emplois. Il est noté que le travailleur éprouve de la difficulté à faire le deuil de son travail de mécanicien et par conséquent, la fonction de vendeur au sein de l’entreprise familiale serait appropriée. Cette option nécessite toutefois une mise à niveau notamment en rapport avec les techniques de représentation et de marketing.
[13] Il est alors recommandé au travailleur d’accompagner son frère qui s’occupe actuellement de ces tâches à l’intérieur de l’entreprise familiale, afin qu’il puisse se représenter plus concrètement le travail.
[14] Au cours de ces années, le travailleur est opéré au niveau des deux épaules avec résection de la clavicule distale droite et gauche.
[15] La lésion à l’épaule gauche est consolidée le 17 août 2007 et un déficit anatomophysiologique de 2 % est retenu en plus des limitations fonctionnelles suivantes émises par le docteur Patrice Tétreault :
Le patient doit donc éviter les contre coups au deux épaules. Éviter les gestes répétitifs avec l’épaule gauche et l’épaule droite. Éviter le travail ou de soulever des poids de plus de 70 degrés de flexion antérieure ou d’abduction. Éviter de soulever des poids de plus de 5 kilogrammes entre 0 et 60 degrés de flexion antérieure ou d’abduction de l’épaule gauche et de l’épaule droite.
[16] À la note d’intervention de la CSST du 29 janvier 2008, lors d’une rencontre au bureau de la CSST, le travailleur explique qu’après avoir constaté qu’il ne pouvait refaire son travail habituel, il a trouvé une solution afin de lui permettre d’intégrer partiellement le travail, il a acheté des actions de la compagnie employeur à son frère propriétaire. Il accompagne aussi son frère dans diverses activités pour lui permettre d’apprendre les fonctions de représentant d’entreprise auprès de clients depuis l’automne d’avant, à raison d’une à deux demi-journées par semaine. Le travailleur ajoute qu’il aime beaucoup ce domaine.
[17] Aussi, il assiste à des colloques de formation et des salons d’exposants de machinerie agricole. De plus, le travailleur reçoit des cours d’anglais privés à l’école Zigzag, ces cours sont nécessaires pour l’exercice de ses nouvelles fonctions et sont remboursés par la CSST.
[18] Malgré cela, le travailleur mentionne qu’il est convaincu qu’il ne pourra pas occuper un emploi à temps plein et demande à la CSST de lui reconnaître un état d’inemployabilité.
[19] Aux notes d’intervention suivantes, le travailleur souligne à la CSST que la conseillère précédente lui a promis une décision d’invalidité et qu’il est très déçu que la CSST ne s’oriente plus en ce sens.
[20] Le 1er décembre 2008, le travailleur est vu en expertise médicale par le docteur Daniel Cloutier, chirurgien de la main, à la demande de la CSST. Le docteur Cloutier est d’avis qu’en relation avec le traumatisme d’amputation quasi complète de l’avant-bras gauche, il pourrait consolider la lésion en date du 1er décembre 2008 puisque le travailleur a conservé la fonction du nerf médian au niveau de sa main gauche et récupéré la mobilité active de ses fléchisseurs et extenseurs. Malgré le handicap, il est d’avis que sa main est fonctionnelle pour certains travaux.
[21] Il recommande des traitements à la Clinique de la douleur pour les symptômes qui sont en voie de résolution.
[22] Il accorde un déficit anatomophysiologique et retient des limitations fonctionnelles.
[23] À la suite de cette expertise, le travailleur est examiné au Bureau d'évaluation médicale le 11 mars 2009, alors que le docteur Luc Lemire, orthopédiste, doit se prononcer sur les points 2 à 5 de l’article 212 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) en lien avec les lésions physiques acceptées par la CSST et qui ne sont pas encore consolidées, soit le traumatisme à la main gauche, la tendinite de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite et la lombalgie.
[24] Le docteur Lemire est d’avis de consolider les lésions physiques au 11 mars 2009 et en raison de la persistance des douleurs qui affectent le travailleur sur le plan fonctionnel, il laisse le soin au médecin traitant de continuer de suivre le travailleur régulièrement et de lui prescrire les traitements en fonction de l’état qu’il constatera en cours de cheminement.
[25] Le docteur Lemire évalue le pourcentage d’atteinte permanente à l'intégrité physique pour les séquelles actuelles en tenant compte des séquelles antérieures et les limitations fonctionnelles suivantes sont retenues :
Concernant son épaule droite, il peut mobiliser son membre supérieur droit au-dessus du niveau des épaules mais il ne peut pas le faire de façon répétitive et fréquente. Il ne peut pas non plus se hisser ou se suspendre avec son membre inférieur droit.
Concernant sa région lombaire, je n’ai pas observé lors de l’examen d’aujourd’hui de déficit anatomophysiologique exigeant que lui soient imposées des limitations fonctionnelles à ce niveau.
Concernant son membre supérieur gauche, si ce membre est exposé au froid, il doit être protégé.
Il doit éviter les gestes qui nécessitent une pronation de son avant-bras. Les objets qu’il devra utiliser devront donc être adaptés à cette limitation de mouvements. Il doit éviter de faire des gestes de flexion-extension alternés rapides de ses doigts. Il doit éviter de faire des gestes qui nécessitent une dextérité fine avec sa main gauche.
Il ne peut saisir d’objets de plus de 12 kilos avec sa main gauche. Il ne peut pas faire de gestes de lancer avec son membre supérieur gauche et il ne peut se hisser ou se suspendre avec son membre supérieur gauche. Il ne peut faire de gestes d’impact avec sa main gauche.
[26] Le 9 avril 2009, la CSST rend une décision et donne suite à l’avis du Bureau d'évaluation médicale. Le 21 avril 2009, le travailleur demande la révision de cette décision qui sera maintenue par la révision administrative le 6 mai 2009 et contestée à la Commission des lésions professionnelles[2].
[27] Le 7 mai 2009, le docteur Gilbert Blaise transmet un rapport médical sur l’état de santé du travailleur à la CSST.
[28] Le docteur Blaise commente l’évaluation du Bureau d'évaluation médicale et précise que l’évaluation des séquelles au niveau des membres supérieurs et de la colonne cervicale a été faite de façon très exhaustive. Il est d’avis que le Bureau d'évaluation médicale a omis de mentionner les séquelles et les conséquences psychologiques à long terme ainsi qu’une atteinte fonctionnelle de la colonne lombaire.
[29] Il ajoute que son patient souffre d’anxiété, de trouble du sommeil, de cauchemars nocturnes réguliers suite à son accident. Selon le docteur Blaise, il s’agit d’un syndrome post-traumatique qui a des conséquences sur ses activités quotidiennes, sa capacité de travailler et son rendement au travail. Il estime donc que l’atteinte permanente devrait être vue en conséquence.
[30] Le docteur Blaise commente aussi les séquelles relatives à la colonne lombaire et conclut que le travailleur ne pourra occuper un emploi qu’à temps très partiel, étant donné les séquelles et les conséquences d’un effort prolongé, du stress sur sa symptomatologie douloureuse et son déséquilibre psychologique.
[31] Le 26 juin 2009, la CSST rend une autre décision à la suite de l’avis du Bureau d’évaluation médicale et déclare que le travailleur conserve une atteinte permanente totalisant 36 % à laquelle s’ajoute un déficit pour douleurs et perte de jouissance de la vie (DPJV) de 20,85 % pour un total de 56,85 %. Le travailleur demande aussi la révision de cette décision qui sera maintenue par la révision administrative de la CSST et portée à la Commission des lésions professionnelles[3].
[32] Le 25 novembre 2009, la CSST rend une décision et informe le travailleur qu’elle refuse de payer pour les frais d’abonnement à un centre d’entraînement physique.
[33] Le 18 août 2010, la Commission des lésions professionnelles[4] rend une décision à la suite des contestations du travailleur. Le tribunal retient principalement que la Commission des lésions professionnelles accueille en partie la requête du travailleur afin de modifier le calcul de l’atteinte permanente pour retenir un déficit anatomophysiologique de 33,95 % en y ajoutant un pourcentage pour DPJV de 9,6 %. Quant au préjudice esthétique, il est établi à 14 % en plus du DPJV de 0,75 %.
[34] Le 28 juin 2011, la Commission des lésions professionnelles agissant en révision[5] est d’avis d’accueillir la requête du travailleur et de réviser la décision rendue le 18 août 2010 par la Commission des lésions professionnelles quant au calcul du pourcentage d’atteinte permanente et de l’indemnité pour préjudice corporel. La juge administratif déclare que la lésion professionnelle du 28 novembre 2000 a engendré une atteinte permanente totale de 112 % et que le travailleur a droit à une indemnité pour préjudice corporel qui sera établie après que la CSST aura tenu compte des montants forfaitaires déjà versés lors des évaluations précédentes.
[35] En l’espèce, la Commission des lésions professionnelles souligne que les limitations fonctionnelles physiques retenues par le Bureau d'évaluation médicale le 11 mars 2009 n’ont pas fait l’objet de représentation ni de contestation lors des deux audiences précédentes à la Commission des lésions professionnelles et que les conclusions du docteur Lemire à ce sujet sont donc finales.
[36] Entre-temps, le 12 novembre 2009, le travailleur est vu en expertise médicale par la docteure Guylaine Proteau, psychiatre, à la demande de la CSST.
[37] La docteure Proteau doit préciser le diagnostic et se prononcer sur les autres points de l’article 212 de la loi en lien avec la lésion psychique du travailleur.
[38] La docteure Proteau convient du diagnostic de trouble d’adaptation chronique secondaire à des douleurs chroniques et un état de stress post-trauma probable d’intensité légère, de type chronique. Elle est d’avis que les lésions sont consolidées en date de son évaluation. Quant à la nature et à la nécessité des soins, elle est d’avis que le deuil inhérent aux conséquences de l’événement d’origine qui le laisse avec un handicap important constitue une blessure narcissique insurmontable. Quant aux symptômes de la lignée post-traumatiques, ils sont d’intensité légère et ne nuisent pas au fonctionnement usuel.
[39] Au niveau des fonctions cognitives, celles-ci n’ont pas été testées formellement, mais la docteure Proteau est d’avis qu’elles semblent se situer dans les limites de la normale puisque le jugement est préservé et que l’autocritique est partielle à présente alors que la capacité d’insight est limitée.
[40] Elle énumère la médication du travailleur qui, pour l’ensemble, est prise depuis un minimum de quatre ans. Elle recommande de diminuer le Clonazépam ainsi que le Benzodiazépine puisque cette médication peut augmenter les atteintes subjectives alléguées au niveau des fonctions cognitives et entraîner une certaine apathie diurne. Elle considère donc qu’il serait préférable d’augmenter la posologie du Citalopram ou de lui prescrire du Desyrel ou du Seroquel à petites doses au coucher comme hypnotique.
[41] Le déficit anatomophysiologique est évalué à 5 % et elle retient les limitations fonctionnelles suivantes :
Le travailleur ne devrait plus travailler dans les hauteurs, c’est-à-dire près d’une grue et il ne devrait pas non plus travailler dans un escabeau, dans une échelle, ni sur des échafaudages.
[42] Le 9 février 2010, le docteur Gilbert Blaise, anesthésiologue et médecin qui a charge du travailleur, complète le rapport complémentaire après avoir pris connaissance de l’expertise de la docteure Proteau.
[43] Le docteur Blaise est d’avis que l’état du patient est stabilisé et qu’il peut difficilement envisager une amélioration significative dans l’avenir. Il ajoute que le patient continuera à bénéficier de ses traitements médicaux et qu’il est d’accord avec l’évaluation de la docteure Proteau quant à l’invalidité psychologique.
[44] Par la suite, la CSST doit compléter l’analyse de la capacité de travail du travailleur.
[45] Lors d’une rencontre avec le travailleur le 27 avril 2010, la CSST note que celui-ci répète à plusieurs reprises qu’il a un intérêt à reprendre sa place dans l’entreprise familiale. Les diverses démarches, tels la participation du travailleur à des salons internationaux spécialisés en machinerie agricole et l’accompagnement régulier du travailleur avec son frère chez les clients, en plus de sa participation aux multiples cours d’anglais payés par la CSST démontrent un grand intérêt à maintenir son lien d’emploi et exercer une fonction de représentant dans sa propre entreprise. Il en est de même quant à sa demande de remboursement d’un ordinateur portable en novembre 2008.
[46] Cependant, le frère du travailleur a communiqué avec la CSST pour l’informer que, selon lui, le travailleur ne possède pas les aptitudes de vendeur et que l’entreprise n’a pas suffisamment de travail, et ce, même à temps partiel à offrir au travailleur. Il est d’avis cependant que les limitations physiques ne seraient pas une contrainte à l’exécution de ce travail.
[47] Même si le travailleur mentionne avoir des restrictions quant à un travail à temps plein alors qu’il allègue une fatigue, des douleurs et des effets secondaires de la médication pour expliquer ses difficultés, il lui est alors expliqué qu’aucune donnée médicale ne confirme cet allégué et que les limitations fonctionnelles retenues par le Bureau d'évaluation médicale doivent guider la décision de la CSST.
[48] Le 11 mai 2010, une autre note d’intervention résume une rencontre avec le travailleur. Puisque les premières démarches d’emploi avaient été orientées vers un objectif lui permettant de reprendre un poste dans son entreprise familiale et qu’il est maintenant confirmé que cette avenue n’est pas possible, l’agente au dossier explique au travailleur qu’il ne présente pas un profil d’inemployabilité compte tenu de la teneur de ses limitations fonctionnelles, sa scolarité et sa capacité fonctionnelle globale. Le travailleur réitère qu’une promesse avait été faite antérieurement afin de le reconnaître invalide par la CSST. L’agente ne peut valider cette information ni retrouver celle-ci au dossier.
[49] Le travailleur se considère invalide puisque, selon lui, il est incapable de travailler à temps plein, tout au plus 15 ou 20 heures à cause de la douleur, des effets secondaires de la médication et de la fatigue. L’agente au dossier lui explique que les médecins évaluateurs n’ont pas identifié cette difficulté.
[50] Le travailleur ajoute qu’il aime le contact avec la clientèle, mais il n’aime pas les aspects d’un emploi de représentant ou de vendeur, tel qu’il a pu les expérimenter lorsqu’il accompagnait son frère chez des clients. La CSST lui suggère de refaire un nouveau processus d’orientation professionnelle puisque le premier a eu lieu, il y a déjà trois ans et que les conclusions étaient orientées selon une réinsertion probable dans l’entreprise familiale.
[51] Le 13 mai 2010, l’agente note que le travailleur refuse de parler de sa réorientation puisqu’il demande d’attendre la décision de la Commission des lésions professionnelles suite à la contestation de l’avis du Bureau d'évaluation médicale.
[52] Le 18 mai 2010, le travailleur communique avec la CSST et laisse un message à l’effet qu’il ne refuse pas de participer au processus de réadaptation, mais qu’il préférerait attendre la décision de la Commission des lésions professionnelles.
[53] Lors des conversations suivantes, le travailleur réitère que les limitations fonctionnelles doivent être revues à la suite d’une décision de la Commission des lésions professionnelles et l’agente au dossier insiste sur le fait que le processus de réadaptation peut tout de même être débuté puisque les tests et les différents questionnaires pourront être complétés.
[54] Le 7 juillet 2010, la CSST reçoit une lettre du représentant du travailleur qui demande d’attendre la décision de la Commission des lésions professionnelles pour reprendre le processus de réadaptation.
[55] Le 8 juillet 2010, le représentant du travailleur communique avec la CSST pour l’aviser que son client ne se présentera pas aux rencontres en orientation.
[56] Le 31 août 2010, une discussion avec le travailleur permet de confirmer que la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles n’a pas permis de modifier les limitations fonctionnelles ainsi que les soins ou les traitements puisque ces sujets n’étaient pas contestés. La CSST précise dans ses notes qu’elle demeure liée aux limitations fonctionnelles définies par le Bureau d'évaluation médicale et que l’incapacité du travailleur à travailler à temps plein ne peut être retenue.
[57] Le travailleur désire revoir son avocat pour discuter des conséquences de la décision de la Commission des lésions professionnelles et suite à différentes démarches par la CSST, un appel de celui-ci le 21 septembre 2010 confirme qu’il refuse de participer aux démarches en réadaptation, car il demande la révision de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 18 août 2010 relativement au pourcentage d’atteintes permanentes.
[58] Dans une note du 22 septembre 2010, l’agente au dossier informe le travailleur d’une possible décision unilatérale quant à l’emploi convenable. Elle lui explique que les limitations fonctionnelles sont connues et qu’elles ne changeront pas puisque les correctifs demandés par le représentant du travailleur concernent le pourcentage d’atteintes permanentes seulement. À nouveau, le travailleur répond qu’il doit communiquer avec son représentant pour donner suite à la demande de la CSST.
[59] Le 23 septembre 2010, le travailleur téléphone à la CSST après avoir rencontré son avocat à la suite des récents développements. Il demande à l’agente si elle a des idées d’emploi convenable et il se dit d’accord à reprendre le processus d’orientation auquel il avait été référé.
[60] En audience, le travailleur explique qu’il a rencontré à huit reprises la conseillère en orientation Mélanie Girard. Lors de la première séance, l’ouverture du dossier a été complétée et des tests ont été passés à partir de la deuxième jusqu’à la cinquième rencontres. Lors des sixième et septième rendez-vous, des possibilités ont été explorées en tenant compte de son expérience dans le domaine agricole. La dernière visite a permis de recevoir une copie du rapport de la conseillère en orientation.
[61] Ce rapport est daté du 31 janvier 2011 et confirme que le travailleur détient une expérience unique de travail depuis 20 ans, à titre de mécanicien de machinerie agricole pour l’entreprise familiale.
[62] Le travailleur possède un diplôme d’études secondaires et un diplôme d’études collégiales en administration complétées en 1989.
[63] La conseillère en orientation précise que le travailleur n’a manifesté aucun intérêt pour les activités proposées et les intérêts mesurés et observés sont donc difficilement interprétables. Par contre, les intérêts observés semblent démontrer qu’il possède une préférence pour les travaux concrets clairement définis qui nécessitent de l’ordre ou de la méthode.
[64] Quant aux aptitudes, le test est difficilement interprétable puisqu’elle n’a pu obtenir de résultats.
[65] Relativement aux recommandations à la suite de ces rencontres, la conseillère en orientation explique qu’au cours de la démarche, une exploration assez complète de toutes les professions en lien avec le profil du client a été effectuée. Cependant, le travailleur n’a manifesté aucun intérêt pour les emplois qui lui ont été proposés et il mentionne n’avoir aucun intérêt pour le travail de comptabilité ou de bureau en général. Il préfère un emploi qui lui permet de bouger, de se déplacer.
[66] Dans ce contexte, elle retient les titres d’emploi de commis comptable ou de préposé au service à la clientèle.
[67] Le 20 décembre 2010, lors d’une entrevue à la CSST, le travailleur confirme qu’il n’est pas intéressé par un retour à l’école puisqu’il se dit trop ralenti par sa médication et son manque de concentration. Il reparle à nouveau de son incapacité à travailler à temps plein pour des raisons psychologiques. L’agente au dossier confirme qu’elle n’a pas vu cette restriction au dossier et que la docteure Proteau n’en fait aucune mention, alors que le docteur Blaise a donné son accord quant aux conclusions de cette expertise lorsqu’il a complété le rapport complémentaire.
[68] Le 16 février 2011, la CSST rencontre le travailleur afin de déterminer un emploi convenable suivant la réception du rapport de la conseillère en orientation Mélanie Girard. Le travailleur se montre déçu du processus effectué et considère qu’il aurait pu faire cette démarche seul au Centre local d’emploi.
[69] Quant à la première option proposée par Mélanie Girard, le travailleur n’a pas d’intérêt pour l’emploi de commis en comptabilité et il mentionne qu’avec la prise de médicaments, il n’a pas la concentration nécessaire pour une formation.
[70] Quant à l’emploi de préposé au service à la clientèle, il ne se voit pas travailler dans un dépanneur ou un magasin d’alimentation, car il aurait trop de manipulation de charges à faire. La CSST informe le travailleur qu’il pourra choisir le type d’établissement où il pourrait travailler, par exemple dans un club vidéo. Le travailleur répond qu’il est inapte à travailler à temps plein. Même si le travailleur fait référence à une lettre du docteur Blaise mentionnant qu’il ne peut travailler plus de 10 à 15 heures par semaine, la CSST explique au travailleur qu’elle n’est pas liée par cette lettre, mais plutôt par les conclusions du Bureau d'évaluation médicale qui ne retient pas cette limitation fonctionnelle.
[71] Toujours lors de la même rencontre, la CSST propose au travailleur de lui suggérer de nouvelles solutions puisqu’elle doit rendre une décision d’emploi convenable. Le travailleur lui dit de rendre sa décision.
[72] L’agente fait état que dès février 2001 et jusqu’en 2009, la CSST a remboursé des cours d’anglais dans le but d’augmenter la polyvalence du travailleur dans un contexte de retour au travail éventuel.
[73] Aussi, puisque la CSST est liée par les conclusions du Bureau d'évaluation médicale quant aux limitations fonctionnelles physiques et aux conclusions de la docteure Guylaine Proteau, psychiatre, confirmées par le docteur Blaise quant aux limitations fonctionnelles psychiques, il est décidé de retenir l’emploi convenable de préposé au service à la clientèle.
[74] Toujours lors de cette rencontre, le travailleur explique qu’il n’est pas intéressé au support à la recherche d’emploi.
[75] La fiche Repères de l’emploi de préposé au service à la clientèle définit qu’il s’agit de travailler dans un service d’accueil d’un établissement de vente au détail, comme un magasin à rayons. Il y est spécifié qu’il s’agit d’un emploi à horaire variable, de jour, de soir et pendant les fins de semaine. L’employé doit répondre aux demandes de renseignements concernant entre autres, le remboursement ou l’échange de la marchandise, au comptoir du service à la clientèle et au téléphone, en vue d’assurer un bon service après-vente et de satisfaire les clients de l’établissement.
[76] Cette fiche confirme que ce genre d’emploi s’adresse à un type de personnalité qui préfère travailler de façon méthodique et selon des normes établies. Les habiletés à coordonner la vue et à mouvoir les doigts rapidement et avec précision, en plus de mouvoir les mains habilement et avec facilité sont cotées faibles.
[77] Au niveau des capacités physiques, il est demandé d’être capable de travailler en position assise et debout ou en marche, de coordonner les mouvements des membres supérieurs et de soulever des poids jusqu’à environ 5 kilos. La formation se donne en cours d’emploi et les catégories d’employeurs se retrouvent dans le commerce au détail et les magasins à rayons.
[78] Les perspectives d’emploi pour l’ensemble du Québec sont acceptables.
[79] En audience, la CSST produit un document provenant du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale qui confirme qu’il s’agit d’une profession parmi les plus demandées actuellement dans l’ensemble du Québec. Les demandes d’emploi viennent de différents secteurs d’activités économiques et la demande de main-d’œuvre est notamment attribuable aux besoins des centres d’appel pour les secteurs de commerces de gros et de détail, à l’information et d’autres domaines tels qu’énumérés.
[80] Les perspectives de cette profession pour le Centre-du-Québec sont acceptables et en date du 17 janvier 2012, onze offres d’emploi correspondent à cette description à Drummondville et six à Victoriaville.
[81] Le 21 février 2011, la CSST rend une décision concernant la capacité du travailleur à exercer l’emploi convenable de préposé au service à la clientèle qui pourrait lui procurer un revenu annuel estimé à 19 813,20 $.
[82] Le travailleur demande la révision de cette décision qui sera maintenue à la révision administrative de la CSST le 26 septembre 2011, d’où la contestation qui a mené à la présente décision.
[83] Le représentant du travailleur produit avant l’audience un rapport d’expertise en neuropsychologie daté du 27 octobre 2011 effectué par François Crépeau, neuropsychologue et psychologue clinicien.
[84] L’objectif du mandat est d’évaluer la capacité résiduelle de travail du travailleur à la lumière du fonctionnement cognitif objectivé, et ce, par l’administration d’épreuves psychométriques validées.
[85] Le travailleur informe le psychologue qu’il est toujours suivi à la Clinique de la douleur par le docteur Blaise pour recevoir des injections d’analgésique aux quatre à six semaines. Ces injections le soulagent temporairement, soit pour une période d’environ trois semaines.
[86] De plus, le travailleur utilise une médication quotidienne pour contrer la douleur. En audience, le travailleur explique qu’il prend du Lyrica à raison de 150 mg trois fois par jour, du Gabapentin trois fois par jour, du Supeudol à raison de huit fois par jour alors qu’au moment de l’évaluation avec le neuropsychologue, il mentionne en prendre quatre fois par jour. Le travailleur prend aussi de l’Acétaminophène environ huit fois par jour, alors qu’il mentionnait quatre fois lors de l’évaluation en neuropsychologie. Il consomme du Clonazepam une fois par jour et enfin du Citalopram une fois par jour.
[87] Lors de cette évaluation, le travailleur précise qu’il aurait aimé être impliqué dans le processus décisionnel de la CSST et qu’il a plutôt eu l’impression d’être mis devant un fait accompli. Il justifie cela par le fait qu’il doutait fortement de ses capacités alors qu’on lui demandait de déterminer un emploi. Il a l’impression que les décisions sont prises à sa place et il ne croit absolument pas en ses capacités à occuper un emploi compétitif, même à temps partiel.
[88] La conjointe du travailleur est aussi rencontrée et elle confirme que le travailleur joue au golf de temps en temps et qu’il pratique du conditionnement physique de manière régulière. Elle note certaines distractions telles que quitter la maison sans verrouiller la porte, mais ne note pas d’événements graves qui auraient pu porter à conséquence. Elle observe que son conjoint est très préoccupé par la problématique de sa douleur persistante et le neuropsychologue confirme être d’accord avec la conclusion de la psychiatre Guylaine Proteau qui décrit une blessure narcissique insurmontable.
[89] Une fois les tests psychologiques administrés, les conclusions sont énoncées.
[90] Dans un premier temps, le tribunal rappelle que le but du mandat est de déterminer les séquelles psychologiques et cognitives consécutives à l’accident du travail de novembre 2000. Au plan du rendement cognitif, l’évaluation a permis de mettre en relief un fonctionnement global qui se situe dans la moyenne. Une difficulté à soutenir des efforts d’attention plus prolongés a été relevée et à la fin des demi-journées, l’impact de la fatigue mentale était visible sur la performance. Le neuropsychologue est d’avis qu’il s’agit probablement d’un des effets secondaires de la polymédication. Il ajoute avoir remarqué une faiblesse significative en ce qui concerne la récupération des informations en mémoire épisodique.
[91] En revanche, il a observé une préservation de la vitesse de traitements des informations et une habileté à partager son attention entre deux stimuli. Il était fiable en situation d’attention auditive et il parvenait à bien enregistrer des informations en mémoire ainsi qu’à bien les maintenir dans le temps. Il était plus difficile de récupérer ces informations sans indice. Le travailleur était aussi capable de planifier adéquatement les étapes d’un processus de résolution de problèmes et il présentait une force particulière au niveau des habiletés visuoconstructives. Il est d’avis que cela pourrait être mis à profit dans une activité telle que le dessin technique.
[92] En conclusion, en prenant en considération les impacts de la douleur persistante, le neuropsychologue ne croit pas que le travailleur puisse satisfaire les exigences d’un emploi véritablement compétitif. La douleur persistante est contrôlée partiellement, mais le travailleur n’est probablement pas en mesure d’offrir des garanties d’assiduité et de fiabilité envers un employeur moyen. Pour ce faire, il devrait bénéficier d’un horaire tenant compte de sa situation et l’opinion du docteur Blaise sur ce dernier point pourrait permettre de confirmer cette conclusion. Il est aussi d’avis que le rendement du travailleur sera fiable uniquement sur de brèves périodes de temps et qu’il devra bénéficier d’un horaire flexible.
[93] Il est d’avis que le travailleur bénéficierait grandement de développer une activité professionnelle valorisante qui pourrait lui permettre de retrouver un sentiment d’accomplissement personnel et que la démarche d’orientation devrait lui être présentée de la sorte. Aussi, si les attentes quant à l’intégration d’un emploi compétitif n’étaient pas maintenues, il est d’avis que les chances de succès seraient améliorées.
[94] En audience, le travailleur explique qu’il a effectué des recherches d’emploi dans le domaine agricole. Il fait référence à deux lettres produites au dossier.
[95] Tout d’abord, l’entreprise Équipements P.F.B. inc. affiche un poste au service à la clientèle qui nécessite de faire les commandes et préparer du matériel et voir à l’expédition et l’empaquetage en plus du chargement et du déchargement. Il est aussi précisé que tous les travaux concernant l’expédition seront à effectuer. Cet affichage n’est pas signé et une mention au bas de la page indique que dû à la limitation du travailleur, il est impossible de l’engager pour ce genre de poste.
[96] Un autre document provenant des Équipements de ferme Jamesway inc. pour un poste à l’expédition et au service à la clientèle décrit les exigences principales. Il s’agit de préparer et empaqueter les commandes et d’aider au chargement des réservoirs et des pompes, en plus de fabriquer des palettes et des caisses au besoin. Tous les autres travaux relatifs au bon fonctionnement de l’expédition devront être effectués en plus du chargement et déchargement des remorques.
[97] Un courriel reçu par le travailleur le 11 janvier 2012 confirme que sa candidature n’est pas retenue puisque ses limitations fonctionnelles ne lui permettent pas d’occuper un poste dans cette entreprise.
[98] En audience, le travailleur explique qu’il est toujours en traitements à la Clinique de la douleur. On lui administre un bloc veineux aux six semaines. Les effets de cette médication atténuent ses douleurs pour deux à trois semaines et au terme de cette période, les symptômes reprennent et il s’installe une fatigue extrême.
[99] Aussi, le travailleur continue à recevoir des traitements de physiothérapie au Cégep de Victoriaville, à raison de quatre fois par semaine, soit du lundi au jeudi en avant-midi. Chaque traitement dure environ 45 minutes et il doit parcourir 38 kilomètres aller-retour pour s’y rendre.
[100] En milieu d’après-midi, le travailleur s’affaire à du conditionnement physique afin de maintenir les acquis pour éviter que sa masse musculaire ne s’atrophie.
[101] En général, il s’agit d’une journée type depuis l’examen au Bureau d'évaluation médicale en mars 2009.
[102] Le travailleur ne croit pas qu’il sera en mesure de se trouver un emploi et explique qu’il a demandé à sa conseillère en réadaptation à la CSST de lui indiquer dans quel domaine, il serait en mesure de travailler puisque, selon lui, le service à la clientèle est très général. Elle lui a alors répondu que c’était à lui de voir où il aimerait travailler.
[103] Il ajoute aussi qu’il préfère travailler seul et non avec le public et que ce genre d’emploi ne correspond pas à ses intérêts.
[104] Il est d’avis que si ses traitements étaient suspendus, la douleur reprendrait de manière plus intense et qu’il serait encore plus difficile de se concentrer. En plus, il anticipe la diminution de sa masse musculaire s’il cesse le conditionnement physique. Ses traitements de physiothérapie, la médication et les blocs veineux sont prescrits par son médecin et remboursés par la CSST.
[105] Dans les derniers mois, il a noté une certaine amélioration alors qu’au tout début, les blocs veineux pouvaient apaiser les douleurs pendant environ dix jours et maintenant, les effets durent environ trois semaines. Il explique que ses démarches d’emploi ont été effectuées uniquement dans le domaine agricole puisqu’il connaît uniquement ce milieu de travail. Il est convaincu que les limitations fonctionnelles ne sont pas respectées dans le cadre de ce genre d’emploi et qu’à cause de la disponibilité que requièrent ses traitements, il ne peut travailler comme préposé au service à la clientèle qui demande une disponibilité pour des horaires fixes.
[106] Au niveau de sa main gauche, il ne peut faire de mobilisation précise, ni de pronation et a de la difficulté à coordonner ses mouvements. Il doit à certains moments diriger son bras gauche à l’aide de son bras droit pour réussir.
[107] Il se considère donc invalide aux niveaux psychologique et physique et ne connaît pas d’autres domaines d’emploi qui pourraient le satisfaire, car il est toujours en processus de deuil de son ancien emploi. Il ajoute qu’il a besoin de se faire proposer des idées, mais qu’il est inemployable à cause des effets de la médication et des traitements. Les cours d’anglais payés par la CSST étaient utiles pour le maintenir occupé avant la consolidation sans plus. Il lui est difficile d’utiliser un ordinateur puisqu’il ne peut utiliser que son bras droit pour appuyer sur les touches. Il confirme que la situation actuelle, outre l’effet prolongé du bloc veineux, est la même qu’en février 2011, lors de la détermination de l’emploi convenable.
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[108] Le représentant du travailleur plaide que l’emploi de préposé au service à la clientèle n’est pas convenable. Celui-ci ne respecte pas les critères prévus par la loi.
[109] Dans un premier temps, cet emploi est imprécis et ne permet pas au travailleur d’orienter ses recherches. Le représentant du travailleur prétend que la Commission des lésions professionnelles[6] a déjà déterminé que ce type d’emploi était imprécis.
[110] De plus, la CSST n’a pas évalué si l’emploi de préposé au service à la clientèle était sans danger pour la santé et la sécurité du travailleur alors qu’en déterminant un emploi de manière aussi générale, elle est incapable de vérifier les exigences requises pour effectuer ce travail. Il réfère le tribunal à deux articles[7].
[111] De plus, cet emploi n’offre pas de possibilité raisonnable d’embauche puisque le travailleur ne sait pas dans quel domaine, il devra postuler.
[112] Il est d’avis qu’il n’est pas suffisant de mettre en parallèle les données de la fiche Repères et le profil du travailleur et qu’il faut déterminer la capacité du travailleur dans un contexte d’un emploi plus précis. Il fait référence à diverses décisions rendues par le tribunal[8] et prétend qu’il faut analyser toutes les tâches de l’emploi convenable afin de déterminer si celui-ci respecte les limitations fonctionnelles.
[113] Quant à la fiche Repères, le représentant du travailleur est d’avis que celle-ci a une valeur indicative seulement et que puisque la nature de l’emploi convenable est large, il n’est pas possible de vérifier de manière plus détaillée les exigences de l’emploi. De plus, rien n’indique que la description de cet emploi tient compte d’un candidat blessé ou porteur de limitations fonctionnelles.
[114] Cet emploi ne permet pas non plus au travailleur d’utiliser ses compétences transférables, alors qu’il possède une expérience unique de travail dans le domaine agricole et une formation collégiale en administration qui est rendue désuète. Le travailleur ne peut donc utiliser ses qualifications professionnelles dans l’emploi de préposé au service à la clientèle.
[115] De plus, même si le travailleur explique que la comptabilité ne l’intéresse pas et qu’il n’aime pas travailler en public, on lui détermine un poste de service à la clientèle.
[116] Le représentant du travailleur ajoute que les nombreuses rencontres en réadaptation démontrent clairement la collaboration du travailleur et la CSST n’avait pas à déterminer unilatéralement l’emploi convenable. Il produit à cet effet des décisions[9] dont il demande d’appliquer les principes qui y sont dégagés.
[117] Le travailleur a raison de se prétendre incapable d’exercer cet emploi puisqu’il est en traitements réguliers et sous effet de la médication. Il est d’avis que l’arrêt des traitements aggraverait sa situation et que dans un contexte de processus de réadaptation, la CSST doit prendre le travailleur dans l’état où il est, avec ses forces et ses faiblesses.
[118] Quant au respect des limitations fonctionnelles, la fiche Repères précise qu’il est nécessaire de coordonner les mouvements des membres supérieurs alors que le travailleur a expliqué en audience qu’il en était incapable.
[119] Il ajoute que dans ses recherches, le travailleur a démontré que ses limitations fonctionnelles ne pouvaient pas être respectées, cet emploi comporte donc un danger pour sa sécurité.
[120] Le représentant du travailleur précise aussi que les limitations fonctionnelles au membre supérieur gauche demandent d’éviter de faire certains mouvements, ce qui veut dire que le travailleur ne peut pas les faire, tel que l’a décidé la juge administrative Landriault dans la décision Valle et Christina Amérique inc.[10].
[121] Quant au respect de la capacité résiduelle du travailleur, le représentant du travailleur plaide que les traitements de physiothérapie, à raison de quatre fois par semaine et les blocs veineux aux six semaines, en plus de la médication ne permettent pas de retrouver chez le travailleur une capacité résiduelle de travail suffisante afin de satisfaire un employeur dans un milieu tel que celui de l’emploi convenable déterminé.
[122] La CSST devait se soucier de la capacité et de la fonctionnalité du travailleur qui sont affectées par la prise de médication et les effets secondaires, alors que le travailleur s’occupe de sa santé environ 15 à 20 heures par semaine et que ce n’est pas parce que sa lésion professionnelle est consolidée que celle-ci a cessé d’avoir des effets sur sa santé.
[123] Il demande donc d’appliquer l’article 47 de la loi jusqu’à ce que le travailleur puisse exercer à temps complet un emploi convenable.
[124] Il ajoute que la CSST a voulu se débarrasser du cas du travailleur et fermer le dossier de réadaptation alors que les douleurs ne sont pas contrôlées. Lorsque celles-ci auront diminué suffisamment afin que le travailleur puisse reprendre sa fonctionnalité, un autre emploi convenable pourra être déterminé et il demande de retourner le dossier à la CSST.
[125] Pour sa part, la représentante de la CSST confirme qu’il s’agit d’un dossier particulier puisque cet emploi convenable a été déterminé de manière unilatérale parce que le travailleur se voyait inemployable et refusait de participer activement au processus de réadaptation.
[126] Les cours d’anglais défrayés par la CSST pendant plusieurs années, les démarches d’orientation et d’accompagnement dans l’entreprise familiale afin d’évaluer un éventuel retour chez l’employeur ne démontrent pas que la déclaration d’inemployabilité a déjà été une avenue pour la CSST.
[127] Le travailleur n’est pas intéressé à participer au processus d’orientation et entrave ce processus quand il refuse d’y participer, sous prétexte qu’il est dans l’attente de la décision de la Commission des lésions professionnelles qui confirme finalement que les limitations fonctionnelles n’étaient pas remises en question.
[128] Les conseillers en orientation et les agents de la CSST ont rencontré le travailleur à plusieurs reprises et le processus de réadaptation s’est échelonné sur plusieurs années ayant débuté de manière précoce dès 2007.
[129] La CSST a tenté d’obtenir la collaboration du travailleur, mais celui-ci a aussi refusé le support à la recherche d’emploi, ce qui lui aurait permis de mieux cibler des employeurs potentiels.
[130] Quant à l’argument concernant la définition trop générale du titre d’emploi, la CSST est d’avis que les tâches sont semblables, peu importe l’établissement.
[131] Aussi, il faut faire une distinction entre le poste de préposé au service à la clientèle et celui de commis vendeur ou de préposé à l’expédition. Les recherches d’emploi du travailleur ont été menées dans un domaine différent de celui de préposé au service à la clientèle et ne peuvent être retenues en preuve.
[132] Aussi, les traitements de maintien prescrits par le médecin qui a charge du travailleur ne permettent pas de faire fi de la consolidation du travailleur et rien dans la preuve médicale ne permet de croire qu’après trois ans de traitements de support, la modification ou l’arrêt de ces traitements constituerait un danger pour le travailleur dans un contexte d’un emploi convenable qui demande l’exécution de tâches légères et cléricales.
[133] Quant aux difficultés alléguées avec la coordination des mouvements, dès 2005, l’ergothérapeute notait que le travailleur intégrait spontanément sa main gauche dans ses activités.
[134] La représentante de la CSST est aussi d’avis que les qualifications professionnelles sont respectées et que cet emploi offre des possibilités raisonnables d’embauche et elle réfère le tribunal au document du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale déposé en audience.
[135] Même si la détermination de l’emploi de préposé au service à la clientèle a été faite de manière unilatérale, la représentante de la CSST est d’avis que cet emploi demeure un emploi convenable.
[136] Pour ces raisons, elle demande de maintenir la décision rendue à la suite d’une révision administrative de la CSST.
L’AVIS DES MEMBRES
[137] Le membre issu des associations syndicales est d’avis d’accueillir la requête du travailleur. Les effets de la médication et les traitements prescrits par le médecin qui a charge et qui nécessitent une grande disponibilité du travailleur ne lui permettent pas d’être compétitif sur le marché du travail et d’occuper un emploi.
[138] Les douleurs résiduelles diminuent la capacité fonctionnelle du travailleur et il est d’avis de retourner le dossier à la CSST afin que le processus de réadaptation soit repris en tenant compte de ces éléments.
[139] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis de rejeter la requête du travailleur. Les traitements autorisés par le Bureau d'évaluation médicale pour le soulagement des douleurs du travailleur et prescrits par le médecin traitant sont des traitements de support et ne peuvent permettre de faire fi de la consolidation de la lésion professionnelle.
[140] Au surplus, aucune des limitations fonctionnelles retenues ne concerne une restriction quant au travail à temps plein.
[141] Alors que les lésions physiques ont été consolidées le 17 août 2007 et le 11 mars 2009 et le 12 novembre 2009 pour la lésion psychologique, le processus de réadaptation et de détermination d’un emploi convenable qui a conduit à une décision le 21 février 2011 est justifié.
[142] Les démarches de réadaptation effectuées par la CSST en 2007 et en 2010 ont été menées malgré les réticences du travailleur et son manque de collaboration alors qu’il n’a proposé aucune solution d’emploi, a participé de façon mitigée au test de la conseillère en orientation et a refusé le support à la recherche d’emploi proposé par la CSST.
[143] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la description de l’emploi convenable de préposé au service à la clientèle n’est pas trop générale et que la CSST n’a pas à analyser tous les genres d’emplois ou postes qui peuvent entrer sous cette appellation. Le travailleur pouvait avoir recours au support à la recherche d’emploi, ce qu’il a refusé.
[144] Au surplus, les deux demandes d’emploi présentées par le travailleur ne visent pas un poste de préposé au service à la clientèle, mais plutôt de préposé à l’expédition ou manutentionnaire. Aussi, rien ne prouve que le travailleur a été refusé en emploi parce qu’il n’offrait pas suffisamment de disponibilité, tel qu’il prétend être un obstacle à son employabilité en audience.
[145] En terminant, le membre issu des associations d’employeur considère que le rapport du neuropsychologue est éloquent quant à la capacité du travailleur alors qu’il démontre qu’elle se situe dans la moyenne. La seule réticence émise est celle ayant trait à un travail compétitif ou avec un horaire fixe. Or, la preuve prépondérante ne démontre pas que l’emploi de préposé au service à la clientèle contrevient à ces restrictions.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[146] La Commission des lésions professionnelles doit décider si l’emploi de préposé au service à la clientèle est un emploi convenable au sens de la loi.
[147] La Commission des lésions professionnelles est d’avis de rejeter la requête du travailleur pour les motifs suivants.
[148] Dans le cas à l’étude, le fait que le travailleur soit incapable d’exercer à nouveau son emploi ou un emploi convenable chez l’employeur à la suite de sa lésion professionnelle n’est pas contesté. C’est dans ce contexte que la réadaptation professionnelle est abordée par la CSST.
[149] L’article 171 de la loi stipule que la CSST doit alors déterminer un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail :
171. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent et que son employeur n'a aucun emploi convenable disponible, ce travailleur peut bénéficier de services d'évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l'aider à déterminer un emploi convenable qu'il pourrait exercer.
Cette évaluation se fait notamment en fonction de la scolarité du travailleur, de son expérience de travail, de ses capacités fonctionnelles et du marché du travail.
__________
1985, c. 6, a. 171.
[150] En l’instance, est-ce que la décision de la CSST qui détermine la capacité du travailleur à exercer un emploi convenable de préposé au service à la clientèle est bien fondée?
[151] La définition d’emploi convenable impose les conditions à respecter :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[152] Un emploi sera déterminé convenable seulement s’il rencontre chacune des conditions de la définition[11] :
[50] Comme première condition, l’emploi d’agent de sécurité doit être un emploi approprié pour le travailleur. Selon la jurisprudence, cette caractéristique vise à tenir compte des diverses réalités individuelles qui ont pour effet de particulariser la situation d’un travailleur et qui ne peuvent être couvertes par les autres caractéristiques servant à qualifier un emploi de convenable.
[51] L’emploi doit aussi permettre au travailleur d’utiliser ses capacités résiduelles. Dans l’analyse de sa capacité résiduelle, le tribunal doit prendre en considération les conditions personnelles qui affectent le travailleur.
[52] Comme troisième condition, l’emploi doit permettre au travailleur d’utiliser ses qualifications professionnelles. Il s’agit ici, non seulement de s’assurer que le travailleur possède la formation académique nécessaire pour occuper l’emploi proposé, mais également que cet emploi correspond au profil professionnel du travailleur. On examine également sous cette condition le statut linguistique du travailleur, ses connaissances informatiques lorsque requises et toute autre condition préalable à l’exercice de l’emploi.
[53] L’emploi doit aussi présenter une possibilité raisonnable d’embauche. L’emploi ne doit pas nécessairement être disponible, mais il doit possiblement pouvoir l’être pour le travailleur.
[54] Finalement, l’emploi ne doit pas comporter de danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique du travailleur, compte tenu de sa lésion. On se demande alors si l’emploi peut présenter un danger d’aggravation de l’état du travailleur en raison de ses limitations fonctionnelles ou poser un risque pour la survenance d’un accident.
[153] Aussi, l’article 146 de la loi précise que le plan individualisé de réadaptation doit être mis en œuvre avec la collaboration du travailleur :
146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.
Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.
__________
1985, c. 6, a. 146.
[154] Cependant, il arrive que la collaboration du travailleur soit déficiente. Cette situation peut survenir lorsque la CSST omet de consulter ou d’impliquer suffisamment le travailleur dans la mise en œuvre du plan de réadaptation ou lorsque le travailleur, par son inaction, sa passivité ou son refus, ne collabore pas volontairement.
[155] Dans ce dernier cas, la CSST peut procéder à l'identification unilatérale d'un emploi convenable. Dans ce contexte, elle doit tout de même s'assurer de détenir un minimum d’informations lui permettant d'être adéquatement renseignée sur la situation particulière du travailleur et de pouvoir procéder à l'évaluation et à la détermination d'un emploi qui respecte les critères d’un emploi convenable.[12]
[156] Qu’en est-il en l’instance? Est-ce que le plan individualisé de réadaptation a été mis en œuvre avec la collaboration du travailleur? Si tel n’est pas le cas, est-ce que la CSST pouvait déterminer unilatéralement l’emploi convenable de préposé au service à la clientèle?
[157] Dès 2007, des solutions d’emploi sont discutées avec le travailleur. Il est question d’un retour dans l’entreprise familiale, mais déjà le travailleur se dit incapable de travailler et requiert une déclaration d’inemployabilité.
[158] À la suite de l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 11 mars 2009, le travailleur conteste les conclusions relatives à l’évaluation du déficit anatomophysiologique et refuse de participer à la détermination d’un emploi convenable sous prétexte qu’il est en attente de la décision de la Commission des lésions professionnelles quant à la contestation des limitations fonctionnelles.
[159] Or, les limitations fonctionnelles n’ont jamais été remises en question lors de la requête du travailleur qui a conduit aux décisions précitées[13]. C’est ce que constate la CSST dans sa note du 31 août 2010.
[160] Le 22 septembre 2010, elle avise le travailleur de la possibilité qu’elle rende une décision unilatérale. Le 23 septembre 2010, le travailleur accepte de participer au processus d’orientation, soit plus de sept mois après que le docteur Blaise se soit dit d’accord avec l’évaluation de la condition psychique effectuée par la docteure Proteau.
[161] Même si le travailleur confirme son accord avec le processus et se présente aux différentes rencontres d’orientation, la conseillère note que celui-ci ne manifeste aucun intérêt pour les activités proposées. Il est donc difficile d’interpréter les résultats obtenus. Aussi, il est noté que le travailleur ne manifeste aucun intérêt pour les emplois proposés.
[162] À la suite de la réception du rapport de la conseillère en orientation, la CSST demande au travailleur de lui suggérer de nouvelles solutions puisque celui-ci n’est pas satisfait. Le travailleur répond alors que la CSST n’a qu’à rendre sa décision et qu’il n’est pas intéressé au support à la recherche d’emploi.
[163] De l’avis du tribunal, le comportement du travailleur démontre une absence de collaboration de sa part. Il n’est pas suffisant d’affirmer vouloir collaborer et se présenter aux rencontres. Il faut aussi participer activement afin d’aider à l’évaluation, la recherche et la détermination de l’emploi convenable. La preuve prépondérante ne démontre pas que la CSST a failli dans son obligation de susciter l’intérêt du travailleur. Elle a tenté de cerner ses intérêts et d’obtenir sa participation.
[164] Il reste maintenant à déterminer, si les informations détenues par la CSST étaient suffisantes pour lui permettre de déterminer l’emploi convenable de préposé au service à la clientèle et dans l’affirmative, si cet emploi est convenable au sens de la loi.
[165] De l’avis du tribunal, la CSST avait suffisamment d’informations pour déterminer unilatéralement un emploi convenable.
[166] Au cours des années, plusieurs rencontres ont eu lieu entre le travailleur et la CSST notamment lors du processus de réadaptation précoce alors qu’il était question que le travailleur retourne dans l’entreprise familiale. Aussi, tel que le tribunal a pu le constater dans le rapport du 31 janvier 2011, la conseillère en orientation a pu, malgré les difficultés rencontrées, identifier certains intérêts et aptitudes.
[167] Enfin, au moment de la détermination de l’emploi convenable, les limitations fonctionnelles physiques et psychiques du travailleur étaient connues et permettaient ainsi à la CSST de mesurer la capacité résiduelle du travailleur.
[168] Maintenant, est-ce que l’emploi de préposé au service à la clientèle est un emploi convenable au sens de la loi? La Commission des lésions professionnelles répond par l’affirmative à cette question.
[169] De l’avis du tribunal, ce titre d’emploi n’est pas imprécis. Il permet au travailleur d’orienter ses recherches. Le travailleur a clairement refusé les services d’aide à la recherche d’emploi de la CSST, ce qui aurait pu lui permettre de cibler les employeurs potentiels. Le tribunal considère que la décision Gravel et Composantes Nadtech inc. précitée se distingue de la présente affaire alors que la CSST avait tenté dans ce dossier d’englober d’autres types de postes sous l’appellation de préposé au service à la clientèle, ce qui n’est pas le cas en l’instance.
[170] Puisque ce type d’emploi n’est pas imprécis, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la CSST pouvait alors évaluer correctement le respect des limitations fonctionnelles du travailleur.
[171] En l’espèce, le tribunal est d’avis que l’emploi de préposé au service à la clientèle est sans danger pour la santé et la sécurité du travailleur.
[172] Le tribunal ne souscrit pas aux arguments du travailleur à l’effet qu’il a de la difficulté à coordonner les mouvements de ses membres supérieurs et que cela contrevient aux exigences de l’emploi.
[173] Dans un premier temps, cette exigence est cotée faible à la fiche Repères et en l’absence de preuve au contraire, le tribunal y accorde une valeur probante.
[174] De plus, aucune limitation fonctionnelle retenue par le Bureau d’évaluation médicale ne démontre une incapacité reliée à la coordination des membres supérieurs.
[175] Aussi, le tribunal ne souscrit pas à l’interprétation du représentant du travailleur à l’effet que les limitations fonctionnelles demandant d’éviter certains mouvements signifient que le travailleur ne peut pas les faire.
[176] Même si le tribunal en venait à la conclusion que cela signifie que le travailleur ne peut pas faire certains mouvements, la preuve prépondérante ne démontre pas en quoi les gestes qui doivent être posés, dans le cadre du travail de préposé au service à la clientèle, contreviennent aux limitations fonctionnelles retenues.
[177] Quant au fait que le travailleur soit toujours en traitements et qu’il ne soit pas disponible au travail, le tribunal rappelle que les frais d’entraînement en salle n’ont pas été autorisés, ni remboursés par la CSST. Le temps passé à l’exercice de cette activité ne peut donc être considéré par extension comme des traitements en lien avec la lésion professionnelle.
[178] Relativement aux traitements de physiothérapie, ceux-ci ont lieu en matinée, à raison de quatre fois par semaine et rien dans la preuve n’établit que cela constitue un empêchement à la disponibilité du travailleur. Aussi, la preuve ne démontre pas que les emplois de préposé au service à la clientèle sont offerts uniquement suivant un horaire fixe de jour et que le travailleur serait alors forcé de cesser ses traitements pour occuper ce genre d’emploi. La fiche Repères établit plutôt le contraire en spécifiant qu’il s’agit d’un emploi à horaire variable, de jour, de soir et pendant les fins de semaine et en l’absence de preuve, au contraire, cette source est prépondérante.
[179] Quant aux effets allégués de la médication et les douleurs résiduelles empêchant le travailleur d’occuper un emploi rémunérateur ou un emploi à temps plein, la preuve médicale prépondérante et liant le tribunal ne va pas en ce sens.
[180] Dans un premier temps, le rapport du neuropsychologue François Crépeau ne permet pas de remettre en cause les conclusions de la docteure Proteau, psychiatre, du 12 novembre 2009, auxquelles adhère le docteur Blaise dans son rapport complémentaire du 9 février 2010. Celles-ci lient le tribunal en l’absence de contestation quant aux conclusions médicales.
[181] Ensuite, la docteure Proteau est d’avis que les fonctions cognitives sont dans les limites de la normale et aucune évaluation complémentaire n’est prescrite à cet effet. Elle reprend en détail la médication que consomme le travailleur à ce moment, médication qui remonte alors à plus de quatre ans et qui est toujours en cours lors de l’audience devant le tribunal, alors qu’il n’est pas question d’une capacité diminuée par la médication ou par ses effets secondaires. Aucun éclairage nouveau ne permet de revoir les conclusions de la docteure Proteau et tel n’est pas l’objet du litige.
[182] Malgré l’absence de caractère liant de son opinion, le tribunal tient à souligner que l’analyse du neuropsychologue démontre plutôt des résultats satisfaisants quant aux fonctions cognitives. Aussi, les conclusions sont quelque peu contradictoires alors qu’il recommande de ne pas exposer le travailleur à un emploi exigeant d’être compétitif ou qui requiert des efforts cognitifs soutenus. Il suggère aussi un horaire flexible et un emploi sans exigence de rendement ou de grande fiabilité. Cependant, il retient malgré tout que le domaine du dessin technique permettrait de mettre à profit les habiletés du travailleur.
[183] Quant au respect des qualifications professionnelles du travailleur, la preuve ne démontre pas qu’elles ne répondent pas aux exigences reliées à l’emploi de préposé au service à la clientèle.
[184] En audience, le travailleur mentionne ne pas aimer travailler en public alors qu’il dit le contraire le 11 mai 2010 lors d’une rencontre avec la CSST. Aussi, il mentionne ne pas pouvoir utiliser son expérience professionnelle dans le cadre de l’emploi de préposé au service à la clientèle. La Commission des lésions professionnelles est d’avis que la collaboration du travailleur aurait peut-être permis de satisfaire ses attentes à ce niveau, mais qu’il ne peut maintenant en faire le reproche à la CSST.
[185] Enfin, quant aux deux lettres confirmant les refus d’embauche et déposées par le travailleur en audience, le tribunal souscrit aux arguments de la représentante de la CSST à l’effet que les emplois offerts ne se situent pas dans le domaine du service à la clientèle et ne sont pas par conséquent pertinents.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête du travailleur, monsieur Yvon Landry;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 26 septembre 2011 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’emploi de préposé au service à la clientèle constitue un emploi convenable au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;
DÉCLARE que le travailleur a la capacité d’exercer l’emploi convenable de préposé au service à la clientèle à compter du 17 février 2011 au revenu annuel estimé à 19 813,20 $;
DÉCLARE que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu se poursuivra jusqu’à ce que le travailleur occupe cet emploi ou au plus tard 16 février 2012. Par la suite, le travailleur aura droit à une indemnité réduite telle qu’établie par la Commission de la santé et de la sécurité du travail.
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Valérie Lizotte |
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Me Alain Pard |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Évelyne Julien |
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VIGNEAULT THIBODEAU BERGERON |
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Représentante de la partie intervenante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Landry et Agro Distributions inc., C.L.P. 379822-04B-0906, 18 août 2010, L. Collin.
[3] Idem.
[4] Infra, note 2.
[5] Landry et Agro Distributions inc., C.L.P. 379822-04B-0906, 28 juin 2011, D. Beauregard.
[6] Gravel et Composantes Nadtech inc., C.L.P. 215374-05-0309, 17 janvier 2007, M. Allard (décision rectifiée le 19 janvier 2007).
[7] Les obligations de la CSST lors de l’analyse d’un poste de travail, 24 janvier 2006, F. RIVARD, http://www.depeche.soquij.qc.ca/doctrine/index.php?doc=20060124; Évaluation des critères de l’emploi convenable en présence d’une appellation d’emploi imprécise, 11 avril 2007. S. NOËL, http://soquij.qc.ca/fr/ressources-pour-tous/articles/evaluation-des-criteres-de-l-emploi-convenable -en-presence-d-une-appellation-d-emploi-imprecise.
[8] Brouillard et Sécurité Kolossal inc. C.L.P. 247711-62C-0410, 21 juillet 2005, M. Sauvé.
[9] Carle et Loeb Club Plus Maniwaki, C.L.P. 329217-07-0710, 6 avril 2010, S. Séguin; Larose et M & S dépanneur, C.L.P. 403787-07-1003, 19 octobre 2010, S. Séguin.
[10] C.L.P. 200768-71-0303, 17 février 2005, L. Landriault.
[11] St-Arnaud et Transport GS inc., 2011 QCCLP 2161 .
[12] Mailloux et Dudley inc., C.L.P. 259967-62A-0504, 15 janvier 2007, J. Landry.
[13] Voir notes 2 et 5.
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