Centre de santé et de services sociaux de la Montagne et Danis

2009 QCCLP 6808

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

9 octobre 2009

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

355915-71-0808

 

Dossier CSST :

132831769

 

Commissaire :

Francine Charbonneau, juge administratif

 

Membres :

M. Guy Lemoyne, associations d’employeurs

 

M. Christian Pitel, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Centre de santé et de services sociaux de la Montagne

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Mariette Danis

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 12 août  2008, le Centre de santé et de services sociaux de la Montagne (l’employeur)  dépose à la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 6 août 2008, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 20 mars 2008. Elle déclare que madame Mariette Danis (la travailleuse) a subi une lésion professionnelle, soit une encéphalopathie à la suite d’une réaction au Vaxigrip  et qu’elle a droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la Loi).

[3]                L’audience s’est tenue à Montréal, le 10 septembre 2009, en présence de la travailleuse, de la représentante de l’employeur, madame France Sabouret, et de leur procureur respectif.

[4]                Le tribunal a mis le dossier en délibéré à la date de l’audience, soit le 10 septembre 2009.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]                L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître que la travailleuse n’a pas subi une lésion professionnelle au sens de la Loi.

[6]                La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de maintenir la décision rendue par la CSST, à la suite d’une révision administrative à l’effet qu’elle a subi une lésion professionnelle le 15 novembre 2007.

L’AVIS DES MEMBRES

[7]                Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la présomption de l’article 28 de la Loi ne s’applique pas dans le présent cas. De plus, il ne peut s’agir d’un évènement imprévu et soudain puisque la vaccination s’effectue en dehors des heures de travail et qu’il n’y a aucune preuve de relation directe entre les symptômes et le vaccin. Le membre pense que la travailleuse n’a pas subi une lésion professionnelle. Il accueillerait en conséquence la requête de l’employeur et infirmerait la décision de la CSST, rendue à la suite d’une révision administrative.

[8]                Le membre issu des associations syndicales considère également que la présomption  de l’article 28 de la Loi ne s’applique pas dans ce cas. Il pense plutôt que la travailleuse a subi un accident du travail au sens de l’article 2 de la Loi. La travailleuse est infirmière, et fournit un service essentiel. Dans ce contexte, la vaccination favorise la présence au travail du personnel de la santé et la réduction du taux d’absentéisme. La travailleuse a reçu le vaccin des mains de sa supérieure hiérarchique, sur les lieux du travail et aux frais de l’employeur, qui tire avantage de ce programme de vaccination à l’occasion du travail. Le membre rejetterait la requête de l’employeur et maintiendrait la décision de la CSST, rendue à la suite d’une révision administrative.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[9]                La travailleuse est à l’emploi du Centre de santé et de services sociaux de la Montagne.  Depuis janvier 2007, elle travaille à temps partiel comme infirmière à Info- Santé. Les bureaux sont à aire ouverte, aménagés en cubicules au moyen de séparations. Elle y côtoie au minimum 16 autres infirmières, jamais des patients ou des clients. Sa tâche, comme celle de ses collègues, est de fournir des réponses aux questionnements des usagers. Ce service est offert 24 heures sur 24. Ainsi, trois soirs par semaine, de 16h à minuit, elle répond au téléphone et dirige ses interlocuteurs vers les services médicaux disponibles.

[10]           La travailleuse apprend qu’un programme de vaccination antigrippe est organisé par son employeur. La vaccination a lieu en novembre 2007. L’employé désireux de recevoir ce vaccin, donne son nom à son chef : l’employeur fait signe et le vaccin est administré sur les heures et les lieux de travail à Info-Santé. La travailleuse reçoit ce vaccin depuis dix ans, alors qu’elle travaillait auprès des personnes âgées chez un autre employeur, ou dans le secteur privé. Elle donne donc son nom au bureau de sa coordonnatrice, madame Parisé. En novembre 2007, la travailleuse est âgée de 61 ans.

[11]           Le 15 novembre 2007, avant le début de son quart de travail, vers 15h55, la travailleuse reçoit le vaccin des mains de madame Ruth Schooner, elle-même infirmière à Info-Santé, et assistante à la coordonnatrice. Après le vaccin, la travailleuse demeure sur place et prend un vingt minutes de surveillance avec l’infirmière.  Les notes de madame Schooner documentent que la travailleuse n’a eu aucune réaction durant le temps d’observation. À la suite de ce temps de surveillance, la travailleuse se rend à son poste de travail.

[12]           À 16h30, la travailleuse est étourdie, elle a des nausées, des maux de tête et elle éprouve des problèmes de concentration. À 16h50, elle va voir l’infirmière car elle ne se sent pas bien : elle a des variations de  pression artérielle, elle titube, a mal à la tête, et ressent des problèmes de concentration, de vision, des nausées et des acouphènes.

[13]           Madame Schooner lui demande de s’étendre et lui applique des serviettes sur le front. Elle observe que la travailleuse ne montre aucune dyspnée, pas d’oppression, de picotement à la gorge ou d’autres symptômes. Elle a cependant la peau moite, sa tension artérielle est à 130/84 et son pouls à 64, elle est pâle et ne se sent pas bien. À 17h05, les étourdissements diminuent et la couleur revient. La pression se situe à 126/80 et le pouls à 72. À 17h20, la travailleuse se lève : les nausées et les étourdissements recommencent, la pression se situe à 136/94 et le pouls à 68. Elle continue donc de se reposer. À 17h45, elle se lève mais a les mêmes symptômes.

[14]            À 18h, elle se sent mieux, la pression se situe à 142/80 et le pouls à 68. À 18h20, elle peut marcher et il y a une amélioration. L’infirmière veut que la travailleuse se rende à l’hôpital. Cette dernière ne veut pas consulter un médecin, elle préfère rentrer et se reposer. Elle explique à l’audience qu’elle est assommée, un peu confuse et elle a peur de se rendre à l’hôpital, de recevoir de nouvelles injections et de mourir. Une amie vient la chercher et la raccompagne à la maison. Elle marche en titubant, il pleut et elle voit la voiture dans une brume, sa vision est atteinte. À la maison, son amie lui montre le travail qu’elle a fait à l’ordinateur : elle ne le voit pas.

[15]           La travailleuse a dit à madame Schooner qu’elle consultera s’il y a une détérioration ou si elle ne s’améliore pas. Elle lui a promis de donner des nouvelles plus tard, dans la soirée. Elle téléphone à 20h50 : les symptômes, les étourdissements et les nausées persistent malgré le repos, elle se sent fatiguée. Mme Schooner lui suggère de consulter. La travailleuse est trop lasse, elle se couche et avisera demain.

[16]           Le 16 novembre 2007, la travailleuse appelle pour aviser qu’elle ne rentre pas au travail. En fait, les symptômes : les maux de tête et de coeur, les étourdissements, les problèmes de concentration et la démarche titubante sont toujours là et elle craint qu’ils ne demeurent. Elle consulte le docteur Bien-Aimé à la clinique sans rendez-vous Centre Mont-Royal. Le médecin pose le diagnostic d’encéphalopathie conséquente à une  réaction au Vaxigrip. Il recommande un arrêt de travail de cinq (5) jours et une réévaluation le 20 novembre 2007. Il produit un certificat médical d’incapacité de travail, non CSST. À ses notes, le docteur inscrit que la travailleuse a, entre autres, des céphalées, une démarche titubante, des problèmes de concentration et qu’elle souffre d’une réaction au Vaxigrip, une encéphalopathie.

[17]           Selon la fiche signalétique du Vaxigrip émanant de son fabriquant, les autorités de la santé publique recommandent la vaccination de personnes qui dans l’exercice de leurs fonctions, rendent des services essentiels dans la communauté. Les employeurs et leurs employés devraient envisager la vaccination antigrippale annuelle car elle réduit l’absentéisme au travail. Les effets indésirables de la vaccination antigrippale  comprennent des troubles neurologiques survenant peu de temps après la vaccination, notamment des cas d’encéphalopathie, avec ou sans déficit neurologique permanent, moteur ou sensoriel, des encéphalomyélites et des névrites, des céphalées, de la fatigue, de la fièvre, des frissons, de la transpiration et des étourdissements. Les médecins et les infirmières doivent rapporter toute manifestation indésirable survenant peu de temps après l’administration du produit conformément aux règlements.

[18]            Aux notes de l’infirmière Schooner, il est écrit en date du 19 novembre 2007 que la travailleuse aurait fait une réaction similaire l’an dernier et qu’elle n’a pas prévenu le personnel infirmier avant la vaccination. 

[19]           Le 20 novembre 2007, le docteur Raymond Rezaie assure le suivi médical de la travailleuse. Il retient également le diagnostic de réaction au vaccin.

[20]           Le 23 novembre 2007, le docteur Bien-Aimé revoit la travailleuse. Il maintient le diagnostic de réaction au Vaxigrip. Il signe deux (2) certificats médicaux en date du 23 novembre 2007 : une attestation médicale initiale en lien avec la visite du 16 novembre 2007 et un rapport sommaire de prise en charge CSST en lien avec la visite du même jour (pièce E-1). Les symptômes disparaissent graduellement.

[21]           Le 12 décembre 2007, le docteur Bien-Aimé remplit un rapport médical à l’intention des assurances. Il réitère le diagnostic de réaction au Vaxigrip.

[22]            La travailleuse revient au travail le 18 décembre 2007. La concentration est revenue, ne subsistent que des maux de tête. Au bout d’un mois, la travailleuse est rétablie. Entre-temps, elle n’a pas réclamé à la CSST mais à son régime collectif d’assurance -maladie (pièce E-2) et a été indemnisée par ce dernier.

[23]           La travailleuse formule une réclamation non datée, reçue par la CSST le 1er février 2008. Elle y allègue avoir eu une réaction post vaccination. Elle a reçu, le 15 novembre 2007, à  15h55 un Vaxigrip. Vers 16h30, la réaction commence avec des nausées, des étourdissements, des acouphènes et des variations de tension artérielle, des problèmes de concentration, d’équilibre, de démarche titubante, de la fatigue, des chaleurs, des frissons et des malaises généralisés. L’arrêt de travail commence le 15 novembre 2007 et se termine le 18 décembre 2007.

[24]           Le 18 juin 2009, le docteur Pierre-Jean Laflamme, microbiologiste-infectiologue, donne une expertise sur dossier. Madame est infirmière dans un Centre de santé et de services sociaux de Montréal. Le 15 novembre 2007, elle reçoit le vaccin anti-grippal dans le cadre de son travail, tel que recommandé par le Protocole d’Immunisation du Québec étant donné qu’elle est alors âgée de 61 ans, qu’elle travaille comme infirmière et qu’elle rend des services essentiels dans l’exercice de ses fonctions. Dans l’heure qui suit la vaccination, elle présente des nausées, étourdissements, trouble de concentration, acouphènes, démarche titubante, fatigue, chaleurs, frissons et autres. Elle consulte le lendemain le docteur Bien-Aimé qui diagnostique une réaction au vaccin de type encéphalopathie. À son avis, le diagnostic d’encéphalopathie, posé par deux médecins de la clinique, demeure probable vu la chronologie des symptômes et le lien temporel avec la vaccination. Il existe une relation temporelle entre l’apparition des symptômes et la vaccination. Il est probable que les symptômes présentés par madame sont secondaires à sa vaccination. À l’audience, la travailleuse confirme qu’elle n’a pas vu ou communiqué avec le docteur Laflamme.

[25]           À l’audience également, la travailleuse précise que son employeur encourage fortement la vaccination du personnel contre la grippe.  Dans le journal interne de l’établissement, en date du 31 octobre 2006, (pièce T-1), l’employeur fait tirer des chèques-cadeaux de 50$ parmi le personnel qui sera vacciné, tout en précisant : « La direction de Santé publique de Montréal recommande fortement la vaccination contre la grippe à tout le personnel du réseau de la santé pour leur propre bien-être et celui de leurs proches ainsi que pour éviter la transmission éventuelle à la clientèle. »

[26]           La travailleuse ajoute qu’une campagne de vaccination est organisée au travail et publicisée auprès des intéressés au moyen de courriels transmis aux employés (pièce T-3) et d’affiches installées (pièce T-2) au tableau d’affichage et dans les toilettes. Elle confirme avoir pris connaissance des affiches et reçu le courriel l’informant du programme de vaccination et précisant, dans le cas des employés d’Info-Santé, de s’adresser à leur coordonnatrice, madame Nicole Parisé, pour connaître l’horaire de la vaccination. De plus, mesdames Parisé et Schooner ont toutes les deux parlé aux employés et encouragé  la vaccination chez leurs infirmières.

[27]           Le vaccin, mentionne la travailleuse, n’est pas obligatoire mais fortement recommandé. L’employeur propose ce vaccin à ses employés pour éviter une épidémie de grippe et pour la protection de tous. La travailleuse a décidé d’être vaccinée car il s’agit d’un geste social pour prévenir des épidémies. Il est de son devoir de recevoir ce vaccin pour se protéger elle-même mais également ses compagnes de travail et les autres. D’ailleurs, comme l’indiquent des extraits du journal interne de l’établissement et des affiches pour la campagne 2008, (pièces T-4 T-5), l’employeur encourage la vaccination de ses employés pour protéger les membres les plus vulnérables de la population mais aussi pour donner une immunité à l’ensemble de ses travailleurs. La vaccination massive des employés est une façon efficace d’éliminer la maladie et donc de diminuer l’absentéisme et la pénurie de personnel. L’employeur, précise la travailleuse, a tenu ce même discours en 2007 et a encouragé la vaccination pour réduire le taux d’absentéisme chez le personnel. La travailleuse n’a pas payé pour le vaccin, mais bien l’employeur, car le vaccin est donné sur les lieux du  travail, dans le cadre du travail. La grande majorité de ses collègues ont également reçu ce vaccin.

[28]           Par ailleurs, la travailleuse est très claire : elle n’entre pas du tout en contact avec des patients ou des clients, puisque les locaux sont verrouillés. Elle interagit par téléphone uniquement avec la clientèle.

[29]           En contre-interrogatoire, la travailleuse mentionne qu’elle a déjà fait une réaction minime à un vaccin antigrippe, en 2005, mais elle n’a eu que des étourdissements. En 2006, elle n’a eu aucune réaction au vaccin, voilà pourquoi, elle n’a pas prévenu l’infirmière de ses réactions passées : elle n’y a pas pensé. Elle a réclamé à l’assurance-salaire car le bureau de santé de son employeur lui a dit, le 17 novembre 2007, qu’il ne s’agissait pas d’un cas de CSST mais bien d’un cas d’assurance-salaire. Par la suite, elle a reçu un appel de la docteure Tremblay, médecin de santé publique, qui voulait contrôler sa réaction au vaccin. La docteure lui a mentionné qu’elle pensait qu’il s’agissait d’une lésion professionnelle puisque l’employeur l’encourage à recevoir ce vaccin et que ses tâches sont assimilées à un service essentiel, mais qu’elle allait s’informer. La docteure l’a rappelée par la suite et lui a dit qu’il s’agissait bien d’une lésion professionnelle car les symptômes apparus dans le temps où ils sont apparus sont en rapport avec le vaccin. La travailleuse avait réclamé et avait été indemnisée par  ses assurances collectives, elle s’est adressée à la CSST et a produit une réclamation par la suite.

[30]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a subi, le 15 novembre 2007, une lésion professionnelle en raison d’un accident du travail.

[31]           Les notions d’accident du travail et de lésion professionnelle sont définies à l’article 2 de la Loi. Ces dispositions stipulent ce qui suit, à savoir :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

_________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

 

 

[32]           Ainsi, pour obtenir les prestations qu’elle réclame, la travailleuse doit établir qu’elle a subi une lésion professionnelle par le fait ou à l’occasion d’un accident du travail.

[33]           Afin de faciliter la preuve d’une lésion professionnelle, le législateur a édicté une présomption légale. Cette dernière se retrouve à l’article 28 de la Loi, en l’occurrence :

28.  Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 28.

 

 

[34]           Les dispositions de l’article 28 de la Loi sont explicites. Trois conditions sont nécessaires à l’application de la présomption. Il faut : 1- une blessure, 2- qui arrive sur les lieux du travail, 3- alors que la travailleuse est à son travail.

[35]           Cette présomption légale s’applique-t-elle dans ce cas-ci?

[36]           La première condition nécessaire est la présence d’une blessure. Le tribunal doit donc regarder quel est le diagnostic à retenir en l’espèce ?

[37]           Le 16 novembre 2007, la travailleuse consulte le docteur Bien-Aimé qui pose le diagnostic de réaction au vaccin antigrippal ou d’encéphalopathie. Par la suite, le docteur Bien-Aimé maintient ce diagnostic. Son collègue, le docteur Rezaie est du même avis. Aucun autre diagnostic n’a été posé dans ce cas, du côté de l’employeur, de la CSST ou du Bureau d’évaluation médicale. 

[38]            Selon les dispositions de l’article 224 de la Loi, le tribunal est lié par le diagnostic du médecin qui a charge de la travailleuse.  Le tribunal retient donc que la lésion en cause est une réaction au vaccin antigrippal ou encéphalopathie.

[39]           La lésion diagnostiquée équivaut-elle à une blessure au sens de l’article 28 de la Loi?

[40]           La Commission des lésions professionnelles a déjà statué qu’une blessure au sens de l’article 28 de la Loi est une lésion de nature traumatique.[2] Cette lésion doit être provoquée par un agent vulnérant extérieur qui peut se manifester sous la forme d’une pression, de la chaleur, ou autres.[3] En général, on retient qu’une blessure constitue une lésion aux tissus vivants provoquée par un agent vulnérant extérieur qui entraîne une perturbation dans la texture des organes ou une modification dans la structure normale d’une partie de l’organisme.[4]

[41]           L’encéphalopathie ou la réaction au vaccin antigrippal n’est pas assimilable à une blessure au sens de l’article 28 de la Loi.

[42]           De plus, cette réaction n’arrive pas lorsque la travailleuse est à son travail mais lorsqu’elle reçoit le vaccin antigrippal.

[43]            La travailleuse ne peut bénéficier de l’application de  la présomption de lésion professionnelle prévue à l’article 28 de la Loi, en l’absence d’une blessure, arrivée alors que la travailleuse est à son travail. La travailleuse n’a d’ailleurs pas demandé au tribunal d’appliquer la présomption de l’article 28 de la Loi dans ce dossier.

[44]           La travailleuse a-t-elle subi un accident du travail au sens de l’article 2 de la Loi?

[45]           Afin d’établir qu’elle a subi un accident du travail, la travailleuse doit démontrer par une preuve prépondérante : 1- un évènement imprévu et soudain, 2- attribuable à toute cause, 3- survenu à la travailleuse par le fait ou à l’occasion de son travail, 4- et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle. Il s’agit là de la preuve de la causalité entre la lésion diagnostiquée et l’évènement imprévu et soudain.

[46]           Le tribunal estime que la travailleuse n’a pas subi un accident du travail le 15 novembre 2007 et s’explique.

[47]           Les faits exposés par la travailleuse ne permettent pas au tribunal d’identifier un évènement imprévu et soudain survenu le 15 novembre 2007.

[48]           La vaccination est volontaire et non imposée par l’employeur : la travailleuse s’y soumet de son plein gré.

[49]           Cette vaccination est planifiée selon un horaire : elle n’est ni imprévue ni soudaine.

[50]           L’apparition d’une réaction post injection ne peut constituer un évènement imprévu et soudain : ce n’est pas la douleur, la lésion ou la pathologie qui doit être imprévue et soudaine mais bien l’évènement qui la cause. En d’autres mots, l’évènement doit être imprévu et soudain et non ses conséquences.[5]

[51]           Finalement, ces réactions ou « effets indésirables » sont décrits à la fiche signalétique déposée par la travailleuse et ne sauraient être qualifiés d’imprévus et soudains, surtout que la travailleuse a déjà ressenti, en 2005, les effets secondaires d’un vaccin antigrippe.

[52]           Le tribunal ne peut conclure à l’existence d’un accident du travail au sens de l’article 2 de la Loi en l’absence d’un évènement imprévu et soudain, même si la vaccination est recommandée et payée par l’employeur et que la travailleuse est sous le contrôle de ce dernier et rémunérée durant le temps d’observation post injection.

[53]           Il ne peut s’agir d’une maladie professionnelle. L’encéphalopathie n’est pas visée par les dispositions de l’article 29 et de l’Annexe 1 de la Loi. La preuve ne révèle pas que la réaction dont souffre la travailleuse est caractéristique de son travail d’infirmière ou reliée aux risques particuliers de ce travail au sens de l’article 30 de la Loi. La preuve ne révèle pas qu’il pourrait s’agir d’une récidive, rechute ou aggravation.

[54]           En conséquence, la Commission des lésions professionnelles infirme la décision rendue par la CSST, à la suite d’une révision administrative.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de l’employeur, le Centre de santé et de services sociaux de la Montagne;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 6 août 2008, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse, madame Mariette Danis, n’a pas subi une lésion professionnelle le 15 novembre 2007;

DÉCLARE que la travailleuse, madame Mariette Danis, n’a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

 

 

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Francine Charbonneau

 

 

 

 

Me Michel J. Duranleau

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Nancy Martel

F.I.Q.

Représentant de la partie intéressée

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Ville de Trois-Rivières Ouest et Piché, C.L.P. 117143-04-9905, 31 mars 2000, P. Simard.

[3]           Lévesque et S.T.C.U.M., [1998] C.A.L.P. 903.

[4]           Turcotte et C.H.S.L.D. du centre Mauricie, C.L.P. 123275-04-9909, 13 septembre 2000, S. Sénéchal, (00LP-62).

[5]           Chaput c. S.T.C.U.M., [1992] C.A.L.P. 1253 (C.A.).

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