Décision

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Nadeau et Prévost Car inc.

2008 QCCLP 1203

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

25 février 2008

 

Région :

Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent et Côte-Nord

 

Dossier :

325948-01A-0708

 

Dossier CSST :

118333376

 

Commissaire :

Claude-André Ducharme

 

Membres :

Gilles Cyr, associations d’employeurs

 

Mario Boudreau, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Claude Nadeau

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Prévost car inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 22 août 2007, monsieur Claude Nadeau (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 20 juillet 2007 à la suite d'une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme la décision qu'elle a initialement rendue le 30 avril 2007 et déclare que monsieur Nadeau n'a pas droit au remboursement du coût des traitements de physiothérapie et de chiropractie qu'il réclame.

[3]                La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience le 13 février 2008 à Rivière-du-Loup. Monsieur Nadeau était présent. Il n'était pas représenté. Prévost Car. Inc. (l'employeur) n'était pas représenté.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Monsieur Nadeau demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu'il a droit au remboursement par la CSST du coût de douze traitements de physiothérapie ou de chiropractie qu'il pourra recevoir, au besoin, au cours de la prochaine année.

LES FAITS

[5]                Aux fins de la présente décision, le tribunal retient les éléments suivants des documents contenus au dossier et du témoignage de monsieur Nadeau.

[6]                Le 25 mai 2000, dans l'exercice de son emploi d'opérateur de machinerie chez l'employeur, monsieur Nadeau subit l'amputation des cinq doigts de sa main gauche lorsque le gant qu'il porte s'accroche aux dents de la machine qu'il opère. Par la suite, il développe une capsulite à l'épaule gauche. Ces deux diagnostics sont acceptés par la CSST.

[7]                Par contre, elle refuse plusieurs lésions affectant la colonne cervicodorsale, les épaules et le coude droit qui sont diagnostiquées par la docteure Anne-Édith Desrosiers qui suit monsieur Nadeau à partir du 17 janvier 2001.

[8]                Le 28 octobre 2003, à la suite d'admissions faites par les parties, la Commission des lésions professionnelles reconnaît comme lésions professionnelles les diagnostics de dérangement intervertébral mineur cervical, dérangement intervertébral mineur dorsal, entorse cervicale, bursite à l'épaule gauche, épicondylite au coude droit, tendinite aux deux épaules et bursite et tendinite au coude droit. Elle établit la date de la consolidation des lésions au 15 janvier 2003, à l'exception de celle concernant le coude droit qui n'est pas consolidée. Elle déclare que les lésions subies par monsieur Nadeau ne requièrent plus de traitements sauf celle au coude droit. Enfin, elle déclare qu'il résulte des lésions une atteinte permanente à l'intégrité physique et des limitations fonctionnelles.

[9]                La CSST établit l'atteinte permanente à l'intégrité physique totale à 93,55 %. Le 15 avril 2005, elle décide que monsieur Nadeau est capable d'exercer l'emploi convenable de technicien en génie industriel.

[10]           La docteure Desrosiers a continué de suivre monsieur Nadeau pour l'épicondylite au coude droit. En février 2006, elle fait état en plus de douleurs dorsales et cervicales et de spasmes musculaires et elle recommande des traitements de physiothérapie et de chiropractie.

[11]           La CSST autorise un certain nombre de traitements à titre de traitements de soutien. Le 21 juin 2006, la docteure Desrosiers mentionne que la condition cervicale et lombaire de monsieur Nadeau s'est améliorée et elle recommande la poursuite des traitements pour un mois additionnel. Le 8 décembre 2006, elle rapporte une augmentation de la douleur au coude droit depuis les deux derniers mois et elle prescrit dix séances de physiothérapie que la CSST accepte le 21 décembre. Elle autorise dix nouveaux traitements à la fin du mois de janvier 2007.

[12]           Le 28 février 2007, la docteure Desrosiers indique que l'épicondylite est résolue. Elle semble faire état, dans son rapport, de douleurs au membre supérieur droit, au trapèze et au dos à droite. Elle recommande des traitements de physiothérapie et de chiropractie que monsieur Nadeau pourra recevoir au besoin. Dans une lettre qu'elle transmet à la CSST en date du 2 mars 2007, elle explique ce qui suit :

[…]

 

Lors de mon évaluation initiale, on notait des douleurs au niveau du cou, des deux épaules particulièrement du trapèze gauche mais également à droite, des bras et des avant-bras, ainsi que des épicondyles d'abord à gauche puis à droite.

 

Monsieur Nadeau a d'abord été en arrêt de travail. Par la suite, il a eu une tentative de retour à son travail antérieur, qui a été un échec. Il a ensuite été réorienté.

 

Il a également été suivi en ergothérapie et a fait un travail de renforcement. Il a un nouvel emploi depuis mai 2005. Cependant, en raison de ses problèmes médicaux, il doit sur utiliser son membre supérieur droit de sorte que de temps à autres il a des récidives de douleurs dont une récidive de l'épicondylite à droite, qui est maintenant résolue. Il présente des spasmes musculaires qui varient en intensité et qui sont grandement améliorés par des traitements de physiothérapie et de chiropraxie.

 

Monsieur Nadeau possède également un TENS à la maison. Il répond relativement vite au traitement. Toutefois, comme les traitements sont défrayés par la CSST, le client doit souvent attendre plusieurs semaines avant d'y avoir accès, soit le délai avant d'avoir un rendez-vous avec moi-même et en suite que les traitements soient acceptés par la CSST.

 

Ma demande est donc qu'un certain nombre de traitements de physiothérapie soient disponibles et qu'il puisse y recourir rapidement en cas de besoin. Il pourrait également avoir accès à son chiropraticien plus rapidement. Finalement, notons qu'un programme de renforcement musculaire avait donné de bons résultats il y a deux ans. Le client est ouvert à retourner s'entraîner s'il était possible que la CSST couvre les frais d'abonnement au Centre de santé Fitness.

 

[…]

[13]           Contrairement à ce qu'elle mentionne, monsieur Nadeau ne travaille pas au moment où la docteure Desrosiers fait parvenir cette lettre à la CSST. Il a effectivement débuté un travail d'inspection de pièces dans une entreprise en mai 2005, mais il a perdu cet emploi en juin 2006. Au cours de l'été 2006, il a effectué un travail pendant trois semaines pour une autre entreprise. Par la suite, il a continué à travailler pour cette entreprise à raison d'une journée par semaine et il a retravaillé pour elle pendant trois semaines au cours de l'été 2007. Il ne travaille pas depuis ce temps et il est à la recherche d'un emploi.

[14]           Le 5 mars 2007, l'agente de la CSST refuse verbalement de prolonger les traitements de physiothérapie. Le 30 avril 2007, à la suite d'une demande de monsieur Nadeau, elle rend la décision écrite réitérant le refus de la CSST d'autoriser les traitements qu'il réclame. Monsieur Nadeau conteste cette décision.

[15]           Le 20 juillet 2007, la CSST rejette sa contestation à la suite d'une révision administrative. Après avoir rappelé qu'un travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médiale qu'exige son état et que la CSST est liée par l'opinion du médecin qui a charge du travailleur sur la nature, la nécessité ou la durée des soins, la réviseure motive sa décision par les considérations suivantes :

Par ailleurs, pour être remboursables, le travailleur doit démontrer que son état, en relation avec sa lésion professionnelle, nécessite des soins ou traitements. Or, le rapport médical du 28 février 2007 et la lettre du 2 mars 2007 du médecin du travailleur ne comportent aucun élément clinique objectif démontrant que la lésion professionnelle du travailleur s'est aggravée et/ou nécessite de tels traitements. Par conséquent, en l'absence d'une aggravation objectivée de la lésion professionnelle, la Commission ne peut autoriser à l'avance de tels traitements en prévision d'un besoin futur qui n'est pas présent au moment de la prescription.

 

 

[16]           Lors de son témoignage, monsieur Nadeau précise qu'il veut pouvoir recevoir douze traitements de physiothérapie ou de chiropractie par année, à raison d'un traitement par mois. Il estime qu'il a besoin de ces traitements pour maintenir sa capacité résiduelle, pour « ne pas perdre ce qu'il lui reste » selon son expression. Il justifie sa demande par le fait que l'obtention de l'autorisation de la CSST implique un délai d'attente susceptible d'entraîner une détérioration de sa condition.

[17]           Il indique également que le 14 janvier 2008, il a présenté à la CSST une réclamation pour faire reconnaître la survenance d'une récidive, rechute ou aggravation de ses lésions professionnelles. La décision n'a pas encore été rendue.

L’AVIS DES MEMBRES

[18]           Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d'avis que la requête doit être rejetée.

[19]           Ils estiment que la CSST était justifiée de refuser la demande de monsieur Nadeau dans la mesure où un travailleur a droit à des traitements de physiothérapie et de chiropractie uniquement lorsque sa condition de santé le justifie, ce qui n'était pas le cas au moment où il a présenté sa demande à la CSST.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[20]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si monsieur Nadeau a droit au remboursement par la CSST du coût de douze traitements de physiothérapie ou de chiropractie qu'il pourra recevoir, au besoin, au cours de la prochaine année.

[21]           En vertu des articles 188 et 189 de la loi, un travailleur victime qui subit une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion. Ces articles se lisent comme suit :

188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

__________

1985, c. 6, a. 188.

 

 

189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit:

 

1°   les services de professionnels de la santé;

 

2°   les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3°   les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

4°   les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 

5°   les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.

 

 

[22]           Le droit à l'assistance médicale comporte celui d'être remboursé par la CSST du coût des traitements de physiothérapie et de chiropractie prescrits par le médecin du travailleur,[1] et ce, même s'ils ont été prescrits après la consolidation de la lésion professionnelle[2].

[23]           Les traitements prescrits doivent cependant être requis par l'état de santé du travailleur pour que ce dernier ait droit au remboursement de leur coût[3].

[24]           En l'espèce, la CSST était justifiée de refuser la demande de monsieur Nadeau dans la mesure où son état de santé ne nécessitait pas des traitements de physiothérapie ou de chiropractie au moment où la docteure Desrosiers a demandé à la CSST d'autoriser ces traitements.

[25]           L'épicondylite droite qu'il a subie était résolue et c'est uniquement en prévision d'une aggravation éventuelle des symptômes douloureux que la demande d'autorisation a été faite, pour éviter qu'il ait à prendre rendez-vous avec son médecin et à faire une réclamation à la CSST.

[26]           Cette autorisation à l'avance, si elle était acceptée, aurait pour conséquence que c'est monsieur Nadeau qui déterminerait si sa condition justifie de la physiothérapie ou de la chiropractie sans qu'il n'y ait aucune supervision médicale du besoin de traitement ni, à la limite, de contrôle possible de la part de la CSST, ce qui ne cadre pas avec les dispositions de la loi en matière d'assistance médicale et de procédure d'évaluation médicale.

[27]           Le tribunal convient que l'évolution de la condition de monsieur Nadeau puisse justifier des traitements de physiothérapie ou de chiropractie de soutien et que l'obtention d'une prescription de son médecin et de l'autorisation de la CSST puisse impliquer un certain délai, mais sa demande d'autorisation à l'avance de tels traitements pour un besoin futur, telle que formulée, ne peut être acceptée.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur Claude Nadeau;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 20 juillet 2007 à la suite d'une révision administrative;

DÉCLARE que monsieur Nadeau n'a pas droit au remboursement du coût des traitements de physiothérapie et de chiropractie qu'il réclame.

 

 

__________________________________

 

Claude-André Ducharme

 

Commissaire

 

 

 



[1]           Règlement sur l'assistance médicale, (1993) 125 G.O. II, 133.

[2]           Houde et SPCUM, C.L.P. 114845-62-9904, 27 septembre 1999, P. Perron; Lamontagne et Sûreté du Québec, C.L.P. 130466-05-0001, 15 juin 2000, F. Ranger; Bond et 106456 Canada ltée, C.L.P. 290357-61-0605, 28 mai 2007, G. Morin.

[3]           Quenneville et Trucson Steel Works, [2002] C.L.P. 307 ; Fontaine et Longue Pointe Chrysler Plymouth 1987 ltée, C.L.P. 218147-63-0310, 17 juin 2004, D. Besse; Canadien Pacifique et Scalia, C.L.P. 225086-72-0312, 27 février 2006, G. Robichaud.

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