Décision

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Papin et Ferme Francel enr., s.n.c.

2008 QCCLP 2370

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Joliette

18 avril 2008

 

Région :

Lanaudière

 

Dossier :

318223-63-0705

 

Dossier CSST :

115560831

 

Commissaire :

Me Jean-Pierre Arsenault

 

Membres :

Mme Francine Melanson, associations d’employeurs

 

M. Robert P. Morissette, associations syndicales

 

______________________________________________________________________

 

 

 

 

Bruno Papin

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Ferme Francel enr. (Snc)

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Après examen et audition et après avoir reçu l'avis des membres, la Commission des lésions professionnelles rend la décision suivante.

[2]                Le 23 mai 2007, monsieur Bruno Papin (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 9 mai 2007, à la suite d’une révision administrative.

[3]                Par cette décision, la CSST confirme, pour un autre motif, celle initialement rendue le 26 février 2007, et déclare que l’achat et l’installation d’un robot de traite ne peuvent être autorisés puisqu’il s’agit d’une tâche que le travailleur ne doit pas faire dans le cadre de son emploi convenable.

[4]                Le 10 mars 2008, la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) tient une audience à Joliette à laquelle assistent le travailleur, son procureur et monsieur Marcel Papin, le représentant de Ferme Francel enr. (Snc) (l’employeur).

 

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[5]                Le travailleur demande au tribunal de modifier son plan individualisé afin de lui permettre de faire l’acquisition et l’installation d’un robot de traite.

[6]                Selon lui, cette modification est rendue nécessaire au maintien de son emploi chez l’employeur.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[7]                Conformément à la loi, le soussigné a requis et obtenu l’avis des membres qui ont siégé avec lui sur les questions soumises au tribunal ainsi que les motifs de leur avis.

[8]                La membre issue des associations d’employeurs est d’avis que la requête du travailleur devrait être rejetée et que la décision de la CSST rendue le 9 mai 2007, à la suite d’une révision administrative, devrait être confirmée.

[9]                Selon elle, le plan individualisé de réadaptation mis en œuvre par la CSST, à la suite de la lésion professionnelle du travailleur, n’a pas à être modifié. Elle estime que la CSST a fait ce qu’elle avait à faire à l’époque de la détermination de ce plan. Le travailleur s’est vu déterminer l’emploi convenable de journalier de ferme qu’il exerce encore et qu’il peut continuer à exercer. La seule raison qui justifie la modification demandée par le travailleur est reliée au fait que la personne, qui exerce l’une des activités qu’il n’est pas en mesure d’exercer en raison des limitations fonctionnelles résultant de sa lésion professionnelle, a décidé de quitter l’entreprise pour prendre sa retraite.

[10]           Le membre issu des associations syndicales est plutôt d’avis d’accepter la requête du travailleur, d’infirmer la décision rendue par la CSST le 9 mai 2007, à la suite d’une révision administrative, et de modifier le plan individualisé qui a conduit à la détermination de l’emploi convenable de journalier de ferme afin de lui permettre d’exercer toutes les tâches qu’il exerçait avant la survenance de sa lésion professionnelle.

[11]           Il estime que la demande du travailleur n’est ni capricieuse, ni frivole. L’emploi convenable de journalier de ferme a été déterminé dans un contexte où les membres de la famille du travailleur pouvaient suppléer aux tâches qu’il ne pouvait plus exercer en raison des limitations fonctionnelles résultant de sa lésion. Ces personnes ne pouvant plus suppléer à la situation découlant de sa lésion, la modification de son plan individualisé de réadaptation, par l’achat et l’installation d’un robot de traite, lui permettrait de reprendre, à toutes fins pratiques, l’emploi qu’il occupait au moment de sa lésion plutôt que de continuer à exercer l’emploi convenable déjà déterminé.

 

LES FAITS ET LES MOTIFS

[12]           Le tribunal doit déterminer s’il doit faire droit à la requête du travailleur et modifier le plan individualisé que la CSST a mis en œuvre pour lui permettre d’exercer l’emploi convenable de journalier de ferme.

[13]           Le 8 septembre 1998, le travailleur, alors âgé de 20 ans et travailleur agricole au service de l’employeur, est victime d’une lésion professionnelle au cours de laquelle il est gravement blessé à la jambe droite.

[14]           Il devra être amputé de cette jambe au niveau du tiers proximal du fémur.

[15]           Le travailleur conserve de sa lésion d’importantes séquelles : un déficit anatomo-physiologique de 80 % pour une atteinte permanente à l’intégrité physique de 108 % et des limitations fonctionnelles qui l’ont empêché de reprendre son métier de travailleur agricole.

[16]           Ces limitations fonctionnelles sont les suivantes : éviter de travailler dans une position accroupie; éviter de soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente, des charges dépassant 15 kg; éviter d’effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents avec effort de l’articulation de la hanche droite; éviter de rester debout plusieurs heures; éviter de monter fréquemment plusieurs escaliers; et éviter de travailler dans une position instable, tel que travailler dans les échelles et les échafaudages.

[17]           L’évaluation des capacités de travail réalisée à la demande de la CSST par monsieur Claude Bougie, ergothérapeute, le 7 mars 2000, décrit les tâches qu’il est encore capable d’exercer et le contexte professionnel dans lequel il doit œuvrer :

 

4.   Caractéristiques de l’emploi de journalier de ferme

 

 

Tel que mentionné lors de l’évaluation du poste de travail réalisée le 6 mai 1999[1], l’emploi de journalier de ferme se divise en deux secteurs. Une partie de la tâche s’effectue au niveau de la grange et une autre au niveau des champs.

 

Au niveau de la grange, le journalier doit assumer les tâches reliées à la traite des animaux (120 vaches laitières). Il doit préparer les animaux en vue de la traite, appliquer les mesures d’hygiène requises, installer les trayeuse automatiques, pelleter le foin ou les débris entourant les animaux et les enclos, préparer la moulée et effectuer d’autres travaux généraux comme descendre le foin et ensiler. Le travail au niveau de la grange implique des déplacements avec des charges lourdes, des mouvements de flexion du tronc pour atteindre les charges ou pour installer les trayeuses, des positions accroupies. Ce travail implique également d’utiliser des échelles pour se rendre au niveau supérieur de la grange.

 

Au niveau du travail dans les champs, le travailleur opère la machinerie requise pour le travail de la terre et des récoltes. Le travail aux champs s’effectue sur divers sites. Ce travail implique des déplacements sur terrain accidenté. Cette partie de tâche permet une plus grande flexibilité de gestion de l’horaire.

 

Le travailleur complète des travaux d’entretien et réparation de l’équipement en utilisant des appareils de levage. Il travaille aussi au niveau d’un établi pour compléter certaines réparations ou directement sur la machinerie. De plus, le travailleur effectue des travaux de déneigement avec la machinerie de la ferme en période hivernale.

 

 

 

5.   COMMENTAIRES ET RECOMMANDATIONS

 

 

M. Papin a bien collaboré à cette brève évaluation fonctionnelle. Lors de nos rencontres, le travailleur arrivait directement de son travail où il avait accompli ses tâches régulières qui respectent ses capacités. Le travailleur nous fait part qu’il ne peut compléter les tâches reliées au secteur de la grange à cause des difficultés à se déplacer avec des charges lourdes et sa difficulté à travailler en position accroupie ou penchée. Nous avons effectivement pu objectiver ces difficulté en clinique. Il complète des tâches de pelletage, de préparation de moulée au niveau de la grange. Il travaille surtout au niveau des champs et de la réparation et entretien de la machinerie. Son travail implique notamment, des déplacements sur terrain accidenté ou glissant lorsqu’il travaille au champs et le travailleur réussit à compléter ces déplacements.

 

Nous retenons, suite à la présente évaluation, que le travailleur présente des limitations fonctionnelles objectivées. Il doit porter sa prothèse pour compléter la plupart de ses déplacements et travaux de la ferme. Il est limité dans la réalisation de certaines tâches à cause de son incapacité à travailler en position accroupie, sa difficulté à soulever et à se déplacer avec des charges lourdes. Sa condition rend également précaire l’utilisation d’échelle et d’échafaudage. Il ne peut travailler en position instable.

 

 

La révision des capacités du travailleur[2] dans la réalisation actuelle de ses activités de travail et lors des mises en situation, nous permet donc de conclure que M. Papin présente des limitations fonctionnelles qui se liraient comme suit :

 

-     éviter de soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente, des charges dépassant 15 kg;

-     éviter d’effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents avec effort de l’articulation de la hanche droite;

-     éviter de rester debout plusieurs heures;

-     éviter de monter fréquemment plusieurs escaliers;

-     éviter de travailler dans une position instable; (échelles, échafaudage)[3]

 

En ce qui concerne l’emploi de journalier de ferme, nous devons conclure que le travailleur ne peut compléter toutes les tâches reliées à cet emploi car il ne peut compléter certains travaux au secteur de la grange. Il réussit cependant à travailler à temps complet en effectuant les autres tâches dans les autres secteurs : aux champs, au déneigement et à l’entretien et réparation.

 

[sic]

 

(Je souligne)

 

 

[18]           Par contre, le travailleur prétend que si l’ensemble des postes de travail sur lesquels il exerçait ses tâches de travailleur agricole, emploi qu’il occupait avant la survenance de sa lésion professionnelle, avait été adapté, il aurait sans doute pu continuer à l’exercer.

[19]           La ferme familiale est une ferme laitière et de culture du maïs. Le troupeau de vaches en compte 60.

[20]           C’est son père qui s’occupe des activités reliées à la traite des vaches depuis la survenance de la lésion professionnelle du travailleur. Le travailleur n’est pas en mesure de les réaliser parce qu’il ne peut se déplacer avec des charges lourdes ni travailler en position accroupie ou penchée.

[21]           Ces activités s’exercent deux fois par jour, soit l’avant-midi, de 6 h à 11 h, soit en fin de journée, de 18 h à 20 h 30. La traite du matin est plus longue parce qu’elle est jumelée au nettoyage de l’étable.

[22]           Dans les prochains mois, son père, qui est copropriétaire de la ferme avec le travailleur et certains autres membres de la famille, prendra sa retraite.

[23]           À l’audience, le travailleur a décrit son cheminement professionnel. Il a commencé à travailler sur la ferme à l’âge de 12 ans. Il dit avoir éprouvé des difficultés d’ordre scolaire de sorte qu’il n’a complété que la troisième année du cours secondaire. Comme il appréciait les travaux de la ferme, il a donc choisi d’y travailler. Ses parents ont reconnu cet intérêt en lui offrant un mode d’acquisition de l’entreprise. Dans les jours suivant l’audience, il s’apprêtait à signer une entente par laquelle il devenait copropriétaire de la ferme dans une proportion de 25 %.

[24]           Malgré la sévérité de l’atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles qu’il conserve de sa lésion professionnelle, il ne se voyait pas travailler ailleurs que sur la ferme familiale. C’est la raison pour laquelle un emploi de journalier de ferme a été déterminé à titre d’emploi convenable.

[25]           La preuve démontre toutefois que ce sont davantage les efforts consacrés par le travailleur à sa réinsertion professionnelle qui ont permis de définir l’emploi convenable qu’il occupe aujourd’hui que le processus de réadaptation mis en œuvre à la suite de l’exercice de son droit à la réadaptation.

[26]           Comme il ne peut, en raison de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles qui résultent de son accident du travail, assurer la traite des vaches, le départ à la retraite de son père constitue pour lui une difficulté importante. Il devra, s’il veut conserver sa participation dans l’entreprise familiale et assurer la poursuite de la vocation de la ferme, pallier l’absence de son père et l’incapacité attribuable à sa lésion professionnelle.

[27]           La solution envisagée par le travailleur consiste à obtenir la modification de son plan individualisé de réadaptation afin de procéder à l’acquisition et à l’installation d’un robot de traite, ce qui lui permettrait d’assurer la traite des vaches sans qu’il ait à travailler en position accroupie.

[28]           Le robot de traite exerce de façon autonome toutes les activités reliées à la traite des vaches : il voit à l’hygiène du pis de la vache, détecte de façon immédiate les maladies affectant la mamelle, met la trayeuse en marche et nourrit la bête.

[29]           Cet équipement permettrait au travailleur d’exercer un emploi convenable beaucoup plus près de celui qu’il exerçait au moment de la survenance de sa lésion professionnelle.

[30]           Lorsqu’il a accepté qu’on lui détermine l’emploi convenable de journalier de ferme, cet équipement n’était pas encore sur le marché.

[31]           Il estime que l’on a alors fait reposer sa perte de capacité de travail sur les membres de sa famille, entre autres, son père, qui a dû suppléer l’incapacité résultant de sa lésion professionnelle.

[32]           Selon lui, compte tenu de la spécialité de l’entreprise familiale qui est une ferme laitière, on aurait dû envisager, à l’époque de la détermination de son emploi convenable, la retraite éventuelle de son père et qu’il constituait, compte tenu de l’intérêt qu’il avait toujours manifesté pour l’agriculture, la principale relève.

[33]           Selon les informations contenues au dossier du travailleur, il s’avère que la CSST a déjà adapté le poste de travail d’un ouvrier agricole chez un autre employeur, en le dotant d’un robot de traite[4].

[34]           Dans la présente affaire, le travailleur a subi, en raison de sa lésion professionnelle, une atteinte permanente à l’intégrité physique.

[35]           Il a donc droit à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle :

145.  Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 145.

 

 

[36]           La CSST a reconnu ce droit et a mis en œuvre, en collaboration avec lui et eu égard à ses besoins, un plan individualisé de réadaptation physique, sociale et professionnelle :

146.  Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.

 

Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.

__________

1985, c. 6, a. 146.

 

(Je souligne)

 

 

[37]           Ce plan individualisé de réadaptation a conduit, entre autres, à la détermination de l’emploi convenable de journalier de ferme. Le travailleur est effectivement capable d’exercer, compte tenu de diverses adaptations, certaines des tâches habituellement exercées par un journalier de ferme.

[38]           Le travailleur ne peut toutefois exercer les tâches reliées au secteur de la grange à cause des difficultés qu’il a à se déplacer avec des charges lourdes et celle de travailler en position accroupie ou penchée.

[39]           Le départ à la retraite de son père qui assurait une partie des tâches reliées au secteur de la grange, entre autres, la traite des vaches, l’oblige à trouver une solution afin de pallier la perte de cette ressource et son incapacité à réaliser une tâche qu’il exerçait avant la survenance de sa lésion professionnelle. Cette incapacité est tributaire des séquelles de sa lésion professionnelle.

[40]           Si l’équipement à l’origine de la demande de modification de son plan individualisé avait été connu au moment de la détermination de son plan individualisé, il aurait insisté pour qu’il fasse partie de ce plan parce qu’il lui aurait permis de réintégrer son emploi ou à tout le moins un emploi équivalent :

166.  La réadaptation professionnelle a pour but de faciliter la réintégration du travailleur dans son emploi ou dans un emploi équivalent ou, si ce but ne peut être atteint, l'accès à un emploi convenable.

__________

1985, c. 6, a. 166.

 

 

[41]           La loi prévoit le contenu du programme de réadaptation professionnelle qui comprend, entre autres, « l’adaptation d’un poste de travail » :

167.  Un programme de réadaptation professionnelle peut comprendre notamment :

 

1° un programme de recyclage;

 

2° des services d'évaluation des possibilités professionnelles;

 

3° un programme de formation professionnelle;

 

4° des services de support en recherche d'emploi;

 

5° le paiement de subventions à un employeur pour favoriser l'embauche du travailleur qui a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique;

 

6° l'adaptation d'un poste de travail;

 

7° le paiement de frais pour explorer un marché d'emplois ou pour déménager près d'un nouveau lieu de travail;

 

8° le paiement de subventions au travailleur.

__________

1985, c. 6, a. 167.

 

(Je souligne)

 

 

[42]           Rappelons que le travailleur comptait, au moment de la survenance de sa lésion professionnelle, une expérience unique de travail, qu’il éprouvait des difficultés d’ordre scolaire qui l’ont empêché de compléter ses études secondaires, qu’il avait un intérêt marqué pour l’agriculture et qu’il envisageait déjà depuis son tout jeune âge d’en faire son avenir professionnel.

[43]           La CSST, aux termes de la décision qu’elle rend à la suite d’une révision administrative, justifie ainsi sa décision de ne pas modifier le plan individualisé du travailleur :

En 2007, la position de la CSST demeure la même. Le travailleur ne pouvait plus faire la traite des vaches et il aurait été dangereux de permettre qu’il le fasse, dans le cadre de son emploi convenable. Les parties ont convenu qu’il y avait suffisamment d’autres tâches pour garder le travailleur à la ferme familiale. D’ailleurs, le travailleur ne se voyait pas faire autre chose que du travail de ferme.

 

Si le travailleur avait fait le même travail pour une ferme voisine, le départ du propriétaire de cette autre ferme, pour la retraite, n’aurait pas amené la CSST à compenser cet apport à la ferme, en autorisant un robot de traite.

 

D’autre part, la tâche de la traite des vaches ne faisait plus partie des tâches du travailleur car elle était dangereuse pour lui et d’autre part, le départ pour une retraite est une décision qui ne concerne pas la CSST.

 

En fait, la CSST n’a pas à traiter le dossier du travailleur différemment de celui d’un autre travailleur du fait qu’il travaille dans une entreprise familiale où l’apport de tous et chacun contribue au bien-être collectif. Il est sûrement vrai que le travailleur a pu bénéficier d’une aide spéciale de sa famille et que le départ de son père puisse appauvrir le rendement de la ferme.

 

Toutefois, s’il avait s’agit [s’était agi] d’une entreprise non familiale, nous serions en face d’un poste vacant qu’il faudrait combler. L’entreprise en serait à évaluer si elle peut se permettre l’achat d’un robot de traite ou s’il vaudrait mieux embaucher une nouvelle personne.

 

(Je souligne)

 

 

 

[44]           En somme, la CSST refuse de modifier le plan individualisé de réadaptation du travailleur parce que celui mis en œuvre en premier lui permettait d’exercer l’emploi convenable de journalier de ferme, que le travailleur est encore capable d’exercer cet emploi et qu’il n’y a pas lieu de revoir ce plan malgré les circonstances qui viennent modifier le contexte de son exercice.

[45]           L’article 146 de la loi ne précise pas le sens qu’il faut donner à l’expression « circonstances nouvelles ». La loi ne précise pas non plus qu’une fois le plan individualisé déterminé et mis en œuvre, il devient impossible de le modifier par la suite.

[46]           Les séquelles de la lésion professionnelle subie par le travailleur sont permanentes : les effets de cette lésion sont donc définitifs.

[47]           C’est sans doute pour cette raison que le législateur écrit à l’article 145 de la loi, lorsqu’il définit le droit à la réadaptation, que le travailleur qui subit une atteinte permanente à l’intégrité physique « a droit à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle ».

[48]           Le tribunal sait par expérience que la CSST a la possibilité de modifier le plan individualisé de réadaptation et qu’elle procède régulièrement à sa modification pour tenir compte des besoins en réadaptation sociale des travailleurs victimes d’atteinte permanente à l’intégrité physique. Ainsi, elle défraie le coût des services professionnels d’intervention psychosociale, assure la mise en œuvre de moyens pour procurer à ces personnes un domicile et un véhicule adaptés à leur capacité résiduelle, paye les frais d’aide personnelle à domicile, rembourse les frais de garde d’enfants et le coût des travaux d’entretien courant du domicile. (Je souligne)

[49]           Serait-ce différent en réadaptation professionnelle?

[50]           La jurisprudence du tribunal s’est déjà prononcée sur la modification du plan individualisé de réadaptation. Elle constate, entre autres, que l’article 146 de la loi n’édicte aucun délai quant à cette modification.

[51]           Le tribunal propose toutefois une réponse à cette interrogation[5] :

[48]      Comme l’ont soumis les représentants de l’employeur et de la CSST, la Commission des lésions professionnelles est également d’avis que l’article 146, alinéa 2 de la Loi ne peut être invoqué que lorsqu’un programme de réadaptation est en coursCet article ne peut plus être invoqué une fois le programme complété et qu’un emploi convenable est retenu par une décision de la CSST qui détermine également la date de capacité à exercer cet emploi.

 

[49]      Cette interprétation de l’article 146 de la Loi avait déjà été retenue par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles à l’effet qu’un travailleur ne peut remettre en question, par le biais de l’article 146 de la Loi, une décision déterminant un emploi convenable rendue par la CSST antérieurement et qui est devenue finale2.  Cette interprétation a été reprise par la Commission des lésions professionnelles, notamment dans l’affaire Cambior inc.-Géant Dormant et Fournier et CSST3.  Dans cette décision, la Commission des lésions professionnelles rappelait que la circonstance nouvelle prévue à l’article 146 de la Loi devait nécessairement se rapporter au plan individualisé de réadaptation lui-même et non pas être utilisée comme un instrument indirect d’une contestation d’un emploi convenable déterminé et non contesté.

___________________

2           Dubé et Services de béton universels ltée et CSST, C.A.L.P. 67006-60-9502, 1996-07-29, Me Joëlle L’Heureux.

3           C.L.P. 119236-08-9906, 2002-01-15, Me Alain Suicco.

 

(Je souligne)

 

 

[52]           C’est également la position retenue dans l’affaire Abbes et Industries de plastique Transco ltée et Commission de la santé et de la sécurité du travail[6].

[53]           Avec égard, le soussigné ne partage pas cette opinion et estime que le plan de réadaptation professionnelle peut être modifié malgré qu’il ne soit plus en cours et qu’une décision le déterminant soit devenue finale et irrévocable. Le plan de réadaptation professionnelle peut être modifié, au même titre que le plan de réadaptation sociale, pour tenir compte de circonstances nouvelles.

[54]           La loi n’établit effectivement pas de période au cours de laquelle les circonstances nouvelles doivent nécessairement apparaître.

[55]           C’est ce que reconnaissent d’autres décisions du tribunal[7] :

[85]       La Commission des lésions professionnelles n’a pas trouvé, dans la jurisprudence, de décision qui appuierait les prétentions de la CSST. Au contraire, la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles et de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles conclut qu’un travailleur peut demander la modification de son plan individualisé de réadaptation en présence d’une circonstance nouvelle, malgré qu’une décision sur sa capacité à exercer l’emploi convenable n’ait pas été contestée5. La Commission des lésions professionnelles est d’avis que cette jurisprudence s’applique aussi à une décision non contestée concernant la capacité d’un travailleur à exercer son emploi prélésionnel, dans la mesure où un plan individualisé de réadaptation a été mis en œuvre, comme dans le cas de monsieur Grenier.

 

[86]       Dans l’affaire Béland6, le commissaire Brazeau se saisissait d’une demande de modification du plan de réadaptation en vertu de l’alinéa 2 de l’article 146 de la loi, bien que le travailleur se soit désisté de sa demande de révision de la décision sur sa capacité à exercer l’emploi convenable, et bien qu’il n’y ait pas de lésion sous forme de rechute. Le commissaire soulignait que la seule question dont le tribunal était saisi consistait à déterminer s’il existait une circonstance nouvelle au sens de l’article 146 de la loi, donnant ouverture à modifier le plan individualisé de réadaptation dont le travailleur a bénéficié et à recouvrer ainsi son droit au versement d’une indemnité de remplacement du revenu à être éventuellement réduite en fonction d’un nouvel emploi convenable. Le tribunal concluait que l’abolition du poste du travailleur ne constituait pas une circonstance nouvelle, s’appuyant sur l’affaire Villeneuve et Ressources Aurore inc.7, décision de principe en la matière qui circonscrit ce qui est considéré comme une circonstance nouvelle :

 

« Une circonstance nouvelle au sens de l’article 146 doit se rapporter directement au plan individualisé de réadaptation : soit que le travailleur ne puisse accomplir le travail ou que l’emploi ne répond plus au critère énoncé à la définition d’emploi convenable. »

 

 

[87]       Dans l’affaire Carrière8, la Commission des lésions professionnelles concluait que la demande de révision du 1er mars 2002 d’un travailleur à l’encontre d’une décision du 16 mai 2001 déterminant qu’il était capable d’exercer un emploi convenable, demande hors délai donc, constituait plutôt une demande de modification du plan individualisé de réadaptation selon l’alinéa 2 de l’article 146. Le tribunal s’exprimait ainsi :

 

« (…)

 

[31]       Le soussigné considère qu’il n’y a pas lieu, notamment dans le présent dossier, de recourir à la recherche d’un motif raisonnable permettant de relever le travailleur de son défaut d’avoir contesté dans le délai la détermination de l’emploi convenable, considérant que tel n’est pas le motif invoqué et considérant que l’article 146 de la loi prévoit une telle circonstance.

 

[32]       Le soussigné estime que l’article 146 de la loi est suffisamment explicite en ce qui concerne les conditions de modification d’un plan individualisé de réadaptation pour tenir compte de circonstances nouvelles, sans que soit nécessairement et obligatoirement remis en cause la détermination même de l’emploi convenable.  Par ailleurs, cet article ne prévoit aucun délai dans la formulation d’une telle modification, des circonstances nouvelles pouvant survenir à tout moment.

 

[33]       Aussi, la Commission des lésions professionnelles juge donc recevable la demande du travailleur logée le 1er mars 2002.

 

[34]       Par ailleurs, quant à l’application de l’article 146, la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles est à l’effet que les circonstances nouvelles prévues au deuxième alinéa de l’article 146 doivent se rapporter directement au plan individualisé de réadaptation3.  Une circonstance nouvelle pourrait être, par exemple, lorsque la preuve démontre qu’un travailleur ne peut pas accomplir le travail ou encore lorsqu’un emploi convenable ne répond plus aux critères énoncés à la définition de l’emploi convenable.

 

[35]       Cependant, la cessation des activités de l’employeur ne constitue pas une circonstance nouvelle au sens de l’article 146 de la loi4. (…)

 

 

____________

 

3           Villeneuve et Ressources Aunore inc. [1992] C.A.L.P. 06; Chassé et Jules Fournier inc., 29829-03-9106, 8 octobre 1993, R. Jolicoeur; Foisy et Clarke Transport Canada inc., 44094-62-9208, 14 mars 1994, A. Suicco, (J6-12-02); Rocca et J.A. Hubert ltée, 35236-08-9112, 26 février 1996, B. Lemay; Brodeur et Coopers & Lybrand inc. Syndic, 106594-61-9811, 25 février 1999, M. Cuddihy; Bolduc et Restaurant Trois cent trente-trois inc., 109871-72-9902, 5 juin 2001, J.-D. Kushner.

4           Villeneuve et Ressources Aunore inc., [1992] C.A.L.P. 06 ; Lelièvre et Multifoof inc., 49644-63-9302, 27 juillet 1997, M. Cuddihy ; Boucher et Produits forestiers Canadien Pacific (Avenor), 058051-04-9404, 26 octobre 1995, P. Brazeau (J7-10-06)

 

 

[88]       Dans l’affaire Gagnon et BG Automatique (BG Checo Senc) 9, le commissaire Bérubé soulignait, parlant des articles 145 et 146, et plus spécifiquement de l’alinéa 2 de l’article 146 de la loi :

 

« Aucun de ces articles précités ne prévoit de périodes spécifiques pendant lesquelles une modification peut être apportée à un plan individualisé de réadaptation. »

 

 

[89]       Il est vrai que le travailleur aurait pu contester la décision du 5 décembre 2003, mais le fait qu’il ne l’ait pas contesté n’exclut pas l’application de l’alinéa 2 de l’article 146 de la loi.

 

[90]       En conséquence, la Commission des lésions professionnelles conclut que l’alinéa 2 de l’article 146 de la loi, peut trouver application, malgré la décision de la CSST du 5 décembre 2003 qui détermine que le travailleur est capable d’exercer son emploi, et malgré que le travailleur n’ait pas contesté cette décision. D’autre part, l’article 51 de la loi ne s’applique pas au présent cas puisqu’il s’applique à l’abandon d’un emploi convenable et non à l’abandon de l’emploi prélésionnel.

 

[91]       Puisqu’il y a ouverture à l’application de l’alinéa 2 de l’article 146 de la loi, les parties seront convoquées à nouveau pour être entendues sur les circonstances nouvelles alléguées par le travailleur au soutien de sa demande de modification de son plan individualisé de réadaptation.

________________

 

5           Béland et Barrette-Chapais ltée, C.L.P. 211061-03B-0306, 27 octobre 2004, PBrazeau; Carrière et Béton de la 344 inc., C.L.P. 185806-64-0206, 22 août 2002, D. Robert; Gagnon et BG Automatique (BG GHECO SENC), C.L.P. 84223-09-9612, 16 juillet 1999, C. Bérubé.

6                     Id.

7                     [1992] C.A.L.P. 6 .

8                     Précitée, note 5.

9           Précitée, note 5.

 

 

 

[56]           En l’espèce, la seule question à laquelle le tribunal doit répondre est celle à savoir si des « circonstances nouvelles » justifient la modification du plan individualisé de réadaptation professionnelle du travailleur.

[57]           Le départ à la retraite d’un employé de l’entreprise familiale, en l’occurrence le père du travailleur, ne change évidemment pas les conditions d’exercice de l’emploi convenable exercé par le travailleur. Par contre, cette circonstance, que l’on doit qualifier de nouvelle, risque de compromettre l’existence de l’emploi convenable du travailleur.

[58]           L’entreprise devra engager une nouvelle ressource à un salaire supérieur à celui versé au travailleur qui bénéficie d’un programme d’intéressement. Cette dépense additionnelle risque d’affecter la rentabilité de l’entreprise. C’est d’ailleurs ce que reconnaît la CSST dans la décision rendue le 9 mai 2007, à la suite d’une révision administrative.

[59]           Actuellement, aucune autre ressource que les membres de la famille ne travaille à la ferme.

[60]           La preuve démontre en outre qu’aucune autre ressource parmi les membres de la famille, mis à part le père et le travailleur, bien entendu si le poste de traite était adapté, ne peut assurer la traite des vaches.

[61]           C’était le contexte qui prévalait lors de l’événement au cours duquel le travailleur a subi une lésion professionnelle.

[62]           C’est aussi dans ce contexte que la CSST a déterminé que l’emploi de journalier de ferme constituait un emploi convenable pour le travailleur. Ce contexte faisait également en sorte que les autres membres de la famille, dont le père en particulier, pouvaient suppléer à la nouvelle condition physique du travailleur et exercer les tâches qu’il n’était plus en mesure d’exercer en raison des limitations fonctionnelles attribuables à sa lésion professionnelle.

[63]           L’invention de robots de traite constitue également, de l’avis du tribunal, au même titre que le départ à la retraite d’une ressource essentielle aux opérations agricoles de l’entreprise, une circonstance nouvelle.

[64]           Ces circonstances nouvelles justifient-elles une modification du plan individualisé de réadaptation professionnelle du travailleur?

[65]           Le tribunal estime devoir répondre positivement à cette question.

[66]           La réadaptation professionnelle vise en premier la réintégration du travailleur dans son emploi ou dans un emploi équivalent ou, si ce but ne peut être atteint, à lui permettre l’accès à un emploi convenable.

[67]           Si le robot de traite avait été sur le marché lorsque la CSST a mis en œuvre le plan de réadaptation professionnelle du travailleur, elle aurait pu envisager de subventionner l’entreprise familiale afin que le travailleur puisse être en mesure d’effectuer la plupart des tâches qu’il effectuait avant la survenance de sa lésion professionnelle, y compris la traite des vaches :

176.  La Commission peut rembourser les frais d'adaptation d'un poste de travail si cette adaptation permet au travailleur qui a subi une atteinte permanente à son intégrité physique en raison de sa lésion professionnelle d'exercer son emploi, un emploi équivalent ou un emploi convenable.

 

Ces frais comprennent le coût d'achat et d'installation des matériaux et équipements nécessaires à l'adaptation du poste de travail et ils ne peuvent être remboursés qu'à la personne qui les a engagés après avoir obtenu l'autorisation préalable de la Commission à cette fin.

__________

1985, c. 6, a. 176.

 

(Je souligne)

 

 

[68]           La gravité de la lésion du travailleur ne doit pas le confiner à un emploi convenable.

[69]           Si l’avancement technologique permet de lui offrir un emploi qui se rapproche davantage de l’emploi qu’il occupait lors de la survenance de sa lésion, la CSST devrait tout mettre en œuvre « pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d’une lésion professionnelle » :

184.  La Commission peut :

 

1° développer et soutenir les activités des personnes et des organismes qui s'occupent de réadaptation et coopérer avec eux;

 

2° évaluer l'efficacité des politiques, des programmes et des services de réadaptation disponibles;

 

3° effectuer ou faire effectuer des études et des recherches sur la réadaptation;

 

4° prendre toute mesure qu'elle estime utile pour favoriser la réinsertion professionnelle du conjoint d'un travailleur décédé en raison d'une lésion professionnelle;

 

5° prendre toute mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle.

 

Aux fins des paragraphes 1°, 2° et 3°, la Commission forme un comité multidisciplinaire.

__________

1985, c. 6, a. 184.

 

(Je souligne)

 

 

[70]           L’impossibilité pour le travailleur de faire la traite des vaches est une conséquence de la lésion professionnelle qu’il a subie.

[71]           La loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les travailleurs qui en sont victimes :

1.  La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.

 

Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.

 

La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.

 

 

[72]           L’acquisition et l’installation d’un robot de traite permettraient de faire disparaître l’une des conséquences de sa lésion professionnelle.

[73]           Le tribunal rappelle que les décisions rendues en vertu de la loi, doivent l’être suivant l’équité, d’après le mérite réel et la justice du cas :

351.  La Commission rend ses décisions suivant l'équité, d'après le mérite réel et la justice du cas.

 

Elle peut, par tous les moyens légaux qu'elle juge les meilleurs, s'enquérir des matières qui lui sont attribuées.

__________

1985, c. 6, a. 351; 1997, c. 27, a. 13.

 

 

 

[74]           En l’espèce, la preuve démontre que le travailleur a grandement contribué à sa réinsertion professionnelle. Il en a été le principal, voire l’unique artisan. C’est lui qui a créé son emploi convenable. C’est également lui qui a procédé à l’adaptation de la machinerie agricole qui lui permet d’exercer cet emploi.

[75]           Dans un tel contexte, le tribunal estime raisonnable de reconnaître les efforts qu’il a consentis pour réintégrer le marché du travail et de traiter sa demande « suivant l’équité, d’après le mérite réel et la justice du cas ».

[76]           Dans les circonstances de la présente affaire, compte tenu de l’importance des conséquences de la lésion professionnelle du travailleur sur ses activités professionnelles, compte tenu de son jeune âge, compte tenu de son expérience unique de travail et qu’il est impensable d’envisager, dans la situation particulière dans laquelle il se trouve - il est copropriétaire de la ferme sur laquelle il travaille -, un changement d’activités professionnelles, compte tenu du temps qui lui reste encore à demeurer actif sur le marché du travail, compte tenu de l’importance d’assurer au travailleur le maximum d’autonomie dans l’accomplissement de son activité professionnelle, le tribunal estime, « suivant l’équité, d’après le mérite réel et la justice du cas », devoir modifier son plan de réadaptation professionnelle afin de procéder à l’acquisition et à l’installation d’un robot de traite à la ferme sur laquelle il travaille.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête déposée au tribunal par monsieur Bruno Papin, le travailleur, le 23 mai 2007;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 9 mai 2007, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit à l’acquisition et à l’installation d’un robot de traite dans le bâtiment de ferme sur laquelle il exerce son activité professionnelle.

 

 

__________________________________

 

JEAN-PIERRE ARSENAULT

 

Commissaire

 

 

 

 

Me Michel Cyr, avocat

Michel Cyr, avocat

Représentant de la partie requérante

 



[1]           Pages 93 et suivantes du dossier soumis à l’attention du tribunal.

[2]           Il n’appartient toutefois pas à l’ergonome de la CSST de réviser les capacités du travailleur. Seul le médecin qui a charge est habilité, suivant la loi, à émettre son opinion sur cette question. À moins d’avoir été soumise au Bureau d’évaluation médicale, l’opinion du médecin traitant lie la CSST, à cet égard.

[3]           L’ergothérapeute de la CSST oublie de mentionner l’une des limitations fonctionnelles émises par le médecin du travailleur, à savoir celle d’éviter de travailler dans une position accroupie. Il s’agit sans doute d’une erreur d’écriture puisqu’il en tient compte dans son évaluation de la capacité résiduelle du travailleur.

[4]           Suzanne DEUTSCH, « Triompher de l'adversité », (septembre 2007) Le Coopérateur agricole, p. 28-34.

[5]           Vallée et Services Matrec inc., C.L.P. 189418-62-0208, 7 janvier 2003, L. Vallières.

[6]           C.L.P. 317165-62-0705, 18 février 2008, R. Beaudoin.

[7]          Grenier et Domfer Poudres Métalliques ltée et Commission de la santé et de la sécurité du travail, C.L.P. 236414-71-0406, 7 mars 2005, L. Landriault; révision accueillie, 28 juillet 2005, M. Denis, décision en révision cassée, Grenier c. Commission des lésions professionnelles, C. S. 500-17-027304-05, 18 avril 2007, j. Crépeau, J.C.S.

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