GlaxoSmithKline Biologicals Amérique |
2012 QCCLP 4271 |
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[1] Le 21 décembre 2011, GlaxoSmithKline Biologicals Amérique (l’employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue le 17 novembre 2011 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle rendue le 29 juillet 2011 et déclare que l’imputation du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie par monsieur Louis Garon (le travailleur) le 9 août 2010 demeure inchangée. Par conséquent, 45 % du coût des prestations est imputé à son dossier financier et 55 %, aux employeurs de toutes les unités.
[3] Une audience est fixée au 11 mai 2012 à Québec. L’employeur est absent, mais soumet une argumentation écrite.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de modifier la décision rendue par la CSST et de déclarer qu’il a droit à un partage du coût des prestations en raison de la présence d’un handicap dans une proportion de 90 % aux employeurs de toutes les unités et de 10 % à son dossier financier.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[5]
La Commission des lésions professionnelles doit se prononcer sur le
bien-fondé de la décision rendue par la CSST, laquelle détermine que
l’employeur a droit à un partage du coût des prestations en vertu de l’article
[6] Le travailleur est victime d’un accident du travail le 9 août 2010. Il est alors âgé de 45 ans. Le jour de l’événement, alors qu’il se déplace dans un milieu aseptisé avec des couvre-chassures, il glisse et son genou droit ne fléchit pas normalement et bloque. Il ressent alors une douleur au genou droit qui l’amène à consulter. Le médecin pose initialement un diagnostic d’entorse au genou droit.
[7] Une investigation radiologique par résonance magnétique est faite le 19 août 2010. Cet examen est interprété par le radiologiste comme démontrant une ostéo-arthrose légère au compartiment fémorotibial interne et une déchirure complexe en anse de sceau au ménisque interne. Le diagnostic de déchirure méniscale est ensuite émis par le médecin traitant.
[8] Le 21 octobre 2010, le docteur B. Lacasse, chirurgien orthopédiste, examine le travailleur à la demande de l’employeur. Il produit ensuite un rapport d’expertise médicale. Il conclut que le tableau clinique est celui d’une déchirure en anse de sceau du ménisque interne chez une personne porteuse de changements dégénératifs importants, lesquels sont décrits au protocole de la résonance magnétique faite le 19 août 2010.
[9] Le 17 novembre 2010, le docteur Ferland procède à une arthroscopie du genou droit avec méniscectomie interne. Lors de l’intervention, le docteur Ferland constate la présence d’une lésion chondrale grade I à II/IV de la rotule et grade II à III/IV du compartiment interne.
[10] Aux notes évolutives contenues au dossier, le médecin de la CSST confirme son opinion quant à la relation causale entre l’événement et le diagnostic de déchirure méniscale. Le médecin souligne que, selon le dossier médical, il en ressort que le travailleur a subi un accident personnel en mai 2010 dont l’examen fait à cette époque était compatible avec une déchirure du ménisque interne avec entorse au ligament croisé intérieur. Cependant, il s’est bien rétabli par la suite et il n’a pas eu d’investigation supplémentaire. C’est le 27 juillet 2010, qu’il reprend son travail.
[11] Dans ce contexte, le médecin de la CSST considère que l’événement du 9 août 2010, soit dans la semaine suivant son retour au travail, a entraîné une aggravation de sa condition personnelle et rendu symptomatique une lésion préexistante. Il est d’avis que le travailleur présentait probablement une déchirure méniscale dont le fragment s’est déplacé lors de l’événement du 9 août 2010 pour nécessiter ensuite une intervention chirurgicale. Conséquemment, la CSST rend une décision par laquelle elle accepte la relation entre ce nouveau diagnostic et l’événement initial du 9 août 2010.
[12] Le 24 janvier 2011, le docteur Ferland produit un rapport médical final. Il fixe la date de consolidation au même jour. Il prévoit que la lésion entraîne une atteinte permanente, mais sans limitations fonctionnelles.
[13] Le 31 mai 2011, la CSST, donnant suite au rapport d’évaluation médicale produit par le docteur Ferland, rend une décision par laquelle elle reconnaît que le travailleur est porteur d’une atteinte permanente de l’ordre de 1.10 %, mais sans limitations fonctionnelles, lui donnant droit à une indemnité pour dommages corporels.
[14] Le 15 juin 2011, l’employeur demande un transfert d’imputation de la totalité du coût des prestations découlant de la lésion professionnelle qu’a subie le travailleur au motif qu’il est obéré injustement. À cet effet, il soutient que, n’eut été de sa condition personnelle, le travailleur ne serait sans doute pas blessé le 9 août 2010.
[15] À la date précitée, l’employeur demande également le partage du coût des prestations découlant de la lésion professionnelle qu’a subie le travailleur au motif que le travailleur présentait une déficience, soit une déchirure au ménisque interne droit ayant même joué un rôle dans l’apparition de sa lésion et sur ses conséquences.
[16] La CSST procède à l’analyse des demandes faites par l’employeur. Elle conclut que la chondropathie dégénérative modérée à sévère est une déficience ayant joué un rôle sur la prolongation de consolidation. Tenant compte que celle-ci s’est échelonnée sur 24 semaines alors que la période moyenne pour une telle lésion est de 11 semaines, la CSST calcule le ratio pour conclure que l’employeur doit être imputé à 45 % du coût des prestations et 55 % aux employeurs de toutes les unités.
[17] Le 10 mars 2012, le docteur Lacasse produit un rapport dans lequel il exprime son opinion relativement à l’existence d’une déficience. À cet égard, il souligne que le travailleur est porteur d’un alignement en varus de ses deux genoux. Il explique que cette anomalie crée un transfert de la charge portée par les genoux sur le compartiment interne ayant pour effet d’épargner le compartiment externe.
[18] Référant à des extraits de littérature médicale, le docteur Lacasse souligne que ce défaut influence la distribution de la charge sur la surface articulaire du genou, ce qui a pour effet de générer des changements dégénératifs précoces au niveau du compartiment interne. Il ajoute qu’il s’agit là d’une déviance puisqu’elle se retrouve dans une faible proportion de la population.
[19] De plus, le docteur Lacasse explique que l’alignement en varus crée une dégénérescence cartilagineuse du compartiment interne qui atteint les surfaces articulaires tibiales et fémorales de même que le ménisque. Cela a pour effet d’affaiblir la structure intrinsèque du ménisque, ce qui le prédispose à développer une déchirure lors d’un traumatisme même bénin. C’est ce qui explique que le travailleur a subi une déchirure méniscale interne du genou droit lors d’un traumatisme qu’il qualifie de bénin puisqu’il n’y a pas eu de chute au sol.
[20] Par ailleurs, le docteur Lacasse considère que le travailleur a dû subir une chirurgie suivie d’une très longue période de consolidation. Dans ce contexte, il recommande un partage du coût des prestations dans une proportion de 90 % aux employeurs de toutes les unités et de 10 % au dossier financier de l’employeur.
[21] D’abord, la Commission des lésions professionnelles considère, à l’instar de la CSST, que la preuve médicale révèle la présence d’une déficience.
[22] En effet, tel que noté par le docteur Lacasse lors de son examen, le travailleur présente des genoux dont l’alignement est en varus. Or, la jurisprudence majoritaire reconnaît que cette condition correspond à une déviance par rapport à la norme biomédicale indépendamment de l’âge du travailleur[2].
[23] Par ailleurs, selon ce que rapporte le docteur Ferland dans son rapport d’évaluation médicale, l’arthroscopie a démontré une altération du compartiment interne compatible avec les effets d’une telle déviation axiale lorsqu’il décrit une lésion chondrale de grade II à III/IV. Il s’agit d’une anomalie qui correspond à un niveau d’atteinte plus important par rapport à l’ensemble d’une population du même âge. Ainsi, cette condition n’est pas la résultante d’un simple processus de vieillissement chez une personne de cet âge.
[24] Rappelons en outre, la survenance d’un premier événement hors travail en mai 2010 dont les signes cliniques étaient assimilables à une atteinte méniscale tel que le souligne le médecin de la CSST dans son opinion consignée au dossier. Ainsi, le médecin de la CSST est d’avis que l’événement survenu le 9 août 2010 a probablement aggravé cette condition déjà présente.
[25] À cet égard, la Commission des lésions professionnelles constate que l’événement survient dans la semaine suivant le retour au travail, soit le 27 juillet 2010.
[26] Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles conclut que la déficience a joué un rôle dans l’apparition de la lésion. De même, la Commission des lésions professionnelles constate que cette déficience a joué un rôle sur les conséquences de la lésion puisque le travailleur a dû subir une intervention par arthroscopie et qu’il s’ensuit une période de consolidation qui prend fin au 24 janvier 2011 avec une atteinte permanente à l’intégrité physique de 1.10 %, mais sans limitations fonctionnelles.
[27] Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles conclut que l’employeur a droit à un partage du coût des prestations de l’ordre de 10 % qui doit être imputé à son dossier financier et 90 % aux employeurs de toutes les unités.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de GlaxoSmithKline Biologicals Amérique;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 17 novembre 2011 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que GlaxoSmithKline Biologicals Amérique a droit à un partage du coût des prestations dans une proportion de 10 % à son dossier financier et de 90 % aux employeurs de toutes les unités.
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HÉLÈNE THÉRIAULT |
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M. Frédéric Boucher |
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MÉDIAL CONSEIL SANTÉ SÉCURITÉ INC. |
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Représentant de la partie requérante |
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