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[1] Le 14 janvier 2004, madame Serette Aris-Jaboin (la travailleuse) conteste devant la Commission des lésions professionnelles une décision en révision administrative rendue le 8 janvier 2004.
[2] La décision confirme la décision rendue le 18 septembre 2003 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à l’effet de considérer la travailleuse apte à exercer l’emploi convenable d’infirmière auprès de Héma-Québec ou pour une compagnie d’assurance à partir du 17 septembre 2003. L’indemnité sera payable à la travailleuse jusqu’au 17 septembre 2004.
[3] La décision confirme également la décision de la CSST qui reconnaît à la travailleuse le droit à un remboursement de frais d’entretien courant du domicile pour un montant de 1 180 $.
[4] L’audience a été tenue les 18 janvier, 11 mars et 6 juin 2005 en présence de toutes les parties et le dossier a été pris en délibéré le 6 juin 2005.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Par sa contestation la travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue et de déclarer que l’emploi convenable tel que déterminé ne répond pas aux exigences de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et que le processus de détermination de l’emploi convenable doit être repris.
LES FAITS
[6] La Commission des lésions professionnelles fait sienne la description des faits apparaissant à la décision du 8 janvier 2004, à savoir :
Le 27 février 2001, en s’asseyant sur une chaise à roulettes, celle-ci a reculé et madame Aris s’est retenue à la table, elle a lâché prise et est tombée par terre. Elle consulte le médecin qui diagnostique une entorse dorso-lombaire et à l’épaule droite. Une échographie de l’épaule droite confirme la rupture complète du sus-épineux avec épanchement dans la bourse sous-acromiale et sous-deltoïdienne. L’orthopédiste mentionne au rapport du 8 mai 2001 le diagnostic de déchirure de la coiffe droite et suggère un retour au travail progressif. L’arrêt de travail est à nouveau recommandé le 6 juin 2001 puisqu’il y a récidive de douleurs. Les traitements de physiothérapie et d’ergothérapie sont aussi suggérés lors de l’examen.
Le Dr Des Rosiers complète un rapport d’évaluation à la demande de l’employeur et retient les diagnostics d’entorse dorso-lombaire bilatérale d’intensité modérée déjà résolue et de rupture de la coiffe des rotateurs épaule droite encore symptomatique nécessitant des traitements.
L’orthopédiste complète une demande d’admission pour la réparation de la coiffe à l’épaule droite lors de la visite du 2 octobre 2001. Nous notons que la travailleuse a repris un travail allégé le 21 septembre 2001.
À la demande de l’employeur, le Dr Blanchette complète un rapport d’évaluation le 3 octobre 2001 et indique les diagnostics de déchirure de la coiffe de l’épaule droite et entorse lombaire. L’orthopédiste considère que l’entorse lombaire sera consolidée dans 6 semaines et au niveau de l’épaule droite, il y a nécessité de traitements et cette lésion laissera des séquelles permanentes.
Dans son rapport du 6 décembre 2001, le Dr Rizkallah mentionne les diagnostics d’accrochage à l’épaule droite et une lombalgie. Il note que la patiente n’est pas satisfaite du traitement, veut canceller la chirurgie et veut être suivie par un autre spécialiste. Il considère la lésion consolidée en date du 6 décembre 2001 et l’évaluation des séquelles permanentes sera effectuée ailleurs. Le 7 décembre 2001, madame Aris rencontre le Dr Tousignant qui confirme le diagnostic de déchirure de la coiffe et indique que la travailleuse sera revue par un autre médecin. À l’examen du 11 décembre 2001, le Dr Fournier mentionne que la travailleuse sera revue par son médecin le 4 février 2002 et qu’il y a arrêt de travail jusque là. La travailleuse choisit de faire compléter son rapport d’évaluation par le Dr Décarie puisqu’il y a consolidation de la lésion et que le Dr Rizkallah ne complétera pas l’évaluation.
Le Dr Décarie rencontre la travailleuse le 26 mars 2002 et établit l’atteinte permanente à 12 %. De plus, il indique que la travailleuse devra éviter de soulever des charges au-delà de 20 livres, tous les mouvements de flexion antérieure et d’abduction au-delà de 70 degrés et les mouvements répétitifs de flexion antérieure et d’abduction au-delà de 70 degrés ainsi que de travailler avec les bras dans les airs et au-delà de la flexion antérieure et du mouvement d’abduction. Au niveau, lombaire, madame Aris doit éviter de soulever des charges au-delà de 40 livres et les mouvements répétitifs de flexion et d’extension de la colonne lombaire.
En date du 22 mai 2002, la travailleuse est avisée de son droit à la réadaptation. Une visite de son poste de travail est complétée le 26 juin 2002 et il est convenu qu’une évaluation de différents postes de travail d’infirmière sera effectuée par un ergonome afin d’être fixé sur la capacité de la travailleuse a effectué un emploi chez l’employeur. Elle travaille sur le quart de soir comme infirmère-chef adjointe, ce poste est évalué ainsi que celui sur l’unité 108, qui est une unité représentative de l’ensemble des unités chez l’employeur. L’ergothérapeute conclut dans son rapport que madame Aris a la capacité de reprendre ses fonctions d’infirmière-chef adjointe chez l’employeur. Un programme de retour au travail a été élaboré et a débuté le 6 janvier 2003 sur l’unité 108 au poste d’infirmière sur le quart de soir. Ce programme a été cessé à la deuxième semaine puisque la travailleuse ne démontrait pas les capacités physiques nécessaires à l’accomplissement de ses tâches de travail.
Compte tenu que la travailleuse ne peut refaire un travail d’infirmière chez l’employeur, elle est référée à la firme intervention intégration Emploi. Cette firme doit procéder à l’exploration du marché du travail dans le domaine de la santé pour un emploi d’infirmière présentant les limitations fonctionnelles établies pour la travailleuse. Au rapport du 8 juillet 2003, différents secteurs d’activités ont été retenus offrant un emploi d’infirmière avec des limitations fonctionnelles, soit : Héma-Québec, les compagnies d’assurances, dans les laboratoires de recherche, dans les établissements privés et Info-Santé. Madame Aris se considère limitée quant à la question de déplacement, n’aimant pas conduire ou encore par crainte d’avoir à rédiger des rapports car elle se dit limitée dans cette activité.
La travailleuse offre de la résistance quant aux démarches d’emploi et face à l’emploi convenable retenu. Le support d’une firme spécialisée est retenu pour la recherche d’emploi. Des emplois ont été offerts à la travailleuse et n’ont pas été retenus par cette dernière pour différentes raisons, soit qu’elle n’a pas d’auto ou ne sont simplement pas appropriés. [sic]
[7] La CSST a rendu une décision le 18 septembre 2003 retenant l’emploi d’infirmière comme emploi convenable auprès de l’organisme Héma-Québec ou auprès d’un assureur.
[8] Cette décision a été confirmée en révision administrative le 8 janvier 2004.
[9] À l’audience, la travailleuse témoigne. Elle fait part de sa formation académique et de ses années travaillées comme infirmière.
[10] C’est en 1992 qu’elle est retournée chez le présent employeur comme infirmière en psychiatrie. De 1992 à 2001 elle n’avait pas de poste attitré et a travaillé à différents postes.
[11] C’est le 27 février 2001 qu’elle a eu un accident de travail alors qu’elle a eu une perte d’équilibre. Elle a réclamé auprès de la CSST et sa réclamation a été acceptée. Sa lésion professionnelle se situait au niveau lombaire et au coude mais surtout au niveau de l’épaule (déchirure de la coiffe).
[12] Elle dit avoir tenté un retour au travail au mois de juillet 2001 mais à l’essai seulement. Elle a eu un autre essai en octobre ou novembre 2001. Elle s’est vue reconnaître une atteinte permanente de 14,40 % et des limitations fonctionnelles. Son droit à la réadaptation lui a alors été reconnu et une agente lui a été assignée.
[13] Une première rencontre a été tenue pour établir les possibilités d’un retour au travail. Elle était au courant qu’elle n’avait pas de poste d’attitré à cause de son manque d’ancienneté. Des essais étaient possibles dans différents départements. C’est un retour progressif en emploi qui était visé.
[14] Un rapport a été fait par monsieur Larouche, ergothérapeute, et elle est en accord avec ses conclusions. Après deux semaines à l’essai, elle a constaté son incapacité physique à faire des tâches qu’on lui avait assignées à l’unité 108. Elle ressentait des douleurs au niveau cervical.
[15] La travailleuse indique que les tâches qui lui ont été assignées comprenaient celles de donner des bains à des patients ce qu’elle ne pouvait faire et qu’elle n’avait pas à faire auparavant.
[16] Après le rapport de monsieur Larouche, il n’y a pas eu d’autres démarches de faites auprès de l’employeur.
[17] On lui a alors donné une conseillère en réadaptation, madame Bachand, qui a retenu les services de madame Hodge une conseillère en placement. Elle a rencontré la travailleuse afin de déterminer avec elle le type de travail qu’elle pourrait faire et différents employeurs ont été ciblés et des démarches à faire ont été décidées. Le fait qu’elle ne conduisait pas une automobile a été souligné de même que le fait qu’elle n’était pas bilingue.
[18] Madame Hodge devait l’aider dans ses démarches.
[19] La travailleuse dit avoir d’elle-même fait des démarches et elle a passé une entrevue. Elle n’a pas été rappelée même si elle insistait pour avoir des réponses. Elle reconnaît que ses limitations fonctionnelles sont un empêchement à se trouver un emploi.
[20] Depuis le mois de septembre 2003 elle n’a pas travaillé et reçoit l’indemnité réduite de remplacement du revenu.
[21] La travailleuse dit avoir postulé pour des postes chez l’employeur mais ses rencontres ont été annulées par l’employeur. Elle dit avoir été refusée vu son manque d’ancienneté et le fait qu’elle était sur la CSST. Elle a logé des griefs contre son employeur sur ces questions.
[22] Quant à la décision rendue le 18 septembre 2003 la travailleuse se considère capable de travailler mais insiste pour avoir un travail qui répond à ses capacités résiduelles, qui respectent ses limitations fonctionnelles.
[23] Contre-interrogée, la travailleuse explique qu’elle était en remplacement de l’infirmière-chef le soir quand elle a eu son accident. Elle aurait aimé reprendre son travail régulier mais estime qu’elle n’en était pas capable et qu’en plus les tâches impliquaient les risques toujours présents. Elle aurait aimé avoir un poste de nature cléricale. Ce sont les douleurs toujours persistantes et la crainte d’aggraver sa condition qui lui ont fait cesser de travailler lors de sa tentative de retour au travail. Le fait de devoir donner des bains à des patients implique des efforts physiques qu’elle ne pouvait pas faire. C’est une tâche qu’elle se devait d’éviter.
[24] La travailleuse reconnaît qu’elle considère devoir éviter toute tâche qui impliquait des interventions physiques auprès de patients.
[25] Monsieur Yvon Meunier, infirmier, témoigne également. Il est agent syndical depuis novembre 2003. Il connaît les différents postes de travail et a été appelé à travailler à l’occasion à l’unité 108 où la travailleuse a été assignée. Il explique les différentes fonctions du personnel assigné à cette unité et les tâches assignées à chacun. Certaines tâches peuvent être partagées.
[26] Le témoin explique que dans certaines unités il est possible qu’aucun bain n’ait à être donné. Il reconnaît qu’une infirmière en appel peut être appelée à donner des bains. À son avis l’employeur aurait dû avoir un accommodement spécial pour la travailleuse vu son ancienneté.
[27] À la demande de l’employeur, madame Sylvie Carrière, directrice adjointe chez l’employeur, témoigne.
[28] Elle connaît bien le milieu hospitalier où elle travaille pour y avoir fait tous les postes. Elle doit voir à assurer la qualité des soins à donner à une clientèle en santé mentale et en psychiatrie. L’hôpital comprend différents services, secteurs et unités. Il y a présentement 550 patients alors qu’il y en a déjà eu plus de 2 000. Les cas qui restent sont les cas les plus complexes, les plus graves et ceux qui impliquent le plus de dangerosité.
[29] Elle explique les différentes tâches attendues d’une infirmière. Elle doit faire l’évaluation de la santé physique et mentale d’un patient. Une telle évaluation doit être faite avec célérité si c’est un patient admis à l’urgence. Elle insiste sur l’importance d’une telle évaluation pour assurer une bonne connaissance des patients, de leur condition et de leurs besoins en traitements et médicaments.
[30] Une infirmière, en plus de sa formation universitaire, doit avoir aussi une formation en emploi sur les façons de réagir et d’intervenir dans les cas de crises d’agressivité. Une autre formation porte sur les modes d’évaluation en santé mentale.
[31] L’unité 108 où la travailleuse a été assignée, vise des patients avec des problèmes sérieux, des problèmes d’instabilité, des schizophrènes, des patients ayant 15 à 20 ans d’hospitalisation, des cas d’urgence peuvent également venir de différentes unités. Toutes les unités sont mixtes.
[32] Dans tout l’hôpital, l’unité 108 n’est pas l’endroit le plus à risque. Le témoin indique que les comportements agressifs sont toujours possibles, surtout en gériatrie. Il y a toujours de l’imprévisibilité.
[33] L’infirmière doit s’assurer que les soins de base sont donnés soit par elle-même ou en collaboration avec d’autres. C’est le cas pour les bains à donner aux patients. Il faut dire qu’en tout temps une infirmière peut être appelée à intervenir directement auprès d’un patient. C’est souvent le cas pour l’alimentation et l’habillement. Le témoin revient sur l’importance pour toutes ces activités de bien connaître les patients et leurs comportements. C’est particulièrement important quand il y a des mobilisations de patients à faire alors qu’elle se doit d’être attentive et être prête en tout temps à intervenir au moindre besoin. Certains cas d’automutilation par exemple peuvent requérir des interventions directes de toute urgence. Une infirmière ne peut échapper à ces fonctions de présence. Il serait inconcevable et professionnellement inacceptable de voir une infirmière qui refuserait d’intervenir dans des cas d’urgence.
[34] Les préposés aux bénéficiaires sont là pour aider l’infirmière mais ils n’ont pas à évaluer les patients, ils ne sont que des collaborateurs.
[35] Madame Carrière explique les exigences académiques requises et le fonctionnement des listes de rappel. Tous les postes peuvent faire l’objet de rappel.
[36] Les cas de mise en isolement et de contention sont prévus dans un protocole et c’est l’infirmière qui en décide après prescription par un médecin. L’infirmière a alors à évaluer aux deux heures les cas d’isolement et les besoins de contention. Une infirmière peut ainsi avoir à intervenir physiquement dans de tels cas qui peuvent survenir en tout temps.
[37] Le témoin explique également la différence entre une infirmière soignante et celle qui est désignée comme infirmière assistante. La première ne fait que prodiguer des soins alors que la seconde s’assure de l’ensemble des soins. Le soir elle a plusieurs responsabilités et doit souvent être assistante et soignante à la fois.
[38] Madame Francine Aubut, infirmière-chef, témoigne également. Elle travaille chez l’employeur depuis 7 ans comme infirmière-chef aux unités 108 et 204. Elle s’y occupe de gestion du personnel, de la mise en place des procédures, du bien-être des patients et de la sécurité de l’environnement.
[39] À l’unité 108 il y a 25 bénéficiaires chroniques soit une clientèle lourde. Il y a aussi 5 lits de réadmission. En 2002, les tâches d’une infirmière étaient de donner des soins de base (bain, habillement et alimentation) et de travailler à la réadaptation des patients. Elle prodiguait physiquement les soins et devait conserver une relation d’aide avec les patients dépendant des besoins de chacun. L’infirmière devait également aider aux transferts, voir à faire de la prévention constante et éviter les risques de chute.
[40] En plus, l’infirmière doit voir à l’approvisionnement, à l’organisation du travail, à la communication, à la tenue des dossiers et à l’application des règles de pratique.
[41] Une personne qui est assistante infirmière-chef le soir est appelée à faire tout le travail d’une infirmière.
[42] Madame Aubut a été mise au courant que la travailleuse serait évaluée et elle l’a rencontrée avec l’ergothérapeute et madame Chèvrefils représentante du syndicat. Le but de la rencontre était de lui expliquer ce qu’était l’unité 108 et de lui décrire les tâches requises et l’environnement de travail.
[43] La travailleuse a fait un retour progressif au travail au cours du mois de janvier. Elle s’informait auprès de la travailleuse sur son travail. Elle était en surplus dans l’unité 108. Le retour au travail a duré du 5 au 20 janvier.
[44] Monsieur René-Claude Bernier, conseiller en santé sécurité chez l’employeur, témoigne également.
[45] Il a été impliqué dès le mois d’août 2002 dans le dossier de la travailleuse. Se référant à un document au dossier, il note que les feuilles de temps confirment que la travailleuse était considérée comme une infirmière soignante.
[46] Dès le mois de mai 2002, il y a eu des discussions pour déterminer un emploi convenable chez l’employeur. La responsable pour la CSST de même que la représentante syndicale étaient impliquées dans des discussions et ont participé aux rencontres qui visaient à expliquer la démarche en réadaptation, la possibilité de déterminer un emploi convenable et examiner les risques de l’emploi.
[47] Il a communiqué avec la directrice des soins pour savoir où un poste était disponible à la lumière des limitations fonctionnelles reconnues à la travailleuse. Il a été constaté qu’aucun poste n’était disponible à l’interne. Même la représentante syndicale a convenu que la travailleuse avait des capacités restreintes. Toutes les unités ont été examinées mais il a été convenu entre toutes les parties de placer la travailleuse à l’essai dans l’unité 108. Une rencontre a été tenue avec la travailleuse et l’ergothérapeute pour bien expliquer les exigences de travail dans cette unité.
[48] C’est le 6 janvier 2003 que la travailleuse a commencé sa première journée dans l’unité 108. Il a suivi ce retour au travail avec madame Aubut et les autres personnes en autorité de même que les personnes impliquées dans le dossier de la travailleuse.
[49] Le témoin estime que l’employeur a tout regardé pour trouver un emploi à la travailleuse. L’employeur se devait de regarder les conséquences possibles des incapacités de la travailleuse et cette surveillance a toujours été faite avec la collaboration de la CSST et du syndicat.
[50] C’est d’ailleurs madame Paquette de la CSST qui a avisé l’employeur que le retour au travail s’avérait un échec.
[51] L’employeur estime avoir tout fait et avoir mis le temps nécessaire pour accommoder la travailleuse mais elle n’avait tout simplement pas la capacité physique pour faire le travail attendu d’elle.
[52] Contre-interrogé, le témoin explique que l’employeur a cherché à déterminer une unité représentative des besoins et c’est ainsi que l’unité 108 a été retenue pour permettre un essai de retour au travail.
[53] La travailleuse y était considérée comme assistante infirmière-chef et elle pouvait être requise de donner des bains à des patients. Si la travailleuse ne pouvait faire le travail dans l’unité 108, elle ne pouvait le faire ailleurs.
[54] Le témoin explique qu’avec le type de clientèle de l’établissement, les risques sont constants et impliquent un constant besoin d’intervention physique. Ces interventions physiques demandent souvent des appels à la sécurité. Une infirmière doit toujours être attentive devant une clientèle imprévisible et à risque. Tout le personnel doit toujours être prêt à faire face à des situations urgentes et l’employeur ne peut dispenser des travailleurs de certaines obligations et placer les patients en situation de négligence ou de danger.
[55] C’est la travailleuse elle-même qui a toujours admis ne pas pouvoir ni vouloir intervenir physiquement auprès des patients.
[56] Si la travailleuse ne pouvait répondre aux tâches requises à l’unité 108, elle ne pouvait travailler ailleurs dans l’institution.
[57] Pour la CSST madame Josée Hodge témoigne à son tour. Depuis six ans, elle est conseillère en emploi. Elle a reçu de la CSST un mandat à la mi-mai 2003 dans le dossier de la travailleuse. Elle devait explorer le marché du travail pour une infirmière. Avant de commencer ses démarches, elle a rencontré la travailleuse pour la connaître et l’écouter sur ses capacités et ses limitations. Elle a fait un curriculum vitae pour la travailleuse.
[58] C’est ainsi qu’elle s’est fait une bonne idée de la travailleuse. Elle a retenu d’elle qu’elle était une personne qui aimait bien son travail, une personne avec des ambitions, une personne minutieuse et consciencieuse, capable de bien gérer ses dossiers. Elle a trouvé beaucoup de qualités chez la travailleuse et a consigné ses constatations dans son rapport au dossier. Elle avait donc comme tâche de regarder des emplois dans le domaine de la santé. Elle a fait des approches auprès de CLSC, à Info-Santé où on cherchait une personne capable de répondre aux appels téléphoniques de la population. Une formation de huit jours était nécessaire avec connaissance de l’informatique et de l’anglais de base. Elle a retenu ce poste pour la CSST. Elle a aussi regardé des postes d’infirmières-visiteuses qui impliquaient d’avoir une voiture et de porter une valise pouvant peser de 15 à 20 livres. De même, elle a sondé les postes d’infirmière en foyer privé, d’infirmière pour une compagnie d’assurances.
[59] Lors d’une deuxième rencontre avec la travailleuse le 18 janvier 2003, elle lui a remis son curriculum vitae de même qu’une lettre de présentation. Elle a expliqué à la travailleuse comment faire ses démarches. Elle a alors noté chez la travailleuse une certaine insécurité et des doutes sur ses capacités physiques.
[60] Elle a continué ses recherches auprès de laboratoires pharmaceutiques, auprès d’Héma-Québec. Cet emploi a été retenu pour la CSST. Elle a fait d’autres recherches dans le domaine de l’enseignement pour infirmière ou pour être accompagnatrice de stage en milieu hospitalier.
[61] L’emploi de superviseur de stage a aussi été retenu pour la CSST.
[62] Elle a aussi pensé à un poste d’infirmière dans le milieu scolaire, dans le milieu privé, en enseignement et en soins prénataux.
[63] Lors d’une troisième rencontre, elle a fait un rapport à madame Bachand de la CSST, la personne qui s’occupait des dossiers de réadaptation de la travailleuse.
[64] La motivation de la travailleuse a alors été réévaluée. Un nouveau mandat lui a été confié soit celui de mener une nouvelle recherche d’emploi et d’accompagner la travailleuse dans ses démarches et même de faire des démarches à sa place.
[65] Elle a constaté que la travailleuse avait beaucoup de réticences à l’idée de rejoindre le marché du travail. Elle ne voulait que du temps partiel d’abord et avait toujours des objections à faire valoir. La travailleuse ne voulait avoir aucun contact avec les patients et elle refusait tout poste qui impliquait de tels contacts.
[66] Les postes qu’elle a discutés avec la travailleuse étaient très disponibles sur le marché du travail et les possibilités d’embauche dans le domaine de la santé sont très bonnes.
[67] Un poste d’infirmière était ouvert à la travailleuse à la Villa Val des Arbres mais cette dernière l’a refusé sous prétexte qu’elle aurait à pousser un chariot de médicaments et qu’elle ne serait pas capable de le faire.
[68] Le témoin indique que la travailleuse exprimait toujours des craintes et des empêchements et son conjoint était souvent là pour lui rappeler ses incapacités. La travailleuse insistait toujours auprès d’employeurs possibles sur ses restrictions et incapacités ce qui n’aidait pas à ses démarches.
[69] Madame Guylaine Bachand témoigne également pour la CSST. Elle y est conseillère en réadaptation et à ce titre s’est vue confier le dossier de la travailleuse. Elle a participé à la première rencontre du 1er mai 2003 et explique comment elle a été saisie du dossier de la travailleuse. La recherche d’un emploi chez l’employeur avait été négative et la travailleuse le reconnaissait et l’acceptait. Il fallait donc faire une recherche hors du milieu hospitalier. La travailleuse a été mise au courant de cela et acceptait l’idée de devoir regarder ailleurs qu’en milieu hospitalier.
[70] Le conjoint de la travailleuse était présent et insistait beaucoup sur la nécessité de conserver à la travailleuse son niveau professionnel et ses droits acquis. Il fallait éviter à la travailleuse la manipulation physique de tout patient.
[71] C’est là qu’un mandat de recherche d’emploi a été adressé à madame Hodge. Elle a toujours gardé le contact avec madame Hodge pour être au courant de ses démarches. Lors du premier rapport reçu de madame Hodge, elle a été mise au courant que la travailleuse avait tout un bagage de motifs pour refuser des emplois.
[72] Elle a bien indiqué à madame Hodge de se restreindre aux limitations fonctionnelles reconnues à la travailleuse dans ses recherches d’emplois. La recherche d’un emploi a été orientée vers des emplois d’infirmière hors du milieu hospitalier, par exemple des emplois cléricaux.
[73] La travailleuse exprimait des craintes de ne rien trouver, voulait de la sécurité d’emploi, voulait que les démarches soient faites par d’autres, elle-même ne voulant pas chercher un emploi. Elle estimait qu’il revenait à la CSST de lui trouver un emploi qui répondait à toutes ses exigences.
[74] Elle a longuement parlé à la travailleuse et s’est bien rendue compte qu’elle avait toujours des motifs de refuser tout ce qui pouvait lui être présenté. Tout en voulant toujours se faire payer pour aller à ses entrevues, la travailleuse n’a jamais démontré d’intérêt pour ce qui lui était offert. La travailleuse n’aimait pas l’idée d’une année de recherche d’emploi et elle demandait toutes sortes de choses de la CSST.
[75] Après avoir reçu les rapports de madame Hodge, la décision sur l’emploi convenable a été rendue. La travailleuse a immédiatement fait connaître son désaccord et a insisté sur son incapacité de travailler.
[76] Contre-interrogée, madame Bachand explique que c’est la travailleuse elle-même qui avait demandé d’exclure tout emploi en milieu hospitalier.
[77] Elle a travaillé de concert avec madame Hodge et a constaté que les emplois étaient nombreux dans le milieu de la santé.
[78] La CSST a toujours été prête à favoriser une scolarité en anglais pour la travailleuse mais elle n’était pas intéressée.
L’AVIS DES MEMBRES
[79] Tel qu’il est prévu à la loi, le commissaire soussigné a requis l’avis des membres issus des associations syndicales et d’employeurs sur les questions à être décidées par la Commission des lésions professionnelles.
[80] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que l’employeur a fait défaut de véritablement tenter d’accommoder la travailleuse pour lui permettre d’occuper un poste chez l’employeur. L’emploi convenable qui a été déterminé est restrictif et forcerait la travailleuse à renoncer à tout travail comme infirmière dans un milieu hospitalier.
[81] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la preuve a permis d’établir que l’employeur avait bien tenté de favoriser à la travailleuse un retour chez lui mais il a été reconnu par tous, incluant la travailleuse et sa représentante syndicale, qu’elle n’était pas physiquement capable de faire son travail d’infirmière chez l’employeur. L’emploi convenable retenu par la CSST permet à la travailleuse de se trouver du travail dans le domaine de la santé mais la travailleuse n’est pas intéressée à regagner le marché du travail si elle n’y trouve pas les mêmes avantages qu’elle avait auparavant. La preuve a montré une travailleuse beaucoup plus intéressée à faire de l’obstruction systématique à toute demande pour lui permettre de retourner sur le marché du travail. La travailleuse n’était pas intéressée à collaborer avec les services de réadaptation.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[82] La Commission des lésions professionnelles doit décider si l’emploi convenable tel que déterminé par la CSST répond aux exigences de la loi.
[83] La travailleuse a contesté d’abord cette décision en ce qu’elle a été prise alors que tout le processus de réadaptation n’aurait pas été complété adéquatement, plus spécialement en ce que l’employeur aurait fait défaut de réellement considérer un possible retour de la travailleuse dans un poste chez lui.
[84] De plus la travailleuse allègue que l’emploi convenable qui a été retenu ne répond pas aux exigences de la loi.
[85] L’employeur de son côté estime avoir tout fait pour favoriser un possible retour de la travailleuse dans son établissement mais aucun poste ne pouvait répondre à ses exigences et à ses limitations.
[86] La CSST de son côté argumente que ses services de réadaptation ont fait un travail irréprochable pour permettre la réadaptation de la travailleuse et son retour sur le marché du travail. La travailleuse a fait défaut de collaborer avec les services de réadaptation et n’a pas montré d’intérêt à regagner le marché du travail.
[87] La Commission des lésions professionnelles au départ retient du dossier qu’il y a eu accident du travail le 27 février 2001 et que la réclamation de la travailleuse a été acceptée par la CSST. Une atteinte permanente de 14,40 % a été reconnue à la travailleuse ainsi que les limitations fonctionnelles suivantes :
1. Éviter de soulever des charges au-delà de 20 livres.
2. Éviter tous les mouvements de flexion antérieure et d’abduction au-delà de 70 degrés et particulièrement les mouvements répétitifs.
3. Éviter de travailler avec les bras dans les airs et au-delà de la flexion antérieure et des mouvements d’abduction.
4. Au niveau lombaire, éviter de soulever des charges au-delà de 40 livres et les mouvements répétitifs de flexion et d’extension de la colonne lombaire.
[88] La travailleuse a été informée de son droit à la réadaptation le 22 mai 2002.
[89] Les articles suivants de la loi se lisent comme suit :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 145.
146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.
Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.
__________
1985, c. 6, a. 146.
166. La réadaptation professionnelle a pour but de faciliter la réintégration du travailleur dans son emploi ou dans un emploi équivalent ou, si ce but ne peut être atteint, l'accès à un emploi convenable.
__________
1985, c. 6, a. 166.
167. Un programme de réadaptation professionnelle peut comprendre notamment:
1° un programme de recyclage;
2° des services d'évaluation des possibilités professionnelles;
3° un programme de formation professionnelle;
4° des services de support en recherche d'emploi;
5° le paiement de subventions à un employeur pour favoriser l'embauche du travailleur qui a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique;
6° l'adaptation d'un poste de travail;
7° le paiement de frais pour explorer un marché d'emplois ou pour déménager près d'un nouveau lieu de travail;
8° le paiement de subventions au travailleur.
__________
1985, c. 6, a. 167.
170. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent, la Commission demande à l'employeur s'il a un emploi convenable disponible et, dans l'affirmative, elle informe le travailleur et son employeur de la possibilité, le cas échéant, qu'une mesure de réadaptation rende ce travailleur capable d'exercer cet emploi avant l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail.
Dans ce cas, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur et après consultation de l'employeur, le programme de réadaptation professionnelle approprié, au terme duquel le travailleur avise son employeur qu'il est devenu capable d'exercer l'emploi convenable disponible.
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1985, c. 6, a. 170.
171. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent et que son employeur n'a aucun emploi convenable disponible, ce travailleur peut bénéficier de services d'évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l'aider à déterminer un emploi convenable qu'il pourrait exercer.
Cette évaluation se fait notamment en fonction de la scolarité du travailleur, de son expérience de travail, de ses capacités fonctionnelles et du marché du travail.
__________
1985, c. 6, a. 171.
173. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui redevient capable d'exercer son emploi peut recevoir des services de support en recherche d'emploi si le délai pour l'exercice de son droit au retour au travail est expiré et son employeur ne le réintègre pas dans son emploi ou dans un emploi équivalent.
Le travailleur incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle qui devient capable d'exercer un emploi convenable peut aussi recevoir ces services si cet emploi n'est pas disponible.
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1985, c. 6, a. 173.
174. Lorsqu'elle fournit des services de support en recherche d'emploi, la Commission conseille le travailleur dans ses démarches auprès d'employeurs éventuels, l'informe sur le marché du travail et, au besoin, le réfère aux services spécialisés appropriés en vue de l'aider à trouver l'emploi qu'il est devenu capable d'exercer.
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1985, c. 6, a. 174.
236. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui redevient capable d'exercer son emploi a droit de réintégrer prioritairement son emploi dans l'établissement où il travaillait lorsque s'est manifestée sa lésion ou de réintégrer un emploi équivalent dans cet établissement ou dans un autre établissement de son employeur.
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1985, c. 6, a. 236.
239. Le travailleur qui demeure incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle et qui devient capable d'exercer un emploi convenable a droit d'occuper le premier emploi convenable qui devient disponible dans un établissement de son employeur.
Le droit conféré par le premier alinéa s'exerce sous réserve des règles relatives à l'ancienneté prévues par la convention collective applicable au travailleur.
__________
1985, c. 6, a. 239.
[90] La loi donne la définition suivante de ce qu’est un emploi convenable et un emploi équivalent :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
« emploi équivalent » : un emploi qui possède des caractéristiques semblables à celles de l'emploi qu'occupait le travailleur au moment de sa lésion professionnelle relativement aux qualifications professionnelles requises, au salaire, aux avantages sociaux, à la durée et aux conditions d'exercice;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
CE QUI A ÉTÉ FAIT AVANT LA DÉTERMINATION D’UN EMPLOI CONVENABLE
[91] L’ensemble du dossier et de la preuve soumise permet de retenir que la travailleuse, des suites de sa lésion professionnelle, n’a plus la capacité d’exercer son emploi et de réintégrer son emploi chez l’employeur. La travailleuse elle-même a reconnu cette situation.
[92] Devant une telle constatation, il devenait nécessaire de se demander si l’employeur pouvait réintégrer la travailleuse mais dans un emploi équivalent ou un emploi convenable.
[93] La travailleuse reproche à l’employeur de n’avoir pas tout fait pour lui favoriser un retour au travail dans son établissement soit dans un emploi équivalent ou dans un emploi convenable.
[94] La travailleuse reproche également à la CSST de n’avoir pas réellement tenter de favoriser ce même retour au travail chez le même employeur mais dans un emploi convenable. La travailleuse argumente que la CSST aurait pu et dû faire mieux auprès de l’employeur.
[95] Ce que la Commission des lésions professionnelles retient de la preuve c’est ceci :
[96] L’employeur, connaissant l’importance de l’atteinte permanente chez la travailleuse et ses limitations fonctionnelles, a procédé à l’examen des différents postes de travail que la travailleuse pouvait être appelée à combler.
[97] Une unité de soins a été déterminée pour savoir si la travailleuse pouvait y travailler. Ce choix a été fait par l’employeur et avec la collaboration du syndicat auquel la travailleuse appartenait.
[98] La travailleuse était au courant du but de la détermination de cette unité des soins, soit de savoir jusqu’à quel point la travailleuse avait la capacité de travailler comme infirmière dans l’établissement de l’employeur. La travailleuse a donc été invitée à faire les tâches requises à cette unité de soins.
[99] La preuve prépondérante est à l’effet que les exigences du travail requises à cette unité de soins représentaient le mieux les tâches d’une infirmière. La travailleuse a fait un essai de deux semaines à cette unité et a pu constater, comme d’ailleurs l’employeur, qu’elle n’avait certainement pas les capacités physiques pour répondre à la tâche.
[100] L’employeur s’est alors demandé s’il y avait un poste de travail qui respectait les capacités résiduelles et les limitations fonctionnelles de la travailleuse.
[101] L’employeur a présenté une preuve convaincante sur les défis particuliers que doit rencontrer le personnel devant une clientèle psychiatrisée et des dangers constants de réaction agressive.
[102] L’employeur a conclu qu’il n’y avait aucun poste de disponible qui respectait les limitations et restrictions reconnues à la travailleuse. De plus, par souci d’assurer la santé et la sécurité de tous les travailleurs chez lui, l’employeur a conclu que les incapacités de la travailleuse de faire certaines tâches et de pouvoir contribuer à répondre à des situations d’urgence toujours possibles ne lui permettaient pas d’occuper un emploi dans l’institution.
[103] La Commission des lésions professionnelles estime que cette décision de l’employeur de ne pas reconnaître chez lui d’emploi convenable pour la travailleuse était une décision acceptable qui répondait pleinement aux exigences particulières de l’institution.
[104] La travailleuse n’a fait qu’exiger un emploi convenable de l’employeur mais elle a fait défaut de présenter la moindre preuve de l’existence d’un tel emploi convenable chez l’employeur. Qu’est-ce qui aurait été convenable dans les circonstances? Quel poste aurait pu être occupé par la travailleuse? Aucune telle preuve n’a été présentée.
[105] Si la travailleuse avait fait la preuve de l’existence d’un poste qui aurait été disponible chez l’employeur, un poste qui aurait respecté ses restrictions et limitations fonctionnelles sans aucunement mettre en danger sa santé et sa sécurité, sa contestation du comportement de l’employeur aurait peut-être été accueillie mais tel n’est pas le cas.
[106] La travailleuse a invoqué certaines dispositions de la convention collective liant l’employeur et la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec (art. 41.11 et 41.14).
[107] La Commission des lésions professionnelles estime que ces dispositions ne sont d’aucune utilité puisque la preuve a clairement établi que la travailleuse ne pouvait plus faire son travail habituel et que le travail chez l’employeur impliquait trop de potentiel de risques pour permettre à la travailleuse d’y travailler. L’employeur n’avait certainement pas l’obligation d’exposer la travailleuse à certains risques potentiels découlant de la clientèle particulière de l’employeur.
[108] La Commission des lésions professionnelles retient de l’ensemble de la preuve sur cette question, que l’employeur a eu raison de ne pas reprendre la travailleuse à son emploi vu ses restrictions et limitations fonctionnelles.
DÉTERMINATION D’UN EMPLOI CONVENABLE
[109] L’employeur n’ayant pas de poste de travail à offrir à la travailleuse telle que restreinte et limitée dans ses capacités physiques, il revenait alors à la CSST, par son service de réadaptation, de trouver un emploi pour la travailleuse.
[110] Un emploi convenable a ainsi été défini dans la cause de Labonté et Coiffure Chantal Coiffure[2] :
[61] L’emploi convenable en est un qui, suivant sa définition, permet au travailleur d’utiliser ses qualifications professionnelles, donc lui permettant de mettre à profit sa formation, son expérience, son expertise acquise de même que ses intérêts et aptitudes tel qu’il lui était permis de le faire dans l’emploi occupé au moment de la survenance de la lésion professionnelle.
[62] Dans la démarche d’évaluation des possibilités professionnelles du travailleur, tel que le prévoit l’article 171 de la loi, il s’agit donc de respecter la réalité professionnelle de ce dernier et de rechercher, en autant que faire se peut, à identifier un emploi qui offre un statut professionnel comparable à celui occupé au moment de la lésion et qui privilégie l’utilisation des éléments compatibles et transférables des acquis professionnels du travailleur tel qu’il les utilisait au moment de la survenance de sa lésion professionnelle.
[63] Évidemment, il ne sera pas toujours possible d’atteindre cet objectif étant donné la complexité du processus d’orientation professionnelle et l’interférence de nombreux facteurs inhérents à celui-ci. La démarche entreprise par la CSST, en collaboration avec le travailleur, doit néanmoins, dans la mesure du possible, être avant tout orientée vers la recherche de cet objectif.
[111] Qu’a fait la CSST dans les circonstances?
[112] La preuve a révélé que dès que la CSST a constaté avec l’employeur que la travailleuse ne pouvait retourner en emploi chez l’employeur, elle a retenu les services d’une conseillère en emploi, madame Hodge, qui a eu comme mandat d’explorer le milieu de travail.
[113] Les documents au dossier permettent de constater que madame Hodge n’a pas pris son mandat à la légère. Elle a rencontré la travailleuse à plusieurs reprises pour mieux la connaître dans ses qualités et ses capacités. Elle a vu chez la travailleuse un intérêt certain pour la profession d’infirmière, de l’ambition et des qualités qui devaient lui permettre de réussir dans une recherche d’emploi dans le domaine de la santé. Elle a préparé avec la travailleuse son curriculum vitae et lui a même remis une lettre de présentation destinée à de possibles employeurs. Elle a exploré le marché de la santé à la recherche d’emplois qui paraissaient intéressants pour la travailleuse.
[114] La Commission des lésions professionnelles n’a aucune raison de mettre en doute le témoignage de madame Hodge et retient la qualité de son travail afin de bien servir les intérêts de la travailleuse. Elle a cru en la travailleuse et n’a pas hésité à lui souligner son potentiel et ses qualités professionnelles.
[115] La Commission des lésions professionnelles retient le professionnalisme de son travail qui a toujours été mené de concert avec le travail de l’agente en réadaptation de la CSST madame Bachand.
[116] Très souvent et trop facilement le travail des gens qui s’occupent de réadaptation à la CSST est dénigré. La Commission des lésions professionnelles, dans le présent dossier, estime que le travail fait mérite d’être souligné. On a vraiment cherché à favoriser pour la travailleuse un retour sur le marché du travail. La travailleuse, avec son bagage professionnel, a été bien informée des ouvertures qui s’offraient à elle dans le domaine de la santé, hors du milieu hospitalier. La preuve a révélé que la travailleuse acceptait cette idée de devoir continuer sa vie professionnelle hors du milieu hospitalier. La CSST s’est déclarée prête à favoriser la travailleuse le plus possible par des cours de formation qui lui permettraient d’éliminer certains empêchements (i.e. conduite automobile, cours de langues, cours d’informatique).
[117] La Commission des lésions professionnelles estime que la travailleuse n’a pas réellement collaboré avec les services qui lui étaient offerts en réadaptation.
[118] Ce que les témoins ont rapporté devant le tribunal c’est une attitude de la travailleuse qui faisait beaucoup plus de l’obstruction que de la collaboration.
[119] Alors que le but premier de la réadaptation est de permettre à un travailleur de revenir sur le marché du travail dans les meilleures conditions possibles selon chaque cas, la travailleuse semble plutôt s’être installée en réadaptation avec l’idée de faire valoir le maximum d’exigences avant de penser accepter quoi que ce soit.
[120] Des documents au dossier montrent que la travailleuse ne paraissait pas croire en ses qualités professionnelles alors que les personnes-ressources mises à sa disposition voyaient en elle des qualités et des potentiels certains.
[121] Alors que le travail de réadaptation pour regagner le marché du travail devait se faire avec la collaboration de la travailleuse, la preuve a plutôt montré les efforts constants d’obstruction de la travailleuse à toutes les suggestions qui lui étaient faites. C’est avec raison que les personnes impliquées en sont venues à reconnaître que la travailleuse ne voulait pas vraiment travailler.
[122] La travailleuse a exigé de la sécurité d’emploi, un emploi non seulement convenable mais idéal, un emploi où ses incapacités et ses limitations fonctionnelles seraient d’abord bien établies aux yeux de tout employeur possible. Cette façon de penser menait à des échecs à coup sûr.
[123] La Commission des lésions professionnelles donne prépondérance aux témoignages qui ont montré que la travailleuse s’était développée un bagage de motifs de refus de tout ce qui lui était offert. Son refus de travail d’infirmière dans une résidence pour personnes âgées où elle aurait eu à gérer la distribution des médicaments et à utiliser un chariot sur roues pour cette distribution, illustre bien l’esprit de refus et d’obstruction qui animait la travailleuse. La Commission des lésions professionnelles estime que cet exemple montre bien que la travailleuse était satisfaite de ne pas travailler.
[124] La Commission des lésions professionnelles estime que le droit à la réadaptation n’est pas et ne doit pas être vu comme étant une situation à durée illimitée, une sorte de bureau de placement garanti. La démarche en réadaptation doit aboutir à quelque chose de concret.
[125] En déterminant comme emploi convenable le travail d’infirmière hors du milieu hospitalier, la Commission des lésions professionnelles estime que la CSST a répondu à la mission qui lui revenait de par la loi d’aider à la réadaptation de la travailleuse.
[126] Ce qui est important de retenir dans la décision rendue par la CSST c’est que c’est l’emploi d’infirmière qui était retenu comme emploi convenable, un emploi hors du milieu hospitalier qui permettait à la travailleuse de poursuivre sa profession d’infirmière mais ailleurs qu’en milieu hospitalier. La preuve est claire que c’est là une situation que la travailleuse connaissait et acceptait.
[127] La preuve a révélé que la travailleuse s’est vue offrir des possibilités de travail où elle pouvait utiliser ses capacités résiduelles, ses qualifications professionnelles, où il y avait certainement des possibilités raisonnables d’embauche et où il n’y avait pas de danger pour sa santé et sa sécurité compte tenu de la lésion qu’elle avait subie.
[128] C’est ce que la loi prévoit quand vient le temps de déterminer un emploi convenable.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la contestation de la travailleuse, madame Serette Aris-Jaboin;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 8 janvier 2004 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’emploi d’infirmière auprès d’Héma-Québec ou pour une compagnie d’assurances est un emploi convenable au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et que la travailleuse avait droit d’être indemnisée jusqu’au 17 septembre 2004.
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Michel Duranceau |
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Commissaire |
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Me Christine Longpré |
F.I.I.Q. |
Représentante de la partie requérante |
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Me Isabelle Auclair |
MONETTE, BARAKETT, ASS. |
Représentante de la partie intéressée |
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Me Martine St-Jacques |
PANNETON LESSARD |
Représentante de la partie intervenante |
JURISPRUDENCE CONSULTÉE
Lizotte et R.S.S.S. MRC Maskinongé, C.L.P. 192445-04-0210, 18 juillet 2003, S. Sénéchal
Pisani et Marché d’alimentation Régal inc., C.L.P. 134973-72-0003, 15 août 2000, B. Lemay
Ouellette c. Mueller Canada inc., C.S. Terrebonne, 700-05-009165-006, 13 novembre 2001, j. Mongeau, C.A. Montréal, 500-09-011672-011, 18 mai 2004, jj. Brossard, Chamberland, Morissette
Tuyaux Wolverine Canada inc. c. Juteau, C.S. Montréal, 500-17-016792-031, 5 octobre 2004, j. Larouche
Gougeon et Canadian Tire, C.L.P. 111011-61-9902, 22 novembre 1999, G. Morin
Ville de Verdun et Vandal, C.L.P. 90920-73-9708, 25 septembre 2000, P. Perron
Desgagnés Marine Services inc. et Lévesque, C.L.P. 178885-64-0202, 15 octobre 2003, C.-A. Ducharme
EBC inc. et Beaudet, C.L.P. 211587-01C-0307, 15 janvier 2004, R. Arseneau
Lacasse et Pêcheries Herman Synott inc., C.L.P. 198927-01B-0301, 22 août 2003, J.-F. Clément
Paquet et Industrie F.P.C. inc. (Les), C.A.L.P. 42561-03-9208, 22 juin 1994, M. Carignan
Perrier et Coopérative Solidarité Bon Ménage, C.L.P. 161704-64-0105, 2 novembre 2001, R. Daniel
Cousineau et Canadien Pacifique ltée, [1991] C.A.L.P. 941
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.