Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
_

Arbour et Maison MĂšre des Soeurs de St-Joseph

2010 QCCLP 8877

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Hyacinthe

7 décembre 2010

 

Région :

Yamaska

 

Dossier :

378509-62B-0905   381397-62B-0906

 

Dossier CSST :

130159452

 

Commissaire :

Michel Watkins, juge administratif

 

Membres :

Claude Jutras, associations d’employeurs

 

Noëlla Poulin, associations syndicales

 

 

Assesseure :

Suzanne Boucher, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Lise Monique Arbour

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Maison Mùre des SƓurs de St-Joseph

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

Dossier 378509-62B-0906

 

[1]           Le 19 mai 2009, la travailleuse dĂ©pose Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles une requĂȘte par laquelle elle conteste une dĂ©cision de la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail (la CSST) rendue le 1er mai 2009 lors d’une rĂ©vision administrative.

[2]           Par cette dĂ©cision, la CSST confirme sa dĂ©cision initiale du 19 janvier 2009, dĂ©clare que la travailleuse n’a pas subi le 24 novembre 2008 une lĂ©sion professionnelle, que ce soit sous la forme d’une rĂ©cidive, une rechute ou une aggravation de sa lĂ©sion professionnelle du 28 mai 2006 ou d’une nouvelle lĂ©sion professionnelle et qu’elle n’a pas droit aux prestations prĂ©vues Ă  la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) Ă  cet Ă©gard.

[3]           Par cette mĂȘme dĂ©cision, la CSST confirme une seconde dĂ©cision, rendue le 11 fĂ©vrier 2009, et dĂ©clare que la CSST est justifiĂ©e de mettre fin au plan de rĂ©adaptation mis en place le 12 novembre 2007.

Dossier 381397-62B-0906

[4]           Le 19 juin 2009, la travailleuse dĂ©pose Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles une requĂȘte par laquelle elle conteste une dĂ©cision de la CSST rendue le 3 juin 2009 lors d’une rĂ©vision administrative.

[5]           Par cette dĂ©cision, la CSST confirme sa dĂ©cision initiale du 6 mars 2009, dĂ©clare que l’emploi de commis au classement constitue un emploi convenable pour la travailleuse, emploi dont le revenu annuel est estimĂ© Ă  20 856 $, et que la travailleuse est capable d’exercer cet emploi Ă  compter du 9 mars 2009.

[6]           Par cette mĂȘme dĂ©cision, la CSST dĂ©clare que l’emploi convenable en question n’étant pas disponible, la travailleuse a droit au versement des indemnitĂ©s de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle travaille comme commis au classement ou, au plus tard, jusqu’au 8 mars 2010.

[7]           L’audience s’est tenue Ă  Saint-Hyacinthe le 7 octobre 2010 en prĂ©sence de la travailleuse qui n’est pas reprĂ©sentĂ©e. L’employeur a avisĂ© le tribunal de son absence. La CSST est reprĂ©sentĂ©e par un procureur. Le dossier est mis en dĂ©libĂ©rĂ© le mĂȘme jour.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

Dossier 378509-62B-0905

[8]           La travailleuse demande Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles de dĂ©clarer qu’elle a subi une lĂ©sion professionnelle le 24 novembre 2008 Ă  savoir une capsulite Ă  l’épaule gauche et qu’elle a droit aux prestations prĂ©vues Ă  la loi Ă  cet Ă©gard.

[9]           Elle demande Ă©galement au tribunal de reconnaĂźtre que la CSST n’aurait pas dĂ» mettre fin au plan de rĂ©adaptation mis en place le 12 novembre 2007, soit une formation en secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral.

Dossier 381397-62B-0906

[10]        La travailleuse demande de dĂ©clarer que l’emploi de commis au classement ne constitue pas un emploi convenable pour elle.

LES FAITS

[11]        De l’analyse du dossier et du tĂ©moignage de la travailleuse, la Commission des lĂ©sions professionnelles retient les Ă©lĂ©ments suivants.

[12]        La travailleuse a occupĂ© un emploi de prĂ©posĂ©e aux bĂ©nĂ©ficiaires chez l’employeur. Elle est gauchĂšre.

[13]        Madame Arbour a consultĂ© Ă  de nombreuses reprises son mĂ©decin, entre le mois de janvier et le mois d’avril 2005, en raison d’une tendinite des deux Ă©paules, d’une myosite des trapĂšzes et pour une cervicalgie avec arthrose cervicale. Madame Arbour prĂ©sente alors une rĂ©clamation Ă  la CSST afin de faire reconnaĂźtre ces diffĂ©rents diagnostics comme dĂ©coulant d’une maladie professionnelle attribuable Ă  son travail chez l’employeur et dont les premiers symptĂŽmes ont Ă©tĂ© diagnostiquĂ©s le 24 janvier 2005. Toutefois sa rĂ©clamation fut refusĂ©e, tel qu’il appert d’une dĂ©cision de la Commission des lĂ©sions professionnelles[2].

[14]        Le 28 mai 2006, elle est victime d’un accident du travail en retournant une bĂ©nĂ©ficiaire dans son lit.

[15]        Le 31 juillet 2006, une rĂ©sonance magnĂ©tique cervicale dĂ©montre une arthrose cervicale, sous la forme de petits complexes ostĂ©ophytiques.

[16]        Le 27 mars 2007, une radiographie de la colonne cervicale dĂ©montre Ă  nouveau la prĂ©sence d’arthrose. Le mĂȘme jour, une radiographie de l’épaule gauche dĂ©montre des signes d’arthrose au niveau acromio-claviculaire. À l’examen, on note Ă©galement une petite calcification au site d’attache du deltoĂŻde sur l’acromion et d’autres calcifications sur le tendon sus-Ă©pineux, au niveau du sous-scapulaire et Ă  la longue portion du biceps.

[17]        Au terme de plusieurs litiges entre les parties, il est reconnu, par une dĂ©cision de la Commission des lĂ©sions professionnelles[3], que madame Arbour a subi le 28 mai 2006 une lĂ©sion professionnelle. Le diagnostic retenu par le tribunal pour cette lĂ©sion est celui d’entorse cervicale et d’étirement musculaire du trapĂšze gauche. Par ailleurs, en relation avec l’évĂ©nement accidentel du 28 mai 2006, les diagnostics de tendinose calcifiĂ©e de l’épaule droite et de capsulite de l’épaule droite, Ă©galement posĂ©s par les mĂ©decins consultĂ©s, sont spĂ©cifiquement refusĂ©s par le tribunal.

[18]        La lĂ©sion professionnelle du 28 mai 2006 sera dĂ©clarĂ©e consolidĂ©e le 5 juin 2007 par le Dr Vincent, mĂ©decin traitant de la travailleuse. On lui reconnaĂźt une atteinte permanente Ă  l’intĂ©gritĂ© physique et psychique Ă©valuĂ©e Ă  2,20 % et il est Ă©galement dĂ©terminĂ© que la travailleuse conserve de sa lĂ©sion les limitations fonctionnelles suivantes :

          Ă‰viter d’accomplir de façon rĂ©pĂ©titive ou frĂ©quente les activitĂ©s qui impliquent de :

 

- Soulever, porter, pousser, tirer des charges supérieures à environ 25 kg;

- Ramper;

- Effectuer des mouvements avec des amplitudes extrĂȘmes de flexion,

               d’extension ou de torsion de la colonne cervicale;

- Subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne

               vertébrale (comme celles provoquées par du matériel roulant sans

               suspension).

 

 

[19]        Le 14 septembre 2007, madame Linda Fournier, ergothĂ©rapeute mandatĂ©e par la CSST pour Ă©valuer les exigences physiques du poste de prĂ©posĂ©e aux bĂ©nĂ©ficiaires, conclut que cet emploi ne respecte pas toutes les limitations fonctionnelles retenues pour la travailleuse et que celle-ci ne peut reprendre son emploi prĂ©lĂ©sionnel.

[20]        L’agente de rĂ©adaptation rencontre la travailleuse le 24 septembre 2007 Ă  la suite de la rĂ©ception du rapport de l’ergothĂ©rapeute Fournier. L’agente note ceci :

[
]

Nous remettons une copie du rapport Ă  la T, et nous prenons le temps de le lire ensemble. Madame nous dit que nous avons perdu beaucoup de temps, car son employeur ne voulait pas la reprendre. Nous lui expliquons que nous devions attendre de savoir si elle gardait des limitations et si oui, lesquelles. Par la suite, nous devions aller vĂ©rifier au travail, si ce poste respectait ou non lesdites limitations. Nous lui rĂ©expliquons qu’à certains moments, nous ne pouvons rĂ©pondre Ă  sa demande, au moment qu’elle le veut. Nous sommes convaincus que nous avons tout fait dans les rĂšgles de l’art. Madame dit que son employeur Ă©tait contre elle et que son syndicat, ça ne donne rien.

 

Nous lui disons que nous allons communiquer avec Mme Lachance et que nous allons lui envoyer par fax, le rapport d’ergot. Nous lui demanderons si l’employeur aurait un autre poste pour elle, et si il veut bien la garder. Si il n’a pas de poste pour elle, nous lui demandons de rĂ©flĂ©chir vers quel emploi elle aimerait se diriger? Elle nous rĂ©pond qu’elle veut ĂȘtre secrĂ©taire mĂ©dicale. Elle a la terminologie mĂ©dicale et sait se dĂ©brouiller un peu avec l’ordinateur. Nous lui disons que nous allons vĂ©rifier les ressources possibles, en attendant la rĂ©ponse de l’employeur. [sic]

 

(Les soulignements sont du tribunal)

 

[21]        Puis, le 25 septembre 2007, l’agente Beauchemin communique avec un reprĂ©sentant de la firme Synor. Elle note ceci :

Appel fait Ă  Mme Lamoureux de Synor; nous la questionnons si Synor offre la formation de secrĂ©taire mĂ©dicale? Elle dit que oui, il y a possibilitĂ© de formation de 4 Ă  6 mois et ensuite, si nous le souhaitons, un stage de 2 mois peut ĂȘtre possible.

 

Elle nous informe que Mme Arbour a dĂ©jĂ  communiquĂ© avec elle et cette derniĂšre ne voulait pas que Mme Lamoureux nous le dise. Nous apprĂ©cions sa franchise. Nous sommes un peu surpris de l’attitude de la T, mais nous croyons que le fait qu’elle ait appelĂ© aussi tĂŽt dĂ©montre que la dame a hĂąte de recevoir de la formation.

 

[22]        Le 19 octobre 2007, madame Chantal Fontaine, conseillĂšre pĂ©dagogique de la Commission scolaire de St-Hyacinthe, informe l’agente Beauchemin que la Commission scolaire a fait la « reconnaissance des acquis Â» de la travailleuse, lui reconnaissant 7 cours sur un total de 26 pour une formation en secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral. L’agente note toutefois que la travailleuse dĂ©sire plutĂŽt une formation en secrĂ©tariat mĂ©dical.

[23]        Le 26 octobre 2007, l’agente Beauchemin discute avec la travailleuse et l’informe du fait que, puisqu’elle n’a pas travaillĂ© durant deux ans comme secrĂ©taire mĂ©dicale, « l’école Pierre-Dupuis ne peut lui reconnaĂźtre son expĂ©rience de travail en compensation d’un DEP Â».

[24]        Le 30 octobre 2007, l’agente Beauchemin informe la travailleuse que la CSST paiera la formation pour son D.E.P. en secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral. La travailleuse informe l’agente « qu’elle est en attente de l’École professionnelle St-Hyacinthe pour dĂ©buter sa formation Â» et « qu’elle aimerait commencer le plus tĂŽt possible Â».

[25]        Le 12 novembre 2007, la CSST rend une dĂ©cision par laquelle elle dĂ©termine que l’emploi de secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale constitue un emploi convenable pour la travailleuse et met en place une mesure de rĂ©adaptation afin de rendre la travailleuse capable d’occuper cet emploi, Ă  savoir une formation en vue de l’obtention d’un diplĂŽme d’études professionnelles (D.E.P.) en secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral.

[26]        La travailleuse ne conteste pas cette dĂ©cision.

[27]        La formation dĂ©bute le 19 novembre 2007 Ă  l’École professionnelle de St-Hyacinthe et comporte au total 26 modules, dont sept compĂ©tences ont Ă©tĂ© reconnues par acquis pour la travailleuse.

[28]        En dĂ©cembre 2007, la conseillĂšre pĂ©dagogique Fontaine informe la CSST du fait que la travailleuse a Ă©chouĂ© un premier module, en informatique, mais qu’elle pourra faire une reprise d’examen en janvier 2008[4].

[29]        En avril 2008, la conseillĂšre pĂ©dagogique Fontaine informe l’agente Beauchemin de la CSST que la travailleuse a « complĂ©tĂ© six cours, dont certains sont difficiles Â», que la travailleuse «met beaucoup d’effort Â» et qu’elle devrait terminer en dĂ©cembre 2008.

[30]        Le 7 aoĂ»t 2008, la travailleuse communique avec l’agente Beauchemin qui note ceci :

Titre : Suivi avec la T : continuer formation ou dĂ©termination emploi convenable.

 

ASPECT PROFESSIONNEL :

Nous retournons l’appel de Mme Arbour; elle se questionne Ă  savoir si elle continue la formation ou non, car les enseignants ne sont pas gentils avec elle, elle ne doit pas donner son opinion, et selon ses mots : Â« elle se sent nounoune Â».

 

Nous lui disons que nous allons appeler madame Fontaine, pour lui dire que nous voulons que la T ait un service adĂ©quat. La T ne veut pas que nous intervenions, car elle a Ă©tĂ© elle-mĂȘme la direction et cela n’a rien donnĂ©.

 

Nous lui rappelons son engagement, que c’est elle qui avait fait les dĂ©marches pour cette formation car elle Ă©tĂ© convaincu de faire l’emploi de secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral et mĂȘme, elle devait faire secrĂ©taire mĂ©dical. Nous lui rappelons que nous lui avions dit que retourner Ă  l’école, cela demandait des efforts et de la tĂ©nacitĂ©.

 

Elle dit qu’elle ne sait pas quoi faire au travail. Nous lui expliquons que selon la loi, la CSST doit toujours choisir la solution la plus Ă©conomique, donc si elle fait le choix d’abandonner sa formation, la CSST n’entreprendra pas d’autres dĂ©marches.

 

La CSST rendra une dĂ©cision sur une capacitĂ© d’emploi convenable comme commis vendeuse, Ă  la billetterie, etc. et qu’elle aura droit Ă  12 mois de recherche d’emploi. Madame n’est pas d’accord. Nous lui disons que nous devons lui dire la vĂ©ritĂ© afin qu’elle prenne la meilleure dĂ©cision pour elle avec toutes les informations possibles.

 

Nous lui disons que nous appellerons Mme Fontaine, car nous tenons Ă  l’aider Ă  terminer son DEP. Mme dit qu’elle devrait terminer sa formation en dĂ©cembre prochain, nous l’encourageons Ă  persĂ©vĂ©rer, car elle a plus de la moitiĂ© du chemin parcouru.[sic]

 

(Les soulignements sont du tribunal)

 

[31]        Tel qu’il apert du dossier, la travailleuse Ă©prouve des difficultĂ©s avec certaines personnes Ă  l’école de St-Hyacinthe, ayant notamment dĂ©posĂ© une plainte auprĂšs de la directrice de l’école, madame Lemaire[5].

[32]        Le 22 octobre 2008, l’agente Beauchemin fait un suivi auprĂšs de la conseillĂšre pĂ©dagogique Fontaine et note :

Nous discutons du dossier de madame Arbour, suite Ă  l’information que la T avait portĂ© plainte concernant certains comportements ou certaines directives de la part de professeurs.

Mme Fontaine nous dit que nous recevrons un rapport de Mme Lefort, qui est directrice adjointe des services Ă©ducatifs pour l’école professionnelle et gĂ©nĂ©rale.

De plus, nous disons à Mme Fontaine, que si il [sic] faut pour que la T termine sa formation, la CSST paie une formation sur mesure ou autre, ils peuvent nous proposer une avenue qui aiderait la T à terminer de façon positive sa formation. Elle en prend note et fera le message à Mme Lefort.

 

 

[33]        Le 1er dĂ©cembre 2008, le Dr Luneau inscrit sur un certificat mĂ©dical que la travailleuse devra « s’absenter de l’école pour une pĂ©riode indĂ©terminĂ©e Â» en raison d’une « tendinite vs capsulite Â».

[34]        Une radiographie simple de l’épaule gauche rĂ©alisĂ©e le mĂȘme jour rĂ©vĂšle des calcifications nodulaires en regard des tissus mous supĂ©ro-externes de la tĂȘte humĂ©rale ayant progressĂ© par rapport Ă  un examen antĂ©rieur au 16 mai 2005. Une autre petite calcification est notĂ©e en regard des tissus mous infĂ©rieurs de la cavitĂ© glĂ©noĂŻde ainsi qu’une autre petite calcification en regard des tissus mous de l’espace coraco-claviculaire. Le radiologiste conclut que toutes ces calcifications sont compatibles avec des tendinites calcifiantes plus marquĂ©es au niveau du sus-Ă©pineux.

[35]        Le 8 dĂ©cembre 2008, la travailleuse soumet une rĂ©clamation Ă  la CSST pour une rĂ©cidive, une rechute ou une aggravation de sa lĂ©sion professionnelle du 28 mai 2006. Au formulaire « RĂ©clamation du travailleur Â», madame Arbour indique ceci :

ÉvĂ©nement survenu soudainement, dans la nuit du 23 au 24 nov. 08. Douleur aigue au bras gauche. Épaule (brulure) douleur diffuse jusqu’au bout des doigts. Consulter mĂ©decin le lundi 24 nov. Vu le physiatre (demande arthrographie) et physio par la suite (Je suis prĂ©sentement en CSST). [sic]

 

[36]        Au soutien de sa rĂ©clamation, la travailleuse dĂ©pose une certificat mĂ©dical Ă©mis le 24 novembre 2008 oĂč l’on pose le diagnostic de tendinite de l’épaule.


[37]        Le 4 dĂ©cembre 2008, la travailleuse consulte le Dr Leduc, physiatre. Le mĂ©decin, dans une lettre Ă©crite Ă  l’attention du Dr Noiseux, indique ceci :

C’est avec plaisir que je voyais aujourd’hui Mme Arbour en rapport avec une dysfonction douloureuse sĂ©vĂšre de l’épaule gauche d’apparition plutĂŽt brutale et non traumatique le 24 novembre dernier, l’empĂȘchant de complĂ©ter sa rĂ©adaptation sociale actuelle (travail de bureau) dans un contexte d’une entorse cervicale sĂ©quellaire post accident de travail survenu [sic] le 28 mai 2006.

Cette dame a par ailleurs des antĂ©cĂ©dents de tendinopathie calcifiante des Ă©paules qui s’était compliquĂ©e en 2006 d’une capsulite adhĂ©sive de l’épaule droite.

Une radiographie rĂ©cente de l’épaule gauche dĂ©montre une calcification d’un diamĂštre de 1,2 cm et une seconde, plus petite, prĂšs de la cavitĂ© glĂ©noĂŻde.

 

 

[38]        À l’examen, le Dr Leduc constate diverses ankyloses au membre supĂ©rieur gauche et il pose le diagnostic de capsulite adhĂ©sive sĂ©vĂšre de l’épaule gauche, recommandant une arthrographie.

[39]        Le 11 dĂ©cembre 2008, le Dr Drouin pose le mĂȘme diagnostic alors que le 6 janvier 2009, le Dr Beaudry retient celui de tendinite de l’épaule gauche.

[40]        Le 13 janvier 2009, la travailleuse discute avec l’agent Trudel Ă  l’égard de sa rĂ©clamation pour une rĂ©cidive, rechute ou aggravation. L’agent note ceci :

Reçu tél. T

 

Description de l’apparition des douleurs ;

Explique qu’elle avait dĂ©jĂ  mentionnĂ© Ă  Mme Beauchemin (cons. en rĂ©ad.) qu’elle avait des douleurs au cou et dans les deux bras lorsqu’elle Ă©tait en formation.

Toutefois, ne rapporte aucun Ă©vĂ©nement prĂ©cis qui aurait pu contribuer Ă  l’apparition de ses douleurs Ă  l’épaule gauche.

La veille (dimanche), a Ă©tĂ© magasiner environ 1 heure, n’a rien achetĂ© donc rien manipulĂ©. S’est couchĂ©e normalement, sans aucune douleur intense. Durant la nuit, la douleur intense l’a rĂ©veillĂ©e. A mis sac magique sur l’épaule jusqu’au coude. Sensation de brulure de l’épaule jusqu’au coude. Avait la main enflĂ©e, ne pouvait la plier.

 

[
]

 

T en formation :

T a dĂ» cesser sa formation et n’a pas pu faire ses 2 examens prĂ©vus dans la semaine du 24 novembre.

Faisait formation individuelle, sur ordinateur, 5 jrs/sem.

Explique qu’elle doit passer la journĂ©e complĂšte sur ordi, sauf lorsqu‘elle veut prendre des notes si qq chose d’important et qu’elle ne veut pas oublier.

Utilise un grand bureau, tablette qu’elle tire plus bas oĂč se trouve le clavier. Pas d’appuie bras Ă  sa chaise. Dit que certaines chaises n’ont pas d’ajustement. [sic]

 

(Les soulignements sont du tribunal)

 

[41]        Le 14 janvier 2009, la Dre GeneviĂšve Lampron, mĂ©decin conseil Ă  la CSST, note ceci :

Les Dx acceptĂ©s au moment de l’évĂ©nement d’origine Ă©taient une entorse cervicale et un Ă©tirement du trapĂšze gauche.

Dans la prĂ©sente demande de RRA, on spĂ©cifie une capsulite Ă  l’épaule gauche. Cette nouvelle lĂ©sion ne peut ĂȘtre mise en relation avec l’évĂ©nement d’origine puisqu’il s’agit d’un site anatomique diffĂ©rent.

 

Le travail Ă  l’ordinateur sans appui n’est pas suffisant pour engendrer une capsulite Ă  l’épaule gauche.

 

[42]        Le 19 janvier 2009, la CSST rend une dĂ©cision par laquelle elle refuse la rĂ©clamation de la travailleuse. Cette dĂ©cision sera confirmĂ©e lors d’une rĂ©vision administrative, d’oĂč le prĂ©sent litige.

[43]        Le 23 janvier 2009, le Dr Drouin pose les diagnostics de tendinite et de capsulite de l’épaule gauche.

[44]        Le 27 janvier 2009, la CSST reçoit un « bilan de la dĂ©marche de formation Â» au programme de secrĂ©tariat pour la travailleuse Ă  l’école professionnelle de St-Hyacinthe. On y fait de nombreux constats d’échec dans les cours suivis par la travailleuse, soit six modules sur onze, et qu’elle prĂ©sente des difficultĂ©s majeures d’apprentissage, notamment dans la comprĂ©hension de textes. Il est notĂ© un non-respect de l’horaire et des problĂšmes au niveau de l’autonomie de la travailleuse, notant particuliĂšrement que la travailleuse demande Ă  ĂȘtre prise en charge continuellement. Par ailleurs, le rapport fait Ă©tat de comportements agressifs et d’évitement de la part de la travailleuse ainsi que des attitudes nĂ©gatives envers les enseignantes et la direction. On recommande que la travailleuse complĂšte ses apprentissages avec de la formation sur mesure et dans le cadre d’un enseignement privĂ©. Toutefois, les auteurs du rapport sont d’avis que les perspectives de rĂ©ussite de la travailleuse dans le domaine du secrĂ©tariat sont faibles. À ce sujet, les auteurs concluent ainsi :

ConsidĂ©rant que Mme Arbour Ă©prouve des difficultĂ©s importantes pour la lecture, la comprĂ©hension de texte, l’organisation de l’information, la mĂ©thodologie de travail, ainsi que des difficultĂ©s majeures dans l’apprentissage en gĂ©nĂ©ral, l’équipe d’enseignantes et la direction sont unanimes pour affirmer que l’enseignements individualisĂ© ne favorise pas son cheminement acadĂ©mique et ne convient pas Ă  Mme Arbour.

 

Dans ce contexte, il serait préférable pour Mme Arbour de poursuivre ses apprentissages avec de la formation sur mesure et une enseignante privée.

 

Une carriĂšre professionnelle en secrĂ©tariat exige une excellente maĂźtrise du français, de solides connaissances des logiciels, une bonne capacitĂ© d’adaptation aux changements, une personnalitĂ© vĂ©hiculant des valeurs positives, une ouverture d’esprit, une capacitĂ© Ă  organiser l’information, Ă  traiter les donnĂ©es, Ă  recevoir plus d’une consigne Ă  la fois et Ă  rĂ©aliser plusieurs tĂąches diffĂ©rentes au mĂȘme moment. Pour Mme Arbour, ces objectifs semblent loin de la rĂ©alitĂ© et ne semblent pas reflĂ©ter ses forces. Nous croyons que Mme Arbour soit capable de terminer sa formation avec plus de temps que la majoritĂ© des Ă©lĂšves. En ce qui a trait Ă  son intĂ©gration sur le marchĂ© du travail, nous avons des raisons de croire qu’il serait difficile pour elle de s’épanouir pendant plusieurs annĂ©es dans une carriĂšre professionnelle en secrĂ©tariat. [sic]

 

 

[45]        Le 29 janvier 2009, l’agente Beauchemin rencontre la travailleuse et note ceci :

Madame nous confirme que le fait d’ĂȘtre Ă  l’ordinateur pendant 7 heures, c’est trop exigeant pour elle. Donc, nous lui disons qu’elle vient de nous dire qu’elle ne pourra occuper le poste de secrĂ©taire car physiquement, elle ne se voit pas capable. Elle dit oui, mais par la suite, dit que peut-ĂȘtre que ça peut dĂ©pendre de sa chaise. Nous lui disons qu’il y a diffĂ©rentes chaises selon les entreprises.

 

Nous lisons le rapport produit par Mme Lefort, de la Commission scolaire. À la lecture du rapport, Mme Arbour rapporte que les informations sont souvent fausses. Nous continuons et Ă  la conclusion Ă  ce bilan, il est mentionnĂ© que :

 

[
]

 

Dans ce contexte, nous lui disons que nous croyons que de retourner en formation demanderait trop d’effort et d’énergie. Nous lui suggĂ©rons une autre avenue pour l’aider, c'est-Ă -dire la rĂ©fĂ©rer Ă  un conseiller en emploi, et avec des stages en entreprises, dans des emplois qui respecteraient ses limitations et ses connaissances. Mme dit qu’elle va rĂ©flĂ©chir mais revient constamment sur le passĂ©, elle se dit ĂȘtre confrontĂ©e Ă  de l’injustice, chez son employeur, chez les enseignants, par la CSST (rra refusĂ©e), etc.

 

[46]        Le 11 fĂ©vrier 2009, le Dr Deslauriers retient le diagnostic de capsulite de l’épaule gauche. Il maintient l’arrĂȘt de travail.

[47]        À la suite du rapport « bilan Â» de la Commission scolaire et de la rencontre du 29 janvier 2009 avec la travailleuse, la CSST met fin au programme de formation en secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral et procĂšde Ă  dĂ©terminer pour la travailleuse un nouvel emploi convenable.

[48]        Une nouvelle rencontre a lieu avec madame Arbour le 4 mars 2009 et l’agente Beauchemin note ceci :

[
]

Madame relate encore certains Ă©vĂ©nements tant au niveau mĂ©dical que lors de sa formation. Nous l’écoutons. Par contre, nous lui disons que nous sommes rendues, dans sa dĂ©marche en rĂ©adaptation, au moment oĂč il faut dĂ©terminer un emploi convenable. Nous lui prĂ©sentons le rĂ©sultat de nos recherches et lui expliquons le poste de commis au classement. Tout ce que nous offrons Ă  Madame, elle n’est pas d,accord au dĂ©but, mais elle finit par comprendre en lui rĂ©pĂ©tant les explications ainsi que notre rĂŽle et celui de la CSST.

 

Donc, en regard de ses limitations fonctionnelles ainsi que de la formation dĂ©jĂ  reçue mais non terminĂ©e (en secrĂ©tariat); de son intĂ©rĂȘt pour du travail de bureau; de ses acquis et de ces connaissances de certains logiciels;

 

Nous convenons avec l’accord de la T, que l’emploi convenable de commis au classement respectent ses limitations fonctionnelles ainsi que son intĂ©rĂȘt et ses connaissances acquises.

 

Nous lui offrons l’aide du Club de recherche d’emploi de St-Hyacinthe, tant pour son C.V.,  les techniques d’entrevues ainsi que les employeurs de la rĂ©gion Ă  cibler pour ses offres d’emploi. [sic]

 

(Les soulignements sont du tribunal)

 

 

[49]        La CSST a dĂ©posĂ© Ă  l’audience la fiche de dĂ©termination de l’emploi convenable complĂ©tĂ©e par l’agente Beauchemin. L’agente y fait Ă©tat de son constat voulant que l’emploi de commis au classement rĂ©ponde aux cinq critĂšres suivants : l’emploi permet Ă  la travailleuse d’utiliser sa capacitĂ© rĂ©siduelle en lien avec les limitations fonctionnelles Ă©tablies Ă  la suite de sa lĂ©sion professionnelle; que cet emploi permet Ă  la travailleuse d’utiliser ses qualifications professionnelles dĂ©jĂ  acquises, notamment en tenant compte de sa formation reçue, mĂȘme non terminĂ©e; que ledit emploi prĂ©sente une possibilitĂ© raisonnable d’embauche, rĂ©fĂ©rant Ă  l’analyse rĂ©alisĂ©e par IMT QuĂ©bec et, enfin, que cet emploi ne prĂ©sente pas de danger pour la santĂ© et la sĂ©curitĂ© de la travailleuse et qu’il est appropriĂ©, la travailleuse s’étant dite d’accord avec cet emploi, considĂ©rant ses intĂ©rĂȘts et ses connaissances. On joint Ă  cette analyse la fiche descriptive de l’emploi en question, tirĂ©e de la banque de donnĂ©es REPÈRES.

[50]        Le 6 mars 2009, la CSST rend une dĂ©cision dĂ©clarant que l’emploi de commis au classement constitue un emploi convenable pour la travailleuse, emploi dont le revenu annuel est estimĂ© Ă  20 856 $ et que la travailleuse est capable d’exercer cet emploi Ă  compter du 9 mars 2009. Cette dĂ©cision sera confirmĂ©e lors d’une rĂ©vision administrative, d’oĂč le prĂ©sent litige.

[51]        Le 12 mars 2009, le Dr Beaudry pose cette fois les diagnostics de tendinite et de capsulite de l’épaule gauche alors que le 3 avril 2009, le Dr Blouin retient ceux de capsulite de l’épaule gauche et de tendinite calcifiĂ©e des deux Ă©paules.

[52]        Par la suite, les diffĂ©rents mĂ©decins consultĂ©s retiendront ces mĂȘmes diagnostics de capsulite et de tendinite de l’épaule gauche, certains mĂ©decins prĂ©cisant plutĂŽt le diagnostic de tendinite calcifiĂ©e ou calcifiante de l’épaule gauche.

[53]        Le 15 juillet 2009, le Dr Daigle pose le diagnostic de « lĂ©gĂšre douleur rĂ©siduelle Ă©paule gauche et de cervicalgie ». Le mĂ©decin ne recommande pas de chirurgie pour la travailleuse et suggĂšre une « consolidation Â».

[54]        La travailleuse a tĂ©moignĂ© Ă  l’audience et le tribunal en retient les Ă©lĂ©ments suivants.

[55]        La travailleuse explique que sa douleur Ă  l’épaule gauche Ă©tait toujours prĂ©sente lorsqu’elle a dĂ©butĂ© sa formation en secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral, en novembre 2007, et qu’elle s’en Ă©tait d’ailleurs plainte Ă  madame Beauchemin, agente de rĂ©adaptation. On lui a fourni un chariot pour qu’elle puisse transporter les documents requis pour sa formation.

[56]        Mme Arbour tĂ©moigne ensuite des difficultĂ©s rencontrĂ©es au cours de la formation reçue. Elle fait Ă©tat de problĂšmes avec les enseignants et du fait qu’on ne lui manifestait pas d’empathie face Ă  ses difficultĂ©s dans certaines matiĂšres enseignĂ©es.

[57]        La travailleuse reconnaĂźt avoir rĂ©ussi certains cours et en avoir Ă©chouĂ© d’autres, mais elle Ă©value que le programme d’enseignement Ă©tait « inadĂ©quat Â» pour elle.

[58]        InterrogĂ©e prĂ©cisĂ©ment sur ce qu’elle aurait voulu, la travailleuse estime qu’elle aurait dĂ» recevoir une formation plus « adaptĂ©e Ă  son niveau Â» , ce que l’école a refusĂ© de faire. Elle tĂ©moigne avoir parlĂ© de la situation Ă  l’agente Beauchemin et lui avoir fait part de son dĂ©sir de recevoir une formation « en relation d’aide Â».

[59]        La travailleuse dĂ©plore que la CSST ne lui ait pas offert ce type de formation, ajoutant que la formation en secrĂ©tariat est la seule qu’on lui ait proposĂ©e.

[60]        InterrogĂ©e Ă  l’égard de l’emploi convenable de secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale dĂ©terminĂ© par la CSST en novembre 2007 et pour lequel on a mis sur pied son programme de formation, la travailleuse reconnaĂźt ne pas avoir contestĂ© cette dĂ©cision, mais affirme qu’elle n’aurait pas Ă©tĂ© capable d’exercer un tel emploi, pas plus au moment de sa dĂ©termination qu’aujourd’hui.

[61]        Madame Arbour entretient manifestement beaucoup d’amertume Ă  l’égard de l’école de formation oĂč elle a suivi ses cours de secrĂ©tariat, ajoutant qu’elle est en complet dĂ©saccord avec les commentaires Ă©mis par l’école au « Bilan Â» produit en janvier 2009 et qui fait Ă©tat de lacunes chez la travailleuse. Madame Arbour indique « qu’elle conteste formellement ce rapport Â».

[62]        Quant Ă  l’emploi convenable de commis au classement dĂ©terminĂ© en mars 2009, la travailleuse indique qu’elle n’est pas capable de l’exercer en raison des douleurs importantes qu’elle ressent aux deux Ă©paules ainsi qu’au niveau cervical, et ce, que le tribunal reconnaisse ou non sa rĂ©clamation pour une rĂ©cidive, une rechute ou une aggravation le 24 novembre 2008. Elle se dit limitĂ©e dans ses mouvements d’extension des bras, de flexion latĂ©rale du cou et dans le soulĂšvement de charges, particuliĂšrement si faits de façon rĂ©pĂ©titive.

[63]        InterrogĂ©e sur sa condition mĂ©dicale, la travailleuse indique qu’à la suite de l’investigation faite par le Dr Noiseux et par le Dr Drouin, ce dernier recommandait une infiltration cortisonĂ©e Ă  son Ă©paule gauche, ajoutant toutefois qu’elle n’a reçu aucune telle infiltration. Elle a par ailleurs dĂ©frayĂ© elle-mĂȘme le coĂ»t de traitements de kinĂ©siologie pendant environ 3 mois.

[64]        Enfin, madame Arbour dĂ©pose au dossier du tribunal une lettre datĂ©e du 21 septembre 2010 Ă©manant de madame Annette Gaucher, enseignante, et qui valorise le comportement de la travailleuse au cours de la formation reçue, madame Gaucher soulignant les efforts de la travailleuse malgrĂ© certains Ă©checs encourus. Madame Gaucher mentionne Ă©galement qu’à l’occasion, et pour certaines matiĂšres, il aurait fallu que la travailleuse « ait un professeur Ă  elle seule, mais impossible avec un groupe de 22 Ă©tudiants et plusieurs matiĂšres. Â»

L’AVIS DES MEMBRES

Dossier 378509-62B-0905

 

[65]        Les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs partagent le mĂȘme avis et croient que la requĂȘte de la travailleuse doit ĂȘtre rejetĂ©e.

[66]        Les membres sont d’avis que la travailleuse n’a pas dĂ©montrĂ© que la capsulite et la tendinite de son Ă©paule gauche sont reliĂ©es Ă  sa lĂ©sion professionnelle du 28 mai 2006 lui ayant causĂ© une entorse cervicale et un Ă©tirement du trapĂšze gauche.

[67]        Les membres considĂšrent que la travailleuse n’a pas dĂ©montrĂ© de façon probante une relation entre la rĂ©cidive, la rechute ou l’aggravation allĂ©guĂ©e en novembre 2008 et sa lĂ©sion de mai 2006.

[68]        Les membres croient que la travailleuse a vĂ©cu Ă  son domicile un Ă©pisode douloureux de sa condition de calcification Ă  l’épaule gauche, mais que cet Ă©pisode ne peut ĂȘtre mis en relation avec l’accident initial ou avec la formation reçue dans le cadre de son programme de rĂ©adaptation.

[69]        À cet Ă©gard, les membres sont d’avis que la CSST Ă©tait justifiĂ©e de mettre fin au plan de rĂ©adaptation Ă©tabli en 2007 devant le constat d’échec manifeste de la formation jusqu’alors reçue par la travailleuse.

Dossier 381397-62B-0906

[70]        Les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs partagent de nouveau le mĂȘme avis et croient que la seconde requĂȘte de la travailleuse doit Ă©galement ĂȘtre rejetĂ©e.

[71]        Les membres sont d’avis que l’emploi de commis au classement retenu par la CSST constitue un emploi convenable pour la travailleuse.

[72]        Les membres considĂšrent que cet emploi respecte entiĂšrement la capacitĂ© rĂ©siduelle de la travailleuse et que celle-ci est capable de l’exercer.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[73]        La Commission des lĂ©sions professionnelles doit en premier lieu dĂ©terminer si la travailleuse a subi une lĂ©sion professionnelle le 24 novembre 2008 alors que son mĂ©decin a diagnostiquĂ© chez elle une capsulite Ă  l’épaule gauche.

[74]        Le tribunal doit ensuite dĂ©terminer si la CSST a eu raison de mettre fin au plan individualisĂ© de rĂ©adaptation mis sur pied en novembre 2007 et par lequel elle a dĂ©terminĂ© pour la travailleuse un emploi convenable de « secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale Â» et Ă  cette fin, mis en place un programme de formation visant l’obtention d’un D.E.P. en secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral.

[75]        Enfin, le tribunal doit dĂ©terminer, Ă  la suite de la terminaison du plan individualisĂ© en question, si l’emploi de commis au classement constitue un emploi convenable pour la travailleuse et si celle-ci est capable de l’exercer.

[76]        La loi donne les dĂ©finitions suivantes :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

 

« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraßne pour elle une lésion professionnelle;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[77]        En l’espĂšce, il n’est nullement question de la survenue, le 24 novembre 2008, d’une maladie professionnelle, aucune preuve en ce sens n’ayant Ă©tĂ© produite. Par ailleurs, la travailleuse n’a soumis aucune preuve permettant de dĂ©terminer la survenue d’un « accident du travail Â» le 24 novembre 2008.

[78]        En effet, la description mĂȘme de l’évĂ©nement apparaissant au formulaire de rĂ©clamation produit par la travailleuse indique bien que madame Arbour a connu un Ă©pisode de douleur aiguĂ«, durant la nuit, Ă  son domicile. Madame Arbour ne fait Ă©tat d’aucun faux mouvement, aucun geste de nature traumatique lors des jours prĂ©cĂ©dents et auquel elle pourrait avoir attribuĂ© l’apparition de sa douleur durant la nuit. Cette version de la travailleuse est la mĂȘme qui fut notĂ©e par le Dr Leduc le 4 dĂ©cembre 2008 et celle reçue par l’agent Trudel, de la CSST, le 13 janvier 2009.

[79]        Dans les circonstances, c’est donc sous le seul angle de la rĂ©cidive, de la rechute ou de l’aggravation de la lĂ©sion professionnelle subie antĂ©rieurement par la travailleuse, le 28 mai 2006, que le tribunal entend analyser la prĂ©sente rĂ©clamation.

[80]        La notion de rechute, rĂ©cidive ou aggravation est incluse dans celle de la lĂ©sion professionnelle, mais n'est pas dĂ©finie dans la loi. Suivant une jurisprudence bien Ă©tablie, ces termes doivent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s selon leur sens courant et usuel, Ă  savoir une reprise Ă©volutive, une rĂ©apparition ou une recrudescence d’une lĂ©sion ou de ses symptĂŽmes[6].

[81]        La preuve requise pour Ă©tablir qu'une personne a subi une rechute, rĂ©cidive ou aggravation d'une lĂ©sion professionnelle est essentiellement une preuve de relation entre la lĂ©sion initiale et la rechute, rĂ©cidive ou aggravation allĂ©guĂ©e[7].

[82]        Dans une dĂ©cision rĂ©cente, l’affaire Charron et F.D. Lia inc.[8], la juge Montplaisir fait une excellente analyse des principes jurisprudentiels dĂ©veloppĂ©s par le tribunal en ce qui a trait Ă  la notion de rechute, de rĂ©cidive ou d’aggravation. La juge Montplaisir Ă©crit :

« [13]  Depuis quelques annĂ©es, un courant jurisprudentiel de la Commission des lĂ©sions professionnelles en matiĂšre de rechute, rĂ©cidive ou aggravation retient le principe selon lequel un travailleur doit Ă©tablir l'existence d'une dĂ©tĂ©rioration de sa condition en plus d'une relation entre cette dĂ©tĂ©rioration et la lĂ©sion professionnelle initiale pour que le caractĂšre professionnel de sa lĂ©sion soit reconnu4.

 

[14]  Selon cette position, un travailleur ne doit pas se contenter d’allĂ©guer simplement une augmentation de ses douleurs, mais doit dĂ©montrer une dĂ©tĂ©rioration objective de son Ă©tat5, le concept de rechute, rĂ©cidive ou aggravation Ă©tant Ă  l'opposĂ© de la prĂ©sence d'un Ă©tat chronique6.

 

[15]  Dans l'affaire CĂŽtĂ© et Neilson inc7, la Commission des lĂ©sions professionnelles considĂšre que lorsqu’une rĂ©clamation est dĂ©posĂ©e en raison de douleurs chroniques ou de symptĂŽmes qui existent depuis la consolidation de la lĂ©sion initiale, il ne faut pas indemniser de nouveau un travailleur pour une lĂ©sion ayant dĂ©jĂ  fait l’objet d’une indemnisation, et ce, mĂȘme si ces douleurs ou symptĂŽmes ont augmentĂ©.  La Commission des lĂ©sions professionnelles s'exprime comme suit sur ce sujet :

 

« [
]

 

[58]      Ainsi, une personne aux prises avec un Ă©tat chronique ne pourra simplement affirmer qu’elle conserve des douleurs, mĂȘme augmentĂ©es, depuis sa lĂ©sion initiale pour voir sa rĂ©clamation acceptĂ©e. Une rĂ©cidive, rechute ou aggravation est un concept qui est Ă  l’opposĂ© de la prĂ©sence d’un Ă©tat chronique. Ceci ne veut pas dire qu’une personne aux prises avec des douleurs chroniques, dĂ©jĂ  indemnisĂ©es par la CSST notamment sous la forme d’un dĂ©ficit anatomo-physiologique, ne pourra subir par la suite une rĂ©cidive, rechute ou aggravation. Il faudra cependant qu’elle dĂ©montre que son Ă©tat chronique s’est aggravĂ© de façon objective Ă  un moment donnĂ©.

 

[
] Â»

 

[16]  Dans l'affaire Galipeau et Restaurant Monteverde inc8, la Commission des lĂ©sions professionnelles fait la distinction entre le symptĂŽme et la lĂ©sion et considĂšre que le travailleur ne peut ĂȘtre indemnisĂ© de nouveau pour la mĂȘme symptomatologie s'il a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© indemnisĂ© pour les sĂ©quelles permanentes rĂ©sultant de sa lĂ©sion initiale.  La symptomatologie allĂ©guĂ©e doit provenir d'une nouvelle lĂ©sion reliĂ©e Ă  la premiĂšre, la dĂ©tĂ©rioration objective constituant une lĂ©sion. 

 

[17]  Dans d'autres dĂ©cisions, la Commission des lĂ©sions professionnelles n'utilise pas l'expression « dĂ©tĂ©rioration objective Â», mais fait parfois rĂ©fĂ©rence Ă  une « dĂ©tĂ©rioration significative Â»9, ou Ă  un « changement significatif Â»10, ou encore Ă  une « modification Â» de l’état11 ou de la condition de santĂ©12.

 

[18]  Plus rĂ©cemment, dans l'affaire DubĂ© et Entreprises du JalaumĂ© enr. (Les) et CSST13 la Commission des lĂ©sions professionnelles apporte une nuance entre l'utilisation d'une expression plutĂŽt qu'une autre et rappelle que ce qui est recherchĂ© dans le cadre de la dĂ©monstration d'une rechute, rĂ©cidive ou aggravation est une modification « nĂ©gative Â» de l'Ă©tat de santĂ© du travailleur.  La Commission des lĂ©sions professionnelles rappelle qu'il « n’est pas strictement requis de dĂ©montrer la prĂ©sence de signes nouveaux qui soient purement objectifs; la preuve de l’apparition, de la rĂ©apparition ou de l’intensification de signes cliniques dĂ©jĂ  prĂ©sents, mĂȘme partiellement objectifs ou purement subjectifs suffit, lorsqu’ils sont fiables Â», cette question relevant de l’apprĂ©ciation du caractĂšre prĂ©pondĂ©rant de la preuve mĂ©dicale relative Ă  la modification de l’état de santĂ©.  La Commission des lĂ©sions professionnelles exprime cette idĂ©e comme suit :

 

« [
]

 

[12]      Il est depuis longtemps Ă©tabli que la prĂ©sence d’une rechute, rĂ©cidive ou aggravation implique nĂ©cessairement une modification de l’état de santĂ© par rapport Ă  celui qui existait antĂ©rieurement2.

 

[13]      C’est pourquoi le seul tĂ©moignage de la travailleuse ne suffit pas Ă  prouver la rechute, rĂ©cidive ou aggravation.  Une preuve mĂ©dicale doit supporter ses allĂ©gations3.

 

[14]      Certains utilisent l’expression dĂ©tĂ©rioration objective pour rĂ©fĂ©rer Ă  la modification de l’état de santĂ© qu’il est nĂ©cessaire de prouver. L’usage de cette expression suscite cependant des interrogations et de la confusion, puisqu’elle suggĂšre que seule l’aggravation est admissible Ă  titre de lĂ©sion professionnelle, Ă  l’exclusion de la rechute ou de la rĂ©cidive4.

 

[15]      Pour avoir retenu cette expression Ă  de nombreuses reprises, la soussignĂ©e prĂ©cise qu’il s’agissait pour elle d’englober par ce terme gĂ©nĂ©rique toutes les modalitĂ©s possibles de modification de l’état de santĂ©, soit tout Ă  la fois la rechute, la rĂ©cidive et l’aggravation de la lĂ©sion initiale. La modification dont il est question est en effet nĂ©cessairement nĂ©gative, d’oĂč l’emploi du terme dĂ©tĂ©rioration. Pour Ă©viter toute confusion ultĂ©rieure, la soussignĂ©e retiendra ici les termes gĂ©nĂ©riques modification de l’état de santĂ©, pour rĂ©fĂ©rer globalement Ă  la rechute, Ă  la rĂ©cidive et Ă  l’aggravation.

 

[16]      Quant Ă  au caractĂšre objectif de la modification de l’état de santĂ© exigĂ© par certains juges administratifs, la soussignĂ©e partage le point de vue suivant lequel il n’est pas strictement requis de dĂ©montrer la prĂ©sence de signes nouveaux qui soient purement objectifs; la preuve de l’apparition, de la rĂ©apparition ou de l’intensification de signes cliniques dĂ©jĂ  prĂ©sents, mĂȘme partiellement objectifs ou purement subjectifs suffit, lorsqu’ils sont fiables5. Cette question relĂšve en rĂ©alitĂ© de l’apprĂ©ciation du caractĂšre prĂ©pondĂ©rant de la preuve mĂ©dicale relative Ă  la modification de l’état de santĂ©. Il n’est donc pas strictement requis que la dĂ©tĂ©rioration soit corroborĂ©e par l’imagerie ou des signes cliniques purement objectifs.

________________

2             Mendolia et Samuelsohn ltée, précitée, note 1; Belleau-Chabot et Commission scolaire Chomedey de Laval, [1995] C.A.L.P. 1341 .

3             Guettat et Cie MiniĂšre QuĂ©bec Cartier, 53020-61-9308, 18 aoĂ»t 1995, N. Lacroix; Belleau-Chabot et Commission scolaire Chomedey-Laval, prĂ©citĂ©e, note 2; Baron et Langlois & Langlois, 30990-62-9107, 23 octobre 1995, M. Lamarre; Lachance et MinistĂšre de la DĂ©fense nationale, 56564-60-9401, 24 octobre 1995, M. Denis.

4             Voir par exemple Labonté et Restaurant Normandin, 332150-31-0711, 17 avril 2009, J-L. Rivard et la jurisprudence qui y est citée.

5             Cabana et Banque Nationale du Canada, 222389-71-0312, 28 juillet 2008, M. Zigby (dĂ©cision sur requĂȘte en rĂ©vision); Vigneault et Abitibi-Consolidated Scierie des Outardes, 253496-09-0501, 21 septembre 2005, G. Tardif; Guarna et Aliments Humpty Dumpty, 232909-61-0404, 2 aoĂ»t 2004, S. Di Pasquale;

 

___________________

[
] 

               

(4)           Duguay et Constructions du Cap-Rouge inc., [2001] C.L.P. 24 ; Richard et Scieries Chics-Chocs, [2002] C.L.P. 487 ; Émond et Fonds des personnes incarcĂ©rĂ©es, [2003] C.L.P. 1044 ; CĂŽtĂ© et Neilson inc., C.L.P. 229412-01B-0403, 7 fĂ©vrier 2005, J.-F. ClĂ©ment ; Leblanc et Comptoir Emmaus inc. (Le), C.L.P. 326061-31-0708, 13 novembre 2007, C. Lessard ; Chin et QuĂ©bĂ©cor World Lasalle (Dumont) et al., C.L.P. 309228-62-0702 et al., 30 janvier 2009, H. Marchand ; Beauvais et Entreprises Profiplast inc. (fermĂ©) et al., C.L.P. 267924-64-0506 et al., 2 avril 2009, R. Daniel ;  Fortier et Garage Jacques Fortier Enr., C.L.P. 330609-04B-0710, 29 avril 2009, L. Collin ; De GrandprĂ© et Provigo Distribution (Div. Maxi), C.L.P. 345598-64-0804, 11 mai 2009, S. Moreau, (dĂ©cision rejetant la requĂȘte en rĂ©vision) ; Lacasse et Autobus Fleur de lys inc., C.L.P. 343204-03B-0803, 1er juin 2009, C. Lavigne.

(5)           CÎté et Neilson inc., précitée, note 4 ; Courtemanche-Bourque et Cie Uniforme ltée, C.L.P. 356325-63-0808, 6 avril 2009, I. Piché.

(6)           CĂŽtĂ© et Neilson inc., prĂ©citĂ©e, note 4 ; Martin et Atelier d’usinage GiguĂšre enr., C.L.P. 359060 62A-0809, 5 mai 2009, C. Burdett ; Rancourt et Pointe-Nord inc., C.L.P. 301952 08-0610 et al., 3 juin 2009, P. PrĂ©gent.

(7)           Précitée, note 4.

(8)           C.L.P. 234914-63-0405, 6 septembre 2005, R. Brassard.

(9)           SystÚmes de Construction Jager inc. et Villeneuve, C.L.P. 261417-64-0505, 14 juillet 2006, C. A. Ducharme.

(10)         Gagnon et Constructions de la LiÚvre (Les), C.L.P. 327466-64-0709, 29 mai 2009, D. Armand.

(11)         Fontaine et Knirps Canada inc. (fermé), C.L.P. 263575-61-0506 et al., 10 janvier 2007, S. Di Pasquale.

(12)         Beauchamp et Inspec-Sol, [2009] C.L.P. 93 .

(13)         C.L.P. 380599-01A-0906, 21 septembre 2009, G. Tardif.

 

 

 

[83]        Le soussignĂ© partage ce point de vue et estime que la dĂ©monstration qui doit ĂȘtre faite par la travailleuse pour Ă©tablir l'existence d'une rechute, d’une rĂ©cidive ou d’une aggravation est celle d'une modification de son Ă©tat de santĂ© en relation avec la lĂ©sion professionnelle initiale.

[84]        La jurisprudence enseigne Ă©galement que le tribunal peut considĂ©rer les Ă©lĂ©ments suivants dans son apprĂ©ciation d’une rĂ©clamation pour une rĂ©cidive, rechute ou aggravation[9]:

-        La gravitĂ© de la lĂ©sion initiale;

-        La continuitĂ© de la symptomatologie;

-        L’existence ou non d’un suivi mĂ©dical;

-        Le retour au travail avec ou sans limitations fonctionnelles;

-        La prĂ©sence d’une atteinte permanente Ă  l’intĂ©gritĂ© physique ou psychique;

-        La prĂ©sence d’une condition personnelle;

-        La compatibilitĂ© de la symptomatologie allĂ©guĂ©e au moment de la rechute, rĂ©cidive ou aggravation avec la nature de la lĂ©sion initiale;

-        Le dĂ©lai entre la rechute, rĂ©cidive ou aggravation et la lĂ©sion initiale;

-        La similitude du site;

-        La similitude de diagnostic.

 

 

[85]        Toutefois, le tribunal n’est pas tenu d’appliquer chacun ou mĂȘme un seul de ces Ă©lĂ©ments puisqu’ils ne font pas partie de la loi. Ces critĂšres existent pour aider le tribunal Ă  Ă©tablir un lien entre une lĂ©sion initiale et la rechute allĂ©guĂ©e[10].

[86]        De l’avis du tribunal, la travailleuse n’a pas dĂ©montrĂ© avoir subi une rĂ©cidive, une rechute ou une aggravation le 24 novembre 2008 en lien avec sa lĂ©sion initiale du 28 mai 2006.

[87]        En cette matiĂšre, le tribunal rappelle qu’il appartient Ă  la travailleuse d’établir de façon prĂ©pondĂ©rante une relation entre sa rechute allĂ©guĂ©e et la lĂ©sion initiale.

[88]        En l’espĂšce, les seuls diagnostics retenus pour la lĂ©sion professionnelle initiale ont Ă©tĂ© ceux d’entorse cervicale et d’étirement du trapĂšze gauche alors que celui de capsulite Ă  l’épaule droite fut expressĂ©ment Ă©cartĂ©. Cette lĂ©sion a laissĂ© Ă  la travailleuse une atteinte permanente Ă  l'intĂ©gritĂ© physique ou psychique Ă©valuĂ©e Ă  2 % ainsi que des limitations fonctionnelles.

[89]        En novembre 2008, alors qu’elle a dĂ©butĂ© 11 mois plus tĂŽt une formation en vue d’obtenir un diplĂŽme d’études professionnelles en secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral, la travailleuse ressent une douleur aiguĂ« Ă  l’épaule gauche, chez elle, durant la nuit. Elle ne dĂ©crit aucun geste particulier ayant entraĂźnĂ© l’apparition de cette douleur.

[90]        Un premier mĂ©decin, consultĂ© le 24 novembre 2008, parle de tendinite et de capsulite Ă  l’épaule gauche, mais n’émet pas d’attestation pour la CSST. Par la suite, ces mĂȘmes diagnostics de tendinite et de capsulite Ă  l’épaule gauche seront repris par les mĂ©decins consultĂ©s, certains d’entre eux spĂ©cifiant qu’il s’agit d’une tendinite calcifiĂ©e.

[91]        De l’avis du tribunal, les diagnostics de tendinite et de capsulite de l’épaule gauche visent un site anatomique distinct de celui touchĂ© lors de la lĂ©sion professionnelle du 28 mai 2006, soit le cou et le trapĂšze gauche.

[92]        De l’avis du tribunal, la travailleuse n’a apportĂ© aucune explication, mĂ©dicale ou factuelle, permettant d’expliquer comment une lĂ©sion de nature cervicale (et au trapĂšze gauche) a pu Ă©voluer vers une lĂ©sion de l’épaule gauche au point d’y causer une tendinite et une capsulite.

[93]        À cet Ă©gard, le tribunal considĂšre que le seul fait d’ĂȘtre affectĂ©e Ă  l’ordinateur lors d’une formation ne peut, sans explication mĂ©dicale probante, expliquer le dĂ©veloppement de telles pathologies chez la travailleuse.

[94]        Le tribunal retient l’opinion de la Dre Lampron, mĂ©decin conseil Ă  la CSST, voulant qu’il n’y ait pas de relation entre les diagnostics posĂ©s et la lĂ©sion initiale puisqu’il s’agit de sites anatomiques distincts et que par ailleurs, « le travail Ă  l’ordinateur sans appui n’est pas suffisant pour engendrer une capsulite Ă  l’épaule gauche Â».

[95]        Enfin, le tribunal souligne qu’il est manifeste, de l’analyse du dossier et du tĂ©moignage de la travailleuse, que celle-ci prĂ©sente d’importantes calcifications, tant Ă  l’épaule droite qu’à l’épaule gauche, qui peuvent ĂȘtre responsables des douleurs ressenties par la travailleuse.

[96]        À ce sujet, le tribunal constate que la radiographie simple rĂ©alisĂ©e en dĂ©cembre 2008 a rĂ©vĂ©lĂ© une progression de la calcification Ă  l’épaule gauche de la travailleuse par rapport Ă  ce qui fut constatĂ© en 2005.

[97]        Dans les circonstances, le tribunal est d’avis que la douleur aiguĂ« Ă  l’épaule gauche ressentie par la travailleuse durant la nuit, Ă  son domicile, dĂ©coule en toute probabilitĂ© davantage de l’évolution de la condition de calcification prĂ©sente que de toute lĂ©sion professionnelle antĂ©rieure, Ă  un autre site anatomique, bien que situĂ©e Ă  proximitĂ© (le cou et le trapĂšze).

[98]        Pour l’ensemble de ces motifs, la Commission des lĂ©sions professionnelles est d’avis que la travailleuse n’a pas subi le 24 novembre 2008 une lĂ©sion professionnelle, que ce soit sous la forme d’une nouvelle lĂ©sion ou sous la forme d’une rĂ©cidive, d’une rechute ou d’une aggravation de sa lĂ©sion du 28 mai 2006.

[99]        Le tribunal est Ă©galement d’avis que la CSST a eu raison de mettre fin au plan de rĂ©adaptation Ă©laborĂ© en novembre 2007 et visant la mise sur pied d’une formation en secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral en vue de rendre la travailleuse capable d’exercer l’emploi convenable de secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale.

[100]     Le tribunal constate que cette dĂ©cision initiale de la CSST, rendue le 12 novembre 2007, n’a pas Ă©tĂ© contestĂ©e par la travailleuse. D’ailleurs, une telle chose eut Ă©tĂ© surprenante, les notes consignĂ©es par l’agente de rĂ©adaptation Beauchemin et rapportĂ©es par le tribunal rĂ©vĂšlent en tout Ă©tat de cause un rĂ©el intĂ©rĂȘt de la part de la travailleuse pour un tel emploi et une telle formation.

[101]     À cet Ă©gard, le tribunal accorde peu de foi aux propos de la travailleuse qui a tĂ©moignĂ© que ni aujourd’hui, ni Ă  l’époque de la dĂ©cision en question, elle croit ĂȘtre en mesure d’occuper un tel emploi en secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral.

[102]     Cette dĂ©cision de la CSST de mettre fin au plan de rĂ©adaptation initial suit la rĂ©ception du « bilan de la formation Â» produit le 27 janvier 2009 par les responsables du programme de formation et qui fait Ă©tat d’importantes lacunes constatĂ©es chez la travailleuse au niveau acadĂ©mique tout au long de sa formation. Par ailleurs, le mĂȘme rapport constate des problĂšmes se situant au niveau du comportement de la travailleuse et il est documentĂ©, Ă  la fois au dossier et par le tĂ©moignage de la travailleuse, qu’il s’est installĂ© des rapports difficiles entre celle-ci et des membres de l’école, que ce soit envers des enseignants ou Ă  l’égard de la direction.

[103]     À ce sujet, il est manifeste que la travailleuse ne partage pas les vues de l’école Ă  son endroit.

[104]     De l’avis du tribunal, et mĂȘme en faisant abstraction de tout aspect comportemental en litige entre les parties, la CSST Ă©tait amplement justifiĂ©e, sur la seule base des rĂ©sultats acadĂ©miques et des constats reliĂ©s aux besoins de formation individualisĂ©e requis par de la travailleuse, de considĂ©rer que l’avenue envisagĂ©e pour la travailleuse de la former en vue de la rendre apte Ă  occuper l’emploi convenable de secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale devait ĂȘtre reconsidĂ©rĂ©e. Manifestement, mĂȘme aprĂšs avoir prolongĂ© la durĂ©e initialement dĂ©terminĂ©e du programme, la CSST a eu raison de considĂ©rer que l’on se dirigeait vers un Ă©chec.

[105]     De l’avis de la Commission des lĂ©sions professionnelles, les constats faits au « bilan de formation Â» rĂ©vĂ©laient des circonstances nouvelles permettant Ă  la CSST de modifier le plan individualisĂ© de rĂ©adaptation Ă©laborĂ© pour la travailleuse. Aussi, dans les circonstances, il revenait Ă  la CSST de donner suite Ă  son devoir lĂ©gal en matiĂšre de rĂ©adaptation et de dĂ©terminer pour la travailleuse un nouvel emploi convenable.

[106]     Le tribunal considĂšre que la dĂ©cision de la CSST de ne pas donner suite aux demandes formulĂ©es par la travailleuse pour obtenir de la formation en « relation d’aide Â», tel que l’a indiquĂ© la travailleuse lors de son tĂ©moignage, ou mĂȘme, de la formation individualisĂ©e en secrĂ©tariat, tel que suggĂ©rĂ© au « Bilan de formation Â», se justifie amplement par le rĂŽle que doit jouer la CSST en matiĂšre de rĂ©adaptation. De l’avis du tribunal, la CSST avait grandement contribuĂ© Ă  la mise en place de mesures de rĂ©adaptation pour la travailleuse en novembre 2007 et n’avait pas Ă  aller au-delĂ  de la dĂ©termination d’un nouvel emploi convenable pour celle-ci, une fois que le constat d’échec de la premiĂšre mesure de rĂ©adaptation a Ă©tĂ© posĂ©. Le comportement de l’agente de rĂ©adaptation de la CSST en l’espĂšce a Ă©tĂ© exemplaire et sa dĂ©cision du 6 mars 2009 est en conformitĂ© avec les dispositions de l’article 181 de la loi qui Ă©nonce :

181.  Le coĂ»t de la rĂ©adaptation est assumĂ© par la Commission.

 

Dans la mise en oeuvre d'un plan individualisé de réadaptation, la Commission assume le coût de la solution appropriée la plus économique parmi celles qui permettent d'atteindre l'objectif recherché.

__________

1985, c. 6, a. 181.

 

 

[107]     Enfin, le tribunal est d’avis que l’emploi de commis au classement dĂ©terminĂ© par la CSST le 6 mars 2009 constitue un emploi convenable pour la travailleuse.

[108]     Le tribunal a pris connaissance de la description de ce travail donnĂ©e Ă  la fiche REPÈRES, dĂ©posĂ©e Ă  l’audience, et constate, tout comme l’agente de rĂ©adaptation Beauchemin, que ce travail respecte entiĂšrement les limitations fonctionnelles Ă©mises pour la travailleuse et dĂ©coulant de sa lĂ©sion professionnelle.

[109]     Par ailleurs, le tribunal a prĂ©cĂ©demment dĂ©terminĂ© que la travailleuse n’a pas subi le 24 novembre 2008 de lĂ©sion professionnelle de sorte qu’aucune limitation fonctionnelle en lien avec une telle lĂ©sion professionnelle ne vient s’ajouter Ă  celles dĂ©jĂ  Ă©tablies pour madame Arbour.

[110]     De plus, le tribunal est d’avis que cet emploi constitue un emploi appropriĂ© pour la travailleuse en raison de ses expĂ©riences passĂ©es de travail ainsi qu’en raison de la formation reçue en secrĂ©tariat, bien que non terminĂ©e.

[111]     De l’avis du tribunal, la travailleuse n’a apportĂ© aucune preuve crĂ©dible voulant qu’elle soit incapable d’exercer ce travail de commis au classement. Les limitations dans les amplitudes de mouvement qu’elle a dĂ©crites ne sont pas supportĂ©es par des examens cliniques rĂ©cents et, au demeurant, le tribunal est convaincu que la travailleuse prĂ©sente bien davantage, Ă  l’heure actuelle, un Ă©pisode de dĂ©motivation et de rancƓur Ă  l’égard des intervenants Ă  son dossier.

[112]     Pour l’ensemble de ces motifs, les requĂȘtes de la travailleuse doivent Ă©chouer.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

 

Dossier 378509-62B-0905

 

REJETTE la requĂȘte de la travailleuse dĂ©posĂ©e le 19 mai 2009;

CONFIRME la dĂ©cision de la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail rendue le 1er mai 2009 lors d’une rĂ©vision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse n’a pas subi le 24 novembre 2008 une lĂ©sion professionnelle et qu’elle n’a pas droit aux prestations prĂ©vues Ă  la loi Ă  cet Ă©gard;

DÉCLARE que la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail Ă©tait justifiĂ©e de mettre fin au plan de rĂ©adaptation mis en place le 12 novembre 2007.

 


Dossier 381397-62B-0906

REJETTE la requĂȘte de la travailleuse dĂ©posĂ©e le 19 juin 2009;

CONFIRME la dĂ©cision de la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail rendue le 3 juin 2009 lors d’une rĂ©vision administrative;

DÉCLARE que l’emploi de commis au classement constitue un emploi convenable pour la travailleuse, emploi dont le revenu annuel est estimĂ© Ă  20 856 $ et que la travailleuse est capable d’exercer cet emploi Ă  compter du 9 mars 2009;

DÉCLARE que l’emploi convenable en question n’étant pas disponible, la travailleuse a droit au versement des indemnitĂ©s de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle travaille comme commis au classement ou, au plus tard, jusqu’au 8 mars 2010.

 

 

 

 

_____________________________

 

Michel Watkins

 

 

 

 

Madame Marie Lachance

GESTION CONSEIL CPC

Représentante de la partie intéressée

 

 

Me Karine Savard

VIGNEAULT, THIBODEAU, GIARD

Représentante de la partie intervenante

 



[1] L.R.Q. c. A-3.001

[2] Arbour et Maison Mùre des SƓurs de St-Joseph, C.L.P. 276396-62B-0511, 16 mars 2007, N. Blanchard.

[3] Maison MĂšre des SƓurs de St-Joseph et Arbour, C.L.P. 297495-62B-0608, 16 mars 2007, N. Blanchard; requĂȘte en rĂ©vision pour cause rejetĂ©e, 11 janvier 2008, S. SĂ©nĂ©chal.

[4] Note du tribunal : selon la lettre de la conseillĂšre Fontaine produite Ă  l’audience.

[5] Note du tribunal : tel qu’il appert de la note de l’agente Beauchemin du 21 octobre 2008.

[6]    Lapointe et Compagnie miniĂšre QuĂ©bec-Cartier, [1989] C.A.L.P. 38  ; Morel et Le Centre Routier inc.,

      [1989] C.A.L.P. 1171  ; Lafleur et Transport Shulman ltĂ©e, C.A.L.P. 29153-60-9105, 26 mai 1993, J.

      L'Heureux ; Millette et CommunautĂ© urbaine de MontrĂ©al, [1994] C.A.L.P. 853  ; Marshall et Adam

      Lumber inc., [1998] C.L.P. 1216  ; Thibault et SociĂ©tĂ© canadienne des postes, C.L.P. 246132-71-0410,

      26 mai 2006, Anne Vaillancourt.

[7]    Boisvert et Halco inc., [1995] C.A.L.P. 19  ; Rivest et Star Appetizing inc. Products inc., C.L.P. 175073-

      61-0112, 7 avril 2004, L. Nadeau (dĂ©cision sur requĂȘte en rĂ©vision).

[8]    C.L.P. 358643-64-0809, 12 avril 2010, M. Montplaisir.

 

[9]    Boisvert et Halco inc, [1995] C.A.L.P. 19 , supra note 7.

[10]  Dubois et C.H.S.L.D. Biermans-Triest, C.L.P. 234432-62-0405, 19 mars 2007, B. Roy (décision

    sur requĂȘte en rĂ©vision)

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.