St-Pierre et (PP) St-Pierre |
2009 QCCLP 6855 |
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[1] Le 9 février 2009, madame Gisèle St-Pierre (la travailleuse), conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 20 janvier 2009 à la suite d’une révision administrative.
[2] Cette décision confirme celle rendue initialement par la CSST le 11 septembre 2008 et déclare que la travailleuse n’a pas droit au remboursement d’un lit orthopédique.
[3] Une audience est tenue à la Commission des lésions professionnelles à Gatineau, le 24 septembre 2009, à laquelle assiste la travailleuse représentée par procureur. La travailleuse étant une personne inscrite à la CSST à titre de travailleuse autonome et bénéficiant d’une protection personnelle, aucun employeur n’est présent à l’audience. Le dossier est mis en délibéré le 24 septembre 2009.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] La travailleuse demande au tribunal de déclarer qu’elle a droit au remboursement d’un lit orthopédique électrique double avec télécommande.
LES FAITS
[5] La travailleuse exerce le travail de couturière pendant 35 années à la suite desquelles la CSST reconnaît qu’elle est victime d’une lésion professionnelle sous forme de maladie professionnelle à compter du 24 octobre 2000. Le diagnostic retenu est une tendinite bilatérale aux épaules avec syndrome d’accrochage secondaire. À cela s’ajoute un phénomène d’arthrose acromio-claviculaire bilatérale.
[6] En plus de différents traitements conservateurs, la travailleuse subit une chirurgie à l’épaule gauche, à savoir une acromioplastie avec exérèse de la clavicule distale à gauche. Une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique de 27,50 % est reconnue de même que des limitations fonctionnelles.
[7] La travailleuse est prise en charge par le service en réadaptation de la CSST qui décide, en date du 28 février 2002, qu’aucun emploi convenable ne peut être déterminé dans sa situation. Cette décision lui donne droit à des indemnités de remplacement du revenu jusqu’à l’âge de 68 ans (réduites à compter de l’âge de 65 ans).
[8] De plus, la CSST consent à verser à la travailleuse des allocations pour aide personnelle à domicile jusqu’au 12 juillet 2001. Ces allocations sont prolongées à la suite d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles[1]. Dans sa décision, le juge administratif écrit :
[32] Dans le présent cas, le tribunal est d’avis que la seule preuve véritablement probante et motivée, est le rapport d’évaluation complété au mois d’août 2002, par madame Isabelle Brochu, ergothérapeute. Ce rapport indique clairement que la travailleuse est à la fois incapable de prendre totalement soin d’elle-même «et» d’effectuer sans aide les tâches domestiques qu’elle effectuerait normalement. À cet effet, le pointage de 18 suggéré par madame Brochu, est tout à fait raisonnable.
[33] En effet, lorsqu’on tient compte de l’importance du déficit anatomo-physiologique et des limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle du mois d’octobre 2000 et à la suite de laquelle la CSST a décidé que la travailleuse n’était plus capable d’occuper aucun emploi, il apparaît évident que cette dernière a besoin d’une aide personnelle à domicile de l’ordre de celle suggérée par madame Brochu. D’autant que la preuve non contestée, est à l’effet que l’intervention chirurgicale à l’épaule gauche de la travailleuse, n’a pas amélioré sa condition et qu’ainsi son épaule droite n’a pas été opérée.
[9] Le 22 août 2007, la CSST refuse le remboursement d’un lit électrique avec vibromassage pour le motif que cette demande n’est pas reliée à la lésion professionnelle de la travailleuse. Les notes évolutives rédigées par l’agente d’indemnisation précisent que la travailleuse présente une condition personnelle de spondylarthrose dorsale. Cette décision n’est pas contestée.
[10] En date du 20 septembre 2007, une rechute, récidive ou aggravation est acceptée par la CSST à la suite d’une déchirure à l’épaule droite. Toutefois, étant donné que la travailleuse a été déclaré inemployable par la CSST, elle continue de recevoir ses indemnités de remplacement du revenu en réadaptation.
[11] À la suite de cette rechute, récidive ou aggravation, la travailleuse s’est vue autoriser le remboursement des coûts reliés à une résonance magnétique de l’épaule droite de même que des traitements de physiothérapie pour ses deux épaules.
[12] Le 23 avril 2008, la docteure Johanne Bruneau, omnipraticienne, recommande à la travailleuse un lit électrique et elle précise que cette recommandation est en raison de sa tendinite chronique aux deux épaules. La CSST refuse cette demande en date du 11 septembre 2008 pour le motif que la travailleuse ne présente pas les critères d’attribution pour cet équipement. Cette décision est contestée et fait l’objet de la présente décision.
[13] En date du 7 avril 2009, la chirurgienne orthopédiste, Odette Perron, recommande à la travailleuse l’achat d’un lit orthopédique électrique pour les motifs suivants :
Étant donné une problématique douloureuse majeure, très peu de mobilité au niveau des épaules, abduction et élévation d’environ 90 degrés, 20 en rotation interne et 50 en rotation externe de façon bilatérale, il est très difficile actuellement pour Madame de dormir sur le dos d’autant plus que cette position amène les épaules en protraction vers l’arrière ce qui accentue le tableau douloureux et la condition bilatérale empêche le décubitus latéral droit ou gauche comme alternative. La seule position plus confortable pour le sommeil serait une position semi-assise pour laquelle un lit orthopédique ou électrique devrait être prodigué à Madame afin qu’elle puisse mieux se positionner et avoir un sommeil plus récupérateur.
[14] La docteure Perron complète en date du 7 avril 2009 un rapport médical recommandant à sa patiente d’être suivie à la clinique des douleurs.
[15] La travailleuse témoigne à l’audience. Elle explique qu’elle n’a repris aucune activité de travail étant donné sa condition aux épaules de plus en plus douloureuse. Elle demande au tribunal le remboursement pour un lit orthopédique électrique double avec télécommande parce qu’elle doit dormir en position assise avec un oreiller ou semi-assise. La télécommande lui permettrait de bouger facilement la position du matelas. Son sommeil est perturbé.
[16] Elle demande aussi que le lit soit double compte tenu du fait qu’elle demeure avec son conjoint. Elle explique qu’ils font vie commune depuis toujours. Le lit double leur permettra, individuellement, de positionner le matelas selon leurs besoins personnels.
[17] À l’audience, le procureur de la travailleuse informe le tribunal qu’une nouvelle rechute, récidive ou aggravation est acceptée par la CSST en date du 7 avril 2009.
L’AVIS DES MEMBRES
[18] Le membre issu des associations d’employeurs rejetterait la requête de la travailleuse puisqu’il considère que la travailleuse ne démontre pas de changement de sa condition depuis le premier refus de remboursement pour l’achat d’un lit électrique par la CSST le 22 août 2007.
[19] Le membre issu des associations syndicales accueillerait la requête de la travailleuse puisque les motifs énoncés par la docteure Perron expliquent bien les motifs de la demande de sa patiente.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[20] Dans un premier temps, le tribunal doit décider de la recevabilité de la requête de la travailleuse puisque la CSST avait déjà rendu une décision portant sur le même sujet qui n’a pas été contestée par la travailleuse. Par la suite, si la demande est recevable, la Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a droit au remboursement d’un lit orthopédique électrique double avec télécommande.
[21] La preuve au dossier démontre que le motif de refus de la première demande de la travailleuse en août 2007 est motivé par l’absence de relation entre une condition dorsale et la lésion professionnelle de la travailleuse.
[22] Or, peu de temps après, soit le 22 septembre 2007, la travailleuse a présenté une demande de rechute, récidive ou aggravation qui a été acceptée par la CSST pour son épaule droite.
[23] Par ailleurs, le tribunal considère que la nouvelle demande du 23 avril 2008 est bien documentée quant au lien avec la lésion professionnelle de la travailleuse. En effet, la prescription complétée par la docteure Bruneau fait référence aux tendinites aux deux épaules de la travailleuse.
[24] En conséquence, le tribunal conclut que la demande de la travailleuse est recevable, bien qu’une première décision ait été rendue par la CSST le 22 août 2007. En effet, la travailleuse avait le droit de présenter une nouvelle demande puisque les motifs pour lesquels son médecin lui prescrit un lit électrique sont différents. D’ailleurs, la CSST s’est à nouveau prononcée sur la nouvelle demande de la travailleuse. De plus, la preuve démontre que la condition médicale de la travailleuse s’est modifiée depuis le mois d’août 2007 puisque deux réclamations pour rechute, récidive ou aggravation ont été acceptées par la CSST.
[25] Quant à la question de fond, l’article 188 de la Loi sur les accidents et les maladies professionnelles[2] (la loi) prévoit ce qui suit :
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
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1985, c. 6, a. 188.
[26] L’article 189 décrit ce que comprend l’assistance médicale :
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit :
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
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1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.
[27] La jurisprudence du tribunal[3] est quasiment unanime à l’effet que le lit électrique ou orthopédique ne peut être considéré à titre d’assistance médicale puisque cette aide technique n’est pas prévue aux 4 premiers paragraphes de l’article 189 ni au Règlement sur l’assistance médicale (le règlement)[4].
[28] En effet, le règlement prévoit spécifiquement que seul le lit d’hôpital à ajustement manuel ou électrique ainsi que ses accessoires peut être accepté en location par la CSST. Les dispositions pertinentes sont les suivantes :
AIDES TECHNIQUES ET FRAIS
18. La Commission assume le coût de location, d'achat et de renouvellement d'une aide technique prévue à l'annexe II, aux conditions et selon les montants prévus à la présente section et à cette annexe, lorsque cette aide technique sert au traitement de la lésion professionnelle ou qu'elle est nécessaire pour compenser des limitations fonctionnelles temporaires découlant de cette lésion.
La Commission assume également les frais prévus à l'annexe II, aux conditions et selon les montants indiqués à cette annexe sur présentation de pièces justificatives détaillant leur coût.
D. 288-93, a.18
23. La Commission assume uniquement le coût de location d’une aide technique lorsque l’annexe II n’en prévoit que la location.
D. 288-93, a. 23.
(a. 18,19,23 et 24)
AIDES TECHNIQUES ET FRAIS
AIDES TECHNIQUes
4° Lits d'hôpitaux et accessoires:
Le coût de location d'un lit d'hôpital et de ses accessoires soit les côtés de lit, la table de lit, le cerceau, le trapèze et le tabouret d'utilité.
Le coût de location d'un lit d'hôpital électrique est assumé uniquement lorsque le travailleur n'a personne pouvant manoeuvrer son lit au besoin et qu'il est capable de manoeuvrer seul un lit électrique.
[29] Quant à savoir si un lit orthopédique ou électrique peut être assimilé à un lit d’hôpital, la Commission des lésions professionnelles répond par la négative dans plusieurs décisions[5]. Plus précisément, dans l’affaire Jourdain[6], le tribunal est d’avis qu’un lit d’hôpital est généralement un lit simple muni de côtés, d’un cerceau, d’un trapèze et d’un tabouret d’utilité. Cela est différent d’un lit orthopédique mobile à deux places. Dans une autre décision, l’affaire Savard[7], le tribunal ajoute que le lit d’hôpital réfère à un alitement diurne et nocturne alors qu’un lit orthopédique ne réfère qu’à une utilisation nocturne.
[30] Toutefois, en sus de l’assistance médicale, un travailleur victime d’une lésion professionnelle dispose d'un droit à la réadaptation tel que le prévoit l’article 145 de la loi. Ce droit se décline en plusieurs catégories distinctes selon l’article 146 de la loi. Ces articles se lisent comme suit :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
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1985, c. 6, a. 145.
146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.
Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.
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1985, c. 6, a. 146.
[31] La fourniture d'un lit orthopédique électrique ne répond pas à un besoin de réadaptation professionnelle ni même à un besoin de réadaptation physique, puisqu'il ne s'agit pas d'éliminer ou d'atténuer l'incapacité physique de la travailleuse et de lui permettre de développer sa capacité résiduelle afin de pallier les limitations fonctionnelles permanentes qui résultent de sa lésion professionnelle.
[32] Cependant, cette fourniture peut s'inscrire dans le cadre du droit à la réadaptation sociale, dont le but s’énonce ainsi aux termes de l'article 151 de la loi :
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
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1985, c. 6, a. 151.
[33] L’article 152 le la loi prévoit ce que peut comprendre, notamment un programme de réadaptation sociale :
152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :
1° des services professionnels d'intervention psychosociale;
2° la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;
3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;
4° le remboursement de frais de garde d'enfants;
5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.
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1985, c. 6, a. 152.
[34] Comme l’explique avec justesse et à bon droit le tribunal, sous la plume du juge administratif Guylaine Tardif dans l’affaire Fleury[8] :
[45] Selon la jurisprudence bien établie en la matière4, l’emploi des termes « peut comprendre notamment » est l’indice d’une énumération non limitative des mesures de réadaptation autorisées par la loi.
[46] En fait, tel que le prévoient les articles 146, 149, 152 et 167 de la loi, en matière de réadaptation, tout est affaire de besoins particuliers à chaque cas.
[47] Il s’avère donc qu’en matière de demande de remboursement relative à une aide technique, les dispositions contenues au chapitre de l’assistance médicale et les dispositions contenues au chapitre de la réadaptation ne s’opposent pas; elles sont en fait plutôt complémentaires.
[48] Tel qu’on l’a vu précédemment en effet, l’article 189 de la loi et le champ d’application du règlement couvrent les aides techniques associées à la période de consolidation d’une lésion professionnelle ou des besoins qui sont essentiellement de durée temporaire, alors que le chapitre de la réadaptation couvre les besoins permanents qui découlent de la lésion professionnelle.
[49] En somme, selon que le besoin est temporaire ou permanent et la période pendant laquelle ce besoin apparaît, la demande de remboursement de frais associée à l’usage d’un lit électrique ou d’un matelas orthopédique devrait être réglée selon l’un ou l’autre des chapitres de la loi.
4 Bissonnette et Équipement Moore ltée, 245980-62C-0410, 13 juin 2005, A. Suicco, requête en révision rejetée; Bouchard et Produits forestiers Domtar, 211955-02-0307, 2 octobre 2003, M. Juteau; Crnich et Roxboro Excavation inc., 186928-64-0206, 17 janvier 2003; J.-F. Martel; Lefebvre et Les ameublements G.B. inc., 169212-64-0109, 12 février 2002, F. Poupart; Julien et Construction Nationair inc., 120819-32-9907, 7 août 2000, G. Tardif, (00LP-54); Mathieu et Désourdy-Duranceau Ent. Inc., 112847-62A-9903, 14 septembre 1999, J. Landry.
[35] Par ailleurs, la soussignée est d’avis que la demande de remboursement du coût d’achat d’un lit orthopédique électrique s’inscrit très bien dans le cadre des mesures de réadaptation prévue à l’article 152 de la loi d’autant plus qu’il s’agit d’une mesure du même genre que celles énumérées, de manière non exhaustive à cet article.
[36] À ce sujet, c’est ainsi que s’est déjà exprimée la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Lefebvre et Les ameublements G.B. inc[9].
[40] La Commission d'appel en matière de lésions professionnelles s’est déjà prononcée sur l’interprétation qu’on doit donner aux termes de l’article 152, paragraphe 2, précité. Dans le dossier Bibeau et ATCO LTD3, où un travailleur, limité dans ses déplacements personnels en raison des séquelles de sa lésion professionnelle aux membres inférieurs, réclamait le remboursement du prix d’achat d’un fauteuil roulant motorisé, la Commission d'appel a déclaré ce qui suit :
« [...] les dispositions de l’article 152, vu le terme utilisé « notamment » au premier alinéa de cet article, impliquent qu’il ne s’agit pas uniquement des mesures expressément décrites dans les paragraphes qui suivent cet alinéa mais peuvent comprendre d’autres mesures du même genre. Le quadriporteur est une mesure qui s’apparente à l’adaptation d’un véhicule prévu dans cet article puisque ce n’est pas uniquement le déplacement du travailleur en automobile qui est visé mais le déplacement à des endroits où un véhicule ne peut se rendre.
[...] »
3 C.A.L.P. 83427-60-9610, 97-05-09, F. Dion-Drapeau ; voir aussi : Mathieu et Désourdy Duranceau ent. inc., 112847-62A-9903, 99-09-14, J. Landry.
[37] Qu’en est-il dans le cas en espèce ?
[38] La preuve médicale soumise par la travailleuse explique très bien les motifs pour lesquels ses médecins recommandent l’achat d’un lit orthopédique électrique. En effet, compte tenu de la faible mobilité des épaules de la travailleuse, celle-ci peut dormir très difficilement sur le dos. D’après la docteure Perron, la position semi-assise est la position la plus appropriée pour sa patiente, d’où la nécessité de se procurer un lit orthopédique.
[39] Selon le témoignage très crédible de la travailleuse à l’audience, celle-ci explique les difficultés de sommeil qu’elle rencontre dû à sa lésion professionnelle aux épaules.
[40] Chaque cas devant être analysé à son mérite, la Commission des lésions professionnelles prend aussi en considération le fait que la lésion professionnelle de la travailleuse lui a laissé des séquelles importantes. En effet, la CSST a reconnu le droit à la réadaptation pour la travailleuse et a déclaré que celle-ci est inemployable. De plus, des allocations pour aide à domicile lui ont été consenties.
[41] Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles considère tout à fait approprié dans les circonstances, la demande de la travailleuse à l’effet que le lit puisse se manœuvrer à l’aide d’une télécommande. En effet, en raison des limitations fonctionnelles évaluées à la suite de sa lésion professionnelle, le tribunal considère que la travailleuse serait incapable de manipuler le lit manuellement. Rappelons que le siège de la lésion de la travailleuse est aux deux épaules
[42] Reste à décider, si le lit orthopédique électrique doit être double. La travailleuse a témoigné sobrement de la qualité de sa vie de couple et de son mode de vie antérieur à sa lésion professionnelle. Elle a exprimé son désir que cette qualité de vie se maintienne dans la mesure du possible.
[43] Afin de solutionner cette question, il y a lieu de référer à l’objectif de la réadaptation sociale énoncé à l’article 151 de la loi qui énonce:
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
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1985, c. 6, a. 151.
[44] Il importe aussi de tenir compte de l’objet de loi qui se lit ainsi :
1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.
[45] La soussignée considère que la demande de la travailleuse s’inscrit dans le sens de l’objectif de ces articles. Tout comme l’a décidé à au moins deux reprises la Commission des lésions professionnelles[10], la loi doit être appliquée de manière à tenir compte de la réalité et en ce sens l’achat d’un lit double est une mesure appropriée.
[46] Dans le cas présent, la preuve est démontrée que la travailleuse fait vie commune avec son conjoint et souhaite que cela continue. Le tribunal ne peut certainement pas être en désaccord avec cette demande puisque cela lui permettra de surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles de sa lésion professionnelle.
[47] La Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion que la travailleuse a fait la preuve qu’elle a droit au remboursement des coûts reliés à l’achat d’un lit orthopédique électrique double avec télécommande.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de madame Gisèle St-Pierre, la travailleuse;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 20 janvier 2009 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que madame Gisèle St-Pierre a droit au remboursement du coût d’achat d’un lit orthopédique électrique double avec télécommande.
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Michèle Gagnon Grégoire |
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Me Charles Magnan |
Représentant de la partie requérante
[1] C.L.P. 184950-07-0205, 24 janvier 2003, A. Suicco
[2] L.R.Q., c. A-3.001
[3] Voir notamment : Jourdain et Hydro-Québec, [2003] C.L.P. 1006 ; McCutcheon et Construction René Leclerc (fermé), 220504-03B0311, 14 juillet 2004, C. Lavigne; Fleury et Boulangerie Gadoua Ltée, C.L.P. 339742-31-0802, 19 septembre 2008 (décision rectifiée le 30 octobre 2008), G. Tardif.
[4] (1993) 125 G.O. 2, 1331
[5] Savard et Jean Leclerc Excavation, 94640-03-9803, 21 octobre 1998, G. Godin; McCutcheon et Construction René Leclerc (fermé), précitée, note 4 ; Jourdain et Hydro-Québec, précitée, note 3.
[6] Précitée, note 3
[7] Précitée, note 5
[8] Précitée note 3
[9] C.L.P. 169212-64-0109, 12 février 2002, F. Poupart
[10] St-Martin et Pavillon CHSLD-CLSC Nord-de-l’île, C.L.P. 326839-71-0709, 27 juin 2008, G. Robichaud; Robert et Comax Coopérative Agricole, C.L.P. 25771-31-0503, 30 janvier 2007, P. Simard.
AVIS :
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