DÉCISION
[1] Le 27 septembre 2002 monsieur Jean-Noël Mathieu (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 15 août 2002 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 10 juillet 2002, déclare que le travailleur n’a pas droit aux frais à engager pour l’entretien et la réparation d’un téléphone cellulaire et déclare qu’il n’a pas droit aux frais reliés à l’achat d’accessoires non spécifiques à la déficience visuelle.
[3] Le travailleur, non représenté, et Me Claude Lanctôt, représentant la CSST, sont présents à l’audience tenue à Saint-Jean-sur-Richelieu le 16 mai 2003. Après les précisions apportées par le travailleur concernant l’objet de sa contestation, il a été établi qu’il n’était pas nécessaire d’entendre les trois témoins à qui le travailleur avait fait parvenir une citation à comparaître. De plus, le travailleur décide de quitter avant la fin de l’audience, soit lorsque Me Lanctôt débute son argumentation.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’il a droit au remboursement des frais à engager éventuellement pour l’entretien et la réparation du téléphone cellulaire de marque Motorola Timeport MC 270C.
[5] Le travailleur précise qu’il ne réclame plus le remboursement de frais reliés à l’achat d’accessoires pour ce téléphone cellulaire.
L'AVIS DES MEMBRES
[6] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis que les coûts reliés à l’entretien et à la réparation d’un téléphone cellulaire ne peuvent être remboursés au travailleur. Un téléphone cellulaire ne peut être considéré comme une nécessité de la vie et l’utilisation d’un tel appareil de communication n’est pas rendue nécessaire par la déficience visuelle du travailleur.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement de frais à engager éventuellement pour l’entretien et la réparation du téléphone cellulaire de marque Motorola Timeport MC 270C.
[8] Le travailleur subit un accident du travail le 3 juin 1975. Il s’inflige une sévère blessure à l’œil gauche. L’atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique est évaluée à 109,8%. Le travailleur est porteur d’une cécité légale et, en juillet 1996, la CSST déclare que le travailleur ne pourra retourner sur le marché du travail et, en conséquence, verse une indemnité de remplacement du revenu en vertu de l’article 47 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[9] Le travailleur a bénéficié de mesures de réadaptation sociale. En mai 2002, madame Marie Boutet, agente de réadaptation en déficience visuelle à l’Institut Nazareth & Louis-Braille, fait une évaluation des besoins du travailleur. Lors d’une visite au domicile du travailleur, ce dernier mentionne que son cellulaire coûte cher à cause de nombreuses erreurs de touche.
[10] Le 10 juillet 2002 la CSST décide de défrayer le coût d’achat d’un téléphone cellulaire de marque Motorola Timeport MC 270C et mentionne que la CSST ne sera pas responsable de l’entretien, de la réparation et des frais reliés à l’utilisation de ce téléphone. Dans sa demande de révision du 11 juillet 2002 le travailleur signifie son désaccord avec cette décision en précisant que la CSST ne «fait pas mention de ce qui est connexe au cellulaire» et qu’il n’est pas d’accord avec le fait que l’entretien de ce téléphone soit à ses frais.
[11] Le 15 août 2002, à la suite d’une révision administrative, la CSST confirme sa décision du 10 juillet 2002 en précisant que «l’achat d’un téléphone cellulaire demeure un choix personnel et n’a pas pour objectif de diminuer les conséquences sociales et personnelles d’une lésion professionnelle». Le 27 septembre 2002 le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles pour contester cette décision du 15 août 2002.
[12] À l’audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles la travailleur souligne qu’il possédait déjà un téléphone cellulaire, qu’il avait reçu en cadeau; le numéro de téléphone relié à ce cellulaire était au nom de sa conjointe même si c’était lui qui en était propriétaire. Le travailleur souligne qu’il voyait à l’entretien de ce cellulaire mais que le modèle autorisé par la CSST coûte plus cher en entretien et que, s’il brise, il en coûtera beaucoup plus cher pour le réparer. Le travailleur veut aussi s’assurer que la CSST verra à lui payer un autre téléphone cellulaire si le modèle actuel ne convient plus.
[13] La Commission des lésions professionnelles a informé le travailleur que si le modèle actuel ne convient plus en raison du handicap visuel dont il est porteur, il n’aura qu’à adresser une demande à la CSST qui verra à rendre une décision en conséquence.
[14] Me Lanctôt, représentant la CSST, soumet que la travailleur doit voir lui-même à l’entretien et à la réparation du téléphone cellulaire. Il mentionne que la CSST a accepté de fournir un nouveau téléphone cellulaire au travailleur dans un contexte d’adaptation. Me Lanctôt soumet que les frais d’adaptation d’une automobile peuvent être assumés par la CSST dans le cadre d’une mesure de réadaptation sociale mais pas les frais d’entretien. Par analogie, le même principe doit être appliqué pour le téléphone cellulaire. À l’appui de ses arguments Me Lanctôt dépose une décision rendue par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles[2] et deux autres rendues par la Commission des lésions professionnelles[3].
[15] Les articles 151 et 152 de la loi ont trait à la réadaptation sociale :
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
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1985, c. 6, a. 151.
152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :
1 des services professionnels d'intervention psychosociale;
2 la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;
3 le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;
4 le remboursement de frais de garde d'enfants;
5 le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.
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1985, c. 6, a. 152.
[16] Dans l’affaire Frigault[4], la commissaire Nadeau, pour décider si la travailleuse peut bénéficier de certaines mesures de réadaptation sociale, fait une distinction entre un critère de nécessité et les critères d’utilité et de facilité. Il est difficile de pas être en accord avec cette façon de voir les choses. Ainsi, dans le présent cas, la Commission des lésions professionnelles considère que le fait de posséder un téléphone cellulaire n’est pas une nécessité de la vie, même pour une personne porteuse d’un handicap visuel important. La CSST, de bien bon gré, a accepté de défrayer les coûts d’achat d’un téléphone cellulaire en tenant compte du handicap visuel du travailleur. Il est tout à fait normal que le travailleur voit ensuite à l’entretien et à la réparation de ce cellulaire, ce qui relève du gros bon sens.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête déposée le 27 septembre 2002 par monsieur Jean-Noël Mathieu;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 15 août 2002 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur Mathieu n’a pas droit aux frais à engager éventuellement pour l’entretien et la réparation d’un téléphone cellulaire de marque Motorola Timeport MC 270C.
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Richard Hudon |
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Commissaire |
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Panneton Lessard, avocats (Me Claude Lanctôt)
Représentant de la partie intervenante |
AVIS :
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