Décision

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Suder et Wal-Mart Canada (Commerce détail)

2009 QCCLP 7305

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Gatineau

30 octobre 2009

 

Région :

Abitibi-Témiscamingue

 

Dossiers :

360996-08-0810    366403-08-0812    371718-08-0903

 

Dossier CSST :

131839235

 

Commissaire :

Marie Langlois, juge administratif

 

Membres :

Serge Turgeon, associations d’employeurs

 

Michel Paquin, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Maria Suder

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Wal-Mart Canada (Commerce détail)

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

 

 

Dossier 360996-08-0810

 

[1]                Le 20 octobre 2008, madame Maria Suder (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue le 3 septembre 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme sa décision initiale du 5 mai 2008 et déclare que le diagnostic de hernie discale C5-C6 centrolatérale n’est pas en relation avec l’événement du 11 septembre 2007 et que la travailleuse n’a pas droit aux prestations de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) en regard de ce diagnostic. Elle confirme également sa décision du 25 février 2008 et déclare que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des frais pour le médicament Maxalt RDP 5mg. Elle modifie une décision du 9 juin 2008 et déclare que pour les frais de déplacement effectués le 2 avril 2008, la travailleuse a droit au remboursement sur une base de 0,145$ par kilomètre pour un maximum de 200 kilomètres. 

Dossier 366403-08-0812

[3]                Le 30 décembre 2008, la travailleuse dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue le 7 novembre 2008 par la CSST à la suite d’une révision administrative.

[4]                Par cette décision, la CSST confirme sa décision initiale du 8 septembre 2008. Elle fait état de l’avis rendu par le membre du Bureau d'évaluation médicale le 19 août 2008 qui n’a pas retenu le diagnostic de hernie discale cervicale et indique qu’elle est liée par cet avis quant au diagnostic d’entorse lombaire sur rachis avec deux conditions préexistantes : cyphoscoliose et spondylodiscarthrose multiétagée; quant à la date de consolidation fixée au 8 avril 2008 avec suffisance de soins et traitements et quant à la présence d’une atteinte permanente à l'intégrité physique et de limitations fonctionnelles. Elle déclare qu’elle est justifiée de poursuivre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se prononce sur la capacité de la travailleuse d’exercer son emploi, étant donné que la lésion est consolidée avec limitations fonctionnelles. Elle déclare également qu’elle doit cesser de payer les soins et traitements après le 8 avril 2008, puisqu’ils ne sont plus justifiés. De plus, elle déclare que la travailleuse a droit à une indemnité pour préjudice corporel étant donné la présence d’une atteinte permanente.

Dossier 371718-08-0903

[5]                Le 9 mars 2009, la travailleuse dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue le 21 janvier 2009 par la CSST à la suite d’une révision administrative.

[6]                Par cette décision, la CSST confirme sa décision initiale du 21 novembre 2008 et déclare que la lésion professionnelle du 11 septembre 2007 a entraîné une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique de 2,20% et que la travailleuse a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 1 270,19$ plus intérêts.

[7]                L’audience a été tenue le 16 septembre 2009 à la Commission des lésions professionnelles à Rouyn. La travailleuse y est représentée par procureur. Quant à Wal-Mart Canada (Commerce détail) (l’employeur), il est également représenté par procureur. L’affaire est mise en délibéré le 16 septembre 2009.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

Dossier 360996-08-0810

[8]                La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la hernie discale C5-C6 centrolatérale qui l’affecte est en lien avec l’événement du 11 septembre 2007 et constitue une lésion professionnelle. Elle demande également que lui soit remboursés le médicament Maxalt de même que ses frais de déplacement pour la visite médicale faite au docteur Tran le 2 avril 2008 à Montréal selon les tarifs pour les voyages autorisés en automobile.

Dossier 366403-08-0812

[9]                La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que l’avis rendu par le docteur Molina-Negro du Bureau d'évaluation médicale est irrégulier en regard de la condition cervicale de sorte que l’opinion de son médecin, le docteur Sventek serait à retenir, à savoir que la hernie discale cervicale C5-C6 n’est pas encore consolidée et qu’il est trop tôt pour cesser les traitements ou évaluer les séquelles de la lésion. De façon subsidiaire, dans le cas où le diagnostic de hernie discale cervicale n’est pas retenu, la travailleuse ne conteste pas les autres conclusions du Bureau d'évaluation médicale à savoir la date de consolidation, la suffisance des soins et traitements ni le déficit anatomophysiologique établi à 2 % et les limitations fonctionnelles.

Dossier 371718-08-0903

[10]           La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il est trop tôt pour évaluer les séquelles de la lésion professionnelle qui a engendré la hernie discale C5-C7.

 

 

L’AVIS DES MEMBRES

[11]           Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales, sont d’avis que la requête reçue à la Commission des lésions professionnelles le 20 octobre 2008 est recevable compte tenu du délai postal.

[12]           Ils sont également d’avis que la hernie discale cervicale n’est pas en lien avec la lésion professionnelle du 11 septembre 2007 et qu’elle ne constitue pas une lésion professionnelle puisque de façon contemporaine à l’événement, il n’y a pas de signe objectivé de hernie par les médecins consultés. Ils rejetteraient la requête de la travailleuse à ce sujet.

[13]           Quant à la lésion lombaire, ils estiment que les conclusions du docteur Molina-Negro du Bureau d'évaluation médicale doivent être maintenues, compte tenu du fait que la travailleuse ne les conteste pas.

[14]           Pour la question des frais de déplacement pour la visite au docteur Tran à Montréal, ils sont d’avis qu’ils devraient être remboursés comme une visite autorisée du fait que ces soins ou examens chez le spécialiste ne pouvaient être effectués à une distance moindre. Ils feraient droit à la requête de la travailleuse à ce sujet.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

[15]           Le procureur de l’employeur soumet que la requête de la travailleuse, dans le cadre du dossier portant sur le diagnostic de hernie discale C5-C6, le remboursement du médicament Maxalt et des frais de déplacement (dossier 360996), est irrecevable puisqu’elle ne respecte pas le délai de 45 jours prévu pour son dépôt, conformément aux dispositions de la loi.

LES FAITS ET LES MOTIFS EN REGARD DE LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

[16]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si la requête de la travailleuse, reçue à la Commission des lésions professionnelles le 20 octobre 2008, est recevable. Cette requête vise la contestation d’une décision rendue par la CSST le 3 septembre 2008.

[17]           La loi prévoit à son article 359 un délai de 45 jours. La disposition est la suivante :

 

359.  Une personne qui se croit lésée par une décision rendue à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358 peut la contester devant la Commission des lésions professionnelles dans les 45 jours de sa notification.

__________

1985, c. 6, a. 359; 1992, c. 11, a. 32; 1997, c. 27, a. 16.

 

 

(Le tribunal souligne)

 

 

[18]           Comme l’énonce la jurisprudence constante de la Commission des lésions professionnelles, le délai commence à courir à compter de la notification de la décision, c’est-à-dire à compter de sa réception par la personne qui se croit lésée, de manière à ce qu’elle en prenne connaissance[2]. Le courrier est généralement livré dans un délai de 3 à 5 jours[3].

[19]           Or, en l’espèce, la décision de la CSST est datée du 3 septembre 2008. Considérant que la travailleuse en a été notifiée dans les 3 à 5 jours suivants, il en résulte que le 20 octobre serait au mieux le 42ième jour ou au pire le 44ième jour suivant la notification. Or, puisque la loi prévoit un délai maximal de 45 jours, force est de constater que la travailleuse a déposé sa contestation à l’intérieur du délai légal.

[20]           En conséquence, la Commission des lésions professionnelles conclut que la requête de la travailleuse est recevable et rejette la question préliminaire soulevée par l’employeur.

MOYEN PRÉALABLE

[21]           L’employeur soulève également un moyen préalable en regard de la demande de révision déposée par la travailleuse le 29 avril 2008 à l’encontre de la décision initiale de la CSST rendue le 25 février 2008 portant sur le remboursement du médicament Maxalt.

[22]           Soulignons que la loi prévoit un délai de révision de 30 jours de la notification de la décision initiale. L’article 358 se lit ainsi :

358.  Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.

 

Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365 .

 

Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2 ni du refus de la Commission de renoncer à un intérêt, une pénalité ou des frais ou d'annuler un intérêt, une pénalité ou des frais en vertu de l'article 323.1 .

__________

1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14; 2006, c. 53, a. 26.

 

 

[23]           La travailleuse ayant déposé sa demande de révision le 29 avril 2008 à l’encontre d’une décision du 25 février 2008, le tribunal estime, compte tenu des délais postaux, que celle-ci a agi une soixantaine de jours après la notification de la décision. Sa demande de révision est donc hors délai.

[24]           Notons que la loi prévoit que la CSST peut prolonger un délai ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter en présence d’un motif raisonnable expliquant le retard. L’article 352 de la loi se lit comme suit :

352. La Commission prolonge un délai que la présente loi accorde pour l'exercice d'un droit ou relève une personne des conséquences de son défaut de le respecter, lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.

__________

1985, c. 6, a. 352.

 

 

[25]           Signalons une définition de motif raisonnable énoncée et reprise de façon constante par la jurisprudence :

La notion des motifs raisonnables est, selon la Commission d’appel, une notion large permettant de considérer un ensemble de facteurs susceptibles d’indiquer, à partir des faits, des démarches, des comportements, de la conjoncture, des circonstances, etc., si une personne a un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure, de réflexion[4].

 

 

[26]           En l’espèce, la travailleuse invoque le fait qu’elle attendait d’avoir le rapport du docteur Desnoyers, qu’elle avait vu le 3 mars 2008 à la demande de la CSST, avant de déposer sa demande. Elle soutient également qu’elle préférait attendre les résultats de l’examen par résonnance magnétique. Elle avait des rendez-vous médicaux et attendait des réponses à ses interrogations, c’est ce qui expliquerait son retard à déposer sa demande de révision.

[27]           Le présent tribunal considère que ces motifs ne constituent pas des motifs raisonnables au sens de l’article 352 de la loi. En effet, il n’y a pas de lien comme tel entre la prescription du médicament Maxlat et le rapport du docteur Desnoyers, non plus qu’avec le rapport de résonance magnétique. Le rapport du docteur Desnoyers et le rapport de résonnance magnétique ne justifient pas le délai d’une soixantaine de jours pris par la travailleuse pour demander la révision de la décision du 25 février 2008.

[28]           Dans sa décision de révision administrative, la CSST est muette sur ce sujet, de sorte que le présent tribunal en infère qu’elle a relevé la travailleuse de son défaut de délai de façon implicite. Or, l’étude des motifs invoqués devant le présent tribunal, ne permet pas de relever la travailleuse de son défaut d’avoir respecté le délai prévu à la loi.

[29]           Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles conclut que la CSST aurait dû, en révision administrative, déclarer irrecevable la demande de révision de la travailleuse portant sur le remboursement du médicament Maxalt.

[30]           Ce faisant, le présent tribunal doit donc rejeter, pour d’autres motifs que ceux invoqués par la CSST, la requête de la travailleuse auprès de la Commission des lésions professionnelles en regard du remboursement du médicament Maxalt, ce qui dispose d’une partie de la contestation au dossier 360996-08-0810.

LES FAITS ET LES MOTIFS EN REGARD DES QUESTIONS DE FOND

[31]           La Commission des lésions professionnelles doit décider dans un premier temps si la hernie discale C5-C6 centrolatérale qui affecte la travailleuse est en relation avec l’événement du 11 septembre 2007 et constitue une lésion professionnelle. Si tel est le cas, en deuxième lieu, le tribunal doit déterminer la date de consolidation, la date de fin des soins et traitements et les séquelles de la lésion professionnelle. Troisièmement, le tribunal doit déterminer si les frais de déplacement pour la visite médicale du 2 avril 2008 au docteur Tran à Montréal doivent être remboursés selon les tarifs pour les voyages autorisés en automobile.

La hernie discale cervicale et les séquelles de la lésion

[32]           Le 11 septembre 2007, la travailleuse subit un accident du travail alors qu’elle manipule des valises lourdes pour les placer sur des étagères en hauteur dans le magasin de l’employeur. Une valise coince sur l’étagère qui est située au dessus du niveau de ses épaules. La travailleuse ressent alors des douleurs au cou côté droit, comme un coup de couteau ou un déchirement. Une douleur au bas du dos est également apparue au même moment.

[33]           Le même jour, elle consulte un médecin qui diagnostique une entorse lombaire et prescrit un arrêt de travail complet et des médicaments. Les notes médicales font voir que la travailleuse a également des douleurs à la palpation de la région cervicale, mais les mouvements du cou sont normaux.

[34]           Le 18 septembre 2007, le docteur Nakhostine diagnostique une entorse lombaire et cervicale. Le dossier ne comporte pas de rapport d’examen clinique. Le médecin prescrit des anti-inflammatoires et des traitements de physiothérapie. Une lombosciatique sévère est diagnostiquée le 28 septembre 2007.

[35]           Les notes médicales du 1er novembre 2007 font voir que la travailleuse souffre, en plus de l’entorse lombaire, de douleurs cervicales en investigation, selon le docteur Pavol Sventek, qui prend charge de la travailleuse par la suite. Ces notes ne font pas état de signes cliniques neurologiques en lien avec une éventuelle hernie discale.

[36]           Le 3 décembre suivant, le docteur Louis Bellemare, chirurgien orthopédiste, évalue la travailleuse dans le cadre d’une expertise médicale demandée par l’employeur. En plus de la question lombaire, il rapporte que la travailleuse ressent de la douleur cervicale sous forme d’un point douloureux à droite sans irradiation de type brachialgique et sans symptômes aux membres supérieurs. À son examen clinique neurologique de la région cervicale, il indique que les myotomes de C5 à T6 et les dermatomes de C5 à T1 aux deux membres supérieurs ne présentent pas d’anomalie motrice ou sensitive détectable. Les réflexes bicipital et tricipital sont symétriques. Le médecin ne retient aucun diagnostic eu égard à la région cervicale concluant que « À l’heure actuelle, elle se plaint principalement d’une lombalgie droite et à la fesse droite irradiée au membre inférieur droit de façon non territoriale ».

[37]           Le 12 décembre 2007, le docteur Sventek indique dans ses notes médicales que la travailleuse souffre de « douleur cervicale droite légère en investigation ». Les notes n’identifient pas de signes cliniques de hernie discale cervicale.

[38]           Le 3 janvier 2008, à la demande du docteur Sventek, une radiographie et une tomodensitométrie cervicales sont pratiquées. La radiographie est interprétée comme montrant des pincements intervertébraux C5-C6 et C6-C7 avec ébauche de formation d’ostéophytes, pouvant témoigner de discopathie dégénérative. Une tomodensitométrie axiale de la colonne cervicale est faite le même jour. L’examen est interprété comme montrant, au niveau C5-C6, un bombement discal à base large avec présence d’une petite hernie discale centrolatérale gauche venant en contact avec le sac dural postérieurement. En C6-C7, il y a aussi un bombement discal à base large avec discrète protrusion discale centrale venant en contact avec le sac dural postérieurement.

[39]           Les notes médicales du docteur Sventek du 7 janvier 2008 sont silencieuses en regard de la condition cervicale.

[40]           Le 21 janvier 2008, on retrouve à l’impression diagnostique de notes médicales du docteur Sventek, le diagnostic de hernie discale cervicale C5-C6 en plus de l’entorse lombaire. Les notes ne font cependant pas état de signes cliniques de hernie discale cervicale. Il prescrit des traitements de physiothérapie pour la hernie cervicale C5-C6. Le diagnostic de hernie discale cervicale est repris le 28 février 2008.

[41]           Le 3 mars 2008, le docteur Jacques Desnoyers, chirurgien orthopédiste, évalue la travailleuse à la demande de la CSST. Celle-ci se plaint principalement de douleurs cervicales. Le médecin n’évalue toutefois pas l’aspect cervical de la condition, la CSST lui ayant confié le mandat de n’évaluer que la condition lombaire. Il écrit ce qui suit :

L’objectif de cette expertise est d’établir l’état de madame au point de vue lombaire. Il est à noter que nous ne l’avons pas questionné au niveau de la région cervicale. [sic]

 

 

[42]           Le docteur Desnoyers estime que la lésion est consolidée à la date de son examen du 3 mars 2008 avec un déficit anatomophysiologique de 2% pour l’entorse lombaire avec des séquelles et des limitations fonctionnelles.

[43]           Le 2 avril 2008, le docteur Tinco Tran, chirurgien orthopédiste, reprend le diagnostic de hernie discale cervicale en plus des diagnostics concernant la région lombaire. Le dossier ne comporte pas ses notes évolutives, de sorte que le présent tribunal ne peut y vérifier s’il a constaté des signes cliniques de hernie discale cervicale.

[44]           Le 5 mai 2008, la CSST refuse de reconnaître la relation entre le diagnostic de hernie discale cervicale et l’événement du 11 septembre 2007. Elle maintient cependant le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu compte tenu de l’entorse lombaire, lésion qu’elle a reconnue en lien avec l’événement. La travailleuse conteste cette décision du 5 mai 2008, décision qui est maintenue à la suite d’une révision administrative, d’où l’un des aspects du litige au dossier 360996-08-0810

[45]           Le 20 mai 2008, le diagnostic de hernie discale cervicale est à nouveau repris par le docteur Sventek. Il est d’avis que la lésion ne sera pas consolidée avant 60 jours et recommande des travaux légers. Quant à la question lombaire, il retient le diagnostic de lombosciatalgie et discogénie. Il suggère qu’un plan de travaux légers soit mis en place et indique que la travailleuse est suivie par le docteur Tran. 

[46]           Une résonance magnétique du 22 juin 2008 est faite. On y décrit des bombements discaux à large base avec hernie discale centrolatérale à droite à C5-C6 sans sténose spinale ou foraminale. À C6-C7, il y a un bombement discal à large base sans hernie discale significative et sans sténose spinale ou foraminale. Il n’y a pas d’image suspecte au niveau de la moelle cervicale.

[47]           Le dossier est soumis au Bureau d'évaluation médicale et le 12 août 2008, le docteur Pedro Molina-Negro, neurochirurgien, évalue la travailleuse en sa qualité de membre du Bureau d'évaluation médicale. En plus d’évaluer la colonne lombaire, il examine la colonne cervicale puisque le diagnostic de hernie discale a été soulevé par plusieurs médecins.

[48]           Il indique que la lordose est conservée et qu’il n’y a pas de déviation latérale. Les amplitudes articulaires actives sont de 40 degrés en flexion, 30 degrés en extension, 60 degrés en rotations droite et gauche et 35 degrés en inclinaisons droite et gauche. Les mouvements sont souples. L’examen palpatoire éveille des douleurs uniquement au niveau des deux régions sous-occipitales. L’examen neurologique, concernant les réflexes, la sensibilité et la force segmentaire, est normal aux deux extrémités supérieures. Le docteur Molina-Negro conclut qu’il n’y a aucune séquelle fonctionnelle significative pouvant justifier le diagnostic d’entorse cervicale et encore moins celui de hernie discale cervicale. En ce qui a trait à la région lombaire, il conclut que le diagnostic est une entorse lombaire sur rachis avec deux conditions préexistantes : cyphoscoliose et spondylodiscarthrose multiétagée. Il estime que la lésion professionnelle est consolidée le 8 avril 2008 sans nécessité de traitement ou de soin supplémentaire, avec un déficit anatomophysiologique de 2 % pour une entorse dorsolombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées et des limitations fonctionnelles de la classe I de l’IRSST pour la région lombaire, à savoir :

Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :

 

-           Soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 15 à 25 kg;

-           Travailler en position accroupie;

-           Ramper, grimper;

-           Effectuer  des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire;

-           Subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (provoqués par du matériel roulant sans suspension par exemple).

           

 

[49]           La CSST rend, le 8 septembre 2008, une décision entérinant l’avis du Bureau d'évaluation médicale, décision que la travailleuse conteste et qui est maintenue à la suite d’une révision administrative, d’où un aspect de la contestation au dossier 360996-08-0810.

[50]           Puis, le 28 novembre suivant, le docteur Sventek remplit un rapport complémentaire après avoir pris connaissance du rapport du docteur Desnoyers. Il se dit en accord avec ses conclusions en regard de la date de consolidation, les soins et les séquelles. Cependant, il maintient le diagnostic de hernie discale cervicale.

[51]           Le représentant de la travailleuse plaide que l’avis du Bureau d'évaluation médicale est irrégulier.

[52]           La loi encadre le processus d’évaluation médicale. Les dispositions se retrouvent plus particulièrement aux articles 204, 205.1, 206, 212, 212.1, 217, 221, 224 et 224.1 :

 

204.  La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.

 

La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115 .

__________

1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.

 

 

205.1.  Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .

__________

1997, c. 27, a. 3.

 

 

206.  La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.

__________

1985, c. 6, a. 206; 1992, c. 11, a. 13.

 

 

212.  L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :

 

1° le diagnostic;

 

2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

 

3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

 

4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

 

5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

__________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.

 

 

212.1.  Si le rapport du professionnel de la santé obtenu en vertu de l'article 212 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de cet article, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission soumet ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .

__________

1997, c. 27, a. 5.

 

 

217.  La Commission soumet sans délai les contestations prévues aux articles 205.1, 206 et 212.1 au Bureau d'évaluation médicale en avisant le ministre de l'objet en litige et en l'informant des noms et adresses des parties et des professionnels de la santé concernés.

__________

1985, c. 6, a. 217; 1992, c. 11, a. 19; 1997, c. 27, a. 6.

 

 

221.  Le membre du Bureau d'évaluation médicale, par avis écrit motivé, infirme ou confirme le diagnostic et les autres conclusions du médecin qui a charge du travailleur et du professionnel de la santé désigné par la Commission ou l'employeur, relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, et y substitue les siens, s'il y a lieu.

 

Il peut aussi, s'il l'estime approprié, donner son avis relativement à chacun de ces sujets, même si le médecin qui a charge du travailleur ou le professionnel de la santé désigné par l'employeur ou la Commission ne s'est pas prononcé relativement à ce sujet.

__________

1985, c. 6, a. 221; 1992, c. 11, a. 23.

224.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

224.1.  Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.

 

Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.

 

Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.

 

La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.

__________

1992, c. 11, a. 27.

 

 

[53]           Le tribunal rappelle que la jurisprudence établit que la loi consacre le principe de la primauté de l’avis du médecin ayant charge du travailleur sur les questions d’ordre médical[5]. Dans les cas de divergence entre l’opinion de ce médecin et celui désigné par la CSST en vertu de l’article 204 de la loi, la CSST peut soumettre le tout au Bureau d'évaluation médicale, conformément à la procédure d’évaluation médicale énoncée aux articles 204 et suivants de la loi.

[54]           En l’espèce, le représentant de la travailleuse admet que, même si le rapport du docteur Desnoyers du 5 mai 2008 est antérieur à celui du docteur Sventek du 20 mai 2008, cela ne rend pas l’avis du Bureau d'évaluation médicale irrégulier pour autant. En effet, le tribunal rappelle que le législateur n'a pas imposé de délai à la CSST pour l'obtention d'un rapport du professionnel de la santé qu’elle désigne[6].

[55]           Le représentant de la travailleuse soumet que, puisque le docteur Desnoyers n’a pas eu à se prononcer sur la condition cervicale de la travailleuse, le processus d’évaluation médicale n’aurait pas dû être entamé sur cette question.

[56]           Signalons que la CSST peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport de son médecin désigné même s’il porte sur un ou plusieurs des sujets sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé[7]. Cependant, dans le cas qui nous occupe, la CSST a spécifiquement demandé à son médecin désigné de ne pas se prononcer sur la lésion cervicale. Elle n’a donc pas obtenu de rapport sur cette question et il n’y a pas de rapport infirmant l’opinion du docteur Sventek en regard de la région cervicale. En l’absence de litige à ce sujet, elle ne pouvait demander au Bureau d'évaluation médicale de se prononcer sur cette lésion cervicale. L’avis du docteur Molina-Négro portant sur cette question est par conséquent irrégulier.

[57]           La CSST était alors liée par les conclusions du médecin qui a charge de la travailleuse sur la question cervicale. Le docteur Sventek a retenu le diagnostic de hernie cervicale C5-C6. Puisque le processus d’évaluation médicale portant sur cette question n’est pas conforme, il faut donc s’en remettre au diagnostic retenu par le docteur Sventek pour la région cervicale et conclure que la travailleuse est affectée d’une hernie cervicale au niveau C5-C6.

[58]           Reste à savoir si cette lésion constitue une lésion professionnelle. Le tribunal doit donc déterminer si l’accident du travail du 11 septembre 2007 a causé la hernie discale cervicale qui affecte la travailleuse. La CSST a décidé que tel n’était pas le cas par sa décision du 5 mai 2008 et la travailleuse a dûment contesté la décision qui a été maintenue à la suite d’une révision administrative, d’où l’un des aspects du litige au dossier 360996-08-0810.

[59]           Le présent tribunal considère que l’événement du 11 septembre 2007 n’est pas de nature à causer une hernie discale cervicale au niveau C5-C6. Le mécanisme de production de la lésion n’est pas compatible avec une hernie cervicale puisque le traumatisme survient alors que la travailleuse tente de décoincer une valise placée sur une étagère en hauteur. Il s’agissait d’un mouvement volontaire qui, certes a pu causer des douleurs cervicales, mais il est peu probable que cet événement, tel que décrit, ait entraîné une hernie cervicale au niveau C5-C6. Il n’y a aucun traumatisme cervical direct.

[60]           Le tribunal note que les rapports contemporains à l’événement ne font aucunement état de signes quelconques de hernie discale C5-C6. Malgré que la travailleuse se plaint aux différents médecins de douleur cervicale, ceux-ci ne posent pas le diagnostic. Il n’y a pas d’attention médicale en rapport à la question cervicale. Ce n’est qu’en décembre 2007 que le docteur Sventek demande une investigation.  Le diagnostic de hernie discale cervicale n’apparaît que plus de trois mois après l’événement, soit après qu’une tomodensitométrie eut démontré un bombement du disque au niveau C5-C6.

[61]           Ajoutons que la seule opinion motivée en regard de la relation entre la hernie cervicale et l’événement est formulée par le docteur Gilles Prévost, médecin régional de la CSST, dans sa note du 1er mai 2008 qui se lit ainsi :

L’événement d’origine n’est pas suffisamment sévère pour provoquer une hernie discale cervicale. Il n’y a pas eu de traumatisme direct, de mouvement de torsion ou de mouvement brusque à la région cervicale.

 

 

[62]           À la lumière de l’ensemble de ces éléments, le tribunal constate que la preuve, dont le fardeau appartient à la travailleuse, ne permet pas d’établir le lien entre le diagnostic de hernie discale cervicale et l’événement du 11 septembre 2007.

[63]           Par conséquent, le tribunal rejette la requête de la travailleuse à l’égard du diagnostic de hernie discale cervicale, ce qui dispose d’une partie du litige au dossier 360996-08-0810.

[64]           En regard de la condition lombaire, il y a lieu toutefois de faire une remarque sur la régularité de l’avis du Bureau d'évaluation médicale. Au moment où la CSST demande l’avis du Bureau d'évaluation médicale, en juillet 2008, les opinions des docteurs Sventek (20 mai 2008) et Desnoyers (3 mars 2008) sont contradictoires sur le diagnostic lombaire, la date de consolidation et les traitements en regard de la condition lombaire. La CSST était donc justifiée de demander l’avis du Bureau d'évaluation médicale à ce moment. Elle ne pouvait savoir qu’en novembre suivant, après que le Bureau d'évaluation médicale ait fourni son avis, le docteur Sventek allait se ranger à l’opinion du docteur Desnoyers et qu’en fin de compte, il n’y avait plus de litige concernant ces conclusions. L’avis du Bureau d'évaluation médicale en regard de la condition lombaire est donc régulier.

[65]           Puisque la travailleuse ne conteste pas l’avis du Bureau d'évaluation médicale sur les questions relatives à sa condition lombaire, le présent tribunal s’en remet aux décisions de la CSST entérinant cet avis. Cela dispose des contestations aux dossiers 366403-08-0812 et 371718-08-0903.

Les frais de déplacement

[66]           La CSST refuse de rembourser au taux d’utilisation du véhicule automobile autorisé les frais de déplacement de la travailleuse pour une consultation médicale faite au docteur Tran le 2 avril 2008 à Montréal.

[67]           La travailleuse explique qu’elle a tenté de se trouver un chirurgien orthopédiste dans la région de l’Abitibi, sans succès. Elle a demandé au docteur Nakhostine, au docteur Bellemare et aux autres médecins qu’elle consultait à l’urgence de lui trouver un spécialiste qui prendrait charge de son dossier. Ce fut sans succès. Or, découragée de ne pouvoir avoir rendez-vous dans sa région, elle a fait une recherche sur internet et a trouvé un médecin spécialiste qui acceptait de la recevoir, soit le docteur Tran de Montréal.

[68]           Elle explique à l’audience que, quelque temps avant le rendez-vous au bureau du docteur Tran à Montréal, elle a reçu un appel du Centre Hospitalier d’Amos l’informant qu’une place s’était libérée pour qu’elle rencontre un chirurgien orthopédiste. Ce rendez-vous aurait été deux jours avant celui avec le docteur Tran. La travailleuse a préféré maintenir le rendez-vous avec le docteur Tran. Elle croyait, à tort, que le rendez-vous avec le spécialiste d’Amos était pour un problème à un orteil qui n’avait strictement rien à voir avec son problème de lésion professionnelle. Depuis 2005, elle était sur la liste d’attente pour voir un chirurgien orthopédiste pour son problème à l’orteil et elle a cru, lorsque la préposée du Centre Hospitalier d’Amos a téléphoné, que c’était la raison du rendez-vous.

[69]           Soulignons que l’article 115 de la loi prévoit le remboursement des frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins en lien avec la lésion professionnelle. La disposition est la suivante :

 

115.  La Commission rembourse, sur production de pièces justificatives, au travailleur et, si son état physique le requiert, à la personne qui doit l'accompagner, les frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation, selon les normes et les montants qu'elle détermine et qu'elle publie à la Gazette officielle du Québec.

__________

1985, c. 6, a. 115.

 

 

[70]           Le Règlement sur les frais de déplacement et de séjour[8] (le règlement) encadre le remboursement de frais de déplacement . Il y a lieu de reproduire les articles 1, 4, 5, 6 et 9 qui énoncent ce qui suit :

1. Le travailleur victime d’une lésion professionnelle a droit au remboursement, selon les normes prévues au présent règlement et les montants prévus à l’annexe 1, des frais de déplacement et de séjour qu’il engage pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001).

 

Décision, 93-06-07, a. 1.

 

 

 

4. La Commission rembourse les frais de déplacement et de séjour en tenant compte de la solution appropriée la plus économique.

 

Décision, 93-06-07, a. 4.

 

 

5. Sont remboursables les frais engagés pour le transport en commun par autobus, métro, train ou bateau.

 

Décision, 93-06-07, a. 5.

 

 

6. La Commission peut autoriser un travailleur à utiliser un véhicule personnel ou un véhicule-taxi lorsque le médecin qui a charge de ce travailleur atteste qu’il est incapable d’utiliser les moyens de transport prévus à l’article 5 en raison de son état de santé et qu’elle estime que cette incapacité est causée ou aggravée par une lésion professionnelle.

 

Le médecin peut indiquer la période durant laquelle l’incapacité d’utiliser les moyens de transport en commun durera vraisemblablement.

 

Décision, 93-06-07, a. 7.

 

 

9. Lorsqu’un travailleur choisit, sans avoir été préalablement autorisé par la Commission, de recevoir des soins ou de subir des examens médicaux à une distance de plus de 100 kilomètres de sa résidence alors que ces soins ou ces examens pourraient être effectués à une distance moindre, seuls sont remboursables les frais équivalents à un déplacement de 200 kilomètres avec un véhicule personnel autorisé dans le cas prévu à l’article 6 ou avec un véhicule personnel non autorisé dans tout autre cas.

 

Cette autorisation peut être accordée si ces frais sont plus économiques compte tenu de l’ensemble des indemnités auxquelles le travailleur aurait droit s’il recevait les soins ou subissait un examen médical à 100 kilomètres ou moins de sa résidence.

 

Décision, 93-06-07, a. 9.

 

 (Le tribunal souligne)

 

 

[71]           Les articles 192 et 193 de la loi sanctionnent le droit du travailleur au professionnel de la santé et de l’établissement de son choix. Ces dispositions sont les suivantes :

192.  Le travailleur a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix.

__________

1985, c. 6, a. 192.

 

 

193.  Le travailleur a droit aux soins de l'établissement de santé de son choix.

 

Cependant, dans l'intérêt du travailleur, si la Commission estime que les soins requis par l'état de ce dernier ne peuvent être fournis dans un délai raisonnable par l'établissement qu'il a choisi, ce travailleur peut, si le médecin qui en a charge est d'accord, se rendre auprès de l'établissement que lui indique la Commission pour qu'il reçoive plus rapidement les soins requis.

__________

1985, c. 6, a. 193; 1992, c. 21, a. 81.

 

 

 

[72]           Comme l’indique à bon droit la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Moisan et Télécom Mopage DLJ inc.[9], un travailleur peut donc choisir de recevoir des soins ou subir un examen à une distance de plus de 100 km de sa résidence. Ce droit n’est aucunement affecté ou limité par les normes ou les règles prévues au règlement. Toutefois, l’article 9 du règlement prévoit que si le travailleur exerce ce choix sans avoir été préalablement autorisé par la CSST et alors que ces soins étaient disponibles à une distance moindre, il n’a droit qu’au remboursement des frais équivalents à un déplacement de 200 km.

[73]           C’est ce que la CSST a décidé dans le présent cas. Or, le témoignage de la travailleuse démontre qu’aucun spécialiste n’était disponible dans sa région. Celle-ci a fait des démarches auprès de plusieurs personnes de sa région pour obtenir une référence à un spécialiste en raison de son état de santé. Ces démarches se sont avérées infructueuses. D’ailleurs, cela est compatible avec le fait que le nom de la travailleuse était sur une liste d’attente depuis 2005 pour voir un chirurgien orthopédiste en raison d’un problème à un orteil, ce qui donne une idée de la longueur de certaines listes d’attente pour voir un chirurgien orthopédiste dans cette région administrative. Que le Centre Hospitalier d’Amos ait appelé quelques jours avant le rendez-vous déjà pris avec le docteur Tran ne change rien à la situation démontrée de non disponibilité de spécialiste dans la région au moment où la travailleuse a fait ses recherches que le tribunal estime suffisamment sérieuses. Cela ne fait pas en sorte que les soins auraient pu véritablement être donnés en temps utile dans la région.

[74]           C’est un peu en désespoir de cause que la travailleuse a cherché sur internet et a réussi à obtenir un rendez-vous avec le docteur Tran à Montréal. Le tribunal conclut que ces soins ou examens chez le spécialiste ne pouvaient être effectués à une distance moindre, de sorte que la travailleuse n’avait pas à obtenir l’autorisation de la CSST pour avoir droit au remboursement des frais équivalents à un déplacement excédant 200 km, au sens du paragraphe 9 du règlement.

[75]           Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles fait droit à la requête de la travailleuse à ce sujet.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 360996-08-0810

ACCUEILLE en partie la requête de madame Maria Suder, la travailleuse;

MODIFIE la décision rendue le 3 septembre 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le diagnostic de hernie discale cervicale C5-C6 n’est pas en lien avec l’événement du 11 septembre 2007 et ne constitue pas une lésion professionnelle;

DÉCLARE que la travailleuse n’a pas droit au remboursement du médicament Maxalt;

DÉCLARE que la travailleuse a droit, pour la visite effectuée au docteur Tran à Montréal, au remboursement des frais équivalents à un déplacement excédant 200 km.

 

 

Dossier 366403-08-9812

REJETTE la requête de madame Maria Suder, la travailleuse;

CONFIRME la décision rendue le 7 novembre 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le diagnostic de la lésion professionnelle est une entorse lombaire sur un rachis présentant deux conditions préexistantes : cyphoscoliose et spondylodiscarthrose multiétagée;

DÉCLARE que la lésion professionnelle est consolidée le 8 avril 2008;

DÉCLARE qu’il n’y a pas nécessité de traitement ou de soin supplémentaires après le 8 avril 2008;

DÉCLARE qu’un déficit anatomophysiologique de 2% pour une entorse dorsolombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées résulte de la lésion professionnelle;

DÉCLARE que les limitations fonctionnelles suivantes résultent de la lésion professionnelle :

Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :

 

-           Soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 15 à 25 kg;

-           Travailler en position accroupie;

-           Ramper, grimper;

-           Effectuer  des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire;

-           Subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (provoqués par du matériel roulant sans suspension par exemple).

 

 

 

Dossier 371718-08-0903

REJETTE la requête de madame Maria Suder, la travailleuse;

CONFIRME la décision rendue le 9 janvier 2009 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative

DÉCLARE qu’une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique de 2,20% résulte de la lésion professionnelle correspondant à un déficit anatomophysiologique de 2% pour une entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles et 0,20% pour le douleurs et perte de jouissance de la vie correspondant.

 

 

__________________________________

 

Marie Langlois

 

 

 

 

Me Michel-Étienne Parayre

Martineau, Daoust et Ass., Avocats

Représentant de la partie requérante

 

 

Me André Leduc

Représentant de la partie intéressée

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           Canevabec inc., C.L.P. 367390-05-0901, 9 octobre 2009, M. Allard

[3]           C.L.P. 350201-31-0806, 15 septembre 2008, G. Tardif; voir au même effet CSST et Glazer & Glazer, [1998] C.L.P. 537 ; Blais et Affaires Étrangères Commerce Internationale, C.L.P. 279088-07-0512, 7 juin 2007, M. Langlois; Barbe et Latcon Ltd,  C.L.P. 298095-07-0609, 27 novembre 2007, S. Séguin; St-Laurent et Home Dépôt, C.L.P. 305589-31-0612, 12 mars 2009, M. Langlois; Toitures Trudel et Thibault, C.L.P. 366791-02-0901, 10 juin 2009, C.-A. Ducharme.

[4]           Roy et C.U.M., CALP 04342-618708, 18 juillet 1990, M. Cuddihy, G.P. Lalande et F. Poupart, p.18

[5]           Voir entre autres St-Louis et Centre hospitalier de soins de longue durée René-Lévesque, C.L.P. 114337-62-9903, 15 juin 2000, L. Vallières

[6]           Larue et C-Mac Network System,  [2004] C.L.P. 1634

[7]           Id.

[8]           [1993] 125 G.O. II, 4257

[9]           C.L.P. 257502-61-0503, 28 juillet 2005, S. Di Pasquale, (05LP-119)

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