Parisé et Maçonnerie Pro-Val inc. |
2008 QCCLP 1255 |
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[1] Le 27 novembre 2006, monsieur Patrick Parisé (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste la décision rendue le 2 novembre 2006 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision initiale du 25 avril 2006 et refuse de rembourser au travailleur les frais de location d’une nouvelle voiture au motif que cette transaction n’a pas préalablement été autorisée.
[3] À l’audience tenue à Longueuil le 21 février 2008, le travailleur est présent mais n’est pas représenté. Maçonnerie Pro-Val inc. (l'employeur) n’est pas représentée. La CSST a signifié son absence à l’audience.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision du 2 novembre 2006 et de déclarer qu’il a droit au remboursement par la CSST de la pénalité de 1 000 $ pour avoir mis fin à son ancien contrat de location de voiture et au paiement de la différence du coût de la nouvelle location pour la rendre conforme aux prescriptions médicales et aux recommandations des ergothérapeutes.
LES FAITS
[5] Le travailleur est né le 6 septembre 1970. Il est apprenti maçon chez l'employeur depuis le mois de septembre 2002 lorsque survient l’accident du 6 juillet 2004.
[6] Lors de ce dernier événement, un mur de brique s’effondre sur le travailleur qui est alors polytraumatisé.
[7] Ce même 6 juillet 2004, le travailleur subit une discectomie C4-C5 avec fusion et une corporectomie C6 avec greffe et fusion. Une fracture de L1 a nécessité la mise en place d’un corset. Une tétraplégie immédiate à l’événement a été notée. Après une longue convalescence et une réhabilitation, les lésions ont été consolidées le 20 février 2006, avec 249 % d’atteinte permanente.
[8] Après une convalescence à l’hôpital et un passage dans un centre de réadaptation, le travailleur retourne à son domicile à la fin de septembre 2004.
[9] Dès le 26 septembre 2004, madame Hélène Landry, ergothérapeute à l’Institut de réadaptation de Montréal, adresse, à la conseillère en réadaptation du travailleur à la CSST, un rapport de recommandations d’aménagements domiciliaires et autres équipements afin de rendre le travailleur capable d’évoluer avec un minimum d’aide à l’intérieur et à l’extérieur de son domicile.
[10] Le 28 septembre 2004, la conseillère en réadaptation affectée au dossier du travailleur prévoit déjà la possibilité de faire adapter le véhicule du travailleur. Elle est cependant d’avis qu’il faille attendre que le travailleur soit arrivé à une meilleure récupération.
[11] Le 7 octobre 2004, la conseillère en réadaptation écrit comme objectifs de faire évaluer les aides techniques, l’adaptation du domicile et autres besoins du travailleur.
[12] À cette date, le travailleur et sa conjointe ont trois jeunes enfants dont l’aîné a 4 ans. Le dernier est né deux semaines après l’accident du travailleur en juillet 2004.
[13] Le 10 novembre 2004, la conseillère en réadaptation écrit dans ses notes qu’elle a accusé réception des soumissions pour l’adaptation du domicile du travailleur.
[14] Le 12 novembre 2004, la conseillère en réadaptation réexplique au travailleur les politiques et les façons de faire de la CSST en ce qui a trait aux travaux d’entretien. Elle signale que la CSST a besoin de deux soumissions et qu’elle accorde un contrat au contractant le moins cher dans la mesure où les travaux auront été préalablement autorisés. En ce qui a trait à l’adaptation du domicile, elle lui réexplique qu’une évaluation doit d’abord être faite à partir des recommandations de l’ergothérapeute et du médecin traitant. Si après analyse, la CSST donne son autorisation, encore là, il faudra deux soumissions pour l’achat et/ou location d’aides techniques et installation pour ensuite donner l’autorisation d’effectuer l’achat et/ou les travaux et payer sur réception de factures. La conseillère explique au travailleur que pour le moment, la CSST ne peut avancer dans l’adaptation de son domicile parce qu’elle n’a toujours pas les deux soumissions requises et aussi parce qu’à l’intérieur des soumissions du travailleur, il y a des achats et/ou des travaux qui ne concernent pas les recommandations de l’ergothérapeute.
[15] Le 7 décembre 2004, la CSST informe le travailleur que des personnes passeront chez lui « d’ici Noël » pour l’adaptation de son domicile. Le travailleur sera en Gaspésie avec sa famille du 16 au 28 décembre 2004.
[16] Le 15 décembre 2004, la conseillère en réadaptation rapporte, dans ses notes, une discussion avec madame Martine Allaire, ergothérapeute au Centre montérégien de réadaptation où le travailleur poursuit sa réadaptation physique. Madame Allaire informe la conseillère qu’elle a demandé au travailleur de se procurer de nouvelles bottes d’hiver avant de partir pour la Gaspésie parce que comme il n’a plus aucune sensibilité en bas du tronc, il est dangereux qu’il se gèle les pieds et qu’il ne s’en rende pas compte. Elle informe également la conseillère que l’installation des rampes intérieures et extérieures est urgente. La conseillère en réadaptation explique à madame Allaire les complications qu’il y a eues dans le dossier des soumissions pour l’adaptation du domicile du travailleur. Elle affirme cependant qu’il n’est aucunement nécessaire que tout soit « attaché » pour commencer à procéder. Elle ajoute que s’ils reçoivent une soumission pour des rampes, ils pourront l’autoriser afin que l’installation se fasse.
[17] L’achat de bottes d’hiver orthopédiques d’une valeur de 300 $ et de béquilles est finalement autorisé le 17 janvier 2005, soit après le retour du travailleur de son voyage dans sa famille, en Gaspésie.
[18] Le 20 janvier 2005, la conseillère en réadaptation note une communication avec l’ergothérapeute concernant l’adaptation du domicile du travailleur. L’ergothérapeute informe la conseillère que le travailleur a des spasmes et des maux de tête importants et qu’il accuse une très grande fatigabilité. Son équilibre est très précaire mais elle se dit quand même étonnée de tout ce que le travailleur se rend capable de faire. Comme le travailleur a beaucoup de difficulté à transporter des objets avec ses mains en raison d’une perte de dextérité dans les doigts, il sera pertinent qu’il ait un grand espace de rangement pour ses choses dans la salle de toilette. Il est noté à cette date que le travailleur n’est pas en mesure de s’occuper lui-même des différentes soumissions concernant l’adaptation de son domicile en raison de sa très grande fatigue.
[19] Le 24 janvier 2005, une rencontre au Centre montérégien de réadaptation a lieu entre une travailleuse sociale, une physiothérapeute, l’ergothérapeute, la conseillère en réadaptation et l’agent d’indemnisation de la CSST. Cette rencontre a pour but d’établir un plan d’intervention pour le travailleur. L’ergothérapeute informe les personnes présentes que le travailleur a différents problèmes dont des urgences urinaires, une fatigue intense, des spasmes violents aux jambes, un déficit de préhension bilatéral et pratiquement aucune sensation en bas du thorax. Elle demande que le travailleur puisse consulter en psychologie et en sexologie. Dès cette date, l’ergothérapeute signale que le véhicule du travailleur aurait besoin de modifications pour que celui-ci puisse l’utiliser. Il est à noter que le véhicule du travailleur est une Toyota Echo manuelle.
[20] La physiothérapeute signale que le travailleur est capable de marcher 10 à 15 minutes avec une béquille mais qu’il est très essoufflé par la suite. Il a encore trois traitements de physiothérapie par semaine. Il n’a toujours aucune force de préhension avec ses mains. La travailleuse sociale signale pour sa part que la conjointe du travailleur est très fatiguée puisqu’elle ne peut compter que sur elle-même lorsque ses enfants se réveillent plusieurs fois par nuit. Elle songe à faire appel au C.L.S.C. pour le programme aux familles afin de permettre à la conjointe d’obtenir toute l’aide nécessaire.
[21] Les objectifs du plan d’intervention sont de compléter l’adaptation du domicile, de rendre le travailleur capable d’effectuer des paiements avec de la monnaie sans aide technique et d’augmenter la durée de la marche à 30 minutes avec la béquille.
[22] En février 2005, en raison d’adaptations temporaires de son domicile, le travailleur se retrouve sans escalier ni rampe, ce qui est très dangereux.
[23] Le 8 février 2005, la conseillère en réadaptation écrit dans ses notes que le travailleur a vu son médecin la veille et que cette dernière recommande la reprise de la conduite automobile mais avec une transmission automatique seulement. Elle note que le travailleur a une voiture manuelle. La conseillère signale que l’ergothérapeute va lui faire parvenir cette recommandation ainsi qu’une note expliquant qu’elle fera deux évaluations de la capacité de conduire du travailleur.
[24] Le 16 février 2005, madame Alary, ergothérapeute, transmet à la conseillère en réadaptation la recommandation d’une évaluation de la conduite automobile du travailleur en ergothérapie, par la docteure Jacquemin.
[25] Le 8 mars 2005, la conseillère en réadaptation, après réception du rapport et des recommandations des architectes chargés de l’adaptation du domicile du travailleur, autorise enfin les travaux.
[26] Dès janvier 2005, le travailleur a rencontré une psychologue une fois par semaine. À compter d’avril 2005, elle continuera de le voir une fois aux deux semaines.
[27] En avril 2005, le travailleur obtiendra son permis de conduire une voiture avec transmission automatique.
[28] Le 6 juin 2005, les travaux d’adaptation du domicile dont l’autorisation a été accordée le 8 mars 2005 ne sont toujours pas terminés.
[29] Le 15 juin 2005, la conseillère en réadaptation est informée par l’ergothérapeute que le travailleur vit beaucoup de fatigabilité depuis les chaleurs parce qu’il n’éprouve plus de sensation ni au froid ni à la chaleur. Même s’il fait des efforts pour demeurer à l’ombre, il s’épuise très facilement. Il n’a plus aucune sudation due à une dysfonction résultant de ses blessures. La température de son corps demeure souvent élevée puisqu’il n’évacue plus sa chaleur. La chaleur a un tel effet sur le travailleur qu’il a été incapable de suivre ses traitements au centre de réadaptation et ils ont dû le retourner chez lui.
[30] Le 28 juin 2005, la conseillère en réadaptation écrit dans ses notes que madame Alary réitère que le travailleur vit encore énormément de fatigabilité due surtout à son problème d’hyperthermie.
[31] Le 30 juin 2005, l’ergothérapeute informe la conseillère en réadaptation que le travailleur a vu sa physiatre la veille et que celle-ci confirme qu’il a des épisodes d’hyperthermie faisant en sorte qu’il ne doit faire aucune activité quand il fait chaud et qu’il doit avoir l’air climatisé dans son auto et son domicile. Le même jour, le travailleur informe sa conseillère qu’il a eu une prescription de son médecin pour que sa maison soit climatisée. Comme c’était urgent parce que physiquement il n’allait pas bien, il a magasiné quelques systèmes et a fait l’achat d’un module qui coûte environ 400 $, le moins cher qu’il a vu. La conseillère lui répond qu’il doit lui faire parvenir la prescription de son médecin et les différents prix des airs climatisés qu’il a vus en magasin, de même que sa facture afin qu’elle analyse sa demande.
[32] En juillet 2005, le travailleur est allé passer quelques semaines de vacances dans sa famille en Gaspésie où il dit qu’il se sent bien et où il peut se reposer un peu. Il déclare à l’audience que le contrat de location de sa Toyota Echo était au montant de 230 $ par mois et se terminait en 2007. Après information, il s’est avéré qu’il était inutile de tenter d’adapter une si petite voiture, et ce, d’autant plus qu’elle était louée. Comme il a fait très chaud à l’été 2005, selon les commentaires recueillis dans les notes évolutives du dossier du travailleur, ce dernier a profité de connaissances en Gaspésie pour mettre fin à son contrat de location de l’Echo et louer une Corolla avec une transmission automatique et air climatisé selon les recommandations de ses médecins et de son ergothérapeute. Il a dû débourser une pénalité de 1 000 $ pour mettre fin prématurément à son premier contrat de location et doit assumer le coût de 351,31 $ pour la location de la Corolla, soit une différence de 121,32 $ par mois. Il demande donc la somme de 3 200 $ à la CSST, soit la différence du coût de location des deux voitures pendant les 18 mois qu’il restait à son premier contrat, plus 1 000 $ de pénalité qu’il a dû débourser. Cette transaction est effectuée le 15 juillet 2005.
[33] Le 4 août 2005, une rencontre mutlidisciplinaire a lieu au Centre montérégien de réadaptation en présence de la neuropsychologue, de la physiothérapeute, de l’ergothérapeute, du travailleur et de la conseillère en réadaptation. Une première partie de la rencontre se déroule sans la présence du travailleur. Il est noté que depuis trois à quatre mois, les intervenantes ne constatent pas vraiment d’évolution dans le dossier du travailleur. Il souffre d’hyperthermie et les risques sont grands d’avoir des coups de chaleur. Cette hyperthermie lui occasionne toujours une très grande fatigue. Comme la conjointe du travailleur a recommencé à travailler, c’est lui qui a la responsabilité d’aller conduire et rechercher les deux aînés à la garderie et de s’occuper du plus jeune bébé. Le travailleur a de la difficulté à gérer tout cela. Sa santé est en danger parce qu’il donne toujours plus que ce qu’il est capable et qu’il veut tout faire. Or, même pour les tâches les plus simples, il doit toujours aller au maximum de ses capacités et chaque tâche lui prend de deux à trois fois plus de temps que la normale. Le travailleur est si mal en point que tous les traitements doivent être annulés puisqu’il ne peut gérer à la fois ses traitements, ses enfants, les tâches quotidiennes et sa vie de couple. De plus, durant les chaleurs importantes de cet été particulièrement chaud, il ne peut aller à tous ses traitements.
[34] Lors de la poursuite de la rencontre avec le travailleur, la conseillère en réadaptation constate qu’il est très évident dans son visage qu’il est très fatigué. Il explique que le simple fait d’aller reconduire et chercher ses deux filles à la garderie lui prend toutes ses énergies. Malgré son handicap important, il doit s’y rendre avec les trois enfants, sortir le bébé de l’auto le temps de reconduire les deux autres à l’entrée de la garderie, revenir, etc. Il cherche des solutions et a définitivement beaucoup de difficulté à s’organiser avec son quotidien en raison de sa nouvelle condition physique.
[35] Le 16 août 2005, le travailleur fait finalement parvenir à sa conseillère deux soumissions pour la climatisation de son domicile. Comme les soumissions sont de plus de 3 000 $, la conseillère en réadaptation s’en étonne puisqu’il avait parlé d’un coût de 400 $. Le travailleur lui explique que cette unité n’était pas suffisante et que comme c’était pour lui une question de santé, il n’a pas attendu après la CSST pour obtenir l’autorisation. Comme la personne chargée d’apporter de l’aide à domicile est en vacances pendant deux semaines, la conseillère en réadaptation demande au travailleur s’il croit utile de recevoir les services d’une autre aide à qui il devrait expliquer à nouveau les tâches à faire. Le travailleur répond qu’il manque tellement d’énergie en ce moment que même de changer de préposé lui semble plus fatigant qu’autre chose. Il préfère laisser tomber et évaluer en même temps ce qu’il est en mesure de faire seul.
[36] Ce même 16 août 2005, le médecin régional de la CSST signale que selon la note de la docteure Christine Fournier, physiatre, en date du 27 juin 2005, il lui apparaît évident que le travailleur présente un déficit de la sudation et de la thermorégulation à la suite de sa lésion médullaire. Cette situation le rend à risque d’hyperthermie lors de canicules, la sudation étant un mécanisme important d’évacuation de la chaleur. Il présente également une perte de sensibilité importante à partir du cou et donc, des risques d’engelure et/ou de brûlure. Elle est d’avis que la pose d’un système de climatisation peut donc être considérée en relation avec la lésion.
[37] Toujours le 16 août 2005, la conseillère en réadaptation communique avec l’ergothérapeute qui lui explique elle aussi que le travailleur souffre d’hyperthermie due à une lésion de la moelle épinière et qu’il est nécessaire que sa maison soit climatisée puisque cela peut avoir des conséquences sur son état de santé. Elle lui répète que l’air climatisé qu’il avait acheté ne permettait pas une climatisation suffisante. Elle dit qu’en plus, le travailleur doit bénéficier d’une climatisation égale puisqu’il a du mal à tolérer les changements de température, cela demandant trop d’énergie à son système. À la suite de ces deux avis, l’achat d’un système d’air climatisé est finalement autorisé.
[38] Le 6 octobre 2005, l’ergothérapeute communique avec la conseillère en réadaptation de la CSST pour l’informer que le moral du travailleur baisse et que son niveau d’énergie est restreint. Il a en effet beaucoup de difficulté à accepter sa condition. Elle dit que le travailleur aurait besoin d’une adaptation de sa table à langer parce qu’il n’est plus capable de changer les couches de son bébé qui bouge trop. Il doit donc le changer par terre. Elle va réfléchir à une façon de « patenter » quelque chose.
[39] Le 18 octobre 2005, la conseillère en réadaptation rencontre le travailleur à son domicile. Ce dernier lui dit qu’il vit sa situation bien difficilement. Il apprécie beaucoup les rencontres avec la neuropsychologue qui le suit mais il a l’impression que cela tourne en rond. Il parle des symptômes de son état dépressif, de sa fatigabilité et des difficultés qu’il vit face à sa situation. Comme il a atteint un plateau en réadaptation physique, il trouve difficile d’accepter de ne plus progresser comme il l’aurait espéré. La conseillère en réadaptation l’encourage en lui disant qu’il pourrait commencer à réfléchir sur sa réorientation de carrière et lui dit que rien ne l’empêcherait de prendre quelques cours.
[40] Lors d’une rencontre multidisciplinaire le 25 janvier 2006, un nouveau conseiller en réadaptation et les différents intervenants signalent, en l’absence du travailleur, qu’après une évaluation, aucune amélioration de la dextérité de ce dernier n’est notée. Il a l’impression pour sa part qu’il s’est amélioré car il trouve de nouvelles façons de compenser le manque de dextérité. Il se déplace à l’extérieur avec une béquille canadienne. À l’intérieur, il utilise une canne et s’accroche au comptoir et aux autres objets pour se déplacer. Il vit beaucoup d’appréhension dû au fait que sa relation de couple est au plus bas et qu’il se demande ce qu’il va devenir. Il s’inquiète pour son avenir.
[41] Le 2 février 2006, le nouveau conseiller en réadaptation affecté au dossier du travailleur et l’agent d’indemnisation rencontrent le travailleur chez lui. Le conseiller en réadaptation note que le travailleur se déplace lentement avec une canne simple à l’intérieur et avec une marchette ou un fauteuil roulant pour les plus longues distances. Il peut conduire son véhicule. Il se fatigue rapidement. Étonnamment, ce nouveau conseiller en réadaptation, tout comme l’ancienne, ne s’informe pas de la façon dont le travailleur peut conduire son véhicule puisqu’il était connu que le seul véhicule de la famille, au moment de l’événement, était une Echo à transmission manuelle. Il est à noter qu’à cette date, le travailleur n’a pas encore avisé la CSST de la location de la Corolla.
[42] Il est cependant convenu, lors de cette rencontre, que le travailleur devra trouver un nouveau psychologue puisque la psychologue qu’il consulte à ce moment quitte le centre de réadaptation.
[43] Le 20 février 2006, les lésions du travailleur sont consolidées avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.
[44] Le 3 mars 2006, le docteur Denis Raymond, physiatre, examine le travailleur dans le but de produire le rapport d’évaluation médicale.
[45]
Le 3 mars 2006, la CSST recommande l’application de l’article
[46] La Commission des lésions professionnelles note que la dernière présence au dossier de la première conseillère en réadaptation est le 31 octobre 2005. Le deuxième conseiller en réadaptation a fait sa première intervention le 24 janvier 2006. Enfin, le 27 février 2006, il est noté la première intervention d’une troisième conseillère en réadaptation au dossier du travailleur.
[47] Le 13 avril 2006, la nouvelle conseillère en réadaptation reçoit la demande de frais du travailleur pour la location d’une auto qu’elle considère non remboursable parce que non préalablement autorisée. C’est l’objet du présent litige.
[48] Le 28 avril 2006, la CSST rend une décision par laquelle elle détermine qu’à la suite de l’évaluation du docteur Raymond, le travailleur est porteur d’une atteinte permanente de 249 %.
L’AVIS DES MEMBRES
[49] Le membre issu des associations d'employeurs est d’avis de rejeter la requête du travailleur. Il croit en effet que ce dernier se devait de suivre la procédure prévue à la loi, et ce, d’autant plus qu’elle lui a été expliquée à maintes reprises depuis son accident.
[50] Le membre issu des associations syndicales est pour sa part d’avis d’accueillir la requête du travailleur. Il retient particulièrement le fait que le besoin minimal pour le travailleur d’avoir une voiture avec une transmission automatique et un air climatisé est clair au dossier puisqu’il s’agit d’une prescription médicale et d’une recommandation de l’ergothérapeute. Cependant, en raison de la situation exceptionnelle du travailleur et de l’urgence de sa situation, il y a lieu de passer outre à la procédure prévue à la loi pour regarder le droit du travailleur à ces ajouts sur son véhicule.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[51] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST a eu raison de refuser de rembourser les frais de location d’une nouvelle voiture avec transmission automatique et air climatisé au motif que ces frais n’ont pas été préalablement autorisés.
[52]
Les articles
155. L'adaptation du véhicule principal du travailleur peut être faite si ce travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique et si cette adaptation est nécessaire, du fait de sa lésion professionnelle, pour le rendre capable de conduire lui-même ce véhicule ou pour lui permettre d'y avoir accès.
156. La Commission ne peut assumer le coût des travaux d'adaptation du domicile ou du véhicule principal du travailleur visé dans l'article 153 ou 155 que si celui-ci lui fournit au moins deux estimations détaillées des travaux à exécuter, faites par des entrepreneurs spécialisés et dont la teneur est conforme à ce qu'elle exige, et lui remet copies des autorisations et permis requis pour l'exécution de ces travaux.
[53]
L’applicabilité de l’article
[54] La nécessité d’une transmission automatique et de l’air climatisé est clairement démontrée au dossier et a fait l’objet autant d’une prescription médicale que de la recommandation d’une ergothérapeute.
[55] Qui plus est, dès le 28 septembre 2004, les intervenants de la CSST ont été informés de l’éventuel besoin pour le travailleur de l’adaptation de son véhicule. Ce besoin a été de nouveau identifié lors d’une rencontre multidisciplinaire le 24 janvier 2005.
[56] De plus, dès le 8 février 2005, la conseillère en réadaptation est informée qu’un des médecins traitants recommande la reprise de la conduite automobile mais avec une transmission automatique seulement. La conseillère en réadaptation est très au fait qu’à cette date, le travailleur ne possède qu’une petite voiture louée avec une transmission manuelle. À cet égard, l’ergothérapeute responsable du travailleur a fait parvenir un formulaire dans lequel un autre médecin traitant du travailleur recommande une évaluation de la conduite automobile du travailleur en ergothérapie. La conseillère en réadaptation a autorisé cette évaluation le 17 février 2005.
[57] L’évaluation des capacités de conduite automobile avec transmission automatique a été faite en mars 2005 et, en avril 2005, le travailleur a obtenu un permis de conduire avec restriction, soit avec transmission automatique seulement.
[58] Dans ce contexte, il devient très clair, pour le tribunal, que les intervenants de la CSST étaient au fait que le travailleur, pour devenir autonome dans ses déplacements, avait besoin d’une voiture avec transmission automatique. Or, c’était également clair pour eux que le travailleur ne possédait, à cette date, qu’une petite Echo avec transmission manuelle et qui, au surplus, était en location.
[59] Concernant le besoin de climatisation, dès le 15 juin 2005, la conseillère en réadaptation de la CSST est informée par l’ergothérapeute que le travailleur vit beaucoup de fatigabilité depuis le début des chaleurs. Elle explique en effet à la conseillère que ce problème est généré par le fait qu’en raison de sa lésion professionnelle, le travailleur n’a plus aucune sudation. Ce problème est tel que quand il fait trop chaud, il est incapable de recevoir ses traitements, et ce, malgré la plus grande volonté qu’il y met.
[60] Le 28 juin 2005, la CSST est à nouveau informée que le travailleur vit beaucoup de fatigabilité à cause de son hyperthermie. Enfin, le 30 juin 2005, le physiatre responsable du travailleur prescrit de l’air climatisé pour son automobile et son domicile.
[61] Qu’en est-il de la situation du travailleur à cette période? Il ressort clairement du dossier et des faits rapportés que dès le mois de janvier 2005, le travailleur accuse un tel état de fatigue qu’il est incapable de s’occuper lui-même des soumissions pour l’aménagement de son domicile. Qui plus est, durant toute cette période, il a besoin du support d’un neuropsychologue et d’un psychologue pour l’aider à accepter la très grande diminution de ses capacités physiques et pour tenter de sauver son couple.
[62] De plus, durant toute cette même période, soit de septembre 2004 à juin, juillet et même août 2005, le travailleur doit subir les inconvénients et toute la tracasserie reliés à l’adaptation de son domicile. Enfin, dès le début de juin 2005, les chaleurs importantes ont débuté et cet été s’est avéré être particulièrement chaud. Or, nous l’avons vu, c’est dès l’apparition des premières chaleurs que le travailleur, tout comme ses médecins, ont constaté l’absence de sudation et les problèmes d’hyperthermie qui en résultent en raison de sa lésion professionnelle.
[63] C’est donc dans ce contexte de fatigue importante, de problèmes psychologiques d’acceptation de sa condition, de difficultés conjugales et de fatigue accrue en raison des grandes chaleurs que le travailleur décide, le 15 juillet 2005, de profiter d’une occasion dans sa région pour changer de voiture.
[64] Le tribunal tient d’ores et déjà à préciser que le travailleur a fait montre, dans cette transaction, de beaucoup de modération dans la mesure où il a choisi un modèle Corolla, donc un peu plus gros que celui qu’il avait avant, dans le seul but d’avoir une transmission automatique lui permettant de conduire sa voiture et de profiter d’un air climatisé nécessaire au maintien minimal de sa santé.
[65] Il est vrai que le travailleur était informé de la procédure à suivre avant d’engager des frais à réclamer à la CSST. Cependant, dans le contexte décrit plus haut et alors que la seule adaptation de son domicile avait pris près d’un an à compter des premières recommandations, le tribunal peut comprendre que le travailleur ait voulu régler par lui-même le problème de son véhicule, qui devenait très urgent.
[66]
À cet égard, l’article
[67] Devant l’impossibilité d’adapter la voiture qu’il possédait et en raison de l’urgence de posséder une climatisation, puisqu’on était en plein cœur de l’été, le travailleur a cru bon de choisir la solution la plus économique, soit de louer un modèle un peu plus grand de la même compagnie mais avec transmission automatique et air climatisé.
[68] Il est également intéressant de noter dans ce dossier que dès le 15 décembre 2004, la CSST a été informée du besoin urgent de nouvelles bottes d’hiver pour le travailleur, en raison des orthèses qu’il doit porter et de son insensibilité au froid et à la chaleur, et que cette autorisation n’a été donnée que le 17 janvier 2004. Ce fait illustre bien la lenteur administrative, même dans les cas les plus urgents.
[69] Le tribunal retient également que pendant tout cet été 2005, le travailleur a souffert de la chaleur à un point tel que son état de fatigue a obligé tous les intervenants au dossier à mettre fin temporairement aux différents traitements qu’il recevait durant cette période. Or, ce n’est qu’à la toute fin d’août 2005, soit presque à la fin de l’été, que le travailleur a pu faire installer un système d’air climatisé qui convienne à sa condition.
[70] Qui plus est, dès le 4 août 2005, lors d’une rencontre multidisciplinaire, tous les intervenants, y compris ceux de la CSST, ont pu constater l’état de très grande fatigue du travailleur.
[71] Or, tout en étant conscient que le travailleur souffrait énormément de la chaleur et qu’il devait aller mener ses deux enfants aînés à la garderie, tout en transportant le bébé, jamais les responsables du dossier à la CSST ne se sont inquiétés des besoins d’adaptation du véhicule du travailleur. Pourtant, ils savaient pertinemment que durant toute cette période, l’état de fatigabilité du travailleur était tel qu’il était incapable de s’occuper lui-même d’aller chercher des soumissions et de faire des démarches pour les différentes adaptations que sa condition exigeait.
[72]
Dans ce contexte et en raison des circonstances exceptionnelles de ce
dossier, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il y a lieu
d’appliquer les articles
[73] Afin de réparer un tant soit peu les conséquences de sa lésion professionnelle, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il est équitable, dans le contexte du présent dossier, de rembourser au travailleur la pénalité de 1 000 $ qu’il a dû débourser pour mettre fin prématurément à son contrat de location du modèle Echo qu’il possédait, de même que la différence de 121,32 $ par mois qu’il lui en coûte pour la location du modèle Corolla avec transmission automatique et air climatisé.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête déposée le 27 novembre 2006 par monsieur Patrick Parisé à la Commission des lésions professionnelles;
INFIRME la décision rendue le 2 novembre 2006 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail doit rembourser à monsieur Patrick Parisé la somme de 1 000 $ plus 121,32 $ par mois pour le changement de voiture et la différence du coût de location de cette dernière.
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Me Hélène Marchand |
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Commissaire |
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Me André Breton |
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Panneton, Lessard |
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Représentant de la partie intervenante |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.