D.B. c. Commission des lésions professionnelles |
2012 QCCS 354 |
JB4255 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TROIS-RIVIÈRES |
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N° : |
400-17-002476-113 |
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DATE : |
1er février 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
ALAIN BOLDUC, J.C.S. |
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D... B... Demandeur |
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c. |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Défenderesse |
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Et |
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[COMPAGNIE A] |
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Et |
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COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA |
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SÉCURITÉ DU TRAVAIL |
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Mises en cause |
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JUGEMENT |
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INTRODUCTION
[1] Victime d'une récidive, rechute ou aggravation d'une lésion professionnelle survenue à la suite d'un accident de travail, M. B... présente une requête en révision judiciaire demandant d'annuler les décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles (CLP) les 29 avril 2010 et 16 mars 2011 et d'ordonner le renvoi du dossier à ce tribunal pour qu'il se prononce sur les contestations conformément aux dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ( la LATMP )[1].
[2] En ce qui concerne la décision rendue le 29 avril 2010, il soutient que la CLP a commis une erreur déraisonnable car elle a déclaré que le processus d'évaluation médicale ayant mené à l'avis du Bureau d'évaluation médicale (BEM) du 23 septembre 2009 était régulier, qu'il est porteur d'une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique de 5,75 % et qu'il est capable d'exercer l'emploi convenable de répartiteur de dépanneuses.
[3]
Quant à la décision rendue le 16 mars 2011, il soutient qu'elle est
également déraisonnable. Car suivant cette décision, la CLP a rejeté sa requête
demandant la révision de la décision rendue le 29 avril 2010 en vertu de
l'article
[4] La CSST conteste.
[5] Elle maintient que les décisions rendues par la CLP sont raisonnables car les motifs énoncés font partie des issues possibles acceptables au regard des faits et du droit.
[6] Par conséquent, le Tribunal doit déterminer si les décisions rendues par la CLP sont déraisonnables.
[7] Résumons d'abord les faits pertinents.
LES FAITS
[8] Alors qu'il occupe un emploi de tuyauteur [à la Compagnie A] depuis un mois seulement, M. B... est victime d'un accident de travail le 15 octobre 2003 lorsque le chariot élévateur qu'il conduit percute un nid-de-poule qu'il n'a pas vu[2].
[9] Le 16 octobre 2003, la Dre Marie-Claude Pinard, le médecin qui a la charge de M. B..., pose un diagnostic d'entorse lombaire.
[10] Le 21 octobre 2003, M. B... produit alors une réclamation à la CSST qui est acceptée par cette dernière.
[11] Le 22 novembre 2004, la Dre Josée Fortier, physiatre, rédige un rapport médical final indiquant que la lésion est consolidée ce jour avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[12] Toutefois, le 23 mai 2005, M. B... consulte la Dre Pinard qui diagnostique une hernie discale avec sciatalgie résolue ainsi qu'un trouble d'adaptation avec humeur triste secondaire.
[13] Le 25 juillet 2005, M. B... produit une réclamation à la CSST pour une lésion psychologique qu'il allègue être reliée à la perte de ses capacités causée par son accident de travail du 15 octobre 2003.
[14] Le 8 décembre 2005, la CSST rend une décision par laquelle elle accepte la réclamation de M. B... pour une lésion psychologique causée par une dépression majeure secondaire s'étant manifestée le 23 mai 2005. Puisque cette décision est infirmée le 4 avril 2006 par une décision de la CSST rendue à la suite d'une révision administrative, M. B... dépose une requête à la CLP le 10 avril 2006 pour contester cette dernière décision.
[15] Le 2 mai 2007, la CLP infirme la décision de la CSST rendue le 4 avril 2006 et déclare que le 23 mai 2005 M. B... a subi une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion initiale survenue le 15 octobre 2003, soit une dépression majeure secondaire, et qu'il a droit en conséquence aux indemnités prévues par la LATMP.
[16] Dans son rapport médical d'évolution du 16 juillet 2008, la Dre Pinard indique notamment que M. B... souffre d'une dorsolombalgie mécanique ainsi que d'une dépression majeure, que ses symptômes dépressifs ont augmenté, qu'elle lui prescrit de l'Effexor, qu'elle le dirige vers un psychologue et que la période prévisible de consolidation de sa lésion est de plus de 60 jours.
[17] À la demande de la CSST, le Dr Alain Sirois, psychiatre, rencontre M. B... le 30 juillet 2008 dans le but de procéder à une expertise.
[18] Après avoir révisé le dossier de la CSST et procéder à l'examen de M. B..., il conclut ce qui suit dans son rapport d'expertise psychiatrique daté du 30 juillet 2008 :
1. Diagnostic :
On a accepté chez ce travailleur un diagnostic en relation de dépression majeure secondaire, qui correspond dans notre esprit aux critères diagnostiques d'un trouble de l'adaptation sévère et chronique ayant très peu évolué ces dernières années en dépit des traitements, compte tenu de la persistance d'un stresseur permanent important et de la vulnérabilité caractérielle préexistante du sujet :
Axe II. Il y a présence de carence affective et de traits de personnalité dépendante et passive-agressive, dont l'action contribue à colorer le tableau clinique et à favoriser la chronicisation des symptômes.
Axe III. Cervicalgie et dorsalgie chronique.
Axe IV. Facteurs stresseurs environnementaux et psychosociaux : Perte d'emploi, contrariétés financières, contexte litigieux et douleurs ainsi que limitations chroniques découlant de la lésion professionnelle.
Axe V. Évaluation globale du fonctionnement : 60 à 65.
2. Date de consolidation :
Nous consolidons la lésion psychique à la date de notre examen, le 30 juillet 2008.
3. Existence d'atteinte permanente à l'intégrité psychique.
Oui
4. Pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité psychique selon le barème des dommages corporels.
Nous accordons une atteinte permanente de 15%, correspondant à une névrose modérée du groupe II, tel que défini dans le règlement annoté sur le barème des dommages corporels.
5. Nature, nécessité, suffisance, durée des soins ou traitements administrés ou prescrits.
Il nous semble évident que les troubles de l'humeur chroniques, l'irritabilité, l'anxiété et l'humeur dépressive, quoique de nature réactionnelle, sont atténués par la prise à dose optimale d'un antidépresseur ISRS et le seraient probablement également avec d'autres médicaments antidépresseurs. Il y a tout avantage que monsieur reprenne son médicament à une dose plus efficace, mais on pourrait également envisager la possibilité d'y associer un second antidépresseur au profil d'effets secondaires différents, tel que Remeron ou Wellbutrin afin de ne pas avoir à augmenter de nouveau l'Effexor, voir ensuite s'il est possible de cesser complètement l'Effexor en le remplaçant par un autre antidépresseur mieux toléré de manière à tenter de réduire l'impact à long terme des effets secondaires, notamment sur la fonction sexuelle. Nous considérons par ailleurs qu'il n'y a pas d'objectif d'amélioration durable pourrant (sic) être visé par la thérapie psychologique, dont l'utilité répond à des besoins à long terme de support et d'expression qui n'auront probablement pas de fin.
6. Existence de limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle.
Oui.
7. Évaluation des limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle.
Il nous semble peu vraisemblable que le travailleur soit en mesure de fournir une prestation normale et régulière dans n'importe lequel travail, étant donné sa grande irritabilité, ses troubles de l'attention et de la concentration, ses plaintes de fatigue chronique et son besoin de dormir pendant de longues périodes au cours de la journée.
[19] Dans un rapport complémentaire daté du 11 septembre 2008 qu'elle rédige à la demande de la CSST, la Dre Pinard indique qu'elle est d'accord avec les conclusions du rapport du Dr Sirois à l'égard du diagnostic, de la date de consolidation et de la recommandation de traitements.
[20] À la suite d'une demande de la CSST d'indiquer son opinion au regard de l'atteinte permanente et des limitations fonctionnelles de M. B..., la Dre Pinard écrit ceci dans le formulaire intitulé Information médicale complémentaire écrite que la CSST reçoit le 30 septembre 2008 :
Je suis en accord avec le fait que M. B... a une atteinte permanente de son intégrité psychique entraînant une limitation fonctionnelle permanente. Cependant, ne maîtrisant pas les (mots illisibles) du « barème des dommages corporels » je ne suis pas en mesure d'en estimé (sic) le % d'atteinte permanente. Merci.
[21] Le 1er octobre 2008, la CSST formule une demande au BEM afin qu'il donne un avis à l'égard des sujets suivants :
1) l'existence d'une atteinte permanente à l'intégrité psychique et, le cas échéant, le pourcentage de celle-ci;
2) l'existence de limitations fonctionnelles et, le cas échéant, l'évaluation de celles-ci.
[22] Le 12 novembre 2008, la Dre Line Lemay, le médecin de la CSST, téléphone à la Dre Pinard pour vérifier si elle est en accord avec la cessation de la thérapie psychologique comme le laisse entendre le Dr Sirois dans son rapport d'expertise du 30 juillet 2008. À ce moment-là, la Dre Pinard lui indique qu'elle considère que les traitements sont toujours nécessaires. La Dre Lemay l'informe alors qu'il est possible qu'un avis soit également demandé au BEM par la CSST au sujet des traitements psychologiques. Dans les faits, la CSST décide de demander cet avis par la suite.
[23] Le 23 septembre 2009, le Dr Richard Laliberté, expert et membre du BEM, rend son avis au regard des sujets soumis par la CSST. Il conclut qu'il n'y a pas lieu de reprendre un suivi psychothérapique, que l'état clinique de M. B... correspond au groupe I des névroses (Code 222547, du Barème des dommages corporels) avec un déficit anatomophysiologique de 5 % et qu'il ne peut mettre en évidence la présence de limitations fonctionnelles au niveau psychique.
[24] À la suite de cet avis, la CSST rend une décision le 7 octobre 2009. Elle confirme que les soins ou traitements ne sont plus indiqués, que la lésion a entraîné une atteinte permanente donnant droit à une indemnité pour dommages corporels et que, compte tenu de la date de consolidation de la lésion et de l'absence de limitations fonctionnelles, M. B... recevra des indemnités de remplacement du revenu jusqu'à ce qu'elle se soit prononcée sur sa capacité d'exercer un emploi.
[25] Le 9 octobre 2009, la CSST rend une autre décision faisant suite à l'avis du BEM du 23 septembre 2009. Elle confirme que l'aggravation de la lésion professionnelle survenue le 23 mai 2005 a entraîné une atteinte permanente de 5,00 % et qu'il y a lieu d'ajouter à ce pourcentage 0,75 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie, pour un total de 5,75 %, ce qui donne droit à une indemnité de 3 231,62 $.
[26] Le 14 octobre 2009, M. B... demande la révision administrative de la décision rendue par la CSST le 7 octobre 2009.
[27] Le 19 octobre 2009, la CSST rend une décision confirmant à M. B... qu'elle a retenu comme emploi convenable celui de répartiteur de dépanneuses qui pourrait lui procurer un revenu annuel estimé à 20 800,00 $ et qu'elle considère qu'il est capable d'exercer à compter du 15 octobre 2009.
[28] Le 29 octobre 2009, M. B... demande la révision administrative des décisions rendues par la CSST les 9 et 19 octobre 2009.
[29] Les 3 et 16 novembre 2009, la Révision administrative de la CSST rend des décisions confirmant les décisions rendues les 7, 9 et 19 octobre 2009.
[30] M. B... dépose alors des requêtes à la CLP pour les contester.
LES DÉCISIONS DE LA CLP
[31] Le 29 avril 2010, la CLP rejette les requêtes de M. B... et confirme les décisions rendues par la CSST les 3 et 16 novembre 2009 à la suite d'une révision administrative.
[32] Elle déclare notamment que le processus d'évaluation médicale ayant mené à l'avis du BEM du 23 septembre 2009 est régulier, que M. B... est porteur d'une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique de 5,75 % et qu'il est capable d'exercer l'emploi convenable de répartiteur de dépanneuses.
[33]
Insatisfait de cette décision, M. B... dépose une requête à la CLP afin
de demander sa révision en vertu de l'article
[34] Toutefois, le 16 mars 2011, la CLP rejette sa requête au motif que la décision rendue le 29 avril 2010 n'est entachée d'aucune erreur manifeste de fait ou de droit ayant un effet déterminant sur l'issue du litige.
QUESTIONS EN LITIGE
[35] Les questions en litige que le Tribunal doit trancher sont les suivantes :
1) La CLP a-t-elle commis une erreur déraisonnable en déclarant que le processus d'évaluation médicale ayant mené à l'avis du Bureau d'évaluation médicale du 23 septembre 2009 est régulier, que M. B... est porteur d'une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique de 5,75 % et qu'il est capable d'exercer l'emploi convenable de répartiteur de dépanneuses?
2) La CLP a-t-elle commis une erreur déraisonnable en déterminant que la décision de ce tribunal rendue le 29 avril 2010 n'était entachée d'aucune erreur manifeste de fait ou de droit?
POSITIONS DES PARTIES
Position de M. D... B...
[36] M. B... plaide que les décisions rendues par la CLP sont déraisonnables.
[37]
En ce qui concerne la décision rendue le 29 avril 2010, il soutient que
la CLP aurait dû reconnaître que la CSST ne pouvait soumettre le dossier au BEM
en vertu de l'article
[38] À cet égard, il avance deux arguments.
[39]
En premier lieu, il fait valoir que la CSST a fait défaut de respecter
l'article
[40]
En deuxième lieu, il fait valoir que la CSST a appliqué l'article 205.1
de façon inversée de sorte qu'elle ne pouvait soumettre le dossier au BEM. À
cet égard, il soutient qu'elle devait recevoir au préalable le rapport du
médecin qui a charge du travailleur à l'égard de l'un des sujets mentionnés au
premier alinéa de l'article
[41] Or ici, le rapport du Dr Sirois est daté du 30 juillet 2008 alors que les rapports de la Dre Pinard sur lesquels la CSST se base pour exercer sa discrétion pour soumettre le dossier au BEM sont tous postérieurs.
[42]
Quant à la décision rendue le 16 mars 2011, M. B... indique qu'il avance
les mêmes arguments car il demandait la révision de la décision rendue par la
CLP le 29 avril 2010 en vertu de l'article
Position de la CSST
[43] Pour sa part, la CSST plaide que les décisions rendues par la CLP sont raisonnables car les motifs énoncés font partie des issues possibles acceptables au regard des faits et du droit.
[44]
En ce qui concerne la décision rendue le 29 avril 2010, elle soutient
que la CLP avait raison de décider que le processus d'évaluation médicale prévu
à l'article
[45] À cet égard, elle fait d'abord valoir qu'elle a respecté l'article 205.1 en demandant des rapports complémentaires à la Dre Pinard. Car en l'espèce, le rapport du Dr Sirois infirmait celui que la Dre Pinard avait rédigé le 16 juillet 2008 à l'égard de la date de consolidation de la lésion, des traitements psychologiques, de l'atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[46] Ensuite, puisque la Dre Pinard a répondu qu'elle n'était pas en mesure de fixer le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité psychique dans le formulaire intitulé Information médicale complémentaire écrite et qu'elle ne s'est pas prononcée sur les limitations fonctionnelles, elle fait valoir qu'elle pouvait soumettre le dossier au BEM car la jurisprudence de la CLP reconnaît qu'il existe un litige dans une telle situation.
[47]
Elle ajoute qu'elle n'avait pas le choix de soumettre le dossier au BEM de
toute façon. Car suivant la jurisprudence de la CLP, la CSST ne peut se
considérer liée par le rapport du médecin qui a charge du travailleur en vertu
de l'article
[48] En ce qui concerne la décision rendue par la CLP le 16 mars 2011, la CSST avance les mêmes arguments car M. B... ne fait valoir aucun élément nouveau au soutien de sa demande dans ce dossier.
ANALYSE
La norme de contrôle judiciaire
[49] Les questions à trancher étant au cœur de la compétence de la CLP, la norme de contrôle applicable est celle de la décision déraisonnable (arrêt Dunsmuir[5]). Cela est admis par les parties.
Décision rendue le 29 avril 2010
[50] Avant de statuer sur le caractère déraisonnable de cette décision, il convient d'examiner en premier lieu les dispositions pertinentes de la LATMP qui concernent le processus d'évaluation médicale institué par celle-ci.
[51] L'article 224 édicte que lorsque la CSST rend une décision en vertu de la LATMP, elle est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur à l'égard des sujets suivants mentionnés aux paragraphes 1 à 5 du premier alinéa de l'article 212 :
1) le diagnostic;
2) la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;
3) la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;
4) l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;
5) l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.
[52] Toutefois, en vertu de l'article 204, la CSST peut exiger que le travailleur victime d'une lésion professionnelle se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question concernant sa lésion.
[53] Les articles 212 et 212.1 prévoient que l'employeur du travailleur peut également contester mais il n'y a pas lieu d'en discuter ici.
[54] Si le rapport du médecin désigné par la CSST infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur à l'égard d'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1 à 5 du premier alinéa de l'article 212, la CSST peut demander à ce dernier de lui fournir un rapport complémentaire pour étayer ses conclusions et, lorsqu'il y a un désaccord entre les rapports des médecins, elle peut soumettre ceux-ci au BEM pour qu'il donne son avis. La CSST peut également soumettre le rapport de son médecin désigné au BEM même si le médecin du travailleur ne s'est pas prononcé sur l'un ou plusieurs des sujets en question.
[55] À cet égard, il convient de citer les articles 205.1, 206 et 217 pour fins de compréhension :
205.1 Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.
206 La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.
217 La Commission soumet sans délai les contestations prévues aux articles 205.1, 206 et 212.1 au Bureau d'évaluation médicale en avisant le ministre de l'objet en litige et en l'informant des noms et adresses des parties et des professionnels de la santé concernés.
[56] Lorsque le membre du BEM est saisi du dossier, il donne son avis écrit conformément aux dispositions de l'article 221 :
221 Le membre du Bureau d'évaluation médicale, par avis écrit motivé, infirme ou confirme le diagnostic et les autres conclusions du médecin qui a charge du travailleur et du professionnel de la santé désigné par la Commission ou l'employeur, relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, et y substitue les siens, s'il y a lieu.
Il peut aussi, s'il l'estime approprié, donner son avis relativement à chacun de ces sujets, même si le médecin qui a charge du travailleur ou le professionnel de la santé désigné par l'employeur ou la Commission ne s'est pas prononcé relativement à ce sujet.
[57]
Si le membre du BEM rend son avis dans le délai de 30 jours prescrit à
l'article
[58] Cela dit, voyons si la décision rendue par la CLP est déraisonnable.
[59] Après avoir rappelé que sa jurisprudence établit qu'il doit exister un litige entre l'avis du médecin du travailleur et celui du médecin de l'employeur ou le médecin désigné par la CSST pour que le dossier soit transmis à un membre du BEM, la CLP effectue une analyse détaillée afin de comparer les rapports médicaux du Dr Sirois et de la Dre Pinard.
[60] Puisque la Dre Pinard ne se prononce pas sur le pourcentage d'atteinte permanente à retenir et sur les limitations fonctionnelles, la CLP conclut qu'il existait un litige que la CSST n'avait d'autre choix que de soumettre au BEM pour qu'il donne son avis. Car ici, il n'y avait pas d'entente les deux médecins sur ces éléments.
[61] Partant, elle reconnaît que l'avis du BEM du 23 septembre 2009 est régulier et qu'il liait la CSST et, après avoir effectué une analyse détaillée, elle établit que M. B... est porteur d'une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique de 5,75 % et qu'il est capable d'exercer l'emploi convenable de répartiteur de dépanneuses.
[62]
M. B... fait valoir que la CLP aurait dû reconnaître que le processus
d'évaluation médicale ayant mené à l'avis du BEM du 23 septembre 2009 était
illégal et que toutes les décisions en découlant devaient être annulées au
motif que la CSST n'a pas respecté les dispositions de l'article
[63] Toutefois, le Tribunal ne peut retenir ses arguments car ils ne résistent pas à l'analyse.
[64]
Premièrement, en vertu de l'article
[65] Deuxièmement, la CSST était justifiée de demander des rapports complémentaires à la Dre Pinard en vertu de l'article 205.1. Car le rapport d'expertise du Dr Sirois du 30 juillet 2008 infirmait les conclusions de son rapport au regard de la date de consolidation de la lésion et des traitements.
[66] Troisièmement, puisque la Dre Pinard a indiqué qu'elle ne pouvait déterminer le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité psychique dans le formulaire intitulé Information médicale complémentaire écrite et qu'elle ne s'est pas prononcée sur les limitations fonctionnelles, la CSST pouvait soumettre le dossier au BEM en vertu de l'article 205.1.
[67] Car de façon constante, la CLP estime que le rapport complémentaire du médecin du travailleur doit contenir des conclusions clairement étayées et qu'en l'absence de telles conclusions, il n'existe aucun accord entre son rapport et celui du médecin de la CSST de telle sorte que ces rapports peuvent être soumis au BEM pour qu'il donne son avis[6]. C'est ce qui ressort de la décision rendue par la CLP ici. Or, une telle interprétation n'est pas déraisonnable.
Décision rendue le 16 mars 2011
[68]
La CLP devait déterminer si la décision rendue le 29 avril 2010 pouvait
être révisée pour vice de fond en vertu de l'article
La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
[69] Puisqu'elle a jugé que cette décision n'est entachée d'aucune erreur manifeste de fait ou de droit ayant un effet déterminant sur l'issue du litige et que M. B... avance les mêmes arguments ici, sa requête en révision judiciaire doit échouer.
[70] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[71] REJETTE la requête en révision judiciaire de M. D... B...;
[72] LE TOUT, avec dépens.
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__________________________________ ALAIN BOLDUC, J.C.S. |
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Me Bernard Vézina |
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Lacoursière, LeBrun |
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Avocats du demandeur |
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Me Marie-France Bernier |
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Verge, Bernier |
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Avocats de la défenderesse |
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Me Line Régnier |
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Vigneault, Thibodeau, Giard |
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Avocats de la CSST |
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Date d'audience : 2 décembre 2011 |
[1] L.R.Q., ch. A-3.001.
[2] Ce chariot n'était muni d'aucun système de suspension.
[3] Le professionnel de la santé désigné par la CSST.
[4] Le médecin qui a charge du travailleur.
[5]
Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick,
[6]
Bohbot et Hôpital Général Juif Mortimer B.
Davis,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.