LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES QUÉBEC MONTRÉAL, le 29 mars 1996 DISTRICT D'APPEL DEVANT LE COMMISSAIRE:Me Alain Suicco DE MONTRÉAL RÉGION: ASSISTÉ DE L'ASSESSEUR:Dr Pierre Nadeau ESTRIE DOSSIERS: 51842-05-9306 64307-05-9411 AUDIENCE TENUE LE: 18 mars 1996 DOSSIER CSST: 002890267 DOSSIER B.R.: 61493534 À Sherbrooke MADAME YVETTE LACHANCE 1400, rue Lalande Magog (Québec) J1X 4Z5 PARTIE APPELANTE et BARMISH INC.Direction des Ressources Humaines 340, rue St-Jean Bosco Magog (Québec) J1X 1K9 PARTIE INTÉRESSÉE et COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL - ESTRIE Directeur régional 1335, rue King ouest Sherbrooke (Québec) J1J 2B8 PARTIE INTERVENANTE D É C I S I O N Le 9 juin 1993, madame Yvette Lachance (la travailleuse) dépose à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel), une déclaration d'appel à l'encontre d'une décision rendue le 2 juin 1993 par le bureau de révision. La décision du bureau de révision est à l'effet d'accorder à la travailleuse une aide personnelle de 327,89 $ par vingt-huit jours pour la période du 30 novembre 1991 au 27 décembre 1991 et de 347,24 $ par vingt-huit jours pour la période du 28 décembre 1991 au 25 décembre 1992. La décision du bureau de révision est également à l'effet de n'accorder «aucun déboursé en ce qui a trait à la modification de la porte patio du domicile de la travailleuse» (dossier 51842-05-9306).
Le 9 novembre 1994, la travailleuse dépose à la Commission d'appel, une déclaration d'appel à l'encontre d'une décision rendue le 11 octobre 1994 par le bureau de révision. La décision du bureau de révision est à l'effet de refuser le remboursement pour les coûts reliés à la teinture d'une partie de la façade et des côtés de la maison de la travailleuse. La décision du bureau de révision refuse également le remboursement des coûts reliés au déneigement de la toiture de la maison et du garage. (dossier 64307-05-9411).
OBJET DES APPELS Dans le dossier 51842-05-9306, la travailleuse demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision du bureau de révision, de déclarer qu'elle doit recevoir l'aide personnelle maximum pour les périodes du 30 novembre 1991 au 27 décembre 1991 et du 28 décembre 1991 au 25 décembre 1992. La travailleuse demande également d'obtenir le déboursé nécessaire à la modification de la porte patio de son domicile. Dans le dossier 64307-05-9411, la travailleuse demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision du bureau de révision et de déclarer que la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) doit lui défrayer les coûts reliés à la teinture d'une partie de la façade et des côtés de sa maison, de même qu'au déneigement de la toiture et du garage de sa maison.
EXPOSÉ DES FAITS La travailleuse, âgée de cinquante ans, a travaillé à titre de couturière pour l'entreprise Barmish (l'employeur). Le 12 septembre 1989, elle a été victime d'une lésion professionnelle, soit une épicondylite du coudre droit. Une chirurgie a été pratiquée le 2 janvier 1990 et la travailleuse a par la suite présenté une ankylose progressive de tout le membre supérieur droit, en raison d'une dystrophie sympathique réflexe.
Il y a lieu d'abord de rapporter une partie de la décision du bureau de révision qui ne fait pas l'objet de contestation.
«(...) Le 9 août 1991, la C.S.S.T. confirme une atteinte permanente de 97.15%.
Le 3 mai 1990, le dossier de la travailleuse est référé au service de réadaptation sociale afin d'évaluer des besoins d'aide personnelle.
Le 8 juin 1990, la conseillère en réadaptation rencontre la travailleuse aux bureaux de la C.S.S.T. et procède à l'évaluation de ses besoins personnels. Elle attribue un total de 14 pour l'évaluation des besoins pour la période du 10 janvier 1990 au 19 janvier 1990 et un total de 8 pour la période du 20 janvier 1990 au 31 mai 1990.
Le 30 août 1990, la travailleuse se voit reconduire son aide personnelle du 1er juillet au 31 août 1990.
Le 15 novembre 1990, la conseillère en réadaptation évalue l'aide personnelle à 13 points et renouvelle la période d'allocation du 1er septembre 1990 au 13 novembre 1990 et du 14 novembre 1990 au ler mai 1991.
Le 25 juin 1991, la conseillère en réadaptation procède à une réévaluation de l'aide personnelle de la travailleuse en présence de son représentant, monsieur Maurice Dorval. Il lui est confirmé que son aide personnelle sera reconduite et qu'une évaluation sera effectuée par une ergothérapeute, en novembre 1991. Le pointage attribué selon la grille est alors de 11 points.
Le 25 octobre 1991, la conseillère en réadaptation rencontre la travailleuse et lui confirme qu'elle est référée à une ergothérapeute afin de procèder à l'évaluation de son aide personnelle, de l'adaptation du domicile et du véhicule. La travailleuse signe alors une autorisation pour transmettre les informations pertinentes à l'ergothérapeute.
En novembre 1991, une ergothérapeute, madame Louise Lessard rencontre la travailleuse et procède à l'évaluation de ses besoins personnels.
Le 12 décembre 1991, la conseillère en réadaptation rencontre madame Lessard afin de discuter de la grille d'aide personnelle. Le pointage attribué se situe alors à 10 points (grille du 5 décembre 1991) comparativement à 11 points (grille du 25 juin 1991).
La grille d'évaluation du 5 décembre porte la signature de madame Lessard et confirme une prise en charge partielle (pointage=1) pour la variable «prendre un bain ou une douche» alors que celle du 25 juin 1991 signé par la conseillère en réadaptation, indiquait une prise en charge nulle (pointage-2)».
La Commission a fait parvenir à la Commission d'appel «la grille d'évaluation du besoin d'aide personnelle» utilisée par madame Lessard.
À l'audience, la travailleuse déclare que suite à l'évaluation de l'ergothérapeute, madame Lessard, les différents articles adoptés pour se laver, se peigner, se brosser les cheveux...n'ont jamais vraiment pu être utilisés parce que «depuis 1989, elle n'a jamais rien pu faire avec son bras droit».
Maintenant, compte tenu «qu'elle ne peut presque pas bouger son bras gauche non plus», elle reçoit l'aide tant pour se coucher que pour son hygiène, ses repas...
À cet effet, les premiers rapports médicaux qui font état d'une pathologie au membre supérieur gauche apparaissent véritablement au printemps de 1993. Ainsi le 17 mars 1993, le docteur Arsenault indique «une épicondylite du coude gauche et une tendinite de l'épaule gauche...».
Il en est de même du docteur Farfan en avril 1993. Au mois de septembre 1993, le docteur Marosi a procédé à une infiltration stéroïdienne à l'épaule gauche. De façon plus contemporaine, des rapports médicaux du docteur Arsenault des mois de février et mars 1993 font état d'une capsulite à l'épaule gauche (Pièce T- 2).
Également, concernant le montant d'argent attribué à titre d'aide personnelle, les notes évolutives du dossier de la Commission, datées du mois de septembre 1992 indiquent qu'à la suite d'une seconde intervention chirurgicale au membre supérieur droit de la travailleuse, pratiquée au mois de mai 1992, l'aide personnelle a été ajustée «...de l'ordre de 347,24 $ à 471,58 $» aux vingt-huit jours et ce, pour la période du 23 mai 1992 au 19 juin 1992.
De même les notes évolutives du mois de janvier 1993 indiquent: «(...) D'autre part - "Réévaluation de l'aide personnelle" en cours au dossier.
Compte-tenu que l'état de la travailleuse ns apparaît sensiblement identique qu'au moment de la dernière évaluation complétée à cet effet par Mme Louise Lessard (ergothérapeuthe) en date du 5.10.91, nous conservons donc le même pointage de 10 pts (grille d'autonomie A.V.Q.). Toutefois, puisque les taux d'aide personnelle sont indexés à compter de janvier 1993, ns verserons donc un "montant de $354.00/28 jrs" à la travailleuse, pour la période du 26.12.92 au 24.12.93».
La travailleuse ajoute qu'elle est propriétaire depuis 1984 d'une maison comportant onze pièces, et qu'elle y vit séparée de son mari depuis le mois de juin 1992. Elle indique que la porte patio «constitue la seule sortie arrière de la maison». Elle se dit incapable de «l'ouvrir en raison de la lourdeur de la porte»; de plus, un rapport du service des incendies de la municipalité confirme les contraintes pour l'ouverture de cette porte. Si un feu se déclarait à l'avant de la maison, la travailleuse ne pourrait pas sortir par la porte patio arrière.
Concernant la teinture pour l'extérieur de la maison, la travailleuse déclare que «même quand son mari vivait avec elle, c'est elle qui faisait cela avant sa lésion professionnelle de 1989». Il en est ainsi du déneigement de la couverture de la maison et du garage; cela «a toujours été fait au moins une fois par année». La travailleuse précise que son mari ne s'est jamais occupé de l'entretien de la maison, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur. Ce dernier était alcoolique et souvent suicidaire; à six ou sept occasions, il a tenté de mettre fin à ses jours.
Concernant le contrat de vente de la maison, signé en février 1993, la travailleuse déclare «qu'elle n'a jamais eu l'intention de vendre, sauf qu'en raison du jugement de divorce, son mari voulait l'y obliger pour récupérer sa part». Des arrangements ont été faits avec son ex-conjoint depuis, de sorte que la maison n'est plus à vendre.
Le 23 août 1993, la Commission a accepté de rembourser à la travailleuse la somme de 100 $, soit «le prix de la main-d'oeuvre pour huit cadres de fenêtre, partie arrière et de côté» de la maison; la soumission pour le travail au complet et datée du 7 juillet 1993, était de 1 042,69 $. Quant au déneigement, l'estimé totalise 400 $ et est daté du 19 novembre 1992.
ARGUMENTATION DES PARTIES La travailleuse soumet que la preuve médicale correspondant au printemps 1992, indique qu'elle avait besoin d'une aide personnelle supplémentaire. La travailleuse soumet de plus que les modifications à la porte patio sont nécessaires pour sa propre sécurité. Enfin, la teinture et le déneigement constituent des travaux d'entretien au sens de l'article
165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., Chapitre A-3.001) (la loi).La Commission bien qu'absente à l'audience, a soumis une argumentation écrite. Dans le dossier 64307-05-9411, la Commission soumet que les travaux considérés séparément, totalisent une valeur inférieure à 1 000 $ et qu'ainsi, la travailleuse ne peut en appeler conformément à l'alinéa deuxième de l'article 359 de la loi. Subsidiairement, la Commission soumet que ces travaux ne constituent pas des travaux d'entretien au sens de l'article 165 de la loi.
L'employeur bien que dûment convoqué, ne s'est pas présenté à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION Pour les fins du présent appel concernant l'aide personnelle, il y a lieu de se référer aux articles 158 à 163 de la loi.
«158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.» «159. L'aide personnelle à domicile comprend les frais d'engagement d'une personne pour aider le travailleur à prendre soin de lui-même et pour effectuer les tâches domestiques que le travailleur effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion.
Cette personne peut être le conjoint du travailleur.» «160. Le montant de l'aide personnelle à domicile est déterminé selon les normes et barèmes que la Commission publie chaque année à la Gazette Officielle du Québec et ne peut excéder 800 $ par mois.» «161. Le montant de l'aide personnelle à domicile est réévalué périodiquement pour tenir compte de l'évolution de l'état de santé du travailleur et des besoins qui en découlent.» «162. Le montant de l'aide personnelle à domicile cesse d'être versé lorsque le travailleur: 1 redevient capable de prendre soin de lui-même ou d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il ne pouvait effectuer en raison de sa lésion professionnelle; ou 2 est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives ou par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris et inuit.» «163. Le montant de l'aide personnelle à domicile est versé une fois par deux semaines au travailleur.
Ce montant est rajusté ou annulé, selon le cas, à compter de la première échéance suivant l'événement qui donne lieu au rajustement ou à l'annulation.» Dans la période du 30 novembre 1991 au 25 décembre 1992, la preuve prépondérante est à l'effet que l'évaluation faite par l'ergothérapeute, madame Lessard, était conforme aux besoins de la travailleuse à cette époque-là. Un ajustement du montant a même été effectué pour la période qui a suivi l'intervention chirurgicale du mois de mai 1992.
La preuve de la véritable détérioration du membre supérieur gauche de la travailleuse n'apparaît au dossier qu'en mars 1993; cela ne fait pas partie de l'objet de l'appel, pas plus d'ailleurs que les rapports médicaux datés de 1996. La Commission d'appel n'a pas la compétence pour évaluer cette aide à la travailleuse pour des périodes postérieures à décembre 1992.
L'adaptation de la porte patio de la maison de la travailleuse doit être évaluée en fonction des dispositions de l'article 153 de la loi.
«153. L'adaptation du domicile d'un travailleur peut être faite si: 1o le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique; 2o cette adaptation est nécessaire et constitue la solution appropriée pour permettre au travailleur d'entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d'avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de son domicile; et 3o le travailleur s'engage à y demeurer au moins trois ans.
Lorsque le travailleur est locataire, il doit fournir à la Commission copie d'un bail d'une durée minimale de trois ans.» La preuve non contredite est à l'effet que la travailleuse est incapable d'ouvrir cette porte, qui constitue le seul accès arrière à l'extérieur de la maison. De plus, tel qu'indiqué par le service des incendies, cette situation est dangereuse pour la sécurité de la travailleuse. Il y a donc lieu à ce que les réparations nécessaires y soient effectuées.
Concernant les frais relatifs à la teinture et au déneigement, la Commission a soumis que l'alinéa 2o de l'article 359 de la loi n'autorise pas la travailleuse à déposer une déclaration d'appel.
«359. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par un bureau de révision à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358 peut en interjeter appel devant la Commission d'appel dans les 60 jours de sa notification.» La Commission d'appel est d'avis que la décision du bureau de révision qui fait l'objet de l'appel, porte «sur une prestation dont la valeur excède 1 000 $». En effet, la soumission pour les travaux de teinture totalise 1 042,69 $, dont seulement 100 $ a été remboursé par la Commission. Quant au déneigement, elle totalise 400 $. La prestation qui fait l'objet de l'appel totalise donc 1 342,69 $. Séparer chacune des réclamations aurait pour effet de détourner l'objet de la loi.
C'est l'article 165 de la loi qui dispose du droit au remboursement des travaux d'entretien du domicile d'un travailleur accidenté.
«165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.» La Commission d'appel est d'avis que la teinture à appliquer sur le revêtement extérieur de la maison de la travailleuse constitue un travail d'entretien au sens de l'article 165 de la loi. La Commission a d'ailleurs remboursé une partie de ces travaux. Il en est de même du déneigement du toit de la maison et du garage.
La preuve non contredite est à l'effet qu'avant d'être victime de sa lésion professionnelle, la travailleuse exécutait elle-même ces travaux.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES Dans le dossier 51842-05-9306: ACCUEILLE en partie l'appel; CONFIRME la décision du bureau de révision concernant l'aide personnelle à la travailleuse, madame Yvette Lachance, pour les périodes du 30 novembre 1991 au 27 décembre 1991 et du 28 décembre 1991 au 25 décembre 1992; INFIRME la décision du bureau de révision concernant la porte patio du domicile de la travailleuse, madame Yvette Lachance; DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail doit débourser la somme d'argent nécessaire à la modification de la porte patio du domicile de la travailleuse, madame Yvette Lachance.
Dans le dossier 64307-05-9411: ACCUEILLE l'appel; INFIRME la décision du bureau de révision; DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail doit défrayer les coûts relatifs à la teinture d'une partie de la façade et des côtés de la maison de la travailleuse, madame Yvette Lachance; DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail doit défrayer le coût relatif au déneigement de la toiture de la maison et du garage de la travailleuse, madame Yvette Lachance.
Me Alain Suicco, commissaire CONSULTANTS POUR ACCIDENTÉ(ES) (Monsieur Maurice Dorval) 2290, Chemin Ayers Cliff R.R. 1 Magog (Québec) J1X 3W2 Représentant de la travailleuse PANNETON, LESSARD (Me Isabelle Vachon) 1650, rue King ouest bureau 300 Sherbrooke (Québec) J1J 2C3 Représentante de la partie intervenante
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