Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Brière et Centre de santé Cloutier-du-Rivage

2013 QCCLP 965

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Trois-Rivières

15 février 2013

 

Région :

Mauricie-Centre-du-Québec

 

Dossiers :

424524-04-1011   479222-04-1208    488377-04-1211

 

Dossier CSST :

088170873

 

Commissaire :

Diane Lajoie, juge administratif

 

Membres :

René Pépin, associations d’employeurs

 

André Poirier, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

 

Gaétan Brière

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Centre de santé Cloutier-du-Rivage

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

Dossier 424524-04-1011

 

[1]           Le 15 novembre 2010 le travailleur, monsieur Gaétan Brière, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) le 22 octobre 2010, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST, d’une part, confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 9 juillet 2010 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût de remplacement de son avertisseur de fumée. D’autre part, la CSST infirme la décision qu’elle a initialement rendue le 3 septembre 2010 et déclare que le diagnostic d’épicondylite au coude gauche est en relation avec l’événement du 17 novembre 1984.

Dossier 479222-04-1208

[3]           Le 8 août 2012, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 2 août 2012, à la suite d’une révision administrative.

[4]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 14 mai 2012 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût des médicaments Alvesco et Z-Pak.

Dossier 488377-04-1211

[5]           Le 24 novembre 2012, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 16 novembre 2012, à la suite d’une révision administrative.

[6]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 12 septembre 2012 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement des pourboires versés pour le service de repas pris au restaurant.

[7]           À l’audience tenue le 9 janvier 2013, le travailleur est présent et représenté par sa procureure. L'employeur, Centre de santé Cloutier-du-Rivage, bien que dûment convoqué, est absent. Les dossiers sont mis en délibéré ce même jour.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

[8]           Dans le dossier 424524, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’il a droit au remboursement du coût d’achat d’un avertisseur de fumée avec télécommande.

[9]           Dans le dossier 479222, le travailleur demande au tribunal de reconnaître qu’il a droit au remboursement du coût des médicaments Alvesco et Z-Pak.

[10]        Enfin, dans le dossier 488377, il demande au tribunal de déclarer qu’il a droit au remboursement des frais de repas, incluant le pourboire, jusqu’à concurrence du maximum du montant prévu par le règlement.

LA PREUVE

[11]        Du dossier constitué par la Commission des lésions professionnelles et de la preuve produite à l’audience, le tribunal retient les éléments pertinents suivants.

[12]        Monsieur Brière exerce le travail d’infirmier auxiliaire à compter de 1981. En juillet 1982, il subit une entorse à la cheville gauche. Après cet accident, il reprend le travail, sans limitation fonctionnelle.

[13]        Le 17 novembre 1984, le travailleur subit un accident du travail, alors que son pied gauche demeure coincé dans l’appui-pied d’un fauteuil gériatrique dans lequel il assoit un patient.

[14]        Un diagnostic d’entorse à la cheville gauche est posé. Le travailleur reprend son travail le 22 janvier 2005, sans limitation fonctionnelle.

[15]        Une première récidive, rechute ou aggravation du 28 juin 1985 est reconnue par la CSST, pour un diagnostic de tendinite des extenseurs du pied gauche. La lésion est consolidée le 29 septembre 1985, sans atteinte permanente, mais avec limitations fonctionnelles. Le travailleur reprend le travail le 1er octobre 1985.

[16]        Le suivi médical se poursuit et l’évolution de la lésion n’est pas favorable. À compter de 1987, le travailleur subit plusieurs chirurgies au pied gauche et doit s’absenter du travail.

[17]        Le 12 juin 2006, la Commission des lésions professionnelles rend une décision[1] par laquelle elle reconnaît que l’ensemble des périodes d’incapacité vécues par le travailleur à la suite de l’accident du travail du 17 novembre 1984 résulte d’une récidive, rechute ou aggravation reliée directement à cet accident de travail.

[18]        D’autres diagnostics sont reconnus en lien avec la lésion professionnelle, soit un syndrome douloureux régional complexe, un syndrome anxio-dépressif, une épicondylite droite, une bursite au genou droit, une kératine sèche par poly médicamentation.

[19]        Le 27 février 2007, la CSST déclare le travailleur inemployable.

[20]        Le 4 octobre 2007, le docteur Montminy, chirurgien orthopédiste, consolide la lésion, avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles. Le 11 décembre 2007, il examine le travailleur et produit le rapport d'évaluation médicale. Au moment de cet examen, le travailleur présente une douleur diffuse au niveau du pied gauche avec un œdème qui touche les deux pieds. La douleur est nettement aggravée par la mise en charge, laquelle est impossible sans le support de béquilles.

[21]        Sur de courtes distances, le travailleur se déplace à l’aide de béquilles et dès que la distance est le moindrement longue, il utilise un fauteuil roulant.

[22]        Le travailleur consomme de nombreux médicaments, dont certains au moyen d’une pompe intra thécale. Il doit également prendre une médication pour compenser certains effets secondaires des médicaments.

[23]        Le docteur Montminy reconnaît au travailleur des limitations fonctionnelles de classe IV qu’il décrit comme suit :

- ne pas avoir à accomplir de façon répétée ou fréquente des activités qui impliquent de soulever, porter, pousser, tirer des charges dépassant 5 kilogrammes;

- ne doit pas avoir à travailler en position accroupie ou fléchie;

- ne doit pas avoir à ramper ou à grimper;

- ne doit pas avoir à demeurer en position debout de façon le moindrement prolongée sur le membre inférieur gauche;

- ne doit pas avoir à pivoter sur le membre inférieur gauche;

- ne doit pas avoir à circuler dans les escaliers;

- ne doit pas avoir à marcher en terrain accidenté ou glissant;

- ne doit pas avoir à travailler dans une position instable;

- ne doit pas non plus avoir à garder son membre inférieur gauche en position déclive pour des périodes supérieures à 60 minutes sans possibilité de le surélever;

- ne doit pas avoir à effectuer de mouvements répétés ou fréquents, et ce, même sans effort de sa cheville gauche.

 

La sévérité de l’atteinte fonctionnelle et le caractère continu de la douleur sont incompatibles avec tout travail régulier. On pourrait envisager une activité dont il pourrait lui-même contrôler le rythme et l’horaire.

 

[24]        Le docteur Montminy évalue le déficit anatomophysiologique à 31,9 %.

[25]        Le 13 mai 2008, la Commission des lésions professionnelles rend une décision[2] par laquelle elle entérine un accord intervenu entre les parties et déclare que le travailleur a droit au remboursement du coût d’achat d’un lit électrique.

[26]        De plus, le paiement de 20 séances de psychothérapie après le 27 octobre 2009, est accordé au travailleur[3].

[27]        Selon le document T-1, provenant de la CSST, l’atteinte permanente totale reconnue au travailleur est de 72,48 %.

[28]        Le 20 juin 2010, le travailleur adresse à la CSST une demande pour le remboursement du coût d’achat d’un avertisseur de fumée avec télécommande (T-6) . Il explique qu’il n’est pas en mesure, vu sa condition physique, de faire cesser l’alarme du détecteur en place. Il a brisé déjà deux détecteurs avec sa béquille en tentant de les arrêter. Il mentionne avoir fait l’achat d’un avertisseur avec télécommande au coût de 39,36 $. Il soumet la facture à la CSST.

[29]        Le 9 juillet 2010, la CSST refuse de rembourser au travailleur le coût de l’avertisseur de fumée. Cette décision est confirmée le 22 octobre 2010, à la suite d’une révision administrative, d’où la requête dans le dossier 424524.

[30]        Le 22 octobre 2010, la Commission des lésions professionnelles reconnaît que le travailleur a droit, pour l’été 2010, au remboursement des frais pour la tonte de la pelouse et l’entretien de son terrain[4].

[31]        Le 12 avril 2012, le travailleur consulte la docteure Talbot pour des problèmes respiratoires. Dans la note de consultation, elle rapporte une difficulté à respirer depuis février 2012. Elle note que le patient prend Bricanyl à cause de la morphine intra thécale. Il prend de plus Dilaudid, Empracet ou Advil. Elle rapporte aussi des expectorations colorées depuis trois semaines.

[32]        La docteure Talbot conclut à un problème respiratoire exacerbé secondaire à la médication et à la bronchite. Elle prescrit Alvesco pour 14 jours et Z-Pak.

[33]        Sur le rapport médical destiné à la CSST, elle écrit «exacerbation problème respiratoire en lien avec pompe intra thécale/narcotique».

[34]        Le 14 mai 2012, la CSST rend une décision par laquelle elle refuse de rembourser au travailleur le coût des médicaments Alvesco et Z-Pak. Cette décision est confirmée le 2 août 2012, à la suite d’une révision administrative, d’où la requête dans le dossier 479222.

[35]        Le 24 mai 2012, le travailleur est examiné par le docteur Lemire, orthopédiste, membre du Bureau d'évaluation médicale. Cette évaluation porte sur la rechute du 23 novembre 2003.

[36]        Le membre du Bureau d'évaluation médicale conclut à des diagnostics de tendinite de l’épaule droite, épicondylite bilatérale et épitrochléite bilatérale. La lésion est consolidée le 24 mai 2012, sans nécessité de traitement. Le docteur Lemire évalue le déficit anatomophysiologique à 4 % et reconnaît les limitations fonctionnelles suivantes :

Monsieur devra éviter les tâches impliquant des mouvements répétitifs à haute fréquence des membres supérieurs droit et gauche, de soutenir l’épaule droite de façon prolongée au-dessus du niveau de l’horizontale que ce soit en élévation ou en abduction, de grimper échelles et échafauds, de transporter des charges d’un poids de plus de 5 kilos.

 

[37]        Le 11 juin 2012, la CSST rend une décision en conséquence de cet avis du membre du Bureau d'évaluation médicale.

[38]        Le travailleur présente à la CSST une demande de remboursement pour les frais de transport et de repas engagés pour recevoir des soins en lien avec la lésion professionnelle. Au soutien de sa demande, il produit entre autres des factures de repas pour lui et son accompagnateur, soit deux dîners et deux soupers pris le 20 août 2012 (T-2).

[39]        Il appert de ces factures que le coût des dîners est de 19,32 $ et que le travailleur a en plus versé un pourboire de 2,89 $, équivalent à 15 % du montant de la facture, pour un total de 22,21 $. Le coût des soupers est de 42,20 $, plus un pourboire de 6,33 $, pour un total de 48,53 $.

[40]        La CSST a remboursé au travailleur les montants réclamés, à l’exclusion du montant des pourboires versés. Le travailleur a demandé la révision de cette décision. Dans une décision rendue à la suite d’une révision administrative le 16 novembre 2012, la CSST estime que le travailleur n’a pas droit au remboursement des pourboires, d’où la requête dans le dossier 488377.

[41]         Monsieur Brière témoigne à l’audience. Il raconte qu’à la suite de l’accident du travail de novembre 1984, il a subi une entorse sévère à la cheville gauche. Il est retourné au travail après une absence de quatre à cinq semaines. Il a de nouveau cessé de travailler en 1985 à cause de douleurs trop importantes.

[42]        En 1987, il a subi une première chirurgie. Il a par la suite subi plusieurs autres chirurgies et des rechutes ont été reconnues par la CSST. En 2003, il est de nouveau en arrêt de travail et il n’y est pas retourné depuis.

[43]        En 2004, un neurostimulateur a été installé dans la colonne pour tenter de diminuer la douleur. Ce traitement n’a pas été concluant. En 2007, une pompe intra thécale servant à distribuer trois médicaments a été mise en place. Le travailleur explique que la médication est difficile à contrôler et qu’en plus des médicaments pris à l’aide de la pompe, il doit aussi en prendre par la bouche.

[44]        En 2010, il doit prendre Acutane pour traiter l’acné apparue à la suite de la prise des narcotiques. Il a aussi développé un assèchement des yeux.

[45]        Au plan des limitations, il explique que ses déplacements sont très limités. Il utilise les béquilles pour parcourir de courtes distances, ce qui a entraîné un problème d’épicondylites. Pour les longues distances, il utilise le fauteuil roulant. Il ne peut lever les bras plus haut que les épaules à cause de l’instabilité de la pompe.

[46]        Le travailleur témoigne qu’il ne fait pratiquement plus rien dans la maison. Il n’accomplit pas non plus de tâches à l’extérieur. Sa tolérance est diminuée par la prise de médicaments.

[47]        La CSST a payé pour l’adaptation de son domicile en installant une chaise élévatrice dans l’escalier pour se rendre à l’étage.

[48]        Le jour, il est seul à la maison. Sa conjointe prépare les repas et il les réchauffe.

[49]        Monsieur Brière dépose au dossier des photos de l’intérieur de sa maison sur lesquelles on voit l’escalier menant à l’étage et la chaise élévatrice, la cuisine et la salle à manger (T-3). L’avertisseur de fumée est placé au plafond, près de la cage d’escalier et non loin de la cuisinière.

[50]        Il explique que l’avertisseur de fumée a sonné à quelques reprises alors qu’il sortait son repas du four. Étant donné qu’il bouge et exécute les tâches plus lentement qu’auparavant, la porte du four peut rester ouverte suffisamment longtemps pour que la chaleur qui s’en échappe déclenche l’avertisseur de fumée.

[51]        Étant donné que l’avertisseur est placé au plafond, le travailleur n’est pas en mesure de le mettre en arrêt. Afin de faire cesser l’alarme, il a appelé un voisin qui est venu le fermer pour lui.

[52]        Toutefois, à deux occasions, l’avertisseur s’est déclenché, mais il n’y avait personne pour le désamorcer. Il a donc monté deux ou trois marches dans l’escalier avec la chaise élévatrice et a tenté de fermer l’avertisseur à l’aide de sa béquille. L’avertisseur est tombé au sol et s’est brisé.

[53]        Lors d’une visite des pompiers, on lui a confirmé que l’avertisseur était installé au bon endroit.

[54]        C’est dans ce contexte qu’il s’est procuré un avertisseur de fumée qui peut être arrêté à distance, avec une télécommande. Il n’a qu’à appuyer sur un bouton et l’alarme cesse. Il a payé une trentaine de dollars pour cet avertisseur. La CSST a refusé de lui rembourser ce montant.

[55]        Concernant les médicaments, le travailleur témoigne que la CSST paie pour le médicament Bricanyl, prescrit pour détresse respiratoire et dyspnée. Il explique que si la dose de médicament qu’il prend est plus importante, la détresse respiratoire l’est aussi. C’est dans ce contexte qu’il a consulté la docteure Talbot et qu’elle a prescrit Z-Pak, un médicament antibiotique[5] qu’il a pris pendant 10 jours et Alvesco, un bronchodilatateur, corticostéroïde pour inhalation buccale[6], qu’il prend toujours.

[56]        Dans une note adressée à la représentante du travailleur à la demande de cette dernière, et datée du 27 novembre 2012 (T-4), la docteure Talbot écrit qu’elle a rencontré le travailleur le 12 avril 2012 et lui a alors prescrit Z-Pak et Alvesco. Les diagnostics alors retenus étaient problème respiratoire exacerbé par médication intra thécale, composante infectieuse probable. Elle ajoute :

La monographie de la médication narcotique (dilaudid) note comme effet secondaire le bronchospasme. Je crois donc que la médication est en lien avec le diagnostic émis lors de cette visite.

 

 

[57]        Enfin, concernant la réclamation pour les frais de repas, le travailleur témoigne que la CSST lui a remboursé les montants de son repas et de celui de son accompagnateur, mais a refusé de lui rembourser le montant des pourboires qu’il a versé.

L’AVIS DES MEMBRES

[58]        Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d'employeurs partagent le même avis. Dans le dossier 424524, ils estiment que la requête du travailleur devrait être accueillie et qu’il a droit au remboursement du coût d’achat d’un avertisseur de fumée avec télécommande, et ce, conformément aux dispositions de la loi concernant la réadaptation. Les membres retiennent de la preuve que la condition physique du travailleur l’empêche de monter l’escalier et de ventiler à proximité de l’avertisseur pour stopper l’alarme. Dans le cas d’une alarme qui sonne sans cesse, il est impératif d’agir sur le champ pour l’arrêter. L’avertisseur de fumée avec télécommande favorise l’autonomie du travailleur qui peut ainsi continuer à faire réchauffer ses repas lorsqu’il est seul à la maison et arrêter l’alarme lorsqu’elle se déclenche.

[59]        Dans le dossier 479222, les membres sont d’avis que le travailleur a droit au remboursement du médicament Alvesco, un bronchodilatateur utilisé dans les cas de détresse respiratoire causée par la prise de dose importante de narcotique, selon l’avis de la docteure Talbot. Toutefois, les membres estiment que le travailleur n’a pas droit au remboursement du médicament Z-Pak, un antibiotique prescrit vraisemblablement pour une condition infectieuse, laquelle n’est pas démontrée être en relation avec la consommation de médicaments ou la lésion professionnelle.

[60]        Enfin, dans le dossier 488377, les membres sont d’avis que le travailleur a droit, conformément à la loi et au règlement, au remboursement des montants de 22,21 $ pour les dîners et de 43,10 $ pour les soupers.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[61]        La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement du coût d’achat d’un avertisseur de fumée avec télécommande.

[62]        Le tribunal doit également décider si le travailleur a droit au remboursement du coût des médicaments Z-Pak et Alvesco.

[63]        Enfin, la Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement des pourboires versés lors de repas dont les coûts sont par ailleurs remboursables par la CSST.

L’avertisseur de fumée

[64]        Le travailleur soumet que sa demande de remboursement pour l’achat d’un avertisseur de fumée avec télécommande s’inscrit dans le processus de réadaptation sociale prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[7] (la loi). Il réfère plus particulièrement aux articles 145, 151, 152 et 184 de la loi qui se lisent comme suit :

145.  Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 145.

 

 

151.  La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

152.  Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :

 

1° des services professionnels d'intervention psychosociale;

 

2° la mise en œuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;

 

3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;

 

4° le remboursement de frais de garde d'enfants;

 

5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.

__________

1985, c. 6, a. 152.

 

 

184.  La Commission peut :

 

1° développer et soutenir les activités des personnes et des organismes qui s'occupent de réadaptation et coopérer avec eux;

 

2° évaluer l'efficacité des politiques, des programmes et des services de réadaptation disponibles;

 

3° effectuer ou faire effectuer des études et des recherches sur la réadaptation;

 

4° prendre toute mesure qu'elle estime utile pour favoriser la réinsertion professionnelle du conjoint d'un travailleur décédé en raison d'une lésion professionnelle;

 

5° prendre toute mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle.

 

Aux fins des paragraphes 1°, 2° et 3°, la Commission forme un comité multidisciplinaire.

__________

1985, c. 6, a. 184.

 

 

[65]        Il est établi que le travailleur a subi une atteinte permanente à la suite de la lésion professionnelle et qu’en conséquence il a droit à la réadaptation que requiert son état.

[66]        Le tribunal en vient à la conclusion que le travailleur a droit au remboursement du coût d’achat d’un avertisseur de fumée, avec télécommande, dans le cadre de la réadaptation sociale.

[67]        D’abord, l’emploi du mot notamment dans l’article 151 de la loi fait en sorte que l’énumération des éléments qu’on y retrouve n’est pas limitative.

[68]         Ensuite, le tribunal est d’avis qu’un avertisseur de fumée avec télécommande aide le travailleur à surmonter les conséquences personnelles de la lésion professionnelle. En effet, les importantes limitations fonctionnelles reconnues au travailleur l’empêchent de monter l’escalier de sa maison. Il doit pour ce faire utiliser la chaise élévatrice dont le coût a d’ailleurs été assumé par la CSST.

[69]        Aussi, le travailleur a de la difficulté à travailler les bras plus haut que la hauteur des épaules, à cause, entre autres, de la pompe intra thécale. Selon les limitations fonctionnelles reconnues par le Bureau d'évaluation médicale, il doit éviter de soutenir l’épaule droite de façon prolongée au-dessus du niveau de l’horizontale, que ce soit en élévation ou en abduction.

[70]        Il ne doit pas non plus travailler dans une position instable.

[71]        Dans ce contexte, on peut comprendre qu’il lui est pratiquement impossible, alors qu’il est seul à la maison, de pouvoir ventiler l’espace situé juste au-dessous de l’avertisseur de fumée pour ainsi faire cesser l’alarme. Il ne peut non plus monter dans un escabeau pour ce faire.

[72]        Monsieur Brière a déjà tenté d’arrêter l’alarme avec sa béquille, mais il en a résulté, à deux occasions, que l’avertisseur est tombé au sol et s’est brisé.

[73]        Il appert de la preuve que l’avertisseur de fumée est installé au bon endroit pour assurer la sécurité des occupants de la maison. Le déplacement de l’appareil n’est donc pas une solution.

[74]        Aussi, le travailleur a expliqué que l’alarme se déclenche régulièrement parce qu’il doit laisser la porte du four ouverte, le temps de sortir son repas. Étant donné qu’il exécute cette tâche plus lentement à cause de ses limitations physiques, l’alarme se déclenche assez régulièrement. Il est alors impératif d’agir sur le champ pour l’arrêter puisque le son de l’alarme est plutôt insupportable. Par ailleurs, le voisin n’est pas toujours disponible pour ce faire. Une télécommande permet donc au travailleur de s’adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion.

[75]        Aussi, un avertisseur de fumée avec télécommande permet au travailleur de préserver son autonomie dans ses activités habituelles, soit la préparation de ses repas du midi, alors qu’il est seul à la maison et qu’il peut faire réchauffer les plats préparés par sa conjointe. Avec la télécommande, il est aussi autonome pour arrêter l’alarme du détecteur.

[76]        Enfin, l’achat d’un avertisseur de fumée avec télécommande est une mesure utile pour atténuer les conséquences de la lésion professionnelle.

[77]        En conclusion, le tribunal est d’avis que le travailleur a droit au remboursement du coût d’achat d’un avertisseur de fumée avec télécommande, ce qui apparaît en l’espèce la solution appropriée la plus économique.

Le remboursement des médicaments Z-Pak et Alvesco

[78]        Conformément aux articles 188 et 189 de la loi, le travailleur a droit au remboursement des médicaments prescrits par son médecin en lien avec son état en raison de sa lésion professionnelle :

188.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

__________

1985, c. 6, a. 188.

 

 

189.  L'assistance médicale consiste en ce qui suit :

 

1° les services de professionnels de la santé;

 

2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 

5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.

 

 

[79]        Le travailleur a témoigné que le médicament Bricanyl est payé par la CSST. Cela est confirmé aux notes évolutives du dossier qui font état de l’opinion de la docteure Lemay, médecin au bureau médical de la CSST, selon laquelle il y a lieu de reconnaître un lien entre les problèmes de bronchospasmes et l’usage de narcotique par le travailleur, en raison de sa lésion professionnelle. La CSST autorise donc le paiement du Bricanyl.

[80]        Lors d’une consultation en avril 2012, la docteure Talbot prescrit au travailleur Alvesco à la suite d’un problème respiratoire exacerbé par une médication intra thécale. Il est déjà reconnu que les problèmes de bronchospasmes que présente le travailleur sont en lien avec la médication qu’il consomme pour sa lésion professionnelle. En conséquence, le travailleur a droit au remboursement de ce médicament, qu’il prend d’ailleurs toujours, selon son témoignage.

[81]        Toutefois, lors de cette consultation, la docteure Talbot note des expectorations colorées depuis quelque temps. Dans sa note du 27 novembre 2012, adressée à la représentante du travailleur, elle parle d’une composante infectieuse probable. Elle prescrit un antibiotique, le Z-Pak, que le travailleur dit avoir pris durant 10 jours seulement, sans renouvellement.

[82]        Le tribunal retient de la preuve que le médicament Z-Pak est vraisemblablement relié à la composante infectieuse. Il n’est pas démontré de manière prépondérante que cette infection est reliée à la prise de médicament ou à la lésion professionnelle comme telle. Il n’apparaît pas non plus de la note de la docteure Talbot que la composante infectieuse soit reliée à la prise de médicaments, comme elle le mentionne pour le bronchospasme.

[83]        En conséquence, le travailleur a droit au remboursement du médicament Alvesco, mais n’a pas droit au remboursement du médicament Z-Pak.

Remboursement des frais de repas

[84]        Conformément à l’article 115 de la loi, le travailleur a droit au remboursement des frais de repas engagés pour recevoir des soins :

115.  La Commission rembourse, sur production de pièces justificatives, au travailleur et, si son état physique le requiert, à la personne qui doit l'accompagner, les frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation, selon les normes et les montants qu'elle détermine et qu'elle publie à la Gazette officielle du Québec.

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1985, c. 6, a. 115.

 

 

[85]        La CSST reconnaît que le travailleur a droit au remboursement des frais du dîner et du souper, pour lui et son accompagnateur, pour le 20 août 2012. Il appert toutefois de la décision rendue le 16 novembre 2012, à la suite d’une révision administrative, que la CSST est d’avis qu’il n’a pas droit au remboursement des pourboires versés pour le service de ses repas, parce qu’il ne s’agit pas de frais prévus à la loi ou au règlement.

[86]        Dans la loi, il est prévu que le travailleur a droit au remboursement des frais de séjour. Le Règlement sur les frais de déplacement et de séjour[8] est au même effet.

[87]        Il n’est pas contesté que les frais de repas réclamés par le travailleur pour lui et son accompagnateur respectent les dispositions réglementaires quant à la distance parcourue lors du déplacement et quant aux heures de départ et de retour à la maison.

[88]        Selon l’Annexe 1 du Règlement, les montants payables sont, pour les repas, jusqu’à concurrence de 14,30 $ pour le dîner et jusqu’à concurrence de 21,55 $ pour le souper.

[89]        Le tribunal est d’avis que l’expression frais de séjour utilisée dans la loi et dans le règlement, laquelle vise entre autres les frais de repas, comprend le coût du repas et celui du pourboire. Il est en effet habituel, sinon de mise, de laisser un pourboire pour le service du repas au restaurant. Le pourboire fait partie des frais de repas.

[90]        Selon les factures produites par le travailleur, il a versé un pourboire équivalent à 15 % du montant de la facture pour chaque repas, ce qui n’apparaît pas exagéré ni exorbitant; ce pourcentage est plutôt celui recommandé et appliqué couramment par les consommateurs.

[91]        Ainsi, le travailleur a droit au remboursement des frais de repas pris le 20 août 2012, par lui et son accompagnateur, jusqu’à concurrence du montant maximal prévu par le règlement.

[92]        Le travailleur a payé pour les deux dîners 22,21 $ alors qu’il a droit à un maximum de 28,60 $ (14,30 $ X 2). Il a payé 48,53 $ pour les soupers, alors qu’il a droit à un maximum de 43,10 $ (21,55 $ X 2).

[93]        En conséquence, le travailleur a droit au remboursement des montants de 22,21 $ et de 43,10 $, moins les montants déjà versés par la CSST.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 424524-04-1011

ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Gaétan Brière;

INFIRME en partie la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 22 octobre 2010, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement du coût d’achat d’un avertisseur de fumée avec télécommande.

Dossier 479222-04-1208

ACCUEILLE en partie la requête du travailleur, monsieur Gaétan Brière;

INFIRME en partie la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 2 août 2012, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement du médicament Alvesco;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement du médicament Z-Pak.

Dossier 488377-04-1211

ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Gaétan Brière;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 16 novembre 2012, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des montants de 22,31 $ pour les dîners et de 43,10 $ pour les soupers du 20 août 2012, les montants déjà versés par la CSST pour le remboursement du coût de ces repas devant être déduits.

 

 

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Diane Lajoie

 

 

 

Me Marie-Hélène Perron

BARABÉ, CASAVANT (SERVICES JURIDIQUES DE LA CSQ)

Représentante de la partie requérante

 



[1]           Brière et Centre de santé Cloutier-du-Rivage C.L.P. 271320-04-0509, 12 juin 2006, J.-M. Dubois.

[2]           Brière et Centre de santé Cloutier-du-Rivage, C.L.P. 321353-04-0706, 13 mai 2008, J.A. Tremblay.

[3]           Brière et Centre de santé Cloutier-du-Rivage, C.L.P., 403490-04-1003, 22 octobre 2010, M. Carignan.

[4]           Brière et Centre de santé Cloutier-du-Rivage, C.L.P. 414123-04-1007, 22 octobre 2010, M. Carignan.

[5]           Selon le Compendium.

[6]           Idem.

[7]           L.R.Q., c. A-3.001.

[8]           L.R.Q., c. A-3.001, r.8

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