Décision

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Y.L. et Compagnie A

2010 QCCLP 3781

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Drummondville

Le 18 mai 2010

 

Région :

Estrie

 

Dossier :

342540-05-0803-R

 

Dossier CSST :

121095368

 

Commissaire :

Lise Collin, juge administratif

 

Membres :

Nicole Girard, associations d’employeurs

 

Pierre Beaudoin, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Y... L...

 

Partie requérante

 

 

 

Et

 

 

 

[Compagnie A]

 

Partie intéressée

 

 

 

Et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 25 février 2009, monsieur Y... L... (le travailleur), dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision ou en révocation à l’encontre d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 12 janvier 2009.

[2]                Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette la requête du travailleur, confirme la décision rendue le 13 février 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) à la suite d’une révision administrative et déclare que l'emploi d'assembleur de petits articles est un emploi convenable, que le travailleur a la capacité d’exercer à compter du 30 novembre 2007.

[3]                La veille de l’audience fixée à Sherbrooke le 11 décembre 2009, le représentant du travailleur a avisé le tribunal de son absence et lui a fait parvenir une argumentation écrite. Le travailleur est présent et la CSST est intervenue par l'entremise de sa procureure.

[4]                Bien qu’elle ait comparu au dossier, la procureure de la CSST informe le tribunal qu'elle n’a pas reçu copie de l’argumentation du représentant du travailleur, constate que l'exemplaire qui lui est remis par le tribunal est en partie illisible, en raison du soulignement de nombreux passages, s'engage à demander au représentant du travailleur d'acheminer au tribunal et à elle-même une copie lisible de son argumentation et demande un délai pour en prendre connaissance et y répliquer.

[5]                Le jour même, elle adressait une lettre en ce sens au représentant du travailleur, lequel a transmis sans délai une copie lisible de son argumentation. L’affaire est mise en délibéré le 21 décembre 2009, date de réception de l'argumentation écrite de la procureure de la CSST. 

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[6]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer la décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 12 janvier 2009, au motif qu'elle contient un vice de fond de nature à l’invalider.

L’AVIS DES MEMBRES

[7]                Les membres issus des associations syndicales et d'employeurs sont d’avis de rejeter la requête du travailleur.

[8]                Il est manifeste que celui-ci est en désaccord avec la décision rendue et que par sa requête en révision, il cherche à obtenir une conclusion différente de celle à laquelle le tribunal en est arrivé, ce que le recours en révision ou révocation ne permet pas de faire.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[9]                La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision doit décider s’il y a lieu de réviser ou de révoquer la décision rendue le 12 janvier 2009 par le tribunal.

[10]           Après avoir pris connaissance de la preuve et des argumentations écrites et après avoir reçu l’avis des membres issus des associations syndicales et d'employeurs, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision conclut qu’il n’y a pas lieu de réviser ou de révoquer la décision du 12 janvier 2009 puisqu’elle ne contient aucun vice de fond de nature à l’invalider. Cette conclusion repose sur les éléments suivants.

[11]           Selon l’article 429.49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), les décisions de la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans appel.

[12]           Une décision peut toutefois être révisée ou révoquée sous certaines conditions prévues à l’article 429.56 de la loi.

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[13]           Il appartient à la partie qui demande la révision ou la révocation d’une décision de démontrer, au moyen d’une preuve prépondérante, l’un des motifs prévus par le législateur à l’article 429.56 de la loi, en l’occurrence, un vice de fond de nature à l’invalider.

[14]           Depuis les décisions rendues dans les affaires Produits Forestiers Donohue inc. et Franchellini[2], la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision interprète la notion de « vice de fond de nature à invalider la décision » comme faisant référence à une erreur manifeste en droit ou en fait qui a un effet déterminant sur le sort du litige. C’est donc dire que le pouvoir de révision ou de révocation est une procédure d’exception qui a une portée restreinte.

[15]           D’ailleurs, la Cour d’Appel dans les arrêts Fontaine et Touloumi[3] a donné son aval à cette interprétation en disant qu’une requête en révision interne ne peut être accueillie que lorsque la décision rendue est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés.

[16]           Ainsi, il y a une erreur manifeste et déterminante lorsqu’une conclusion n’est pas supportée par la preuve et repose plutôt sur des hypothèses ou de fausses prémisses, lorsqu’elle fait une appréciation manifestement erronée de la preuve ou adopte une méthode qui crée une injustice certaine[4].

[17]           Qu’en est-il en l’espèce? Afin de bien comprendre les enjeux en cause, un bref rappel des faits s’impose.

[18]           Le 13 août 2001, le travailleur qui est aide-opérateur haute pression pour le compte de l’employeur subit un accident du travail en tirant sur un boyau. Un diagnostic d'entorse lombaire est posé en premier lieu, suivi de celui de hernie discale L4-L5 gauche.

[19]           Après un traitement conservateur, la lésion professionnelle est consolidée le 23 décembre 2002 avec une atteinte permanente de 5,75 % et des limitations fonctionnelles consistant à éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente des activités qui impliquent de manipuler des charges de plus de 15 à 25 kg, travailler en position accroupie, ramper, grimper, effectuer des mouvements dans des amplitudes extrêmes de flexion, d'extension ou de torsion de la colonne lombaire, subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne.

[20]           Le 29 mars 2006, la Commission des lésions professionnelles[5] confirme le refus de la CSST de reconnaître une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation qui serait survenue les 25 février 2004 et 4 mai 2004, déclare que les diagnostics de hernie discale L5-S1 et de dépression ne sont pas en relation avec la lésion professionnelle du 13 août 2001. Elle décide également que le travailleur n'est pas capable de reprendre son emploi d’aide-opérateur et retourne le dossier à la CSST afin qu’elle détermine un emploi équivalent ou un emploi convenable.

[21]           Commence alors un long processus de réadaptation dont le dénouement est une décision prise unilatéralement le 27 mai 2007 par la CSST déterminant un emploi convenable d’assembleur de petits articles. Cette décision est contestée par le travailleur et il s'agissait là du litige dont devait disposer le premier juge administratif.

[22]           Les motifs du tribunal au sujet de la détermination d’un emploi convenable sont exposés aux paragraphes [207] à [270] de la décision[6].

[23]           Au soutien de sa requête en révision, le représentant du travailleur soumet :

.1° Que le premier juge administratif va à l'encontre de la preuve médicale non contestée et ne rapporte pas les propos intégraux du témoin du travailleur qui confirme que l’orienteur agissant au dossier, madame Chantal Paquet, a elle-même dit que « c’était un dossier de médicaments et qu'elle ne pouvait offrir d'emploi »;

 

.2° Que le premier juge administratif rejette la preuve médicale à l’effet que la médication prise, prescrite par le médecin ayant charge et défrayée par la CSST rend le travailleur incapable de travailler;

 

.3° Que le premier juge administratif ne traite pas du fait que le travailleur ne peut travailler avec de la machinerie tel que l’indique le médecin ayant charge du travailleur et les fiches signalétiques des médicaments utilisés par le travailleur;

 

.4° Que le premier juge administratif rend donc une décision contraire à la définition d'un emploi convenable selon l’article 2 de la loi, cela, sans justification;

 

.5° Etc.

 

 

[24]           De ceci, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision comprend que ce que le représentant du travailleur reproche au premier juge administratif, c'est d’une part, de ne pas avoir retenu le témoignage de son témoin et d’autre part, de ne pas avoir tenu compte des effets de la prise de médicaments sur la capacité de travail du travailleur.

[25]           Ces arguments ne peuvent être retenus.

[26]           Le fait que le premier juge administratif n'ait pas répété les propos intégraux d’un témoin du travailleur, au sujet de l’opinion de la conseillère en orientation, ne constitue pas une erreur déterminante. Il appartenait au premier juge administratif de retenir les éléments mis en preuve qui lui apparaissaient les plus probants aux fins de disposer du litige dont il était saisi, à savoir si l'emploi retenu par la CSST était un emploi convenable. D’ailleurs, s’il fallait que les décisions rapportent les témoignages dans leur intégralité, elles seraient interminables. Une décision n’est pas une transcription sténographique des témoignages entendus.

[27]           D’ailleurs, comme le plaide la procureure de la CSST dans son argumentation écrite, le premier juge administratif n’avait pas à décider du bien-fondé de l’opinion de madame Paquet. Il devait plutôt décider si l’emploi retenu par la CSST correspondait à la définition d’un emploi convenable. 

[28]           D’autre part, il est inexact de dire que le premier juge administratif n'a pas tenu compte de la prise de médication et de ses effets, la lecture de la décision démontre plutôt le contraire.

[29]           Ainsi, le premier juge administratif en traite au paragraphe [222] et en discute plus amplement aux paragraphes [225] à [227] de sa décision en retenant que les intervenants de la CSST ont considéré cet aspect et tenté d'aider le travailleur.

[30]           Dans son argumentation écrite, le représentant du travailleur reprend cet argument.

[31]           Plus précisément, il reproche au premier juge administratif de ne pas avoir tenu compte de lettres écrites par le docteur Jacques Turcotte, médecin ayant charge, dans lesquelles il est question que la médication prise perturbe l’état mental de son patient, amène un ralentissement psychomoteur, des troubles de l’attention et de la concentration et altère son jugement.

[32]           À ce sujet, la procureure de la CSST soumet que ces lettres ont été écrites avant que l’on en soit à l’étape de déterminer un emploi convenable et dans le contexte de comparutions du travailleur devant la Cour pénale.

[33]           La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision considère que le représentant du travailleur fait erreur en disant que le premier juge administratif a écarté l’opinion du docteur Turcotte.

[34]           Il apparaît à la lecture de la décision qu’il a plutôt retenu l’opinion du docteur Turcotte, mais pas dans le sens souhaité par le travailleur. Des lettres écrites par le docteur Turcotte, dans un contexte de procès pénal, le premier juge administratif a retenu le passage selon lequel le médecin reconnaît le côté bénéfique d'un retour au travail. Il appartenait au premier juge administratif d'apprécier la valeur probante de l’opinion du docteur Turcotte. Son appréciation est pertinente au litige dont il devait disposer et qui concerne la détermination d'un emploi convenable, elle repose sur la preuve et le premier juge administratif s’en explique. Devant cette situation, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision n’a pas à intervenir. 

[35]           Le représentant du travailleur soumet également que la CSST a décidé unilatéralement d’un emploi hypothétique qui ne respecte pas l'état global du travailleur ni ses limitations fonctionnelles.

[36]           Cependant, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision estime que le premier juge administratif a retenu de la preuve et écrit au paragraphe [231] de sa décision qu’il existe une convergence d’opinions des divers intervenants au dossier pour considérer que le travailleur peut être recyclé professionnellement malgré la présence de certains facteurs défavorables, mais que le travailleur a fait marche arrière, de sorte que la CSST était justifiée de prendre une décision unilatérale. Il expose sa démarche intellectuelle aux paragraphes [232] à [243].

[37]           Le représentant du travailleur reprend plusieurs paragraphes de la décision rendue par le premier juge administratif qui ne se suivent pas, de sorte qu’il est difficile de savoir où il veut en venir avec cet exercice. Il y ajoute ses commentaires dont la lecture démontre qu’il n’est pas d’accord avec l’interprétation de la preuve faite par le tribunal.

[38]           Or, comme le rappelle la procureure de la CSST dans son argumentation écrite, la jurisprudence[7] du tribunal en matière de révision ou de révocation est à l’effet que ce recours n'est pas une deuxième chance pour une partie de faire valoir sa preuve.

[39]           Le représentant du travailleur reproche également au premier juge administratif de ne pas avoir tenu compte de la condition globale du travailleur en faisant notamment référence au fait que dans un rapport d’évaluation neuropsychologique, le psychologue conclut que le travailleur présente de très faibles capacités intellectuelles et qu’il suggère une réintégration dans certains emplois très simples et concrets, sans obligation de lecture, d’écriture et de calcul.

[40]           Encore là, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision constate que le représentant du travailleur exprime son désaccord avec les conclusions auxquelles en arrive le premier juge administratif, ce que le recours en révision ne permet pas de faire. De toute manière, le premier juge administratif a traité de cette question aux paragraphes [245] à [249] de sa décision. Son raisonnement s'appuie sur la preuve, il est logique et rationnel et la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision n’a pas à intervenir.

[41]           Finalement, le représentant du travailleur reproche au premier juge administratif de ne pas avoir tenu compte que l'emploi convenable déterminé ne respecte pas certaines limitations fonctionnelles émises, dont celle de ne pas travailler en position accroupie.

[42]           Encore une fois, cela n'est pas exact puisque le premier juge administratif traite de la capacité résiduelle du travailleur aux paragraphes [250] à [253] de sa décision. Tel que le souligne la CSST dans son argumentation écrite, il discute précisément de la question de la limitation concernant la position accroupie au paragraphe [251] de sa décision. Il considère que le médecin a parlé « d’éviter » cette position ce qui n’interdit nullement de le faire à l’occasion et il s’appuie sur une décision[8] du tribunal allant en ce sens. Le raisonnement du premier juge administratif repose sur la preuve et le droit et la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision n'a pas à intervenir.

[43]           Le travailleur n’a donc pas démontré de vices de fond de nature à invalider la décision rendue par le premier juge administratif.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête produite le 12 janvier 2009.

 

 

 

__________________________________

 

Lise Collin

 

 

 

 

M. Éric Marsan

Léger &  Marsan, associés

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Marie-José Dandenault

Panneton Lessard

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]          Produits Forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ; Franchenelli et Sousa, [1998] C.L.P. 783

[3]          CSST et Fontaine, [2005] C.L.P 626 ; CSST et Touloumi, [2005] C.L.P. 921 (C.A.)

[4]           Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733

[5]          C.L.P. 230053-0403, 29 mars 2006, J.-C.Danis

[6]          Le tribunal devait aussi disposer d’un autre litige dans le dossier 328847-05-0709

[7]          Martel et Laiterie La Montagne ltée, C.A.L.P. 58232-02-9404, 17 janvier 1997, M. Carignan

[8]           Il s'agit de la décision rendue dans l'affaire Beaudoin et Agence de sécurité St-Jérome (fermé), C.L.P. 186939-64-0206, 7 juillet 2006

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