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[1] Le 18 novembre 2003, monsieur Mustapha Outor (le travailleur ) conteste une décision du 10 octobre 2003 de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision préalable du 20 mars 2003 et déclare que monsieur Outor n’a pas droit à une allocation d’aide personnelle à domicile, eu égard à un événement d’origine survenu le 2 décembre 1994.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[3] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision du 10 octobre 2003 et de déclarer qu’il a droit à l’allocation d’aide personnelle, et ce, depuis le 29 avril 1997, date où l’on a déterminé le pourcentage de l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.
L’AVIS DES MEMBRES
[4] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la preuve démontre que le travailleur a droit à une allocation d’aide personnelle à domicile. Toutefois, cette aide personnelle ne peut rétroagir à la date du 2 juin 1997, date du rapport du docteur Normand Taillefer. Cette aide ne peut être accordée qu’à compter du 21 janvier 2003, date de la demande du travailleur.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[5]
La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si
le travailleur a droit à l’allocation d’aide personnelle à domicile
conformément aux dispositions des articles
145
et
[6] Cette aide est accordée lorsqu’un travailleur qui a été victime d’une lésion professionnelle satisfait aux conditions suivantes, conformément au Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile :
1) il a une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique;
2) il est incapable de prendre soin de lui-même et d’effectuer sans aide les tâches domestiques qu’il effectuait normalement;
3) cette aide s’avère nécessaire au maintien ou au retour à son domicile.
[7] Lors de l’accident, dont a été victime le travailleur le 2 décembre 1994, le travailleur se serait coincé la main gauche dans l’engrenage d’une machine fixe. Le travailleur a subi, entre autres, une lacération au niveau de la face antérieure du poignet gauche, ainsi qu’aux niveaux des 3e et 4e doigts de la main gauche. Le travailleur sera opéré par le docteur A. Desjardins. Par la suite, monsieur Outor développe un syndrome douloureux progressif du 4e doigt, puis de toute la main, et éventuellement de tout le membre supérieur gauche.
[8] Dans le cadre de son évaluation du 2 juin 1997, le docteur Taillefer conclut à un syndrome d’algodystrophie sympathique réflexe très sévère et incapacitant au niveau du membre supérieur gauche. On lui reconnaît un déficit anatomo-physiologique de 40% en plus du préjudice esthétique sévère à l’avant-bras, au poignet et à la main gauche, de l’ordre de 13 %.
[9] Au moment de l’événement, le travailleur était gaucher et on l’a référé au Centre de réadaptation Lucie Bruneau, afin, entre autres, de rendre le travailleur fonctionnel avec son membre supérieur droit. Le travailleur était auparavant technicien en dessin assisté par ordinateur. L’ergothérapeute indiquait qu’il possédait les capacités physiques pour effectuer ce travail, mais qu’il avait besoin de parfaire ses connaissances en accomplissant un retour aux études.
[10] On recommande aussi l’achat et l’utilisation de plusieurs aides techniques afin de lui permettre d’être plus autonome et fonctionnel dans son milieu.
[11] Le travailleur explique qu’il est divorcé depuis 1989. Avant l’événement il faisait son ménage, préparait ses repas, effectuait le lavage, le repassage. Depuis, dit-il, ses laveuse et sécheuse à linge sont brisées, mais comme de toute façon, une personne qui fait son lavage et son repassage, il n’a pas à réparer ces appareils. Il est capable de préparer son petit déjeuner. Il n’a pas non plus besoin d’assistance pour s’approvisionner.
[12] Au niveau de l’aide corporelle, il n’est pas capable dit-il de se raser. Il visite le barbier de trois à quatre fois par semaine pour se faire raser. Il ne peut se couper les ongles et il a besoin d’aide pour l’habillage. C’est son fils qui, lorsqu’il est à la maison, l’aide.
[13] Quant à la préparation des repas, dit-il, il n’est plus en mesure de les préparer comme il le faisait auparavant, même si on lui a fourni un couteau et une planche stabilisatrice. Il ne peut utiliser le couteau que d’une seule main. De plus, il n’est pas capable de continuer à couper les légumes comme il le faisait auparavant, pour préparer les mets qu’il a l’habitude de manger.
[14] Le travailleur est marocain. Il est habitué à préparer des plats tels que le couscous et tagine. Il n’est pas en mesure de préparer ses viandes, de sorte que c’est sa femme de ménage qui prépare ses repas et il n’a qu’à les faire réchauffer.
[15] Il a été admis que madame Laila Kerki était entendu, elle confirmerait le témoignage de monsieur Outar à l’effet qu’elle procède à l’entretien ménager, à la préparation des repas, au lavage au repassage des vêtements de monsieur Outar,
[16] Il a également été admis que si monsieur Muni Outar, fils du travailleur, était entendu, ce dernier confirmerait qu’il aide son père à se déshabiller, lui coupe les ongles et qu’occasionnellement, il lui coupe la barbe. Le fils de monsieur Outar est étudiant et est occasionnellement à la maison.
[17] Monsieur Outar a été rencontré par madame Anne Marie Ouellet, ergothérapeute, à la demande de la CSST le 25 février 2003. Au niveau de l’évaluation des besoins, madame Ouellet constate qu’en ce qui concerne l’hygiène corporelle, le travailleur est autonome.
[18] En ce qui concerne l’habillage et le déshabillage, madame Ouellet mentionne que le travailleur refuse de retirer son chandail, mais qu’il verbalise comment il compense ses difficultés, à savoir qu’il passe d’abord son bras gauche d’abord dans la manche et qu’ensuite il réussit à enfiler la main droite sans trop de difficulté avec les boutons. Il parvient à retirer ses bas, mais a de la difficulté avec les chaussures. Madame Ouellet recommande d’utiliser un enfile bouton et de se procurer des chaussures avec du velcro ou des bottes avec des fermetures à glissière. Elle estime que le travailleur est autonome pour cette tâche.
[19] Elle constate que le travailleur possède déjà plusieurs aides techniques, qu’il a une bonne capacité résiduelle au niveau du membre supérieur droit, mais que le travailleur n’est pas réceptif à l’idée de modifier ses habitudes concernant la préparation des repas.
[20] En ce qui concerne le lavage de la vaisselle, le travailleur a une aide technique à succion pour laver la plupart des effets nécessaires. En regard du ménage léger, le travailleur est en mesure d’utiliser un plumeau de la main droite. Elle suggère pour ce qui est des planchers qui sont en bois, d’utiliser une vadrouille « Pledge ». Le travailleur peut sortir les poubelles Le travailleur n’a pas à faire son lit, car il couche dessus. Quant au ménage, le travailleur a bespom d'une aide complète.
[21] Enfin, en ce qui concerne le lavage du linge, c’est la femme de ménage qui apporte et lave les vêtements chez elle. L’ergothérapeute estime que le repassage peut se faire d'une seule main et qu’il ne s’agit pas d'une tâche essentielle et le travailleur pourrait privilégier les vêtements qui ne requièrent aucun repassage. L’ergothérapeute suggère des aides techniques additionnelles et la CSST conclut que le travailleur n’a pas besoin d’aide personnelle à domicile.
[22] Pour sa part, madame Guilda Benhamou, ergothérapeute, a procédé aussi une nouvelle évaluation des besoins du travailleur d’aide personnelle à domicile, et ce, le 23 mars 2004. Elle souligne que le travailleur vit seul dans son appartement au sous-sol, qu’il est divorcé, père de quatre enfants, qu’un seul de ses fils garde contact avec son père et qu’il l’aide dans certaines de ses activités domestiques.
[23] Monsieur Outar ressent des douleurs constantes au membre supérieur gauche de l’épaule à la main. Il sent son bras lourd et serré. Il est intolérant au froid. Il y a de l’enflure à l’avant-bras et à la main avec rougeur et sudation de la main.
[24] En ce qui concerne les activités quotidiennes, madame Benhamou mentionne qu’au niveau de l’habillage et du déshabillage, que le travailleur a besoin d’assistance partielle que son fils, lorsqu’il est présent, l’aide à boutonner sa chemise, à enfiler les manches de ses vêtements et à attacher sa ceinture. Il porte des chaussures sans lacets ou des bottes avec fermetures à glissière qu’il peut fermer avec sa main droite.
[25] En ce qui concerne son hygiène du matin, le travailleur dit avoir besoin d’aide pour se raser. Il attend donc que son fils soit présent ou il le fait faire pour un coût minime chez un barbier près de chez lui.
[26] Au niveau de la préparation des repas, l’ergothérapeute indique qu’il a besoin d’assistance complète que la femme de ménage vient trois fois par semaine pour faire l’entretien ménager et lui préparer les repas de la semaine. Elle les divise dans des plats et les laisse au réfrigérateur. Le travailleur les réchauffe. Monsieur Outar n’a pas l’utilisation de sa main gauche. Il ne peut donc éplucher, découper des aliments, ouvrir des pots, déplacer des chaudrons ou les sortir du four ou du réfrigérateur ni les laver. Monsieur Outar est d’origine marocaine et est proche de ses coutumes.
[27] En ce qui concerne le ménage léger, le travailleur ne peut faire la vaisselle ni changer les draps ni balayer. C’est la femme de ménage qui s’en occupe et son fils l’aide à l’occasion, soit pour faire la vaisselle ou sortir les poubelles. En ce qui concerne le lavage du linge, c’est la femme de ménage qui lave et repasse les chemises et pantalons.
[28] Madame Benhamou a procédé à un examen des amplitudes articulaires actives du travailleur et constate qu’au niveau de la flexion de l’épaule gauche, elle est à 42 degrés avec compensation notée avec élévation de l’épaule. Il ne peut faire d’extension. L’abduction est à 33 degrés et le travailleur ne peut faire de rotation ni interne ni externe. Au niveau des coudes, aucun mouvement actif n’est possible en flexion du coude gauche. Il en est de même au niveau du poignet et au niveau des doigts, il y a un très léger mouvement actif mais, ils ne sont pas fonctionnels. La main gauche est très enflée et est douloureuse.
[29] Madame Benhamou en conclut qu’une aide personnelle à domicile est nécessaire à raison de deux fois semaine pour les activités de la vie quotidienne, la préparation des repas car monsieur Outar se fie énormément sur les tâches effectués par sa femme de ménage et sur ceux de son fils qui l’aide de son mieux, compte tenu de son horaire chargé, pour combler les besoins de la maison.
[30] De la preuve présentée, la Commission des lésions professionnelles estime le travailleur a effectivement besoin d’aide personnelle à domicile, en fonction du tableau d’évaluation des besoins d’assistance que l’on retrouve au Règlement sur les normes et barème de l’aide personnelle à domicile.
[31] En regard de l’hygiène personnelle, la Commission des lésions professionnelles estime que la preuve démontre que le travailleur est capable de se laver seul, qu’il a la capacité d’utiliser le bain ou la douche et qu’il est capable de se coiffer, se raser et se maquiller. Le travailleur peut utiliser un rasoir électrique pour se faire la barbe.
[32] En ce qui concerne, l’habillage et le déshabillage, la preuve démontre que le travailleur n’est pas capable de se vêtir et de se dévêtir seul. Il a besoin d’aide partielle à ce sujet. On doit donc lui accorder un pointage de 1,5 % pour l’habillage et de 1,5% pour le déshabillage. Il faut tenir compte aussi que le travailleur doit mettre un manteau l’hiver pour sortir et qu’il peut difficilement attacher ses vêtements, particulièrement lorsqu’ils ont des boutons.
[33] En ce qui regarde la préparation du dîner et du souper, la Commission des lésions professionnelles estime que le travailleur a besoin d’une assistance complète. Le travailleur est limité uniquement à l’utilisation de sa main droite. Malgré, certaines aides techniques dont il dispose, il ne peut préparer les repas de la façon dont il est habitué de le faire et suivant la façon dont il est habitué de manger.
[34] La Commission des lésions professionnelles estime qu’à cet égard, le travailleur a besoin d’une assistance complète et qu’il y a lieu de lui accorder un pointage de 4 sur chacun des items pour la préparation du dîner et du souper.
[35] En regard, du ménage léger, le travailleur a besoin d’assistance partielle, car il est incapable de faire son lit. Il y a donc lieu de lui accorder un pointage de 0,5 à cet égard.
[36] En ce qui concerne le lavage du linge, même si le travailleur peut faire réparer sa laveuse et sa sécheuse, il demeure que selon la description des éléments évalués apparaissant au règlement, cela comporte les activités qui y sont reliées, telles les activités de plier et repasser linge, ce que le travailleur ne peut faire. Il y a donc lieu de lui accorder un pointage de 0,5 à cet égard. Enfin, en ce qui concerne le ménage lourd, le travailleur est incapable de le faire, il y a lieu de lui accorder un pointage de 1. D’ailleurs, le travailleur reçoit déjà de l’aide à cet égard.
[37]
Le total du pointage accordé est dont de 13, ce qui
correspond, suivant le tableau apparaissant au règlement, à un pourcentage de
30.4 % du montant maximum mensuel prévu à l’article
[38] La Commission des lésions professionnelles ne peut retenir la prétention de l’avocate du travailleur qui voudrait que l’aide personnelle à domicile soit accordée à compter du 1997. Cette aide personnelle peut toujours varier dans le temps et elle doit être établie à partir du moment où la demande est effectuée. Le tribunal voit mal comment il pourrait considérer, sauf dans certains cas exceptionnels, de faire rétroagir la date de demande de détermination de l’aide personnelle à domicile, à la date de l’évaluation médicale.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Mustapha Outar, le travailleur;
INFIRME la décision du 10 octobre 2003 de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le
travailleur a droit à l’aide à domicile à compter du 22 janvier 2003 et que
cette aide personnelle à domicile correspond à un pourcentage de 30,4 % du
montant maximum mensuel prévu à l’article
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Neuville Lacroix |
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Commissaire |
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Me Annie Gagnon |
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OUELLET, NADON & ASSOCIÉS |
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Représentante de la partie requérante |
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Me Marie-Claude Pilon |
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PANNETON LESSARD |
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Représentante de la partie intéressée |
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